Biographie universelle ancienne et moderne/2e éd., 1843/CLAVIÈRE (Étienne)

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Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843
Tome 8 pages 376 à 377

CLAVIÈRE (Étienne)


CLAVIÈRE (Étienne), naquit le 21 janvier 1735, à Genève, où il fut banquier. Ce petit pays, rempli d’hommes à talents, était alors une sorte d’école de politique, où chacun dissertait et écrivait sans cesse sur la meilleure manière de constituer les États et de gouverner les peuples. On sait quelle fut dans le 18e siècle l’influence des écrivains de Genève sur les opinions des Français. Clavière prit une part très-active aux débats qui agitaient sa patrie, et en fut expulsé à la suite des troubles qu'entraînent ordinairement de pareilles discussions. Il vint se réfugier à Paris, où il s’occupa d’abord d’opérations de banque avec quelques fonds qu’il avait apportés de son pays. C’est à lui que les financiers de place, dans cette ville, doivent la plus grande partie de leur savoir dans le jeu de la bourse et l’art de pratiquer sur les effets publics. Sans doute, à cette époque, ce qu’on appelle agiotage n’était point inconnu en France ; mais, avant les leçons de Clavière, il s’y faisait avec peu d’assurance et de succès. Lors de la révolution, Clavière crut, comme tous les étrangers, que ce qu’il avait de mieux à faire était de prendre parti parmi les réformateurs, qui avaient besoin d’auxiliaires et s’empressaient de recevoir tous ceux qui se présentaient, de quelque pays qu’ils arrivassent : un Genevois surtout ne pouvait être qu’une acquisition excellente. Mirabeau, qui, pour faire réussir ses projets, avait besoin d’hommes adroits et réfléchis, l’accueillit avec bienveillance, se l’attacha comme coopérateur, et en fit plusieurs fois le plus grand éloge dans les premières séances de l’assemblée constituante. Alors un mot de cet homme célèbre suffisait pour faire une réputation, présent dangereux qui a pu faire la fortune de quelques personnes, mais que d’autres ont payé bien cher. Clavière ne fut point ingrat envers son panégyriste : il lui fut utile toutes les fois qu’il eut à traiter quelque importante question de finances, et particulièrement dans ses attaques contre le ministre Necker, son compatriote, qui, comme on sait, fut précipité par Mirabeau du faite de la grandeur. Clavière se lia ensuite avec Brissot, qui ne cessa aussi d’en faire l’éloge dans son journal et à l’assemblée législative, et l’entraîna dans son parti et dans toutes ses associations politiques. Quoique éttange·, il fut, en 1791, nommé député suppléant à l’assemblée législative par les électeurs du département de Paris. La démission de Monneron, député titulaire, lui laissa la faculté d’y prendre place ; mais il préféra le ministère des finances, auquel il fut porté au mois de mars 1792, par le parti de Brissot, qui, après la chute du malheureux Delessart, força le roi de renvoyer tous ses ministres et de recevoir ceux qui lui furent désignés par la faction triomphante. Peu de temps après Clavière ayant destitué sans ménagement le directeur des postes, cet acte excita contre lui de vives réclamations, et il ne put rester en place que jusqu’au mois de juin, époque à laquelle les constitutionnels reprirent momentanément le dessus, et formèrent un nouveau ministère ; mais après la révolution du 10 août, à laquelle on ne croit cependant pas qu’il ait pris part, Clavière rentra en pleine faveur, et devint membre du conseil exécutif, qui fut substitué au gouvernement de Louis XVI. Tant que les Girondins purent faire face à leurs adversaires, il resta courageusement au poste difficile où ses amis l’avaient placé, malgré les attaques de Robespierre et de sa terrible faction, qui le dénonçaient tous les jours avec fureur. Frappé l’un des premiers après les événements du 3l mai 1793, Clavière fut arrêté le 2 juin, lorsque les députés républicains essayaient encore de disputer la victoire, et décrété d’accusation le 9. Des considérations politiques firent cependant différer son jugement, ou plutôt son supplice, jusqu’au 9 décembre suivant. Le 8, le geôlier lui apporta la liste des témoins et des jurés qui devaient déposer et prononcer dans sa cause. N’y voyant que des révolutionnaires furieux et ses plus mortels ennemis, il fut convaincu qu’il n’y avait point de rémission à espérer, et il aima mieux se donner lui-même la mort que de la recevoir sur l’échafaud. Il s’enfonça pendant la nuit un large couteau dans le sein, et fut trouvé mort le lendemain dans son lit. S’il faut en croire madame Roland, qui fut à même de le connaître, le ministre genevois était opiniâtre, irascible et d’un caractère despotique et difficile. Travailleur et homme de cabinet, il ne se mettait point en scène comme la plupart de ses amis. On lui a reproché des exagérations, comme à tous les hommes qui ont joué quelque rôle dans ces temps déplorables ; mais on ne connait point de faits qui puissent flétrir sa mémoire. Les personnes qui l’ont connu dans son intimité certifient qu’il était bon époux et bon père. Sa femme s’empoisonna deux jours après sa mort. Quoiqu’à portée d’acquérir de grandes richesses, il laissa presque dans le besoin sa fille unique, qui se retira à Genève. On a de Clavière plusieurs mémoires et opuscules, particulièrement sur des questions de finances.

Lettres à M. le comte de Vergennes, 1780, in-8o.

De la Foi publique envers les créanciers de l’Etat ; Lettres à. M. Linguet sur le numéro 116 de ses Annales politiques, Londres, 1788, in-8o.

Le Moniteur, avec cette épigraphes : Major rerum nascitur ordo, 1788, brochure in-8o qui parut secrètement, et qu’on attribue à Condorcet, à Brissot et à Clavière.

Opinion d’un créancier de l’État sur quelques matières de finances importantes dans le moment actuel, Londres et Paris, 1789, in-8o.

Dissection du projet de M. l’évêque d’Autun sur l’échange universel et direct des créances de l’État contre les biens nationaux, etc., 1790, in-8o.

Lettres à M. Cerutti, sur les prochains arrangements des finances, 1790, in-8o.

Réponse au mémoire de M. Necker, concernant les assignats, etc., 1790, in-8o.

Adresse de la société des Amis des noirs à l’assemblée nationale, à toutes les villes de commerce, etc., Paris, 1791, in-8o.

De la Conjuration contre les finances, et des mesures à prendre pour en arrêter les effets, 1792, in-8o.

10° Du Monétaire métallique, ou de la Nécessité d’une prompte refonte des monnaies, etc., 1792, brochure in-8o. Il a fourni des articles aux journaux dits patriotiques, et particulièrement à la Chronique de Paris, et il a eu beaucoup de part au livre intitulé : de la France et des États-Unis, qui forme le 3e volume du Nouveau Voyage dans les États-Unis de l’Amérique septentrionale par Brissot. (Voy. ce nom.) B-u.