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Bouquets et prières/Au jeune Paralytique

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AU JEUNE PARALYTIQUE


Louis Saint-M…


 
« J’avais au plus dix ans : dans un âge aussi tendre,
« Je connaissais l’amour, tel qu’il se peut attendre,
« Dans un cœur de dix ans. Et je ne désirais,
« Que la voir et l’aimer ! et je ne demandais,
« Que de ses blonds cheveux une boucle soyeuse,
« Et parfois un baiser de sa bouche rieuse.
« Et j’étais le plus vieux, car elle avait huit ans ;
« Et je l’aimais ! …
« Et je l’aimais… Eh bien ! rappelons-nous ces rêves ;
« Ces parfums respirés et ces paroles brèves :
« Je t’aime ! oh ! pense à moi ! Ces sentimens passés,
« Que le temps a pâlis, mais n’a pas effacés.
« Depuis lors, j’ai gardé, pendant longues années,
« Les boucles de cheveux qu’elle m’avait données ;
« Fidèle, j’ai gardé, bien qu’il soit tout flétri,
« Son petit gant d’enfant… C’est le larcin chéri !

« Voilà le souvenir tout fleuri d’innocence,
« Qui drape le matin de mon adolescence ;
« Voilà mon autre-fois, le bon temps, mes amours,
« Le jadis, dont mon cœur se souviendra toujours,
« Qui soulève en mon sein une vague ondoyante,
« Et tourne autour de moi comme une ombre flottante.
« Depuis lors, bien des jours sur ma tête ont passé,
« Mais le bonheur, jamais ! »

Louis Saint-M….


Où t’a-t-on vu, poète à la voix douloureuse
Et pure, au cœur sonore, à l’enfance amoureuse ?
Où t’a-t-on vu, jeune ange au pied silencieux,
Prendre haleine, et chanter en passant pour les cieux ?


Es-tu l’André divin dont on cherche la cendre,
Qui parmi nous, voilé, se hasarde à descendre,
Pour relire, inquiet, son livre inachevé,
Et le clore d’un rêve en mourant retrouvé ?

Ce doux cygne étouffé sous le pied de l’envie
Par tes yeux sans bonheur a-t-il revu la vie ;
Et n’y retrouvant plus ses hymnes mutilés,
Pleure-t-il dans tes vers ses beaux vers envolés ?

Alors que de ces vers la vibrante nitée
Du pied de l’échafaud s’enfuit épouvantée,
Les pris-tu lumineux sur le bord du chemin,
Où l’ange de la vie abandonnait sa main ?

Au-dessus des cachots, délivrée et chantante,
As-tu trouvé dans l’air cette âme encor flottante,
Après que sa grande aile eut franchi ses barreaux,
Toute rougie encor de l’acier des bourreaux ?


Hélas ! on le croirait, tant la grâce est la même ;
Tant tu sais, comme lui, ce qu’on sait quand on aime !
Oh ! la Parque est cruelle à qui l’a vu mourir ;
Mais quoi ! la vie est triste à qui t’y sent souffrir !

Où que tu sois, jeune homme, où que pleure ton âme,
Dis : J’ai mon nom caché dans le cœur d’une femme,
Mon nom d’enfant, qui chante au milieu de ses jours,
Et qui dans sa prière à Dieu, monte toujours !