Bouquets et prières/Le Salut aux Morts

La bibliothèque libre.

Pour les autres éditions de ce texte, voir Le salut aux morts.

LE SALUT AUX MORTS.



J’aurai toujours une prière
Pour le petit cercueil passant ;
Une larme pour l’humble bière,
Qui dit : Ton frère est là gisant !
Et si je n’ai croix ni couronne,
Ni fleur, ni plus rien qui se donne,
J’aurai, sous peine d’un remords,
Le salut, doux peut-être au mort !


Mort béni ! la foule oppressive
Ne troublera plus ton sommeil :
Laisse-moi donc suivre pensive,
Ton char qui se traîne au soleil.
Au fond du long rêve immobile,
Peut-être de ma voix débile
Le salut pieux descendra,
Et ta cendre tressaillera !

Peut-être qu’à mon insomnie,
Ton âme suspendue un soir,
De sa pénitence finie,
Viendra respirer et s’asseoir :
Puis, ouvrant doucement la porte,
Du séjour où Dieu la remporte,
Elle me dira : Ne crains rien :
Les cieux sont grands ; les morts sont bien !

J’ai déjà tant d’âmes aimées
Sous ce lugubre vêtement !

Tant de guirlandes parfumées
Qui pendent au froid monument !
Par le souffle mortel atteintes,
Tant de jeunes bouches éteintes,
D’où mon nom sortait plein d’amour,
Et qui m’appelleront un jour !