Bouquets et prières/Les Poissons d’or

La bibliothèque libre.

Pour les autres éditions de ce texte, voir Les poissons d’or.

LES POISSONS D’OR.


À M. Alibert, médecin.


Que font les poissons d’or sous la prison de verre,
Asile transparent rafraîchi de fougère :
Nagent-ils au soleil dans ce frêle vaisseau
Où vous leur répandez un éternel ruisseau ?

Pour respirer la fleur que vous avez cueillie,
Dès que vous y penchez votre ombre recueillie,
Ces mobiles esprits du fluide élément
Remontent-ils joyeux au bord du lac dormant ?


Égayez-vous leur temps d’exil sous la rivière,
En garnissant d’oiseaux la fragile barrière
Où vous allez suspendre et baigner vos ennuis,
Pour rafraîchir vos jours, rêveurs comme vos nuits ?

Parfois l’aigle sur l’onde attache sa paupière,
Et s’inonde à plaisir d’une calme lumière :
Ainsi, près du miroir inspirateur de l’eau,
Le génie, aigle ardent, sort libre du cerveau.

Comme dans l’Orient, au fond de votre chambre,
Où ne gèle jamais l’haleine de décembre,
Voit-on ce filet d’eau circuler nuit et jour,
Pour faire aux poissons d’or un tiède et clair séjour ?

Oh ! que ne puis-je atteindre à ces molles demeures
Pour glisser alentour de vos limpides heures,
Que n’altéra jamais la haine au poulx fiévreux ;
Vos heures ! dons du ciel voués aux malheureux.


Vos heures, d’où coula comme un divin breuvage
La guérison des sens par la raison du sage ;
Vos heures, que longtemps puissions-nous voir encor
Briller sous le soleil comme les poissons d’or !