Biographie universelle ancienne et moderne/2e éd., 1843/CICCI (Marie-Louise)

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Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843
Tome 8 page 275 à 276

CICCI (Marie-Louise)


CICCI (Marie-Louise, l’une des muses italiennes de la fin du 18e siècle, naquit à Pise, le 14 septembre 1760. À deux ans, elle eut le malheur de perdre sa mère. Son père, noble de naissance et jurisconsulte de profession, surveilla son éducation jusqu’à l’âge de huit ans ; alors, suivant l'usage de son pays et de son temps, il la mit dans un couvent de religieuses, et, voulut que l'instruction de sa fille se bornât à la pratique des vertus et des devoirs domestiques, il fit même écarter d'elle tout ce qui sert à l’art d'écrire. Il était loin de prévoir l’usage qu’elle en ferait un jour. Malgré toute la surveil lance de ses institutrices, Marie-Louise lut en cachette quelques bons poëtes italiens : il n’en fallut pas davantage pour que son génie poétique se déclarât. On eut beau lui interdire l’encre et les plumes ; du jus de raisin et de petits morceaux de bois qu’elle y trempait lui suffisaient pour fixer ses pensées sur le premier morceau de papier venu. Elle écrivait ainsi, des l’âge de dix ans, ses premiers vers. De retour à quinze ans dans la maison paternelle, et plus libre de suivre ses goûts, elle étudia les poëtes, et, ce qui peut surprendre dans une jeune personne de cet age, le Dante fut celui auquel elle donna la préférence ; elle le relisait sans cesse, l’apprit par cœur, le citait souvent, et se plaisait à en réciter de mémoire les plus beaux endroits. C’est ce qu’on ne devinerait pas en lisant ses poésies, qui sont presque toutes dans le genre anacréontique, et qui brillent surtout par l’élégance, la grâce et la facilité. Elle joignit à ses études poétiques celles de la philosophie de Locke et de Newton, de la physique éclairée par les découvertes modernes, de l’histoire, des langues anglaise et française, et plus particulièrement encore de sa propre langue, qu’elle parlait et qu’elle écrivait avec la plus grande pureté. La colonie arcadienne de Pise la reçut parmi ses membres en 1783 ; elle y prit le nom d’Ermenia Tindarida ; elle fut aussi reçue, en 1786, parmi les Intronati de Sienne. Elle récitait souvent ses vers dans les réunions de la première, et le charme de ses compositions, joint à ceux de sa personne et de sa voix, y excitaient le plus vif enthousiasme. Son caractère était solide, son esprit vif et ses mœurs pures. Depuis la mort de son père, elle vécut dans l’union la plus tendre avec son frère, le chevalier Paul Cicci ; leur maison devint le rendez-vous de tout ce que la ville de Pise avait de plus distingué. Marie-Louise était décidée à conserver son indépendance et à ne se point séparer de sa famille. Sa constitution était faible ; la perte de deux de ses plus intimes amies y porta un coup terrible. Elle négligea une indisposition légère qui devint une maladie grave, et la conduisit au tombeau. Elle mourut le 8 mars 1794, pleurée de ses parents et de tous ses amis. C’est à son frère que l’on doit la jolie édition de ses poésies, imprimée à Parme, avec les caractères de Bodoni, en 1796, in-16. Elles sont précédées d’un éloge de cette aimable muse, écrit avec autant d’esprit que de sensibilité par le docteur Anguillesi. Nous en avons tiré les faits contenus dans cette courte notice. Ce recueil doit plaire à tous ceux qui aiment les jolies éditions et les bons vers.

G—É.