Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BOCK, François DE

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BOCK (François DE), un des marins les plus habiles de Dunkerque, au XVIIe siècle, émigra à Ostende dès l’année 1646. C’est à lui, en grande partie du moins, qu’Ostende est redevable de la gloire d’avoir hérité de la puissance maritime de Dunkerque, tombée en 1658 au pouvoir de l’armée française, que soutenait une flotte de Cromwell. Dans une lettre adressée au roi Philippe IV, De Bock énumère les faits les plus importants de sa carrière de marin. Il s’y exprime ainsi : « Je ne rappellerai pas tous mes travaux et tous mes efforts depuis 1636, pour armer des vaisseaux et pour équiper des flottes qui furent, comme le disait le comte de Penaranda après le traité de Munster, le frein qui arrêta les excursions des Hollandais et qui contribua à faire conclure la paix. En quittant Dunkerque pour nous fixer à Ostende, mes amis et moi, nous avons réussi à relever la marine militaire, de telle sorte que la ville de Dunkerque, fameuse dans le monde entier, semble avoir émigré avec nous et être enfermée aujourd’hui dans Ostende. En 1649, quatre de mes navires menacèrent Dunkerque ; deux années plus tard, j’en envoyai quatorze croiser devant le même port, qui fut bloqué si étroitement pendant sept semaines que Neptune lui-même, porté par les tritons furieux, n’eût pu y pénétrer. En 1652, vingt-cinq vaisseaux que l’archiduc Léopoid me chargea d’armer, coopérèrent activement à la conquête de Gravelines, de Mardick et de Dunkerque. Enfin, pendant treize mois, j’empêchai que l’armée française ne dévastât toute la partie occidentale de la Flandre, et je contribuai encore à faire échouer les Français dans leur entreprise contre Ostende. » Ce dernier fait mérite d’être rapporté avec quelques détails. En effet, au milieu des revers des armes espagnoles dans nos provinces, ce fut le seul succès que put enregistrer don Juan d’Autriche, et De Bock, qui en cette circonstance avait pris le nom d’Ægidius Stapenius, y contribua beaucoup.

Si jusqu’ici De Bock nous apparaît comme un marin intrépide, nous allons le retrouver diplomate non moins habile dans ses négociations avec le cardinal de Mazarin. Ce prélat, ayant formé le projet de s’emparer d’Ostende par trahison, s’était adressé à cet effet à un colonel nommé Sébastien Spindeleer ; ce dernier, attaché à De Bock par les liens de la reconnaissance et tout dévoué au roi Philippe IV, feignit d’écouter les propositions du cardinal et fut envoyé par lui à son allié Cromwell. Spindeleer, dès qu’il connut les desseins de Mazarin et de Cromwell, les communiqua à De Bock et se concerta avec lui sur le moyen de les faire tourner à la honte de leurs ennemis. Voici les principales clauses du traité qu’ils conclurent avec Mazarin : « Le roi de France enverra une flotte montée par huit cents hommes de troupes, que les conjurés s’engagent à introduire dans la ville à un signal convenu. Ces troupes seront placées sous les ordres du maréchal d’Aumont, qui remettra à Spindeleer deux cent mille florins à son entrée dans le port d’Ostende. Toutefois, Spindeleer conservera le commandement absolu de la ville jusqu’à ce qu’une nouvelle somme de quatre cent mille florins lui ait été comptée au nom du Roi. Les propriétés seront respectées et tous les priviléges de la ville seront confirmes. Les habitants d’Ostende pourront s’établir dans n’importe quelle partie du territoire français et auront accès à tous les emplois et charges publiques. »

Le maréchal d’Aumont ayant été investi, sur l’ordre exprès du Roi, du commandement de l’expédition, Mazarin envoya à Ostende deux personnages chargés de surveiller les menées des conjurés.

Pour satisfaire aux réclamations du peuple adroitement excité par les conjurés et pour inspirer plus de confiance aux Français, on fit sortir de la ville quelques troupes, qui y rentrèrent de nuit, augmentées de plusieurs compagnies, et se cachèrent dans les principaux couvents. Alors éclate une nouvelle émeute, dirigée par Spindeleer et De Bock. On s’empare de Marc d’Ognate, bourgmestre du Franc, qui avait consenti à jouer le rôle de gouverneur, et on le charge de fers en attendant l’arrivée du maréchal d’Aumont. Les principaux forts tombent bientôt aux mains des révoltés et le drapeau français, hissé au sommet d’un bastion, est salué des cris de : Vive la France ! Sur ces entrefaites, le maréchal français, instruit de ce qui s’est passé dans Ostende, annonce à Mazarin que le succès le plus complet a couronné ses efforts ; il s’avance avec une flotte composée de dix vaisseaux de guerre ; mais à peine est-il entré dans le port, que le drapeau français est abattu et la flotte attaquée de toutes parts. Douze cents hommes, tant Anglais que Français, périrent ou furent faits prisonniers. Parmi ces derniers se trouvait le maréchal d’Aumont lui-même. Ce désastre de l’armée française eut des conséquences fort graves. En effet, comme le dit De Bock dans la relation qu’il nous a laissée, pendant treize mois, Cromwell et Mazarin éprouvèrent des pertes considérables tant en soldats qu’en vaisseaux et en argent, et la France, unie à l’Angleterre, perdit tout espoir de conquérir la Flandre. La relation de ces faits, écrite par De Bock lui-même, est conservée en manuscrit à la Bibliothèque royale de la Haye.

De Bock, en considération du dévouement dont il avait fait preuve envers le roi Philippe IV, fut nommé membre du conseil de Flandre.

Bon Alberic de Crombrugghe.