Brassée de faits/19

La bibliothèque libre.
Collection des Orties blanches (Jean Fort) (p. 299-315).

LETTRE V

Une dame, institutrice libre, nous adresse à la suite de deux lettres celle-ci qui est longue ; mais dont il n’y a rien à retrancher, car elle exprime finement, des nuances délicates de sensualité raffinée, bien féminine.

Si nous passons sous silence les lettres précédentes, c’est qu’elles contenaient uniquement, toute une courtoise appréciation, étendue et détaillée, de nos livres.

… Ce qui me plaît le plus à lire dans la correspondance que vous recevez et dont vous voulez bien nous faire part, ce sont les lettres des dames et des demoiselles. Je possède tous vos livres depuis un an seulement. J’ai lu d’abord Paulette trahie et, aussitôt j’ai tenu à me procurer les précédents.

J’ai donc lu ces lettres les unes après les autres, mais en une seule fois et non année par année.

Que je regrette de n’avoir pas eu connaissance de vos livres si empoignants dès leur mise en vente. Avec quel plaisir et quel empressement j’aurais correspondu avec plusieurs des signataires de ces lettres tant suggestives dont il est une dizaine qui m’ont plu par-dessus tout, m’inspirant une irrésistible sympathie pour leurs auteurs.

Non seulement Georgette V. V., mais encore l’équipe des six sportives, et d’autres aussi et surtout Marguerite-Edmée que je place la première de toutes !

Oh ! cette Marguerite-Edmée ! elle m’a conquise et j’ai pour cela des raisons que je vais vous dire. Mais il faut vous armer de patience et d’indulgence, Monsieur, parce que la lettre que je vous adresse est loin d’approcher de la sienne que je ne suis pas seule à trouver aussi bien écrite qu’émouvante. Pour ma part, j’éprouve une véritable confusion à oser vous adresser mes confidences, moi qui n’ai pas son charme épistolaire.

J’ai fait lire sa lettre à beaucoup d’amies et toutes, de mon avis, l’ont admirée pour son style captivant autant qu’elles se déclarent touchées par la passion communicative dont chaque ligne est imprégnée.

Je m’excuse donc de ma hardiesse à venir après elle, et à ma façon dépourvue de tout mérite littéraire, vous exposer les causes, les conditions de la vocation de flagellante qui s’est emparée de moi, il n’y a pas longtemps car je suis jeune encore, tout juste autant que Marguerite-Edmée.

Sans vous dire tout d’abord à quel degré je suis flagellante et à quelle catégorie j’appartiens, je vais remonter, si vous le permettez, à l’origine du goût que j’ai pris pour le Fouet et essayer d’en rechercher, sinon les motifs, tout au moins les circonstances qui ont déterminé cette orientation.

Pour commencer, je vous dirai que j’ai été élevée avec beaucoup de soin par mes parents et que je n’ai eu, dans ma famille, aucun mauvais exemple de nature à me pervertir, en admettant que soit une perversion une prédilection pour le Fouet, ce qui ne me paraît pas démontré. Je n’ai eu, non plus, aucune fréquentation douteuse, à l’école communale d’abord, dans les cours élémentaires, puis dans les cours supérieurs, jusqu’à mon bachot. Je n’ai jamais été fouettée à l’école pour la raison que le fouet y était interdit. Je ne l’ai pas été par ma mère au-delà de onze ans et seulement de loin en loin. Ma mère ne présentait rien d’une flagellante, mon père ne porta jamais la main sur moi et je n’ai eu, dans ma parenté, ni dans mon entourage, ni tante ayant l’habitude de corriger ainsi ses enfants, ni même de dame amie de ma famille chez qui j’aurais eu l’occasion de voir administrer à ses enfants, filles ou garçons, des corrections de ce genre.

Jusqu’à l’âge de quatorze ans, les seules fessées que j’aie pu voir donner l’étaient à des bébés et encore je pourrais les compter. Il y en a eu si peu ! Encore même n’étaient-ce pas des fessées dans l’acception véritable et complète de l’expression. Il s’agissait plutôt de quelques claques seulement, une dizaine, appliquées très légèrement, à des marmots de dix-huit mois, de deux ans, de trois ans les plus grands. J’avais entendu souvent au Square, au Luxembourg, aux Tuileries, des mamans, des gouvernantes, des nourrices, des nurses anglaises menacer des petites filles, des petits garçons d’une fessée ; mais, jamais je n’en avais vu infliger à ces enfants âgés, les plus vieux, de six, de sept ans. J’en comptais dix, alors.

