Biographie nationale de Belgique/Tome 3/BURE, Idelette DE

La bibliothèque libre.
◄  Tome 2 Tome 3 Tome 4  ►



BURE (Idelette DE), femme de Calvin, née à Liége vers 1500, morte à Genève, le 6 avril 1549, appartient à une famille échevinale de la vieille cité de saint Lambert qui se distingua, dès le XIVe siècle, par son attitude democratique et l’ardeur de son patriotisme. Un Vincent de Bure se mit, en 1468, à la tête des Rivageois et chassa de Liége l’évêque Louis de Bourbon et ses adhérents. Un Lambert de Bure, ancien bourgmestre de Liége et cousin d’Idelette, s’attira en 1533 une sentence de bannissement perpétuel pour avoir protesté contre les empiétements du gouvernement clérical. Il se retira à Bâle et plus tard à Genève. Bolsec parle de lui, et le calomnie sans doute en disant qu’il lui fut quelquefois reproché de porter un pourpoint de satin de la bourse des pauvres. Une De Bure, enfin, épousa à Liége, en 1550, Antoine Mulkea qui fut compromis, en 1568, à cause de ses sympathies pour le prince d’Orange. Idelette était réservée à de plus grandes épreuves, et, bien malgré elle, a plus de célébrité qu’aucun autre membre de sa famille. Elle épousa, entre les années 1520 et 1525, dans la paroisse de Sainte-Veronique, à Liége, Jean de Stordeur, dit de Fragnée d’après son domicile et afin de le distinguer des Stordeur de Bêcle qui demeuraient en Outre-Meuse. Ce Jean de Stordeur fut l’un des chefs du mouvement anabaptiste connu dans l’histoire du pays de Liége sous le nom de Revolte des Rivageois. La cherte des vivres ayant fait, en 1531, beaucoup de mécontents, les novateurs religieux se joignirent à eux, et obtinrent ainsi le redressement de leurs griefs. Mais le clerge, surpris et battu, ne tarda point à prendre sa revanche. On dressa des echafauds. Plusieurs y montèrent. Jean de Stordeur avait quitté à temps le pays avec sa femme, ses enfants et quelques-uns de ses disciples. Ses trois frères cependant, Libert, Gérard et Denis, payèrent pour lui. Ils furent mis à l’amende, et durent accomplir en chemise, tête et jambes nues, la corde au cou et un cierge en main, l’humiliante cérémonie de l’escondit. Idelette suivit à Bale son mari. Là, ils rencontrèrent, en 1535, Jean Calvin. Le réformateur genevois et le novateur wallon disputèrent longuement et à plusieurs reprises sur les dogmes fondamentaux du christianisme. Stordeur finit par s’avouer vaincu et se rangea avec les siens sous la bannière reformée. Peu de temps après, la peste survint et l’enleva. Idelette, folle de terreur, se sauva à Strasbourg avec ses enfants. Elle s’y fit des amis par son caractère et ses vertus. Le réformateur Bucer surtout ne tarissait point d’eloges sur son compte. Il la proposa à Calvin comme étant une épouse digne de lui. Celui-ci la revit, el le mariage fut arrêté. Des députés des consistoires de Neuchâtel et de Valangies et sans doute quelques réfugiés belges y assistèrent au mois de septembre 1540. Un an plus tard, Idelette, accompagnée de ses enfants du premier lit, vint retrouver son mari à Genève. Elle eut bientôt, comme mère, de grandes épreuves à traverser : l’un des fils de Stordeur se conduisit fort mal, et, des trois enfants qu’elle avait donnés à Calvin, elle n’en conserva pas un seul. Une maladie de langueur la conduisit au tombeau. Ce n’était point là une femme ordinaire. Tout nous l’atteste : les regrets éloquents de son époux, ceux de ses nombreux amis et admirateurs ; la nature de ses relations avec les réfugiés de tout rang, de tout sexe et de tout age ; et enfin sa bénigne influence sur tous ceux qui lui tenaient de près ou de loin.

C. A. Rahlenbeeck.

Foullon, Historia Leodiensis. II. — J. Bonnet, Lettres de Jean Calvin, Paris, 1814, I. — Le meme, Récits du seizième siècle, Paris, 1864. — Guill. de Meef, La mutinerie des Rivageois. publiée par M. Polain. Liége, 1835. — Arch. prov. de Liége. Grand greffe des échevins, C. reg. 154 et 160. — Theod. de Beze, In vita Calvini. Lettre de Jean Stordeur à Calvin, dans le ms. CXIII de la Bibl. publ. de Genève. — Loyens, Recueil héraldique des bourgmestres de Liége, etc. Liége, 1720. — Ch. Rahlenbeeck, L’Église de Liége et la révolution. Bruxelles, 1862. — J. Anderson, Les femmes de la Réformation. Paris, 1865.