Biographie nationale de Belgique/Tome 3/CARON, Noël DE

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CARON (Noël DE), seigneur de Schoonewale, diplomate, né à Bruges, ou dans la châtellenie de ce nom, vers le milieu du XVIe siècle, mort à Londres le 11 décembre 1624. Son père, après avoir été, dans sa jeunesse, attaché à la maison de Charles-Quint[1], avait rempli les fonctions successives d’échevin et de bourgmestre du Franc pendant trente années consécutives, de 1530 à 1560, date de sa mort. Noël de Caron, dont nous avons à nous occuper ici, devint lui-même échevin dans le collége du magistrat du Franc en 1574, et il ne cessa de faire partie de ce collége, soit comme échevin, soit comme bourgmestre, jusqu’à la réconciliation de Bruges et du Franc avec Philippe II. En 1581, les états généraux le nommèrent commissaire, conjointement avec le seigneur de Ryhove et le seigneur de Brouckxsault, pour le renouvellement des lois, c’est-à-dire des magistrats de la Flandre.

Noël de Caron avait embrassé avec ardeur la cause de la révolution et les idées de la réforme religieuse; il ne contribua pas peu à ce que le Franc de Bruges adhérât à l’union d’Utrecht. Lorsque, après avoir rejeté les offres de pacification qui leur avaient été faites, au congrès de Cologne, de la part du roi, les états généraux assemblés à Anvers eurent résolu de déférer la souveraineté des Pays-Bas au duc d’Anjou, les quatre membres de Flandre confièrent à Caron la mission de se rendre en France avec le sieur de Provyn, échevin de Gand, pour informer ce prince des conditions auxquelles était subordonné le vote des représentants de la nation, et l’engager à y souscrire. Les états généraux, ayant résolu d’envoyer une ambassade solennelle au duc, il fut un de ceux qu’ils désignèrent pour la composer; il figure parmi les signataires du traité de Plessis-lez-Tours (19 septembre 1580).

Élu, le 29 juillet 1581, député du Franc aux états généraux, Noël de Caron se montra, dans cette assemblée, tout dévoué à la politique et aux vues du prince d’Orange. La ville et le Franc de Bruges étant rentrés sous l’autorité du roi (20 mai 1584), il semblait que le mandat dont il était investi dût prendre fin; il continua cependant de le remplir. Au moment où ses concitoyens négociaient avec le prince de Parme, il était à Château-Thierry, auprès du duc d’Anjou, vers qui les états généraux, d’accord avec Guillaume le Taciturne, l’avaient envoyé, afin de faire goûter par François de Valois le nouvel accommodement que les provinces insurgées des Pays-Bas s’étaient déterminées à lui proposer. La mort du duc, survenue sur ces entrefaites, et l’assassinat du prince d’Orange, qui la suivit de près, ayant dérangé toutes les combinaisons des états généraux, ils résolurent d’offrir la souveraineté de leur pays au roi de France. Caron avait déjà sondé là-dessus les ministres de Henri III; il vint à Delft, pour rendre compte aux états des dispositions où il les avait trouvés et qui n’étaient rien moins que favorables. Les états n’en persistèrent pas moins dans leur résolution; des ambassadeurs, entre lesquels était Noël de Caron, furent chargés par eux d’aller exprimer au roi de France la volonté des Provinces-Unies d’être annexées à sa couronne.

Comme on pouvait le prévoir, Henri III refusa; alors les états recoururent à la reine de la Grande-Bretagne (juin 1585). A l’offre qu’ils lui firent de la souveraineté de leurs provinces, Élisabeth répondit à son tour par un refus; mais elle prit l’engagement de les secourir et de leur donner un chef qui leur manquait. A partir de cette époque, Caron, qui avait été au nombre des ambassadeurs envoyés en Angleterre, ne quitta presque plus ce pays, que pour venir rendre compte aux états de choses qui les intéressaient, ou pour remplir, auprès d’eux, des commissions dont il était chargé par la reine. L’agent que les Provinces-Unies entretenaient à la cour d’Élisabeth, Joachim Ortel, étant mort en 1590, elles nommèrent Caron à sa place l’année suivante : elles reconnaissaient ainsi le zèle et le talent qu’il n’avait cessé de déployer pour le soutien de leur cause. En 1597, la reine, ayant une affaire importante à négocier avec les états, désira que ce fut lui qui allât les en entretenir; à cette occasion, elle leur écrivit une lettre où elle parlait, dans les termes les plus flatteurs, de son habileté, de son caractère et de sa conduite. Après la paix de Vervins (1598), les archiducs Albert et Isabelle firent faire des ouvertures à Élisabeth, pour l’engager à suivre l’exemple du roi de France et à traiter avec l’Espagne; la reine s’empressa d’en instruire les états par Caron, qu’elle invita à se rendre tout exprès à la Haye. Ces ouvertures n’eurent pas de suite d’abord; mais Jacques Ier ayant succédé à Élisabeth en 1603, il fit la paix avec le roi Philippe l’année suivante. Les états, à cette nouvelle, mandèrent Caron, afin de connaître plus particulièrement les dispositions du nouveau souverain de la Grande-Bretagne et l’état de ce royaume. En le renvoyant à Londres, ils le revêtirent du caractère d’ambassadeur, que la cour d’Angleterre hésita à admettre publiquement, à cause de l’opposition qu’y fit l’Espagne : les scrupules des ministres anglais à cet égard ne cessèrent que lorsque Philippe III et les archiducs eurent, par la trève de 1609, reconnu les états pour libres et indépendants.

Noël de Caron remplit la charge d’ambassadeur des Provinces-Unies en Angleterre jusqu’à sa mort. Il s’était acquis beaucoup d’influence à la cour de Londres, et y jouissait d’une grande estime. Un écrivain néerlandais rapporte qu’il institua pour son héritier le prince de Galles, lequel n’accepta de sa succession que quelques objets insignifiants et abandonna le reste aux plus proches parents de Caron. Ses dépêches, qu’on conserve aux archives du royaume, à la Haye, témoignent de son habileté, comme diplomate et des services qu’il rendit à la république des Provinces-Unies dans une carrière de plus de trente années.

Gachard.

Archives de l’État à Bruges. — Archives du royaume, à la Haye. — Van Meteren, Histoire des Pays-Bas. — Pieter Bor, Nederlantsche Oorlogen. — Van Loon, Histoire métallique des Pays-Bas. — Correspondance de Guillaume le Taciturne, t. V. — Actes des états genéraux des Pays-Bas. 1576-1585, t. II. — Scheltema, Staatkundig Nederland.


  1. Dans l’état de la maison de Charles-Quint arrêté par ce monarque à Gand, le 21 juin 1517, Caron figure comme « aide de garde-robe ». En 1530 on le trouve inscrit parmi les officiers de la fourrière de l’Empereur. (Archives du Royaume.)