Briefwechsel zwischen Leibniz und Foucher

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Die philosophischen Schriften (p. 363-427).




Briefwechsel
zwischen
Leibniz und Foucher.
1676(?)—1695.

——

Simon Foucher, 1644 zu Dijon geboren, trat in den Priesterstand und wurde Canonicus in seiner Vaterstadt. Er blieb jedoch nur wenige Jahre in dieser Stellung; um seiner Neigung für die Wissenschaften zu leben, begab er sich nach Paris, wurde Baccalaureus der Sorbonne und erwarb sich einen großen Freundeskreis. Baillet (im Leben des Descartes) berichtet, daß Foucher ausersehen wurde, die Leichenrede auf Descartes zu halten. Seine Studien richteten sich namentlich auf die Philosophie Plato’s, so daß man ihn »le restaurateur de la philosophie académicienne« nannte. In Folge angestrengter Arbeiten starb er in der Blüthe seines Lebens im Jahre 1696.

In einem Briefe an Nicaise aus dem Jahre 1697 giebt Leibniz über Foucher folgendes Urtheil: Je suis fàché de la mort de M. Foucher. Sa tête étoit un peu brouillée. Il ne s’arrêtoit qu’ à certaines matieres un peu seches ; et il me semble qu’il ne traitoit pas ces matieres mêmes avec toute l’exactitude ncessaire. Peut-être que son but n’étoit que d’être le ressuscitateur des académiciens, comme M. Gassendi avoit ressuscité la secte d’Epicure ; mais il ne falloit donc pas demeurer dans les généralités. Platon, Cicéron, Sextus Empiricus et autres lui pouvoient fournir de quoi entrer bien avant en matiere, et sous prétexte de douter il auroit pu établir des vérités belles et utiles. Je pris la liberté de lui dire mon avis là-dessus; mais il avoit peut-être d’autres vues dont je n’ai pas été assez informé. Cependant il avoit de l’esprit et de la subtilité, et de plus il étoit fort honnête homme: c’est pourqnoi je le regrette. – Hiermit stimmen auch die Urtheile Nicaise’s und Huet’s, des Bischofs von Avranches (vergl. Cousin, Fragments philosophiques. Philos. moderne, II. part. p. 151 sqq.).

Die Schriften Foucher’s, die zum Theil in Bruchstücken und als Broschüren erschienen, beziehen sich besonders auf die Philosophie der Alten, namentlich Plato’s. Er hat außerdem im Jahre 1675 verfaßt: Critique de la Recherche de la Vérité, où l’on examine en même temps une partie des principes de M. Descartes, lettre par un académicien, welche von dem Benedictiner Dom Robert des Gabetz durch: Critique de la Critique de la Recherche de la Vérité, im folgenden Jahre 1676 erwiedert wurde. Obwohl Malebranche in der Vorrede zur nächsten Auflage der der Recherche de la Vérité Foucher’s Critik einer sehr scharfen Beurtheilung nnterwarf, so standen doch beide später wieder in freundschaftlicher Beziehung zu einander, wie aus Malebranche’s Brief an Leibniz vom 8. Decembr. 1692 und aus verschiedenen Stellen der vorliegenden Correspondenz hervorgeht.

Die Correspondenz zwischen Leibniz und Foucher betrifft namentlich die Tages- und Streitfragen, welche damals die gelehrten Kreise in Paris bewegten, besonders die Recherche de la Vérité und andere Schriften Malebranche’s und Foucher’s. Sie giebt zugleich einen interessanten Einblick in das wissenschaftliche Leben der damaligen Zeit: die französischen Gelehrten theilten einander die eintreffenden Briefe oder Abschriften davon mit, und es war gewissermaßen ein Ereigniß, wenn ein solcher Brief, besonders von Leibniz, ankam (vgl. auch Cousin, Fragments philosoph. besonders in der Correspondenz zwischen Leibniz und Nicaise). Es war schwierig auf anderem Wege als durch Briefe gelehrte Nachrichten aus dem Auslande zu erhalten; die wissenschaftlichen Zeitschriften waren eben erst im Entstehen, und die französischenJournale wollten vermöge ihres Privilegiums die fremden Journale nicht zulassen.