Mais, un peu plus tard, au Bois de Boulogne, il m’arriva d’entendre des mères en parler à de plus grands. La première fois, c’était à un garçon de douze ans ; la seconde fois, quelques jours après, c’était à une fille, de douze ans également et j’avais leur âge. Cela fit sur moi une certaine impression. Oui, cela rencontra en moi un écho étonné et c’est de là que date l’attention que je portai à un châtiment que, depuis un an, je ne connaissais plus pour mon compte.

Nous habitions rue Mirabeau et nous allions souvent au Bois de Boulogne. C’était même notre unique but de promenade, dans la belle saison, à maman et à moi, le jeudi. Souvent avec papa, nous y retournions le dimanche, On y déjeunait, on y dînait sur l’herbe, du côté de Ranelagh principalement, et même plus loin, vers Suresnes. Avec ma mère, en semaine, c’est du côté de Suresnes que nous allions d’habitude, et, pendant les vacances, presque tous les jours. Papa déjeunait à son bureau, maman et moi nous emportions le nécessaire.

Je vous disais qu’à douze ans, en entendant menacer d’une fessée une fillette de cet âge, d’une «bonne fessée » pour être exacte, j’avais éprouvé une certaine émotion. Cela tenait peut-être à la personnalité physique de cette enfant qui était grande et développée, bien plus que moi. Si je savais son âge, c’est que sa mère l’avait dit, l’instant d’avant, en causant avec maman, sur le banc où toutes deux, étaient assises. Sans quoi, je lui en eusse donné plutôt quatorze.

Jouant avec sa fille ensuite, je n’osai pas lui parler de cette menace que j’avais entendue quelques minutes auparavant et qui me laissait rêveuse. Mais ma curiosité qui s’éveillait brusquement me poussait à la questionner à ce sujet et je n’y aurais pas manqué si j’étais restée plus longtemps en sa compagnie. Grande plus que moi de presque toute la tête et forte à proportion, elle me semblait presque une jeune fille à côté de moi et, le lendemain et les jours suivants, évoquant, par la pensée, recevant la correction, j’étais quelque peu troublée d’un émoi bizarre et bien nouveau, à m’imaginer, dénudée pour la correction, cette grande et grosse blonde dont les fortes jambes, sous la jupe courte, découvertes jusqu’à mi-cuisses, faisaient deviner quel épanouissement charnu devait s’offrir à la main maternelle.

J’y pensai de plus en plus, surtout, je crois, en raison de l’expression employée par sa maman, et chaque fois que je me trouvais en présence d’une grande fillette bien en chair, l’idée me venait qu’elle était peut-être, elle aussi, soumise à des corrections manuelles spéciales, qualifiées « bonnes ». Leurs fesses en étaient dignes par leur amplitude que je soupçonnais, même quand cette amplitude ne se révélait pas grâce à une jupe ajustée ainsi, que, du fait de la mode, cela se présentait déjà à cette époque.

Cette idée devenait déjà chez moi une sorte d’obsession qui durait depuis deux ans entiers, quand, une fois, au Bois de Boulogne, encore, et ayant alors quatorze ans, m’étant écartée de maman en poursuivant des fillettes à peu près de mon âge dont je venais de faire la connaissance et avec qui je jouais à cache-cache, je me trouvai dans un fourré en présence de trois jeunes filles, de grandes jeunes filles alors, qui s’amusaient à des jeux beaucoup moins innocents.

À genoux dans l’herbe, deux d’entre elles en tenaient une troisième, couchée à plat. Elles avaient retroussé sa jupe et l’une et l’autre la claquetaient par-dessus le pantalon. Très serré le pantalon moulait les formes de leur amie qui devait avoir une vingtaine d’années, de même que les deux autres. Toutes trois coquettement mises appartenaient assurément à la classe bourgeoise et aisée. C’étaient des jeunes filles de bonne famille.

En semaine, en juillet, le Bois, le matin est peu fréquenté. Elles se croyaient bien tranquilles et s’amusaient librement. À ma brusque arrivée, elles s’arrêtèrent, surprises un moment ; mais, me voyant seule et ne se troublant guère à la vue d’une enfant, les deux fouetteuses reprirent leur jeu, sans se gêner, et recommencèrent de plus belle à claqueter leur camarade.

