Bladé - Contes populaires de la Gascogne, t. 2, 1886.djvu/Les Trois Nuits

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V

les trois nuits



Un jour, un curé donna son mouchoir tout taché de sang à une jeune fille, et lui dit :

— « Mie, va me laver ce mouchoir au ruisseau. »

La jeune fille s’en alla laver le mouchoir au ruisseau ; mais elle ne put jamais en ôter le sang. Alors, elle revint chez le curé.

— « Monsieur le curé, j’ai lavé le mouchoir au ruisseau ; mais je n’ai jamais pu en ôter le sang.

— Mie, ceci est un signe de grand malheur. Pour le conjurer, tu vas passer trois nuits dans l’église, sans que personne le sache.

— Monsieur le curé, je les y passerai ; et je veux commencer ce soir. »

Le même soir, le curé enferma secrètement la jeune fille dans l’église. Elle y passa la nuit sans rien voir. Mais la malheureuse ne put s’empêcher de tout conter à sa mère.

La seconde nuit, la jeune fille revint à l’église. Sur le premier coup de minuit, elle vit tous les morts, qui étaient enterrés là, sortir de terre, et se ranger en procession. En passant devant la pauvre enfant, un mort la couvrit d’un linceul ; et elle demeura ainsi jusqu’à la pointe de l’aube. Alors, elle retira le linceul, le cacha derrière l’autel, et retourna chez elle. Mais, cette fois, elle ne souffla mot à personne de ce qu’elle avait vu.

La troisième nuit, la jeune fille revint à l’église. Sur le premier coup de minuit, elle s’enveloppa du linceul, et attendit. Elle vit tous les morts, qui étaient enterrés là, sortir de terre, et se ranger en procession. En passant devant la pauvre enfant, un mort secoua l’autre linceul qu’elle avait caché, la veille, derrière l’autel. Aussitôt, en sortirent par milliers des araignées, des crapauds, et des chauves-souris. Ils emportèrent la malheureuse dans une fosse, et l’y mangèrent toute vive[1].

  1. Dicté par Alexandre Dupouy, du Pergain-Taillac (Gers), maintenant âgé d’environ vingt-huit ans.