An die erwähnten Streitfragen knüpfen die philosophischen Erörterungen Leibnizens an. Gewissermaßen um sie unmöglich zu machen, discutirt er in seinem ersten Schreiben an Foucher, das eine mündliche Begegnung vorauszusetzen scheint, die Grundlage unserer Kenntnisse und die Basis des menschlichen Wissens; nur dann verstehe man eine Sache vollkommen, wenn man sie beweisen könne. Es sei dazu nöthig, sie bis auf ihre letzten Gründe zu prüfen; es habe zwar viel auf sich, eine Sache, wie klein und leicht sie auch erscheinen möge, vollkommen zu verstehen, aber nur dann könne man weiter vorwärts schreiten und würde auf die Erfindungskunst kommen. Dieses »filum meditandi« führe zur wahren Philosophie.[1] Höchst interessant ist das Bekenntniß, das Leibniz über seinen eigenen Studiengang dabei einflicht; dergleichen wiederholen sich zwar in seinen Schriften, aber das in Rede stehende ist vielleicht eines der frühesten. – Desselben Inhalts sind auch die ersten Briefe, die Leibniz nach Wiederanknüpfung der Correspondenz von Hannover aus an Foucher richtet. In den spätern, namentlich in den nach der Rückkehr von seiner großen Reise (1690) geschriebenen, ist hauptsächlich von den Principien der Dynamik die Rede. Leibniz hatte während seines Aufenthalts in Italien ein größeres Werk über die Dynamik verfaßt, welches bis auf die letzte Section vollendet war, in der Anwendungen enthalten sein sollten. Er hatte das Manuscript einem Freunde, dem Freiherrn von Bodenhausen, der unter dem Namen eines Abbé Bodenus als Erzieher der Söhne des Herzogs von Toscana in Florenz lebte, übergeben, um eine Reinschrift davon zu nehmen und es zum Druck vorzubereiten. Dieser aber verzögerte sich, da Leibniz die letzte Section nicht fertig machte. Nach dem Tode Bodenhausen’skamen zugleich mit seinen Papieren das Originalmanuscript und die Reinschrift wieder in Leibnizens Besitz; beides ist in seinem Nachlaß noch vorhanden.


Die Correspondenz zwischen Leibniz und Foucher ist zuerst herausgegeben von Foucher de Careil in: Lettres et opuscules inédits de Leibniz, Paris 1854. Da nicht wenig Flüchtigkeiten sich darin

vorfinden, so war eine neue Vergleichung mit den Originalen auf der Königlichen Bibliothek in Hannover nothwendig.
I.
Leibniz an Foucher.[2]

Je demeure d’accord avec vous qu’il est de consequence que nous examinions une bonne fois toutes nos suppositions, à fin d'etablir quelque chose de solide. Car je tiens que c'est alors qu’on entend parfaitement la chose dont il s'agit, quand on peut prouver tout ce qu’on avance. Je sçay que le vulgaire ne plaist guères à ces recherches, mais je sçay aussi que le vulgaire ne se met guères en peine d'entendre les choses à fonds. Vostre dessein est à ce que je vois d’examiner les veritez qui asseurent qu'il y a quelque chose hors de nous. En quoy vous paroissez tres equitable, car ainsi vous nous accorderez toutes les veritez hypothetiques et qui asseurent non pas qu'il y a quelque chose hors de nous, mais seulement ce qui arriveroit s'il y en avoit. Ainsi nous sauvons déja l'Arithmetique, la Geometrie et un grand nombre de propositions de metaphysique, de physique et de morale dont l'expression commode depend de definitions arbitraires choisies, et dont la verité depend des axiomes que j'ay coustume d’appeler identiques, comme par exemple que deux contradictoires ne peuvent pas estre, qu’une chose dans un même temps est telle qu’elle est, par exemple, qu'elle est aussi grande qu’elle est, ou egale à elle même, qu'elle est semblable à elle même etc.