Cela se passait dans la partie du Bois que vous connaissez sans doute, et qui avoisine la mare de Saint-James. L’endroit était désert, ce matin-là, comme il l’est à cette heure, en pareille saison. Sans doute, me crurent-elles, me voyant nu-tête, venue seule de Neuilly et non accompagnée de ma mère que j’avais laissée à cent mètres de là. Elles continuèrent et excitées peut-être encore par ma présence — cela est possible — l’une d’elles eût l’idée, m’observant clouée sur place par une curiosité ardente que trahissaient mes regards, de pousser plus loin la hardiesse de leur piquante distraction. En une seconde, sans hésiter, elle rabattit la culotte et me montra, en plein, la croupe rebondie, toute nue de son amie…

C’était bien la première croupe féminine qu’il m’était donné d’examiner dans cet état d’absolue nudité. L’autre jeune fille, qui, avec elle, retenait sur le sol la déculottée, éprouvait la même joie et toutes deux semblaient m’inviter à la partager. Elles regardaient tour à tour le beau derrière si bien présenté sans voile, puis moi-même qui leur paraissais si vivement intéressée. Elles devaient lire dans mes yeux le plaisir, que je prenais à la contemplation de ce qu’elles me montraient, de ce qu’elles offraient si généreusement à ma vue charmée. Leur expression de visage que je n’ai pas oubliée indiquait qu’elles jouissaient de l’émoi que je manifestais par mes regards, à la fois étonnés et ravis.

La croupe étalée devant moi était de toute beauté et j’en ai conservé le souvenir ineffaçable. La peau très blanche, les formes parfaites des deux belles fesses étroitement serrées sont à jamais fixées dans ma mémoire visuelle et je voudrais savoir dessiner pour en reproduire l’aspect attrayant, supérieur, à tout ce qui s’était jusque-là présenté à ma vue.

Elle aussi, la jeune fille fouettée se tournait vers moi, c’était une brune aux yeux passionnés que je n’oublie pas non plus.

Celle qui avait rabattu la culotte fit en sorte de dévoiler plus complètement les fesses admirables, tirant la chemise en haut, puis elle prit, à pleine mains, des deux à la fois, la belle chair et l’expression qui l’animait alors témoignant d’un plaisir souverain. Sous l’étreinte double des mains amies, les fesses se remuaient tout exprès, me semblait-il, pour que je visse quel bonheur on goûtait ainsi, et c’est alors que j’entendis celle qui pétrissait la croupe palpitante me dire :

— Tu voudrais qu’on t’en fasse autant, dis ? Ça te fait envie ? tu voudrais qu’on te claque aussi sur les fesses ?…

Je n’en écoutai pas davantage. Je ne sais quel effroi m’envahit, quel sursaut pudique me rejeta en arrière. En proie à un désarroi total, je m’en fus, affolée, comme si je venais d’assister à un spectacle qui m’eût perdue si j’étais restée une seconde de plus…

Me précipitant hors du fourré, je rejoignis la route en courant et, rencontrant mes deux camarades à ma recherche, je repris le jeu de cache-cache sans souffler mot de ce que j’avais vu. Je prétendis m’être égarée à leur poursuite ; elles attribuèrent mon bouleversement à l’ardeur de ma course et ne se doutèrent de rien d’autre.

Rentrée à la maison, je ne cessai de penser à la scène du fourré. Les belles fesses nues étaient restées devant mes yeux, ouverts maintenant, je le savais, sur un monde encore inconnu hier. Surtout un monde d’idées, de désirs, d’aspirations, de sensations ! En même temps qu’il me semblait que cette découverte ne faisait que confirmer la connaissance d’un secret que depuis deux ans je pressentais…

Oui, le secret qui venait de m’être révélé, je le connaissais par intuition, du jour où j’avais entendu une mère menacer sa fille d’une bonne fessée. Ce secret, c’était celui-ci, et je le savais maintenant avec certitude : un grand bonheur réside dans le fait de fesser et dans celui d’être fessée…

Il n’y avait plus pour moi aucun doute. J’étais, à présent, instruite du grand mystère. De ce jour, je cessais d’être une enfant. Désormais, toute vibrante, j’allais vivre pour cet idéal : fesser et me faire fesser. Fesser celles dont j’aurais fait choix et me faire fesser par elles. Désormais, je ne connaîtrais que ce double but.

