Biographie universelle ancienne et moderne/1re éd., 1811/Adelung (Jean-Christophe)

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ADELUNG (Jean-Christophe), littérateur et grammairien allemand, né le 30 août 1734, à Spantekow en Poméranie, fit ses premières études tant au gymnase d’Anclam, qu’à l’école de Closterbergen, près de Magdebourg, et les acheva à l’université de Halle. En 1759, il fut nommé professeur au gymnase d’Erfurt, qu’il quitta au bout de deux ans pour se fixer à Leipzig, où il se livra, jusqu’en 1787, aux immenses travaux qui furent si utiles à la langue et à la littérature allemandes. Dans cette année, il fut nommé bibliothécaire de l’Électeur à Dresde, où il mourut le 10 sept. 1806. Adelung a fait, à lui seul, pour sa langue, ce que l’Académie française et celle de la Crusca ont fait pour le français et l’italien. Son Dictionnaire grammatical et critique, qui parut à Leipzig, 1774, 1786, in-4º. (les 4 premiers vol. ont chacun 1800 pag. environ ; le 5e. est moins considérable, sa 2e. partie ayant dû contenir des suppléments qui n’ont pas été donnés), est très-supérieur au Dictionnaire anglais de Johnson dans tout ce qui concerne les définitions, la filiation, l’ordre des acceptions, et surtout l’étymologie des mots ; il lui est inférieur pour le choix des auteurs classiques cites à l’appui des significations ; soit qu’à l’époque où Adelung prépara les matériaux de son travail, un grand nombre des meilleurs écrivains de l’Allemagne ne fussent pas connus, ou n’eussent pas encore l’autorité qu’ils ont acquise depuis, soit que les préventions d’Adelung pour les auteurs nés dans la Saxe supérieure, lui aient fait injustement négliger ceux dont la patrie ou le style ne lui inspirait pas assez de confiance. Il avait pris pour type du bon allemand, le dialecte du margraviat de la Misnie, et réprouvait tout ce qui est contraire à l’usage des hautes classes de la société dans cette province, et des auteurs les plus célèbres qui en sont sortis. Persuadé que les langues sont l’ouvrage des nations, et jamais celui des individus, même les plus distingués, et donnant à juste titre à l’idiome misnique, comme au plus riche et au plus anciennement cultivé de l’Allemagne, la préférence sur les autres, il oublia trop peut-être que la langue des livres est, dans ce pays plus que dans tout autre, l’ouvrage des hommes de lettres, et que le manque d’un centre politique, joint au dédain des cours pour l’idiome national, avait imposé aux écrivains la loi, et leur avait donné le droit de tirer du fonds de la langue toutes les richesses qu’il offrait, et de mettre à contribution les dialectes particuliers. L’esprit sage et méthodique d’Adelung fut sans doute effrayé de l’espèce d’anarchie et du déluge de mots nouveaux dont l’organisation sociale de l’Allemagne et les droits de création illimitée que quelques beaux génies s’arrogèrent, menaçaient la langue ; mais il ne lui rendit pas toute la justice qu’il avait d’ailleurs tant d’intérêt à lui rendre, et méconnut sa prodigieuse flexibilité, ainsi qu’une des propriétés qui lui sont communes avec le grec, celle de se prêter indéfiniment, et sans nuire à la clarté ni à la noblesse, à tous les développements avoués par l’analogie. Le traducteur d’Homère, Jean H. Voss. et Joa. H. Campe, ont vivement, et peut-être avec trop peu d’égards, reproché à Adelung les lacunes de son Dictionnaire, et sa partialité dans le choix de ses autorités ; l’un et l’autre ont promis, et déjà commencé de remédier à ces défauts, en refaisant le Dictionnaire critique de la langue sur un plan plus étendu. Celui d’Adelung a été réimprimé en 4 vol. in-4º, à Leipzig, de 1793 a 1801, avec des augmentations qui ont donné plus de prix à ce bel ouvrage, mais qui ne sont en aucune proportion avec l’accroissement des richesses et le perfectionnement de la langue durant l’intervalle de temps qui s’était écoulé depuis la 1er édition ; nouvelle preuve que les plus éminentes facultés, la plus vaste érudition et le travail le plus infatigable, ne parviennent jamais à corriger les défauts du plan d’une première ébauche. Les autres principaux ouvrages de cet homme universel , sont : I. Glossarium manuale ad scriptores mediæ et infimæ latinitatis, Halle, 1772-84, 6 vol. in-8º. C’est un abrégé du Glossaire de Ducange et des additions de Charpentier ; II. trois Grammaires allemandes; 1o. la première est un Traité sur l’origine, les vicissitudes, la structure et toutes les parties de la langue, en 2 vol. gr. in-8º, Leipzig, 1782, qui est rempli de recherches utiles, et qui a, plus qu’aucun autre ouvrage, contribué à répandre des notions justes et profondes sur la nature, la syntaxe et les idiotismes de l’allemand ; cet ouvrage est comme le commentaire ; 2o. d’une Grammaire usuelle en un vol. in-8º, Berlin, en 1781, 1792, 