Or quoyque vous n'entriez pas ex professo dans l'examen des propositions hypothetiques, je serois pourtant d'avis qu'on le fist et qu'on n'en admist point qu'on n’eust demonstré entieroment et resolu jusqu’aux identiques. Pour ce qui est des veritez qui parlent de ce qui est eflectivement hors de nous, c’est là principalement le sujet de vos recherches. Or premierement on ne scauroit nier que la verit6 mme des propositions hypothetiques ne soit quelque chose qui est hors de nous et qui ne depcnd pas de nous. Gar toutes les propositions hypothetiques asseurent ce qui seroit ou ne seroit pas, quelque chose ou son eontraire estant pose et par consequent que la supPosition en mtme temps de deux choses qui s’aecordent ou qu’une chose est possibic ou impossible, necessaire ou indifferente, et cette possibilit, impossibiiitö ou necessit (car necessitd d une chose est une impossihilite du eontraire) nest pas une chimere que nous fassions puisque nous ne faisons que la reconnoistre et malgrez nous et d’une maniere constante. Ainsi de toutes les choses qui seht actuellement, la possibiiite mmc ou impossibUitö dVstre est la premiere. Or cette possibiiite et cette necessit forme ou compose ce qu’on appeiie les essences ou natures et les veritez quon a coustume de nommer eternelles : et on a raison de les nommer ainsi, car il ny a rien de si eternel que ce qui est necessaire. Ainsi la nature du cercle avec ses proprietez est quelque chose dexistant et deternei : c’est a dire il y a quelque cause constante hors de nous qui fait que tous ceux qui y penseront avec soin trouveront la mme chose, et que non seulement leur penses saccorderont entre elles ; ce quon pourroit attribuer a la nature seule de Tesprit humain, mais qu’encor les phenomenes ou experiences les confirmeroni lorsque quelque apparence dun cercle frappera nos sens. El ces phenomenes ont necessairement quelque cause hors de nous.

