Biographie rouennaise/BERNARD (Mlle Catherine)

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Th. Lebreton
(p. 27-28).

BERNARD (Mlle Catherine), née en 1632, était parente des deux Corneille et de Fontenelle. Élevée dans la religion réformée, elle fit, lors de la révocation de l’édit de Nantes, abjuration du calvinisme, ainsi que cela se trouve consigné dans le Mercure Galant du mois d’octobre 1685. Deux romans : les Malheurs de l’Amour et le Comte d’Amboise, qu’elle publia sous le titre modeste de Nouvelles, romans dans lesquels on admire, dit de Vizé, la délicatesse de l’expression et la finesse des pensées, commencèrent sa réputation. Vinrent ensuite un discours en prose et deux pièces de poésies, qui lui valurent, de 1691 à 1697, trois couronnes au concours de l’Académie Française. Elle obtint également trois autres couronnes à l’Académie des Jeux Floraux de Toulouse.

À ces triomphes académiques vinrent aussi s’ajouter les triomphes encore plus éclatans du théâtre. Mlle Bernard donnait, le 4 février 1689, une tragédie de Laodamie qui eut quelque succès. Brutus, autre tragédie, représentée le 18 décembre 1690, en eut un très grand, ce qui fit dire à de Vizé, dans son Mercure, que Mlle Bernard était une rivale très dangereuse pour ceux qui suivaient alors la carrière du théâtre.

Voltaire, qui, trois ans plus tard, traitait le même sujet, se souvint de quelques-uns des meilleurs passages de cette pièce, et fit plus que de les imiter.

Ces deux tragédies, qui avaient attiré sur leur auteur les regards de Louis XIV, lui valurent de ce monarque une pension de deux cents écus. Mme la chancelière de Pontchartrain, dont les conseils avaient déterminé Mlle Bernard a renoncer à écrire pour le théâtre, lui faisait aussi une pension et l’honorait de son amitié.

La réputation que s’était acquise par ses ouvrages cette compatriote et alliée des Corneille et de Fontenelle lui fit ouvrir les portes de la célèbre académie de Ricovrati, de Padoue. Mlle Catherine Bernard mourut à Paris dans l’année 1712, et fut inhumée dans l’église Saint-Paul.

Les ouvrages qu’elle a laissés et qui ont été imprimés sont : les Malheurs de l’Amour (Eléonore d’Ivrée), Paris, Michel Groult, 1687, in-12. — Le Comte d’Amboise, Paris, 1689. — Brutus, tragédie, 1691. — Inès de Cordoue, nouvelle espagnole, Paris, 1696, in-12. — On attribue encore à Mlle Bernard une tragédie de Bradamante, que l’on croit être la même que celle qui se trouve dans le théâtre de Thomas Corneille ; ce qui n’est pas mieux prouvé que la prétendue collaboration de Fontenelle à la tragédie de Brutus, fait trop légèrement avancé par quelques biographes. L’éloge de cette Rouennaise, dont le talent littéraire mériterait d’être plus connu, se trouve dans l’Histoire du Théâtre français, des frères Parfait.

(Voir une courte Notice biographique publiée par M. Cassin dans la Revue de Rouen, numéro d’octobre 1845.)