Bouquets et prières/À l’auteur de Marie

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À L’AUTEUR DE MARIE,


M. Briseuc.


Vos vers c’est le printemps : pluie et soleil ensemble ;
C’est l’orage et l’oiseau dans le chêne qui tremble.
Moi, quand je me souviens, le front sur mes genoux,
J’écoute un de vos chants, jeune et vrai comme vous.

Vous ! que j’ai vu monter à la haute Italie,
Enfant, plein de musique et de mélancolie ;
Poète ! qu’une hysope arrêtait en chemin ;
Frère, attardant son pas pour rencontrer ma main…

Quand vous alliez fervent vers le peuple qui prie,
Vous portiez dans le cœur le livre de Marie ;
Vous aviez des parfums plein l’âme, et dans les yeux,
Comme au temps où l’on croit, de longs reflets des cieux.
Tout est dans ce beau livre écrit avec des flammes,
Reliquaire d’amour qui fait rêver les femmes ;
Dont chaque page pure exhale une âme en fleur,
Qui se répand dans l’ombre et coule pleur par pleur !
Chaste et vivante école, où ma vague pensée
Apprit à soulever son aile embarrassée ;
Seuil du toit paternel où s’élève un berceau ;
Foi vive, écoutant Dieu dans la voix du ruisseau ;
Instinct sublime et doux, qui touche une grande âme,
De pitié pour l’enfant, de respect pour la femme :
Tout est dans ce beau livre où l’on vous voit passer,
Marcher seul au soleil, et sourire et penser,
Et regarder de loin l’idole reconnue,
Comme aux nuits du pasteur l’étoile revenue,
Ou comme l’églantine au front du printemps vert,
Qui s’étonne et sourit d’avoir vaincu l’hiver :
Vos mains si sagement ont touché sa couronne,
Qu’elle ne rougit pas dans l’air qui l’environne,

Non, la vierge allaitante et ruminant le ciel,
N’a pas souri plus vierge aux mains de Raphaël !

Eh bien ! qu’avez-vous fait des vertes espérances,
Frais dictame attendu par d’amères souffrances ?
En avez-vous cueilli sur les grands Apennins ?
Rome s’est-elle émue à vos ennuis divins ?
Vos cris ont-ils troublé cette reine indolente,
De son sommeil d’îlote a s’éveiller si lente ?
Avez-vous fait bondir dans les échos dormans
Vos colères d’amour et vos espoirs charmans ?
Ah ! vous me regardez et vous murmurez : Dante !
Avez-vous dans l’enfer plongé votre âme ardente ?
Savez-vous Béatrix ? et vos traits pâlissans,
Disent-ils le secret de vos nouveaux accens !

Si vous savez ce que fait l’âme sombre,
Bien que passant à travers beaucoup d’ombre,
Tant qu’au chemin pend un rayon vermeil,
Prenez, prenez le côté du soleil !


Aimez ce roi, le plus grand roi du monde,
Illuminant la terre qu’il féconde,
Ne gardant rien au bout de ses rayons,
Des flots d’or pur qu’il répand aux sillons !

Allez grandir, jeune homme, à sa lumière,
Et chantez Dieu, source unique et première,
Du chaud trésor également versé
Sur l’humble chaume et le temple élancé !

Tournez à lui, tournez lyre vivante,
Comme Daniel, sans le savoir, savante :
Baignez dans l’air tous vos rhytmes brûlans,
Qui, loin du jour mûriraient froids et lents.

Buvez, buvez, à la source cachée,
Dieu vous la doit pour l’avoir bien cherchée :
Dieu le découvre à si peu d’entre nous
Ce filet d’eau que l’on boit à genoux !


Moi, je suis ceux que la gelée offense ;
Que l’âpre hiver insulte sans défense ;
Qui, pour foyer n’ont qu’un vieux mur vermeil,
Chauffé par jour d’un rayon de soleil !