Biographie universelle ancienne et moderne/2e éd., 1843/FAGON (Gui-Crescent)

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Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843
Tome 13 page 328

FAGON (Gui-Crescent)


FAGON (Gui-Crescent) naquit le 11 mai 1638, dans le jardin des plantes de Paris, dont Gui de la Brosse, son oncle, était fondateur et intendant. Les premiers objets qui s’offrirent à ses yeux furent des plantes, dit Fontenelle ; les premiers mots qu’il bégaya furent des noms de plantes ; la langue de la botanique fut sa langue maternelle. Après la mort de son père, commissaire des guerres, qui perdit la vie sous les murs de Barcelone, en 1649, le jeune Fagon, placé au collège de Ste-Barbe, y fit d’excellentes études. La médecine devint ensuite l’objet spécial de ses travaux. La plupart des thèses qu’il soutint présentent un vif intérêt. Dans l’une, il examine s’il existe réellement une génération spontanée des animaux et des végétaux ; dans l’autre, il préconise la diète lactée comme le meilleur moyen thérapeutique du rhumatisme et de la goutte ; mais il se d’ gna surtout en défendant, avec une rare sagacité, la circulation du sang, qui n’était encore regardée que comme une hypothèse ingénieuse. Sa dissertation tation : An a sanguine impulsum cor salit (1663) ? fut présidée par Nicolas Bonvarlet. À peine reçu docteur, Fagon obtint la chaire de botanique et celle de chimie au Jardin des plantes. Ce jardin, dont la surintendance était confiée au premier médecin du roi, avait été singulièrement négligé par Cousinot et Vautier. L’archiàtre Vallot se montra aussi zélé que ses prédécesseurs avaient été insouciants. Il fut puissamment secondé par Fagon, qui fit des excursions botaniques en Auvergne, en Languedoc, en Provence, sur les Alpes, les Pyrénées, les Cévennes et les bords de la mer, où il recueillit une abondante moisson. Le catalogue publié en 1665, sous le titre de Hortus regius, est précédé d’un petit poëme qui ne manque pas d’élégance. Fagon devint, en 1680, premier médecin de madame la Dauphine, puis de la reine, enfin de Louis XIV en 1695. Revêtu de ces dignités, il fut nommé en 1699, membre honoraire de l’Académie des sciences. On voit à regret qu’il n’enrichit point les mémoires de cette compagnie célèbre. Il n’y inséra qu’un seul mémoire Sur le blé cornu appelé ergot, en 1710 ; et la république littéraire ne possède pas de lui outre cet écrit un seul ouvrage ; car ce nom ne peut être donné à une mince brochure intitulée : Les admirables qualités du quinquina, confirmées par plusieurs expériences, avec la manière de s’en servir dans toutes les fièvres, pour toute sorte d’âge, Paris, 1705, in-12, ni à diverses thèses sur l'efficacité de l’eau panée, sur l’utilité du café pour les gens de lettres, sur les inconvénients du tabac, etc. ; thèses que peuvent réclamer les candidats qui les ont défendues. On se tromperait cependant si l’on jugeait que la carrière de Fagon fut stérile. Tous les moments dont ses emplois lui permirent de disposer, il les consacra soit à l’exercice gratuit de sa profession, soit à des actes de justice et de bienfaisance, qui ne peuvent être assez loués, parce qu’ils sont excessivement rares. Fagon, transporté à la cour, étonna, scandalisa, par des vertus qui semblent proscrites de ce séjour de corruption. Il diminua considérablement les revenus de sa charge ; il abolit les tributs établis sur les nominations aux chaires de professeur dans les différentes universités, et sur les intendances des eaux minérales du royaume ; il restreignit autant que cela lui fut possible, et regretta de ne pouvoir anéantir la vénalité des places. Il fit supprimer la chambre royale des universités provinciales, confirma, étendit même les droits de la faculté de médecine de Paris, et poursuivit avec une louable sévérité les médicastres, les empiriques, les charlatans, qui de nos jours pratiquent impunément leur art homicide, et distribuent sans crainte leurs poisons. Un des plus beaux titres de gloire pour Fagon est, sans contredit, d’avoir non-seulement estimé, admiré, mais recherché et protégé avec une sorte de passion les savants et les artistes. Ce fut par ses soins, et sur sa recommandation, que Louis XIV envoya Plumier en Amérique, Feuillée au Pérou, Lippi en Égypte, Tournefort en Asie. Fagon donna surtout à ce dernier les témoignages les plus éclatants d’une haute considération : il l’appela d’Aix à Paris, et lui procura la chaire de botanique au jardin du roi. Le célèbre naturaliste provençal témoigna dignement sa reconnaissance à son Mécène, en lui consacrant, sous le nom de Fagonia, un genre de plantes rosacées (de la famille des Rutacées, de Jussieu et de Ventenat), dont la plupart des espèces sont originaires du du Levant. Fagon était d’une constitution très-délicate, fatigué par un asthme violent, et tourmenté par la pierre, dont il fut opéré en 1702 par l’habile chirurgien Mareschal. Il parvint cependant, à l’aide d’une conduite régulière, d’une sobriété constante et scrupuleuse, jusqu’à l’âge de près de 80 ans ; il mourut le 11 mars 1718. Son éloge est inséré parmi ceux des académiciens par Fontenelle, et beaucoup plus détaillé dans la Notice des hommes les plus célèbres de la faculté de médecine, par J.·A. Hazon. C.