Bonheur manqué/XVI

La bibliothèque libre.
Paul Ollendorff (p. 25-26).
◄  XV
XVII  ►



XVI


Mai,
retour du Bois.


Vous avez beau tourner la tête,
Je ne saurais vous oublier ;
Il est à vous, ce cœur honnête,
Et vous pouvez l’humilier.

Vous avez les biens de la vie,
Tout l’orgueil du bonheur nouveau ;
Moi, les souffrances qu’on envie,
Et des chansons dans le cerveau.


Dix ans, ma plume fut très lâche,
Car l’infortune m’écrasait ;
Mais j’ai repris l’ancienne tâche.
Jadis, madame, on me lisait.

Ah ! ma paresse expiatoire,
Je l’ai maudite en vous voyant.
J’ai bien souffert, c’est mon histoire :
Grâce à l’amour, je suis vaillant.

Laissons passer l’heure où nous sommes
Les gloires sont des talismans.
J’irai plus fier parmi les hommes,
Vous achèterez mes romans,

Vous m’applaudirez au théâtre,
Mon nom sera digne de vous.
Fameux alors, plus idolâtre,
Je vous ferai des vers si doux,

Que je vous donnerai peut-être,
Après un long malentendu,
Quelque désir de me connaître,
Et le regret du temps perdu.