Mais, maintenant que j’étais instruite du grand mystère à la fois double et un, quand donc, comme la mère entendue il y a deux ans, quand donc pourrais-je administrer à une gamine charnue une bonne fessée ? Quand donc, pourrais-je de la main d’une belle brune, pareille à celle que j’avais surprise à l’œuvre, ce matin, quand donc, pourrais-je moi aussi, recevoir cette bonne fessée qui, je le savais me rendrait si heureuse ?

Je n’avais pas encore connu une nuit aussi agitée que celle que je passai…

Le lendemain, au réveil, je brûlais encore de retourner au Bois.

Je décidai sans peine maman à regagner le même endroit ombreux. Je courus au fourré. Quelle déception ! Le lieu si bien choisi pour les jolis ébats était désert. Qu’avais-je donc espéré, dans ma fiévreuse insomnie ?

Je revis avec émotion l’herbe foulée à la place où, vautrée, le genou d’une amie appuyé sur ses reins, la brune, étalée, remuait ses belles fesses, avides de claques et de caresses… Je m’attardais là, à rêver… Avais-je été assez sotte, hier, de m’enfuir ainsi !

On déjeuna, maman et moi, toutes les deux. À deux heures, la dame de Puteaux vint avec ses filles. Nous reprîmes nos jeux et cette fois, une idée germa en moi, qui devait racheter ma bêtise de la veille.

J’entraînai les deux fillettes, l’une de douze ans, l’autre de treize, dans le fourré chéri. On se roula dans l’herbe… Tout d’un coup, m’emparant de la plus jeune d’abord, je la retins, couchée comme l’avait été la belle flagellée. Je la retroussai et ma fantaisie inattendue ne la révolta nullement. Au contraire, elle me laissait faire. Je fis mine de la fouetter sur son pantalon, puis m’enhardissant, soudain, je lui rabattis sa courte culotte et mise à l’air ses jeunes fesses qui, si elles ne rivalisaient pas avec la riche paire dont je gardais l’orgueilleux souvenir, étaient jolies à voir, fraîches et rondes, les premières qui eussent l’étrenne de ma main !

Sa sœur riait comme moi ; de concert nous nous mîmes à fouetter la gamine, après que je l’eusse fait avec amour. Moi, d’abord et seule. Combien timide encore cette première fessée ! La peur du bruit me retenait ; mais déjà, m’enchantait mon initiative. Je ne me reconnaissais pas. Quelle audace m’était donc venue ?

Après, je pris l’autre qui ne demandait pas mieux et ce fut mon tour ensuite.

J’avais chargé la petite de faire le guet. Je voulais être fessée comme il faut. La plus grande s’y appliquait, de son mieux, amusée et contente. Amusée surtout ; car nul vice n’était encore en elle. J’aurais voulu qu’elle me claquât plus fort. Une sensuelle ardente, une flagellante passionnée avait éclos en moi, et attendait du Fouet de violentes caresses ! J’étais heureuse de m’entendre dire que mes fesses devenaient rouges.

Quinze jours après, une autre circonstance, en quelque sorte fatidique, devait achever définitivement mon initiation commencée, et cette fois, me sacra flagellante forcenée. Je n’avais cessé de profiter de tout instant de solitude, chez nous, pour me claquer moi-même, tant bien que mal.

La femme de ménage de maman fut obligée de partir pour son pays, à l’occasion du mariage de sa sœur et se fit remplacer chez nous par une amie, pendant quinze jours. Pour ce temps, nous dûmes renoncer à nos promenades au Bois.

La remplaçante, une veuve, d’une quarantaine d’années, native de l’Allier, grande et vigoureuse brune, avait une fille dont elle nous parlait souvent, de quinze ans, et qui, apprentie modiste rue de la Paix, lui donnait du tracas. Nous la vîmes, dès le second jour, Elle vint chercher sa mère, un dimanche à midi.

C’était une assez jolie fille, taillée sur la même patron que sa mère, mais à qui elle ressemblait tout de même en mieux ; coquette et même élégante, elle avait attrapé le chic parisien. Or, sa mère raconta à maman qui Je répéta, à table, le soir à papa devant moi, que pour la tenir elle ne se privait pas de la battre et les corrections qu’elle lui infligeait n’étaient jamais autres que des fessées.

Cette fois encore, la même expression intervenait et, ses corrections, la mère les qualifiait de bonnes fessées.

