Biographie universelle ancienne et moderne/2e éd., 1843/MARTINI (Martin)

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Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843
Tome 27 page 152

MARTINI (Martin)


MARTINI (Martin), jésuite, né à Trente en 1614, fut admis dans la société a l’âge de dix-sept ans, et, après avoir fait un cours de philosophie au Collège romain, fut désigné pour les missions de la Chine. Il employa quatre ans à étudier la langue et les mœurs des habitants, et fut ensuite élu supérieur de la mission de Hangtcheou. Chargé en 1651 de retourner à Rome, pour y exposer l’état et les besoins des missions, il courut de grands dangers dans la traversée. Le navire qu’il montait, poussé par la tempête sur les côtes d’Irlande et d’Angleterre, fut porté jusque sur la pointe de la Norvège. Martini fut obligé de revenir en Hollande, traversa l’Allemagne et ne parvint à Rome que trois ans après son départ de la Chine. Aussitôt qu’il eut rendu compte à ses supérieurs du sujet de son voyage, il fut envoyé en Portugal. où il s’embarqua pour retourner en Orient avec dix-sept jeunes missionnaires. Son vaisseau fut encore battu des tempêtes ; il tomba entre les mains des pirates, qui le traitèrent avec beaucoup d’inhumanité ; enfin. après une navigation de deux années, pendant lesquelles sept de ses compagnons avaient succombé, il aborda, excédé de fatigue, au port de Macao. Il se hâta d’entrer dans sa province, où il opéra un grand nombre de conversions ; il répara et embellit les anciennes églises, et en construisit de nouvelles ; et il se disposait à entreprendre de plus grandes choses, lorsqu’il tomba malade. Ses talents et ses vertus lui avaient valu l’amitié des mandarins, qui lui rendirent de fréquentes visites et ne négligèrent rien pour lui procurer quelque soulagement. Il supporta avec patience et résignation les douleurs dont il était affligé. et mourut dans la ville de Hang-tcheou le 6 juin 1661, emportant les regrets de tous les habitants. Son tombeau est au midi de Fang-tsing. On a de lui : Atlas sinensis, (hoc est) Descriptio imperii Sinensis cum tabulis geographicis, Amsterdam, 1655 (1)[1], in-fol. C’était l’ouvrage le plus complet et le plus exact qui eût encore paru sur la Chine : cet atlas, qui fait partie de celui de Blaeu, à été comme ce dernier traduit en hollandais, en français (1655), en espagnol (1656), en anglais, etc. Il est bien remarquable que les cartes chinoises qui en sont la base ne se soient trouvées fautives que sur un petit nombre de points, quand les missionnaires ont eu levé les leurs, et que la position des principales villes ait à peine changé par l’effet du travail des Européens. Il y a beaucoup de parties sur lesquelles on doit, même encore à présent, consulter l’atlas de Martini, que l’ouvrage de Duhalde ne peut nullement remplacer. La description de la Chine gui s’y trouve est, comme les cartes, traduite d’un ouvrage chinois, et tirée, suivant toute apparence, du Kouang-iu-ki. On y remarque aussi un opuscule de Golius sur le Cathai (voy. GOLIUS} ; et c’est un des premiers ouvrages imprimés en Europe dans lequel on ait gravé des caractères chinois (1)[2]. Le texte de cet atlas a été inséré, mais sans les cartes, dans la collection de Melchisédech Thévenot, Sinicae historiae decas prima, Munich, 1658, in-4o; Amsterdam, 1659, in-8o. Cette première partie est la seule qui ait été publiée ; elle a été traduite en français par l’abbé le Pelletier, Paris, 1692, 2 vol. in-12 ; elle l’a aussi été dans plusieurs autres langues, et elle méritait de l’être ; car ce livre, tiré par le P. Martini d’un original chinois, est le premier et a été longtemps le seul ouvrage traduit du chinois où l’on ait pu trouver des détails sur les événements de l’histoire chinoise dans les temps qui ont précédé 1ère chrétienne. Dans la première partie de ses Fastes, le P. Duhalde n’a donné autre chose qu’une traduction de l’ouvrage de Martini ; et c’est encore là qu’ont puisé les auteurs de l' Histoire universelle. Jusqu'au P. Maillac, on n’avait rien de mieux ni même d’aussi bon que Martini. Dans les deux fragments d'Histoire chinoise qui font partie du tome 2 de la Collection de Thévenot, publié en 1664, il y en a un qui porte le titre de Monarchiae sinicae decas secunda, et dans lequel l’histoire du P. Martini est conduite depuis l’ère chrétienne jusqu'au 15e siècle (2)[3]. 3° De bello tartarico in Sinis, Rome, 1654, in-12 ; trad. en italien par Climaco Latini, Milan, 1654, in-8o, et en français, Paris, même année et même format, et à la suite de l' Histoire de la Chine, par le P. Semedo, Lyon, 1667, in-4o ; en allemand, Amsterdam, 1654, in-12 ; en hollandais, par J.-L.-S. Delft, 1654, in-12 ; en espagnol, par dom Estevan de Aguilar y Çuniga, 1655, in-8o ; en portugais, Lisbonne, 1657, in-8o ; en anglais, 1660, in-8o. 4° Brevis relatio de numero et qualitate christianorum apud Sinas, Rome, 1654, in-4o ; Cologne, 1655, in-12. Le P. Martini a traduit, du latin en chinois, des traités de l'Existence et des attributs de Dieu ; — de l'Immortalité de l’âme, par Lessius ; — de l'Amitié : c’est un extrait des ouvrages de Cicéron, de Sénèque, etc.; — et une Réfutation du système de Pythagore sur la transmigration des âmes. Le nom chinois qu’avait pris le P. Martini était Wei-khouang-koue, et son surnom Thsi-thaï.

W—s et A. R—T.


  1. (1) L’Epitome de Léon Plante cite des éditions de 1649 et 1664.
  2. (1) Voyez l’article KIRCHER. Duret avait déjà donné, en 1623, quelques caractères chinois, gravés en bois, dans son Trésor des langues. p. 916 et 931.
  3. (2) Le P. Grueber, dans sa lettre du 14 mars 1665, rapportée dans la Collection de Thévenot (Viaggio dei P. Giov. Grueber, t. 4, p. 222), suppose que les deux décades du P. Martini avaient été imprimées a Munich ; mais Thévenot, dans une note marginale, annonce que la seconde est perdue, et qu’il tâchera d’y suppléer en quelque façon, d’après un manuscrit persan, dont il parle dans la préface de sa quatrième partie. (Avis sur la suite du recueil.)