Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BOTTA-ADORNO, Antoine-Othon, marquis DE

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BOTTA-ADORNO, Antoine-Othon, marquis DE




*BOTTA-ADORNO (Antoine-Othon, marquis DE), chevalier de l’ordre de Malte, général d’artillerie et colonel d’infanterie, ministre plénipotentiaire près le gouvernement général des Pays-Bas autrichiens. D’après les uns, il était d’origine génoise; suivant d’autres, il était Milanais. Bien que la maison d’Adorno ait donné plusieurs doges à la République de Gênes, Alexandre de Botta-Adorno, père du futur ministre plénipotentiaire, résidait à Pavie, et ce fut très-vraisemblablement dans cette ville lombarde que naquit l’enfant qui devait être mêlé un jour à des événements mémorables du règne de l’impératrice Marie-Thérèse. Voilà ce que laisse deviner l’auteur du Siècle de Louis XV.

Après être parvenu aux premiers grades militaires dans les armées de l’Autriche, le marquis Antoine-Othon de Botta-Adorno avait été nommé ambassadeur impérial en Prusse, et il se trouvait à la Cour de Berlin lorsque, à la mort de l’empereur Charles VI, la Silésie fut envahie par Frédéric II. « Tandis que le roi de Prusse, dit un historien de la maison d’Autriche, amusait la cour de Vienne par des protestations d’amitié, il rassembla, dans les environs de Berlin, un corps de troupes très-considérable, et sut, jusqu’à ce que son armée fût en pleine marche vers les frontières (décembre 1740), déguiser ses intentions au marquis de Botta, qui avait été envoyé pour les sonder. » Marie-Thérèse rappela le marquis de Berlin et l’envova, comme ambassadeur, à Pétersbourg. Il y fut témoin, le 6 décembre 1741, de la révolution par laquelle Elisabeth Petrovna, fille de Pierre Ier, renversa la domination de la régente, Anne de Brunswick, dont le fils Iwan, héritier désigné de la couronne, fut jeté dans une prison. Deux ans après, le marquis de Botta est accusé par la tzarine d’avoir intrigué pour exciter un soulèvement en faveur du prince de Brunswick-Bevern, père de l’infortuné Iwan. Le marquis, qui était revenu à Berlin après la conclusion du traité de Breslau (11 juin 1742), se plaça en quelque sorte sous la protection de Frédéric II. Il est difficile d’éclaircir cet épisode; bornons-nous, faute d’autres renseignements, à rapporter l’appréciation d’un contemporain, qui s’exprime en ces termes, dans une note manuscrite sur le marquis de Botta : « Dans ce temps-là on découvrit ou on crut découvrir en Russie une conjuration où il fut enveloppé. Cette affaire fit beaucoup d’éclat. Le marquis demanda et obtint son rappel à Vienne pour s’y justifier. Le roi de Prusse prit sa défense; les choses furent tirées au clair. Leministre d’une puissance étrangère avait abusé de son crédit pour brouiller les deux cours. Un autre ministre étranger lui rompit en visière et l’obligea à quitter la Russie peu honorablement. Cette cour s’apaisa, et la bonne intelligence fut rétablie. »

Marie-Thérèse, intéressée à menacer la tzarine, avait d’abord marqué un vif mécontentement au marquis de Botta : on assure même que, lors de son retour en Autriche, elle l’avait fait conduire au château de Spielberg. Il rentra en faveur et fut envoyé en Italie pour y servir sous les ordres du prince de Lichtenstein, qui tenait tête à l’armée combinée de France et d’Espagne. Le 16 juin 1746, le marquis de Botta se trouve à la sanglante bataille dans laquelle le prince de Lichtenstein, après une lutte de neuf heures, défait, près de Plaisance, l’armée des Français et Espagnols alliés; le 10 août suivant, remplaçant le prince de Lichtenstein malade, Botta leur fait essuyer une nouvelle défaite au-dessus du Tidone; le 5 septembre, il prend possession de Gênes, au nom de l’impératrice-reine, à la tête d’un corps de quinze mille hommes. Mais bientôt il exaspère le peuple en usant avec trop de rigueur du droit de la victoire; il provoque ainsi le soulèvement si célèbre dans les annales de l’Italie sous le nom de Révolution de Gênes (9 décembre 1746). « Un prince Doria, a la tête du peuple, dit Voltaire, attaque le marquis de Botta dans le faubourg de Saint-Pierre-des-Arènes; le général et ses neuf régiments se retirèrent en désordre. Ils laissèrent quatre mille prisonniers et près de mille morts, tous leurs magasins, tous leurs équipages et allèrent au poste de la Bocchetta, poursuivis sans cesse par de simples paysans, et forcés enfin d’abandonner ce poste et de fuir jusqu’à Gavi. » Marie-Thérèse, loin de témoigner aucun ressentiment au marquis de Botta, l’éleva, après la conclusion du traité d’Aix-la-Chapelle (18 octobre 1748), à l’un des postes les plus envies de la monarchie autrichienne.

