Brèves apologies de nos auteurs féminins/Mlle Hermine Lanctôt

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Mlle  HERMINE LANCTÔT



Mlle Lanctôt est une de nos femmes écrivains les plus connues et les plus estimées dans notre monde intellectuel. Pendant plus de dix ans elle a multiplié ses écrits dans le Monde illustré et dans le Recueil littéraire. Elle y écrivait sous le pseudonyme d’Hermance, et ses articles plaisaient tellement aux lectrices du Monde illustré qu’elle en recevait des plaintes lorsqu’elle n’écrivait pas régulièrement. Les collaboratrices ne manquaient pourtant pas à cette revue hebdomadaire, mais on la considérait comme la reine de cet essaim d’abeilles fines et gentilles qui butinaient les fleurs autour de cette ruche si riche et si bourdonnante. Elle plaisait par son sens délicat et par la grâce qu’elle savait mettre avec art dans ses écrits, et on la regretta lorsque sa noble ambition d’inculquer aux jeunes son amour des lettres et de développer leurs aptitudes la détermina à abandonner ses « bonnes amies » pour se vouer à l’enseignement. Par un bel esprit d’initiative, elle fonda, vers 1900, l’Académie des Cours particuliers, où elle cultiva pendant plusieurs années, avec le plus heureux succès et le plus généreux dévouement, l’intelligence et le cœur des nombreuses jeunes filles qui s’offrirent à ses soins.

C’est pendant ces belles années pour ses élèves qui l’aimaient profondément qu’elle publia ses Fleurs enfantines, recueil de savoureuses historiettes dont quelques-unes sont de sa plume et d’autres du poète Louis Fréchette, de Gaetanc, de Françoise, et autres écrivains.

En 1907, fatiguée par plusieurs années d’un travail ardu, elle dut abandonner à regret l’Académie qu’elle avait fondée, mais ne voulant pas laisser péricliter cette œuvre de prédilection, elle en confia la direction à une personne d’élite, tout aussi éprise qu’elle de littérature, Mlle  Marie Beaupré, dont les succès comme poète et prosateur étaient déjà nombreux, et qui était connue dans le public lettré sous le pseudonyme d’Hélène Dumont.

De nouveau, cependant, sa santé et son énergie lui ont permis de fonder encore à Montréal, une autre institution du même genre qu’elle a joliment dénommé « Les Hirondelles ». C’est là que vont de gentilles jeunes filles cultiver les dons que la Providence leur a donnés. De charmants gazouillis sortent de ce joyeux nid, et nous en avons l’écho dans la revue nouvelle que publie Mlle  Lanctôt sous le gracieux titre Gazouillis.

Au cours de ses années de repos, Mlle  Lanctôt a donné de belles conférences, à Montréal, une, entre autres, sur l’art musical, en novembre 1908, et une sur la Princesse Laetitia Bonaparte, fille du Prince Napoléon, mariée à son oncle le duc d’Aoste, ancien roi d’Espagne et frère du roi Humbert d’Italie.

Cette dernière a été publiée, et nous en avons l’appréciation suivante dans la Bonne Parole de juin 1913.

« Voici une élégante petite brochure qu’il faut lire. Quoique le sujet, historiquement, ne nous touche pas de bien près, par la fine psychologie qui s’y glisse et par l’enseignement moral et pratique qui s’en dégage, il ne peut manquer de nous captiver. Page d’histoire de France, c’est aussi l’histoire d’une âme et d’une femme. Merci et félicitations à l’auteur d’avoir serti ce joyau. Car si l’on jouit tant au contact de l’austère reine mère, si l’on s’éprend de ses mâles vertus, et si au cours de la lecture on sent cet exquis vertige des contes de fées et des légendes dorées, c’est que l’auteur, en artiste, raconte aussi bien qu’elle analyse : sa plume très simple court et se pose comme une fine broderie. »