Biographie universelle ancienne et moderne/2e éd., 1843/FOUQUET (Jean-François)

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Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843
Tome 14 page 512

FOUQUET (Jean-François)


FOUQUET (Jean-François), jésuite français et missionnaire à la Chine, arriva dans cet empire en 1690. Comme tous ses confrères, il fut obligé de consacrer les premiers temps de son séjour à l’étude de la langue, et il parait qu’il y fit d’assez grands progrès. Mais un zèle excessif, joint à un esprit systématique, le fit tomber dans un piège que ne surent pas éviter plusieurs missionnaires également instruits, tels que Prémare, Cibot et quelques autres : persuadés que les Chinois devaient avoir conservé beaucoup de traditions des premiers ages du monde, ils s’attachèrent à les rechercher et s’en prévalurent auprès de leurs néophytes, sur qui l’autorité du Chou-king ou des livres de Confucius avait plus de pouvoir que les raisonnements les plus concluants ou les prédications les plus énergiques. Bientôt ils en vinrent à voir des prophéties claires dans certains passages qui, il faut en convenir, offrent au moins de singuliers rapprochements. De tous ses confrères, le P. Fouquet fut peut-être celui qui se laissa le plus éblouir par l’idée de retrouver les mystères du christianisme renfermés dans les caractères symboliques des Chinois ; on peut dire qu’il poussa cet engouement jusqu’à l’extravagance. À l’en croire, les King n’offrent qu’une allégorie perpétuelle, où les dogmes de notre religion sont exposés quelquefois d’une manière aussi claire que dans les monuments les plus respectables de la foi. L’auteur de cet article possède un exemplaire du Chi-king ou Livre des poésies, auquel Fouquet avait fait ajouter des interfoliations ; il y a consigné des idées de ce genre dont la folie dépasse tout ce qu’on peut en dire. Si le texte indique une montagne de la Chine, elle lui parait représenter le Calvaire ; les éloges donnés à Wen-wang ou à Tcheou-koung doivent, suivant lui, s’appliquer au Sauveur ; il retrouve dans l’analyse des caractères la croix et les instruments de la passion ; les anciens empereurs de la Chine sont les patriarches, et la généalogie de ces derniers n’est pas plus clairement énoncée dans la Genèse qu’elle ne le semble à Fouquet dans le Chou-king. Ce missionnaire revint à Rome en 1720, et les succès qu’il avait eus dans sa mission lui valurent le titre d’évêque d’Éleuthéropolis. Il y publia, en 1729, en trois feuilles, sa Tabula chronologica historiae Sinicae, sorte de tableau dans le goût de nos tables chronographiques, où les noms des princes et l’indication des événements les plus frappants sont placés dans des colonnes régulièrement espacées. La base de celle de Fouquet est le cycle de soixante années, dont l’usage à la Chine est à peu près le même que celui du siècle ches nous. Cette table n’est, à proprement parler, qu’une traduction de celle qui avait été dressée en chinois, sur le même plan, par un Mandchou nommé Niam, d’une famille considérable par les dignités qu’elle occupait, et qui, suivant l’avertissement de Fouquet, vivait encore en 1720. L’auteur a suivi le système de chronologie de Sse-ma-wen-koung. Ce qu’il y a de plus remarquable dans la table de Fouquet, c’est une explication suffisante, et la première série qu’on ait donnée en Europe, des Nian-hao, ou noms d’années, si nécessaires pour la lecture des historiens chinois, et que quelques auteurs ont méconnus longtemps après l’impression de l’ouvrage dont il s’agit. Math. Seutter a donné en 1746, à Augsbourg, une réimpression en deux feuilles in-folio de cette table chronologique. On a de Fouquet une lettre au duc de la Force, insérée dans les Lettres édif. (5° recueil). Il y détaille les progrès du christianisme dans la province du Kiang-si, y parle de la manière dont les Chinois forment leurs guerriers, et s’étend beaucoup sur les bonzes, principaux adversaires des missionnaires. A. R―T.