Le 2 avril 1749, deux mois après que les Impériaux eurent repris possession de Bruxelles, le général marquis de Botta-Adorno arriva dans cette ville en qualité de ministre de l’impératrice auprès et sous les ordres de Charles de Lorraine. Il succédait au comte Kaunitz-Rittberg qui, avant la guerre de la succession d’Autriche, occupait cette haute position. Le 21 avril, le marquis de Botta recevait le prince Charles, gouverneur général, à Tirlemont, et le surlendemain présidait à son entrée publique à Bruxelles. Lorsque le prince se trouvait dans les Pays-Bas autrichiens, le marquis de Botta lui abandonnait les rênes du gouvernement : la Gazette de Bruxelles l’appelait alors « ministre impérial, » c’est-à-dire, le premier après le gouverneur général, le principal conseiller, le ministre dirigeant du prince Charles. Il assistait à tous les conseils; il prenait connaissance de toutes les affaires d’État; il travaillait presque chaque jour avec le gouverneur général, tâchant, selon des expressions contemporaines, de procurer tout le soulagement possible à ces provinces, que la dernière guerre avait appauvries et énervées. L’acte le plus important du ministère du marquis de Botta fut l’octroi et le creusement du canal de Gand à Bruges. Déjà, au mois de mai 1749, il avait, avec le prince Charles, visité la Flandre et, au mois d’août suivant, il l’avait accompagné à Anvers dont la décadence était alors profonde. Il se trouvait également, le 14 avril 1750, à l’abbaye de Saint-Bernard, où le prince Charles eut une entrevue avec le stathouder des Provinces-Unies. Quelques jours après, le prince partait pour Vienne, et son absence devait se prolonger pendant quatre mois. Déployant alors, en vertu de sa commission, la qualité de ministre plénipotentiaire, c’est-à-dire, de représentant direct de l’impératrice, le marquis de Botta prit, jusqu’au retour du prince, le premier rang dans les cérémonies publiques en même temps qu’il se trouvait effectivement à la tête du gouvernement. L’année suivante, le prince étant retourné à Vienne, le marquis fit l’intérim pendant cinq mois. En 1753, il dut encore prendre les rênes du gouvernement. Du reste, il représentait avec beaucoup de magnificence, donnant fréquemment de grands repas aux ministres indigènes et étrangers, ainsi qu’aux autres personnes de la première distinction. Il s’occupait aussi, avec la plus grande assuidité, de tout ce qui concernait le militaire, passant les troupes en revue et assistant à leurs exercices. Il n’avait ni l’intelligence de son prédécesseur, le comte de Kaunitz, ni la puissante initiative qui distingua son successeur, le comte de Cobenzl; mais il travaillait consciencieusement à réparer les maux de la dernière guerre en ranimant le commerce, et à rendre les Pays-Bas moins vulnérables, en veillant, comme nous l’avons dit, à l’instruction et à la bonne organisation des troupes. Bien accueilli dans la haute société, il souhaitait cependant de quitter la cour du prince Charles pour se retirer en Italie. Ces vœux allaient être exaucés.

Le 13 mai 1753, jour anniversaire de sa naissance, l’impératrice-reine, avant de dîner en public avec l’empereur François de Lorraine, fit déclarer, selon l’usage, les « promotions » qu’elle avait arrêtées. Elle conférait, entre autres, au comte de Kaunitz-Rittberg la charge de chancelier de cour et d’État; au marquis de Botta-Adorno, ministre plénipotentiaire aux Pays-Bas, celle de ministre plénipotentiaire de l’empereur en Italie; au comte de Cobenzl, « ci-devant ministre plénipotentiaire de Leurs Majestés aux Cercles antérieurs de l’empire, » celle de ministre plénipotentiaire aux Pays-Bas. Le 19 août, le comte de Cobenzl arriva à Bruxelles dans un des carrosses du marquis de Botta, que celui-ci avait envoyé à sa rencontre, et, le 16 septembre, il prit possession, avec les cérémonies ordinaires, de la charge de ministre plénipotentiaire au gouvernement général des Pays-Bas. Le même jour, le marquis de Botta, qui avait été plein de prévenances pour son successeur, se rendit au château d’Enghien, où le duc d’Arenberg le festoya; d’Enghien il alla à Belœil, où la réception du prince de Ligne fut également magnifique. Le 20, il alla faire un tour en Flandre, accompagné du comte de Lalaing, gouverneur de Bruges. Enfin, le 2 octobre, ayant pris congé du prince Charles de Lorraine, il partit de Bruxelles pour Paris, et, après quelque séjour dans cette capitale, continua son voyage. Arrivé à Vienne le 22 octobre, il y passa plusieurs mois avant de se rendre en Italie pour y prendre possession de sa nouvelle dignité.

Il mourut à Pavie en 1774.

Th. Juste.

Histoire chronologique des gouverneurs généraux, des ministres plénipotentiaires, etc.. Mss. de la bibliothèque de Bourgogne, nos 16311 et 16312. — Coxe, Histoire de la maison d’Autriche, t. IV. — Voltaire, Siècle de Louis XV, chap. xxi. — Neny, Mémoires des Pays-Bas autrichiens, chap. xviii. — Gazette de Bruxelles, 1749 à 1753.