Biographie universelle ancienne et moderne/2e éd., 1843/CIBOT (Pierre-Martial)

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Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843
Tome 8 page 274

CIBOT (Pierre-Martial)


CIBOT (Pierre-Martial), missionnaire français, né à Limoges, en 1727, entra fort jeune chez les jésuites, et y professa les humanités avec succès. Lorsqu’il eut achevé ses études de théologie et reçu les ordres sacrés, il obtint, après de persévérantes instances, la liberté de suivre la vocation qui le portait à se consacrer aux missions de la Chine. Il partit de Lorient le 7 mars 1758 sur le d’Argenson, qui faisait partie d’une escadre de neuf vaissaux armés en guerre. Après avoir touché à Rio-Janeiro, et fait quelque séjour dans les Iles de France et de Bourbon, il continua sa route vers la Chine, et aborda à Macao le 26 juillet 1759. Destiné par des supérieurs à augmenter le nombre du missionnaires de la cour, le P. Cibot quitta Macao vers la mi-mars, et arrive le 6 juin 1760 dans la capitale de l’empire, et il passa les vingt dernières années de sa vie, sans cesse occupé, soit des fonctions du ministère apostolique. soit des travaux particuliers que le service du palais exige des missionnaires européens. Né avec beaucoup d’esprit et d’imagination, et douéd’une conception vive, qui lui donnait une étonnante facilité pour tous les genres d’études, on le vit se livrer à l’astrononomie, à la mécanique, à l’étude des langues et de l’histoire, à l’agriculture, à la botanique, et aucune partie des sciences ne paraissait lui être étrangère. Pendant les vingt années de sa résidence à Pékin, il n’a cessé d’enrichir la France d’observations précieuses sur les productions, les arts et les mœurs des Chinois, et c’est à lui, ainsi qu’au savant P. Amiot, son collègue, que nous devons la plus grande partie des renseignements qui nous sont parvenus sur cet empire, pendant les quarante dernières années du siècle qui vient de s’écouler. Les observations de ces deux laborieux missionnaires se trouvent répandues dans les 15 volumes in-1° des Mémoires sur les Chinois, dont ils forment la majeure partie. Nous n’entreprendrons pas d’indiquer ici toutes celles qui appartiennent au P. Cibot ; leur seul énoncé occupe sept colonnes in-4o dans la table générale des matières, t. 10, au mot CIBOT : nous prenons le parti d’y renvoyer nos lecteurs. L’Essai sur l’antiquité des Chinois, inséré dans le t. 1er des Mémoires, est l’écrit le plus considérable de ce jésuite, et le plus remarquable par la divergence de ses opinions d’avec celles de ses confrères. Il prétend y prouver qu’Yao fut le fondateur et le premier législateur de l'empire, et regarde comme fabuleux les règnes des sept empereurs qui l’ont précédé. Ce système est celui de quelques écrivains chinois ; mais il est démenti par le témoignage presque unanime de tous les autres lettrés. Ce mémoire, qui ne fut publié en France que sous le nom supposé du P. Ko, jésuite chinois, était le premier coup d’essai du P. Cibot depuis son séjour à la Chine. Il parait que la réflexion et des études plus mûres lui auront fait ensuite changer de sentiment, puisque dans tous les écrits postérieurs qu’il a publiés, on ne trouve rien qui vienne à l’appui de cette première opinion. Le P. Amiot, sans attaquer ouvertement son collègue, crut devoir, de son côté, défendre l’intégrité de la chronologie chinoise, et il envoya en France son excellente dissertation sur l’Antiquité des Chinois, prouvée par les monuments, insérée à la tête du t. 2 des Mémoires. Cette opposition dans la manière de voir et de penser de deux missionnaires vivant sous le même toit annonce au moins qu’ils n’étaient soumis à l’influence d’aucune autorité, et que, libres dans leurs opinions, ils n’ont écrit que d’après celle qui leur était propre. Les preuves ont été produites de part et d’autre : c’est aux savants de l’Europe à les juger. Le P. Cibot n’attachait aucun prix à ses ouvrages, et il poussa la modestie si loin à cet égard, qu’il ne voulut jamais mettre son nom à aucun de ses écrits. On peut lui reprocher un peu de diffusion dans le style, et quelquefois trop d’écarts d’imagination ; mais ces légers défauts sont amplement compensés par le fond toujours intéressant de ses observations, par l’étendre et la variété de ses recherches, et par la connaissance utile qu’il nous donne d’un grand nombre de morceaux d’écrivains chinois, dont il nous a fourni ou les extraits ou les traductions. Ce missionnaire est mort à Pékin, le 8 août 1780. G―R.