Biographie universelle ancienne et moderne/2e éd., 1843/BOURDIC-VIOT (Marie-Anne-Henriette Payan de L’Étang de)

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Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843
Tome 5 page 297 à 298

BOURDIC-VIOT (Marie-Anne-Henriette Payan de L’Étang de)


BOURDIC-VIOT (Marie-Anne-Henriette Payan de L’Étang de), naquit à Dresde, en 1746 de parents peu fortunés. Amenée en France à l’âge de quatre ans, elle épousa, à treize ans, le marquis Ribière d’Antremont, habitant du comtat Venaissin, qui la laissa veuve à seize ans. Dès la plus tendre enfance, elle composait des vers qui ne lui coûtaient guère que la peine de les écrire ; elle suivait d’instinct les règles de la versification ; et, comme son imagination très-active avait été éveillée de bonne heure, les expressions venaient se placer d’elles-mêmes sous sa plume. Madame d’Antremont était fort loin d’être jolie, mais elle avait une taille élégante. Aussi disait-elle, en parlant d’elle-même : « L’architecte a manqué la façade. » Pour réparer ce désagrément, elle résolut d’acquérir des connaissances profondes dans tous les genres. L’étude de l’allemand, du latin, de l’italien et de l’anglais partagea ses moments avec celle de la musique, pour laquelle elle avait un goût très-décidé. En lisant les écrivains étrangers dans leur idiome, son imagination s’appropria une partie de leurs beautés. On remarque dans ses poésies cette indépendance de raison qu’elle avait puisée dans Montaigne, pour qui elle avait une prédilection marquée. Madame d’Antremont épousa en secondes noces le baron de Bourdic, major de la ville de Nîmes. Elle put se livrer entièrement à son goût pour la musique et la poésie ; mais comme elle n’attachait aucune importance à ses productions, elle eut souvent occasion de lire avec étonnement dans l’Almanach des Muses les vers qu’on lui avait dérobés. Elle s’était tracé un cercle littéraire, dont elle n’est sortie que deux fois ; la première, par une Ode au Silence ; la seconde, dans l’Éloge de Montaigne, qu’elle composa pour sa

réception à l’académie de Nîmes, en 1782. L’Ode au Silence est pleine d’idées sublimes, et ne serait pas désavouée par les meilleurs poëtes lyriques. Madame de Bourdic devint une seconde fois veuve, et épousa en troisièmes noces M. Viot, administrateur des domaines. Elle se fixa à Paris, où sa société fut recherchée par tout ce qu’il y avait de gens aimables[1]. Outre l’Éloge de Montaigne, Paris, Pougens, an 8 (1800), in-18. madame de Bourdic-Viot avait composé l’Éloge du Tasse et celui de Ninon de Lenclos, qui n’ont point été imprimés. Elle avait fait un opéra en 3 actes, intitulé : la Forêt de Brama, que M. Eler a mis en musique, et qu’il n’a pu faire représenter. Madame de Bourdic-Viot a été emportée par une maladie violente, le 7 août 1802, à la Ramière, près de Bagnoles[2]


  1. Elle se lia d’amitié avec madame du Boccage, qui dut à son intervention la pension qu’elle obtint sur la fin de sa vie. D-R-R.
  2. Elle était membre de plusieurs musées, lycées et académies, entre autres de celle des Arcadiens de Rome. Voltaire, Blin de Sainmore, et Laharpe l’ont célébrée. On a dit d’elle : « que la plume de Pline le Jeune et la lyre de Sapho n’eussent pas été déplacéesdans ses mains :

    Et des talents et de la grâce
    Bourdic reçut le double don.

    Les vers que Voltaire lui adressa en échange des siens sont supérieurs à tous ceux qu’elle a fait faire et qu’elle a faits ; ils se terminent par ce trait charmant : Sapho

    Chanta l’amour ; elle est votre modèle ;
    Vous possédez son esprit, ses talents.
    Chantez, aimez, Phaon sera fidèle.