Bouquets et prières/Une Âme
Pour les autres éditions de ce texte, voir Une âme (« D’une pauvre âme en cheveux blancs »).
UNE ÂME.
D’une pauvre âme en cheveux blancs,
Qui s’épure ensemble et s’altère,
Pourquoi venez-vous, ô mon frère !
Épier les rayons tremblans
D’une pauvre âme en cheveux blancs ?
Tant de jours ont chassé le jour
Où la vôtre s’en est allée,
Laissant sa jeune sœur voilée
Se dévouer seule à l’amour :
Tant de jours ont chassé ce jour !
N’est-ce pas apprendre bien tôt
Que l’amour n’est pas de la terre ?
Un jour, la tendre solitaire
Devina qu’il était plus haut :
N’est-ce pas l’apprendre bien tôt ?
Il est plus haut ! vous y viendrez,
Puisqu’enfin vous m’avez cherchée ;
Et moi, pour m’être ainsi cachée,
Belle un jour vous me reverrez.
Plus tard, bien tard, vous y viendrez !
Mais fuyez ce sentier de feu,
Couvert d’une si triste cendre ;
Nous ne pouvons plus redescendre ;
Le temps vole : attendez un peu !
Mais fuyez ce sentier de feu.
Si l’ange de la charité
S’émeut à ma double prière,
Vous monterez à sa lumière
En quittant ce monde agité :
Tout s’unit dans la charité !
Moi, sans frayeur ; vous… toi sans fiel,
Dieu sera dans notre présence,
Comme à ce beau temps d’innocence
Où nos regards étaient le ciel,
Moi, sans frayeur ; vous… toi, sans fiel !