Biographie nationale de Belgique/Tome 3/CASSANDER, Georges

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
◄  Tome 2 Tome 3 Tome 4  ►



CASSANDER (Georges), écrivain ecclésiastique, né à Bruges, le 24 août 1513, mort à Cologne, le 3 février 1566. Quelques auteurs prétendent qu’il vit le jour dans l’île de Cadsand, d’où il aurait pris son nom. Quoi qu’il ne soit, Cassander se révéla comme l’un des hommes les plus remarquables de son époque, tant par la part importante qu’il prit aux discussions religieuses du xvie siècle que par ses efforts pour maintenir l’union dans l’église au moyen de certaines concessions réclamées par l’opinion publique.

Il cultiva d’abord les belles-lettres, se familiarisa avec les langues grecque et latine, et enseigna les humanités à Gand, puis à Bruges, où il obtint, en 1541, la première chaire publique fondée par l’évêque Jean De Witte. Plus tard, il s’occupa surtout de l’étude de la théologie et de celle du droit canonique. Ces études modifièrent ses convictions et les rapprochèrent, à certains égards, de celles des réformateurs. Dès lors il renonça à ses fonctions, se mit à voyager, séjourna quelque temps à Rome, et s’établit ensuite à Cologne. S’étant rendu compte des progrès immenses que faisaient les doctrines nouvelles, il examina les points religieux qui étaient controversés, à l’effet de trouver les moyens d’apaiser la tempête qui s’était élevée et d’empêcher qu’elle n’amena une plus grande scission dans l’Église ; il employa tous ses moments à écrire dans ce sens. Il avait, dit l’abbé De Feller, les qualités qu’il fallait pour atteindre un but si élevé : un zèle actif, une douceur toujours égale, un désintéressement parfait, des mœurs pures et un style modéré. En effet, dans toutes les controverses qu’il soutint, et malgré l’animosité de ses adversaires, il ne montra jamais d’aigreur et ne rendit point injure pour injure. Selon l’expression de De Thou, il avait ajouté à la connaissance des choses saintes la candeur de l’âme et une grande modération.

Il s’appliqua d’abord à bien connaître les points qui séparaient les catholiques des protestants. Parmi les abus dont il voulait la réforme, étaient compris la puissance exorbitante des papes, les pratiques superstitieuses introduites dans le culte des saints et des reliques, le célibat des prêtres. On voit que Cassander accepte plusieurs des grandes modifications réclamées par les protestants ; mais malgré cette largeur dans les idées, il n’attaqua jamais les dogmes de la religion catholique romaine. Tous ses soins, tous ses écrits ne tendaient qu’à faire revenir les parties dissidentes vers le consensus de l’ancienne église, qu’il crut trouver dans le symbole des apôtres et dans la doctrine conforme enseignée par les plus illustres pères de l’Église, depuis Constantin jusqu’à Grégoire le Grand.

Son ardeur pour la conciliation lui mérita le reproche d’avoir trop concédé aux protestants et ceux-ci l’attaquèrent à leur tour. C’est là le sort de tous ceux qui s’interposent entre deux partis extrêmes. En voulant contenter tout le monde on ne contente personne. Aussi les protestants ne lui ménagèrent-ils point ni injure, ni aigreur ; mais il ne leur rendit jamais le mal pour la mal. D’autre part, ses idées, ses sentiments furent condamnés en 1565 par l’université de Louvain et ses ouvrages mis, en 1616, à l’index à Rome ; la doctrine qu’il professait fut en outre anathématisée par le concile de Trente. L’auteur se soumit et rétracta publiquement ses erreurs peu de temps avant sa mort. Cependant il fut loué par quelques hommes modérés, tels que Joachim Hopperus et Georges Wyclius, qui rendirent justice à ses vues et à ses efforts pour pacifier l’Église. Les princes d’Allemagne le regardèrent même comme l’homme le plus propre à terminer les différends religieux entre leurs sujets. Le duc Guillaume de Clèves, entre autres l’envoya à Duisbourg, afin de reconcilier les anabaptistes avec l’église catholique. Cassander publia à cette occasion différents écrits contre le baptême des enfants.

Par suite de sa modération, il fut aussi tenu en grande estime par le prince Guillaume d’Orange, auquel l’avait recommandé le comte de Hornes, qui tâcha même de le faire entrer dans le conseil secret. L’empereur Ferdinand Ier l’appela pour se concerter avec lui sur les moyens à prendre pour obtenir l’union des différents partis. Cassander s’excusa à cause de l’état précaire de sa santé, mais il rédigea, à la demande de l’Empereur, un mémoire intitulé : Consultatio de articulis fidei inter catholicos et protestantes controversis, ad Ferdinandum I et Maximilianum II, imperatores, 1564, mémoire dédié à ce dernier, Ferdinand étant mort entre temps ; les propositions ne reçurent l’approbation d’aucunes des parties et les tentatives du conciliateur restèrent infructueuses. Ses œuvres ont été recueillies par Des Cordes. Paris, 1616, in-folio. On y trouve, outre ses ouvrages théologiques, des hymnes, des annotations sur les poésies de saint Fortunat, des dissertations et des lettres. On y remarque aussi De officio pii ac publica tranquillitatis vere amantis viri, in hoc dissidio religionis, imprimé d’abord à Bâle, en 1561, in-8o, publication qui fut fortement attaquée par Calvin et Beze, et qui ne plut guère d’avantage aux catholiques. M. Goethals (Lectures relatives à l’histoire des sciences, t. I, p. 56) donne une intéressante analyse des écrits de Cassander. Un biographe a très-bien résumé sa vie, en disant : « Il a fui la gloire, les honneurs et les biens ; il a vécu caché et retiré, n’ayant d’autre souhait que celui de procurer la paix à l’Eglise, d’autre occupation que l’étude, d’autre emploi que de composer des ouvrages qui puissent être utiles, ni d’autre passion que celle de connaître et d’enseigner la vérité. » Il mourut à Cologne et fut enterré chez les Franciscains, où son ami, Corneille Wauters, lui consacra une épitaphe. Son portrait est reproduit dans Brandt, Historie der reformatie, I. D, p. 260. Cassander avait pour devise : Quando tamen.

Aug. Van der Meersch.

Biographie de la Flandre occidentale, t. I, p. 65. — Delvenne, Biographie des Pays-Bas. — De Feller, Dictionnaire historique. — Biographie universelle, publiée par Ode. — De Thou, Histoire, l. 28, 36 et 38. — Niceron, Mémoires littéraires, t. 40. — Tessier, Éloge des savants. — Arnold, Kirchen— und Ketzer-historie. — Vander Aa, Nederlandsche hervormde kerk, t. I, aant., p. 14. — Kok, Vaderlandsch woordenboek. — Moreri, Dictionnaire historique.