1795, 1800, etc., adoptée dans les écoles ; 3o. un Abrégé destiné aux commençants, et souvent réimprimé ; III. un Traité du style allemand, Berlin, 1785, 1788, 2 vol., la 3e. édit. est de 1790 ; c’est un des meilleurs livres sur la philosophie de la rhétorique, qui existent en aucune langue ; IV. Des suppléments, en 2 vol. in-4º, au Dictionnaire des gens de lettres de Jœcher, 1784 et 1787 ; ils s’arrêtent malheureusement à la lettre J. ; V. Histoire des folies humaines ou Biographies des plus célèbres nécromanciens, alchimistes, exorcistes, devins, etc., sept parties, Leipzig, de 1785 à 1789 ; VI. Tableau de toutes les sciences, des arts et métiers qui ont pour objet de satisfaire aux besoins ou d’augmenter les agréments de la vie, 4 parties, Leipzig, 1778, 1781, 1788 ; cette petite Encyclopédie est un modèle de précision et de clarté ; aucune des nombreuses divisions des connaissances humaines, ou des arts pratiques, n’y est traitée superficiellement. On peut considérer cet ouvrage comme un des plus beaux titres par lesquels Adelung a prouvé ses droits à devenir le lexicographe et le législateur de sa langue. VII. Essai d’une Histoire de la civilisation du genre humain, Leipzig, 1782, 1788 ; VIII. Histoire de la philosophie, 3 vol., ib. 1786, 1787, gr. in-8º ; ces deux ouvrages ne sont pas très-profonds, mais exempts de rêves métaphysiques et de vaines subtilités, et pleins d’aperçus fins et d’idées lumineuses ; IX. un Traité fort étendu sur l’orthographe allemande, in-8º, 1787. Plusieurs grands écrivains de l’Allemagne, (Wieland entre autres), ont eu le bon esprit d’adopter les principes d’Adelung, et de se soumettre à celles de ses décisions qui n’étaient pas évidemment erronées : cette déférence, également honorable pour ce célèbre grammairien et pour les hommes qui se rallièrent à lui, contribua beaucoup à remédier aux inconvénients du défaut d’une Académie et d’un centre national pour les travaux relatifs au perfectionnement de la langue ; X. La plus ancienne Histoire des Teutons, de leur langue et de leur littérature, jusqu’à l’époque de la grande migration des peuples, Leijzig, 1806, gr. in-8º ; XI. Mithridate, ou Tableau universel des langues, avec le Pater en cinq cents langues ou idiomes, Berlin, 1806, in-8º. Le premier volume, qui contient les langues asiatiques, fut imprime immédiatement avant sa mort ; le second, qui a paru en 1809, et qui traite des langues de l’Europe, a été achevé par un savant philologue, M. Jean-Séverin Vater, alors professeur à Halle, maintenant à Kœnigsberg. La première partie appartient seule à Adelung ; elle comprend les langues cantabrique ou basque, celtique, germanique, et un commencement de recherches sur la langue qu’il appelle thracico-pelasgico-grecque et latine. M. Vater a complété le travail d’Adelung, en faisant la revue des dialectes esolavons et des idiomes des Lettes, des Finlandois, des Lapons, des Hongrois, des Albanois et des Valaques. Le 3e. et dernier volume, qui embrasse les langues d’Afrique et d’Amérique, est presqu’en entier l’ouvrage de M. Vater ; il doit paraître dans le courant de 1810, et devra un de ses principaux ornements aux matériaux que MM. de Humboldt (nobile par fratrum), ont mis à la disposition de l’éditeur. Les deux derniers ouvrages d’Adelung, fruit des travaux de sa vieillesse, quoique très-recommandables par une vaste érudition et des discussions lumineuses, n’égalent pas les premiers. Cela n’empêche pas que son Mithridate ne surpasse celui que Conrad Gessner avait publié plus de deux siècles auparavant, sous le même titre, de toute la somme des connaissances acquises en glossologie, depuis l’époque où ce savant vivait. Adelung ayant, jusqu’à sa mort, consacré quatorze heures par jour à des travaux purement littéraires, il est fort simple que sa vie n’offre aucun événement remarquable. Il ne fut jamais marié ; sa femme, disait-on de lui, c’est sa table à écrire ; ses enfants, ce sont 70 volumes grands ou petits, tous sortis de sa plume. Il aimait la bonne chère, et sa seule dépense était de se procurer une grande variété de vins élrangers ; sa cave, qu’il avait coutume d’appeler sa Bibliotheca selectissima, en renfermait de 40 espèces. Une constitution très robuste lui permettait de travailler sans relâche, et ce qui contribua sans doute à lui conserver sa santé, ce fut une gaîté franche qui le faisait rechercher de ses nombreux amis. Adelung a laissé un neveu, M. Frédéric Adelung, précepteur des grands-ducs de Russie, et anobli par l’empereur Alexandre ; il a hérité du goût de son oncle pour l’étude de sa langue, et il s’est montré digne de son nom par des recherches curieuses sur les anciens poëmes allemands qui ont passé de la Bibliothèque de Heidelberg dans celle du Vatican.S—r.etV—s.



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