Biographie universelle ancienne et moderne/2e éd., 1843/RICHELET (Pierre)

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Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843
Tome 35 page 612

RICHELET (Pierre)


RICHELET (Pierre) (1)[1]célèbre grammairien, naquit en 1631 à Cheminon, dans le diocèse de Châlons-sur-Marne. Il était le petit-neveu de Nicolas Richelet, avocat au parlement de Paris, dont on a des commentaires sur les odes, les hymnes et les sonnets de Ronsard. Après avoir régenté quelque temps les basses classes au collège de Vitry-le-François, il se chargea de l’éducation du fils du président de Courtivron et profita de ses loisirs pour cultiver l’amitié des savants et des Littérateurs qui alors faisaient l’ornement de Dijon. Il se rendit ensuite à Paris, se fit recevoir avocat et fréquenta le barreau, comme on en a la preuve par un sonnet de Pierre de Pelletier, qui l’invite à renoncer à la jurisprudence pour se livrer tout entier au culte des muses. Richelet ne tarda pas à suivre ce conseil. Il avait su mériter la bienveillance de Perret d’Ablancourt et de Patru (voy. ces noms), et, en 1665, il fut admis dans l’académie des beaux-esprits qui se réunissaient le premier jour de chaque mois chez l’abbé d’Aubignac pour se communiquer leurs productions. Richelet y lut plusieurs discours qui donnèrent une opinion avantageuse de ses talents et lui firent des protecteurs. L’un d’eux, Tallemant des Réaux, proposa Richelet à Perigny, précepteur du Dauphin, pour le seconder dans les soins qu’il donnait à son royal élève ; mais Perigny, quoique disposé favorablement, lui préféra Doujat (voy. ce nom). Richelet, se trouvant sans état et sans fortune, se vit donc obligé de chercher des ressources dans l’enseignement de la langue française, dont il avait fait une étude particulière, et dans la rédaction de quelques ouvrages qui, presque tous, obtinrent du succès. Il avait plus de soixante ans quand il se maria ; mais craignant le ridicule qui s’attache aux vieillards amoureux, il tint cette union si secrète qu’elle ne fut connue que de ses amis les plus intimes (voy. les Mémoires de littérature d’Artigny, t. 6, p. 84). Il ne survécut guère à ce mariage et mourut à Paris le 23 novembre 1698. Indépendamment de quelques pièces de vers, insérées dans les recueils du temps ou dans son Dictionnaire, et dont l’abbé Joly parle d’un manière très-détaillée (voy. La Vie de Richelet dans les Eloges de quelques auteurs, p. 150-231 ), il a eu part à la traduction de l’Histoire de l’Afrique de Marmol (voy. ce nom), et de l’Histoire de la Laponie, par Scheffer (voy. LUBIN, Aug.), et a traduit l’Histoire de la Floride (voy. GARCIAS LASO). Enfin, on a de Richelet : 1° Dictionnaire de rimes, dans un nouvel ordre, Paris, 1667, in-12 ; ibid., 1692. Ce sont de nouvelles éditions corrigées et augmentées du Dictionnaire de Frémont d’Ablancourt (voy. ce nom), publié vers 1660. Cet ouvrage, dont le caprice du public a dépouillé le véritable auteur pour le donner à Richelet, qui n’en est réellement que l’éditeur, a été réimprimé un grand nombre de fois avec de nouvelles corrections et additions. L’édition la plus récente est celle de 1799, in-8o, revue par Wailly. Philippon de la Madeleine en a donné un Abrégé, qui forme le tome 15 de la Petite encyclopédie poétique (voy. PHILIPPON). Au surplus le Dictionnaire de Frémont ou de Richelet n’est pas le premier de ce genre (voy. LE FEVRE, TABOUROT, Paul BOYER (1) [2].

2e La Versification française, ou l’Art de bien faire et tourner les vers, Paris, 1671, in-12. L’auteur n’a jamais fait pourtant que des vers médiocres.

3e Dictionnaire françois, Contenant l’explication des mots, plusieurs remarques sur la langue française, ses expressions propres, figurées et burlesques, etc., Genève, Widerhold, 1680, vol. in-4o (2) [3]. Cette édition, dit l’abbé Goujet, est la plus curieuse, si l’on doit appeler ainsi celle qui est la plus remplie d’obscénités et de traits satiriques (3) [4], et par conséquent celle que les honnêtes gens réprouvent davantage. L’imprimeur Widerhold en ayant fait conduire quinze cents exemplaires à Villejuif, eut l’imprudence d’en parler à Simon Bénard, libraire à Paris, rue St-Jacques. Celui-ci s’empressa d’en prévenir le syndic de la communauté, qui fit saisir et brûler tous ces exemplaires. Le chagrin qu’éprouva Widerhold de cette perte fut si grand qu’il mourut trois jours après. Le lendemain de sa mort, Bénard fut poignardé (4) [5] en sortant de l’église St-Benoît, sa paroisse, par un inconnu, qui s’échappa dans la foule. Richelet retrancha de son ouvrage la plus grande partie des articles répréhensibles et en donna une seconde édition ? Lyon, 1681, in-4o. Indépendamment de plusieurs


  1. (1) Richelet n’a jamais pris d’autre nom que celui de Pierre à la tête de son ouvrage ; mais on voit, par son acte de mariage, qu’il se nommait César-Pierre (D’Artigny, t. 6, p. 81.)
  2. (1) On trouvera des détails intéressants sur les Dictionnaires des rimes dans la Vie de Richelet, par Joly.
  3. (2) Le second tome porte la date de 1679, et le tout se compose de 1,148 pages. Cette édition fut imprimée au château de Duilliet, en Suisse, où il existait alors un établissement typographique, fondé par une société. Elle est de plus, en plus recherchée, et un bel exemplaire s’est payé deux cent dix-huit francs, en 1847, à la vente Libri., D’après le Longueruana, le véritable auteur du Dictionnaire en question serait Patru.
  4. (3) Richelet fait paraître surtout beaucoup d’animosité contre les Dauphinois. On prétend qu’il leur en voulait parce que, dans un voyage qu’il fit à Grenoble en 1678, s’étant rmoqué des beaux esprits qui s’assemblaient chez le président de Boissieu, ceux-ci lui répondirent par des coups de bâton. Cette anecdote, tout à fait invraisemblable, est plus propre à figurer dans un Ana que dans un Dictionnaire historique.
  5. (4) L’assassinat de Bénard, rapporté par Joly, sur le témoignage de Papillon, qui disait tenir le fait de témoins oculaires, n’en est pas moins-très douteux.