Il y avait toute raison de croire l’adjectif justifié ! Il suffisait de voir la maman pour deviner la rudesse des fessées qu’elle était capable d’administrer. Et moi, à l’examen de sa fille, adolescente épanouie et robuste, une femme déjà, pour mieux dire — et cela sans aucune exagération, j’éprouvai, à la savoir soumise à cette correction à laquelle je ne faisais plus que penser sans cesse, une émotion incomparablement plus vive qu’à évoquer la grosse fille de douze ans qui figurait si souvent dans mes rêves. Comment, cette grande jeune fille que tous les hommes devaient regarder avec des yeux de convoitise recevait des fessées de sa mère ? Des fessées, à titre de corrections, c’était, me semblait-il, bien autre chose que des fessées entre jeunes filles folâtrant ensemble ! Une joie indicible me transporta et, quand le second dimanche, elle vint encore à midi prendre sa mère, je la déshabillai des yeux, mieux que ne l’avais fait à sa première visite. Elle était très bien tournée et, ce qui m’apparut avec évidence, c’est qu’elle possédait sûrement une paire de fesses sculpturales dont ses reins très cambrés accentuaient la saillie. À la pensée que, la veille encore, sa mère avait rapporté à maman l’avoir corrigée, le vendredi soir, pour son retour tardif de l’atelier où, mensongèrement, sa fille prétendait avoir veillé à la pensée que c’était la deuxième fois depuis une dizaine de jours, et qu’à chacune ç’avait été une bonne fessée je me doutais, en regardant cette belle fillette que j’en aurais pour une partie de la nuit à me consumer, en m’imaginant la scène.

Car les fessées en question, d’après l’aveu de sa mère, revêtaient une vigueur extraordinaire. Selon sa comparaison, au sortir de ses mains, sa fille en avait les fesses rouges « comme ce fauteuil ». Or, le fauteuil qu’elle désignait était recouvert de damas franchement cramoisi.

Aussitôt que je le pus, je mis à profit une demi-heure où je restai seule pour me fesser de toutes mes forces, enchantée d’apercevoir dans la glace l’ardente rougeur de ma peau.

Je m’imaginais être à la fois la grosse fille et celle qui la fouettait. Je ne savais au juste qui je devais envier le plus d’elle ou de sa mère.

À cette vigoureuse adolescente je suis redevable d’avoir fait une découverte concernant ma mentalité de flagellante et cela fixe, à mon avis, un point de ma sensualité un peu spéciale.

Ce deuxième dimanche, lorsqu’elles partirent de chez nous, vers midi, nous étions, maman et moi, dans l’entrée. Papa, descendu pour se faire raser avant le déjeuner, ne remontait pas, s’attardant sans doute à causer avec quelque ami. Nous en fîmes autant avec la femme de ménage et sa fille.

Maman ayant complimenté la jeune modiste sur sa bonne mine et son air sage, sa mère, alors, loin d’y souscrire, donna libre cours à ses récriminations et, ressassant ses griefs, rappela, avec une insistance qui me faisait frissonner de bonheur, les corrections qu’elle se trouvait si souvent dans la nécessité de lui infliger.

Je crois fermement ne pas être méchante et ne l’avoir jamais été. Pourquoi alors ce rappel cruel des corrections humiliantes de cette jeune fille, mon aînée, énoncé crûment devant moi et en sa présence, provoquait-il chez moi une explosion de plaisir inexprimable ? Ce n’est pas uniquement sans doute parce qu’il s’agissait de fessées et que le mot trivial était prononcé. Quoique je fusse chaste, le côté érotique du châtiment ne m’échappait pas, administré à une jeune personne de cet âge et surtout de cette complexion.

Mais, de voir s’empourprer son visage, je jouissais doublement parce que, à la joie sensuelle de penser à de si belles fesses claquées nues, se mêlait une délectation cruelle de la honte qu’elle éprouvait à ce que ce châtiment cuisant à son amour-propre plus encore qu’à son épiderme fût nommé sans réticence et en quelque sorte décrit cyniquement devant moi, plus jeune et qu’elle voyait témoigner d’une joie cruelle.

Étonnée moi-même de mon plaisir intense, j’en analysais très bien la nature sur le moment et je m’en rendais trop compte pour ne pas m’en féliciter. En effet, heureuse à ce point de pouvoir repaître de mes yeux la honte témoignée par ses joues, par tout son visage rouge jusqu’aux oreilles, aurais-je pu l’être davantage si je les avais repus de ses belles fesses teintées du même ton à la fin d’une belle fessée ?

