Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BOSQUIER, Philippe

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BOSQUIER (Philippe), ou BOSKHIER, prédicateur et écrivain ecclésiastique, né à Mons, le 26 octobre 1562, mort à Avesnes, le 25 mars 1636. Après avoir commencé ses études au collége de Houdain, il alla les achever à Paris, puis se rendit à Rome. Vers 1580, il prit l’habit de récollet au couvent de Luxembourg où il fit son noviciat. A Namur, il reçut les leçons du théologien Willot et se livra avec ardeur à la prédication.

En 1595, il séjourna au couvent d’Ath, et en 1601-1602, il fut nommé gardien du couvent de Luxembourg. Il se mit alors à parcourir le pays, prêchant contre les erreurs du temps, contre les ennemis de la domination espagnole et cherchant à soulever les masses contre les hugenots. On levit prêcher le carême à Saint-Omer, en 1598, prenant pour sujet la tentation du Christ dans le désert (In monomachiam incruentam regis regum Jesu-Christi et Luciferi in deserto... Atrebati, Riverii, 1599). Il présenta en 1612 à Louis XIII, à Paris, ses discours sur la parabole de l’Enfant prodigue; il parcourut l’Artois, le Cambraisis, la Champagne, le pays de Liége et le Hainaut. En 1615, dans son ouvrage Vegetius Christianus (Coloniæ Agrippinæ, Chrithius. 1615), il s’adressa à Jacques VI d’Angleterre pour l’exciter à une croisade contre les Turcs. Il habita quelque temps l’Italie et présenta à Paul V son livre Orator terræ sanctæ et Hungariæ. Duaci Catuacorum, typis Laurentii Kelmans, 1606. Familiarisé avec la langue italienne, il traduisit en latin quatre discours composés par Corneille Musso, cordelier et prédicateur italien, sur le Magnificat. Cette traduction parut en 1616, à Cologne, chez Chrithius, sous le titre: Chrysostomi Italorum,id est R. P. F. Cornelii Mussi, etc., Conciones aliquot Romæ habitæ canticum magnificat.

Bosquier fut le premier qui proposa d’élever une statue de bronze à Roland de Lassus; mais ce fut en vain qu’il s’adressa aux magistrats de Mons; son projet n’étant pas accueilli, il fit peindre le portrait du grand musicien et écrivit au bas le distique suivant, dû à la plume de Brasseur :

Ut Mons Orlandum Lysippi fingeres œre
Bosquier hunc tabulam pinxit Apellis ope.

Vers la fin de sa vie, en 1633, il offrit sa bibliothèque au collége de Houdain, pour la faire servir à l’instruction de la jeunesse, et en demandant seulement une place convenable pour la déposer. Cette fois sa demande fut accueillie. Lorsque, en 1848, on démolit l’église des Récollets à Avesnes, où Bosquier fut enterré, on retrouva sa pierre sépulcrale sous un parquet.

Bosquier s’acquit de son temps une très-grande renommée par ses prédications, ses nombreux ouvrages, ses oraisons funèbres, mais sa gloire lui a fort peu survécu. Ce qui le caractérisait, c’était la fougue et la vigueur, jointes au mauvais goût de son époque. Ses discours passionnés étaient remplis de citations classiques, de comparaisons empruntées aussi bien à la fable qu’à l’histoire sainte ou profane, et semées avec une profusion qui devenait fatigante. Au milieu des développements d’un sujet pieux ou d’une pensée morale, on s’étonne de voir apparaître quelque dieu ou quelque déesse du paganisme, de rencontrer des expressions pleines de trivialité et des plaisanteries vulgaires.

Bosquier a publié beaucoup d’ouvrages, dont l’indication serait trop longue; on peut d’ailleurs la trouver complète dans la Biographie montoise de M. Mathieu. Toute l’œuvre de Bosquier fut réimprimée en trois volumes in-f° sous le titre : R. P. F. Philippi Bosquieri, Cæsarimontani minoritæ abservant. prov. Flandriæ conventus Audomarensis opera omnia quæ hactenus prodierunt in duos tomos digesta ab auctore ipso; nova hæc editio, etc. Coloniæ Agrippinæ, apud Joannem Chrithium, MDCXXI, 1,378 pp.; tomus secundus apud Henricum Chrithium, MDCXXI, 1,338 pp.; tomus tertius, id., MDCXXVIII, 1,024 pp.

Nous croyons cependant devoir signaler ici quelques-unes des principales productions de Bosquier, d’abord à cause de la rareté des premières éditions, ensuite à cause de la vogue dont elles furent entourées à l’époque de leur apparition.

1o Bosquier débuta par l’ouvrage suivant : Tragœdie nouvelle dicte le petit razoir des ornements mondains : En laquelle toutes les misères de nostre temps sont attribuées tant aux hérésies qu’aux ornements superflus du corps, etc. Mons, Charles Michel, 1589, in-8o, 58 ff. non chiffrés. Cette tragédie, devenue une grande rareté, est une œuvre bizarre, où l’on rencontre de curieux détails sur les modes du temps et dans laquelle les personnages ou entreparleurs sont : « Dieu le Père, Dieu le Fils, Dieu le Saint-Esprit, la bénite Mère et Vierge Marie, l’ange ambassadeur de Dieu, sainte Élisabeth, Alexandre de Parme, le preud’homme, sa femme, le grand commandeur des hérétiques, le bragard pompeux, la dame pompeuse, le frère mineur prédicateur. » Le but de l’auteur est de soulever les vengeances populaires contre les Huguenots. — 2o L’académie des pécheurs bastie sur la parabole du prodigue évangélis, etc., à Mons, Charles Michel, 1596, in-8o, 402 ff. chiffrés au recto plus la table et les lim. — 3o Le fouet de l’Académie des pécheurs bastie sur la famine du prodigue évangélis, etc. Arras, La Rivière, 1597, in-8o. — 4o L’esclavage des pécheurs, ou l’Enfant prodigue devenu porcher. Mons, Rivière, 1599, in-8o. Bosquier aimait beaucoup, paraît-il, la parabole de l’Enfant prodigue. Il en fit le sujet de plusieurs discours dont les premiers furent publiés sous les titres que nous venons de donner ; ils furent réimprimés par Olivier Varennes, à Paris, et présentés par l’auteur à Louis XIII, le 12 mars 1612. Ils furent suivis, mais beaucoup plus tard, de La pénitence du prodigue, La consolation des désespérés, et le Supplément de la parabole du prodigue.

Nous connaissons deux portraits gravés de Bosquier ; le premier le représente à l’âge de trente-huit ans et se trouve dans son Panegyricus servo sito vincto dictus. Coloniaæ, 1616 ; le second, joint au troisième volume de ses œuvres complètes, a été gravé en 1619, quand l’auteur avait cinquante-sept ans.

J. Delecourt.