Bouquets et prières/Un Présage

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UN PRÉSAGE.


 
J’ai vu dans l’air passer deux ailes blanches.
Est-ce pour moi que ce présage a lui ?
J’entends chanter tout un nid dans les branches :
Trop de bonheur me menace aujourd’hui !
Pour le braver je suis trop faible encore ;
Arrêtez-vous, ambassadeurs des cieux !
L’épi fléchit que trop de soleil dore :
Bonheur, bonheur, ne venez pas encore ;
Éclairez-moi, ne brûlez pas mes yeux !


Tournée au Nord une cage est si sombre !
Dieu l’ouvre-t-il aux plaintes de l’oiseau,
L’aile incertaine, avant de quitter l’ombre,
Hésite et plane au-dessus du réseau.
La liberté cause un brillant vertige ;
L’anneau tombé gêne encor pour courir.
Survivra-t-on si ce n’est qu’un prestige ?
L’âme recule à l’aspect du prodige ;
Fût-ce de joie, on a peur de mourir !
 
Mais ce bouquet apparu sur ma porte,
Dit-il assez ce que j’entends tout bas ?
Dernier rayon d’une âme presque morte,
Premier amour, vous ne mourez donc pas !
Ces fleurs toujours m’annonçaient sa présence,
C’était son nom quand il allait venir :
Comme on s’aimait dans ce temps d’innocence !
Comme un rameau rouvre toute l’absence !
Que de parfums sortent du souvenir !
 
Je ne sais pas d’où souffle l’espérance,

Mais je l’entends rire au fond de mes pleurs.
Dieu ! qu’elle est fraîche où brûlait la souffrance !
Que son haleine étanche de douleurs !
Passante ailée, au coin du toit blottie,
Y rattachant ses fils longs et dorés,
Grâce à son vol, ma force est avertie :
Bonheur ! bonheur ! je ne suis pas sortie ;
J’attends le ciel ; c’est vous, bonheur : Entrez !