Cette contenance, cette montée pourpre à la figure d’une jeune fille à qui, devant témoins, on rappelle des fessées récentes, je m’en suis souvenue bien souvent, même maintenant où il m’est donné de contempler des paires de jeunes fesses enluminées par mes soins. Il m’est délicieux le lendemain, de faire rougir mes victimes de la veille jusqu’au blanc des yeux, sur un simple regard que je leur décoche, sur un petit geste de la main que j’ébauche et qui leur rappelle avec précision la correction vexante dont je les ai cruellement humiliées.

Mais, le côté nettement cruel que je discerne dans mon plaisir n’existe pas toujours. La plupart du temps, c’est avec des amies que je m’amuse à ce jeu où n’entre en rien l’idée d’humilier. Elles sont consentantes et le plaisir est réciproque, car elles me fouettent à leur tour. Pourtant, il m’arrive quelquefois de rechercher avant tout à savourer la honte d’une jeune personne présomptueuse que je fesse malgré elle.

C’est ainsi que, cet été, en villégiature chez une amie, aussi flagellante que moi, j’ai eu le bonheur de pouvoir fesser avec sa complicité une jeune fille de quinze ans.

Nous l’avions déjà menacée de correction sans la laisser dans l’ignorance de ce que ce serait et il nous était déjà infiniment agréable de constater l’effet de la seule menace. Ce ne fut pas sur le ton de la plaisanterie que nous la mîmes à exécution et je ne vous cacherai pas non plus que j’éprouvai le plus grand plaisir à cette fessée administrée avec tous les raffinements les plus mortifiants.

Elle la méritait et nous étions sûres qu’elle n’en dirait rien à sa mère. Nous savions d’avance qu’elle en serait particulièrement émue. Notre attente fut dépassée par la réalité et le trouble profond qu’elle a ressenti d’avoir été corrigée en gamine constitua, à notre avis, la majeure partie de l’efficacité du châtiment.

À ses leçons des jours suivants, il y avait non seulement plaisir à observer la persistance du même effet moral atteint, mais c’était encore, pour nous deux, l’occasion d’une étude bien intéressante de notre sensualité la plus délicate, en même temps que de celle de la jeune fille. À son âge, j’aurais voulu que l’on me traitât ainsi.

Aussi, ne fus-je pas surprise lorsqu’elle se soumit dans la suite au même châtiment, chaque fois que nous vîmes la nécessité d’y recourir à nouveau. J’avais, pour ma part, prévu cette évolution chez la jeune personne qui n’avait jamais été fouettée dans sa famille. Et pourtant, ce fut, chaque fois, une bonne fessée. Si elle tira, de ce régime, un profit indéniable, pour le progrès de ses études, ce n’est pas ici le point à souligner. Mais, sans sortir des limites de la sensualité, nous fîmes, en son cas particulier, une observation que je crois d’intérêt général.

À quinze ans, la sensualité, non encore déterminée dans un sens formel, est singulièrement complexe chez les jeunes filles. Celle-ci, se révéla bientôt la flagellante passive que nous avions devinée en elle. Nous sommes heureuses de ne pas nous être trompées dans nos espérances. Cette jeune fille, en effet, peut s’attendre à de grandes joies dans l’avenir si elle persévère, ce dont nous la croyons capable.

Il serait curieux de savoir ce qu’elle deviendra. Puissions-nous, à son sujet, ne pas nous leurrer dans nos conjectures !

Je vous assure, Monsieur, qu’une telle étude est passionnante et qu’en dehors de toute sensualité grossière, il y a là matière à exercer ses facultés d’analyse en restant sur le terrain exclusif de la psychologie.

C’est pour en arriver à vous dire simplement cela, Monsieur, c’est pour vous soumettre finalement ces quelques dix ou douze lignes que je vous ai écrit cette lettre interminable et singulièrement diffuse. Je n’ose pas vous prier d’excuser la banalité de tant de feuillets, en considération de celui qui la termine et que je crois être le seul digne de retenir un instant votre attention, Pour un esprit délié comme le vôtre, est-il un sujet plus digne d’intérêt que la mentalité, la psychologie de la jeune fille ? J’entends : de la jeune fille normale, c’est à dire intelligente et pudique, en même temps qu’évoluée, ainsi qu’elle l’est, à notre époque, dans la partie moyenne et la plus nombreuse de la société.

Signé : Albertine-Armande.