Mais quoyque Fexistencc des necessitez soit la premiere de toutes en eile mme et dans Tordre de la nature, je demeure pourtant daccord quelie n’est pas la premiere dans Tordre de nostre connoissance. Car vous voyez que pour en’prouver Texistence, jay pris pour accord que nous pensons et que nous avons des sentimens. Ainsi il y a deux veritez generaies absolues, c’est a dire qui parlent de Texistence actuelle des choses, Tune que nous pensons, Tautro quMl y a une grande variete dans nos pensöes. De la premiere il sensuil que nous sommes, de Tautre il sensuit quil y a quelque aulrc chose que nous, c’est a dire autre chose que ce qui pense, qui est la cause de la variete de nos apparences. Or Tune de ces deux veritez est aussi inconteslable, est aussi independante que Tautre, et Mons. des Cartes ne s’estant attache qu’à la premiere dans Tordre de ses meditations a manquö de venir a la perfection qu’il sestoit propose. Sil avoit suivi exactemeni ce que jappelle filum meditandi, je croy quil auroit achev6 la premiere philosophie. Mais le plus grand genie du monde ne seauroit forcer les choses, ei il faut entrer de necessite par les ouvertüres que la nature a faites pour ne se pas garer. De plus un homme seul n’est pas d’abord capable de tout, et pour moy quand je pense à tout ce que Mens, des Cartes a dit de beau et de luy mme, je metonne plus tost de ce quil a fait que de ce quil a manqu de faire quelque chose. J’avoue que je nay pas pCk lire encor ses Berits avec tout le soin que je nie suis propos d’y apporter ; et mes amis savent quii s’esl renconlr que jay ieu presque tous les nouveaux philosophes plus tost que luy. Bacon et Gassendi me sont tombds les premiers entre les mains, leur style familier et aise estoit plus conforme à un homme qui veut tout lire ; il est vray que j’ay jett souvent les yeux sur Galil6e et des Cartes, roais comme je ne suis Geometre que depuis peu, j’estois bientost rebutd de leur maniere decrire qui avoit besoin d’une forte meditation. Et moy quoyque j’aye tousjours aim6 de mediter moy mme, j’ay tousjours eu de la peine à lire des livres, quW ne seauroit entendre sans mediter beaucoup, parce qu’en suivant ses propres meditaiions on suit un certain penchant naturel, et on profile avec plaisir, au Heu quon est gesn6 furieusement, quand il faut suivre les meditations dautruy. J’aimois tousjours des livres qui contenoient quelques belies penses, mais qu’on pouvoit parcourir sans sarrester, car ils excitoient en moy des ides, que je suivois à ma fantaisie et que je poussois oü bon me sembloit. Cela ma encor empecb6 de lire avec soin les livres de Geometrie, et jose bien avouer que je n’ay pas encor pu gagner sur moy de lire Euclide autrement qu’on a coustume de lire les histoires ! J’ay reconnu par Texperience que cette methode en general est bonne ; mais j’ay bien reconnu neantmoins quil y a des auteurs quil en faut excepter, comme sont parmy les anciens philosophes Platon et Aristote, et des nostres Galilée et Mons. des Cartes. Cependant ce que je scay des meditations metaphysiques et physiques de Mons. des Cartes, n’est presque venu que de la lecture de quantit de livres écrits un peu plus familierement, qui rapportent ses opinions. Et il peut arriver que je ne Taye pas encor bien compris. Neantmoins autant que je Tay feuiilet moy m6me, j’entrevoy au moins, ce me semble, ce quil n’a pas fait, ny entrepris de faire, et cest entre autres la resolution de toutes nos suppositions. C’est pourquoy jay coustume d’ap pjaudir à tous ceux qui examinent la moindre verite jusquau beut ; car je scay quü cesl beaucoup d’entendre une chose parfaitement, quelque pelitc et quelque facile quelle paroisse. C’est le moyen d'aller bien ioio, et d’establir enfin Tait d'inventer qui depend d’une connoissance, mais distincte et parfaite des choses les plus aisees. Et pour cette raison je n'ay pas blame le dessein de Mons. de Roberval, qui vouloit tout demonstrer en Geometrie, jusqu’a quelques axiomes. J’avoue qu'il ne faut pas vouloir contraindre les autres à cette exactitude, mais je croy qu'il est bon de nous contraindre nous mêmes.

Je reviens aux veritez premieres à nostre egard, entre Celles qui asseurent qul y a quelque chose hors de nous : scavoir que nous pensons, et quil y a une giande variele dans nos pensees. Or, cette variel des pensees ne scauroil venir de ce qui pense, puisquune mme chose seule ne scauroit estre cause des changemens qui sont en elle. Gar toule chose demeure dans Testat oü elle est, s’ii ny a rien qui la change : et ayant est d’elle mme indelerminee à avoir eu teis changemens plus tost que d’autres, on ne S9auroit commencer de luy attribuer aucune variete, sans dire quel> que chose dont on avoue qu’il n’y a poinl de raison, ce qui est absurde. Et si on vouloit dire mme quil n*y a point de commencement dans nos pensees, outre quon seroit oblig dasseurer que chacun entre nous ait esl de toute eternile, on n’eschapperoit point encor ; car on seroit tousjours oblig davouer qu’il ny a point de raison de cette variet qui ait est de (oute elernile en nos pensees, puisqu’il ny a rien en nous qui nous determine a Celle cy plus tost qua une autre. Donc quil y a quelque cause hors de nous de la variete de nos pensees. Et comnie nous convenons qü’il y a quelques causes sous-ordonnees de cette variete, qui neantmoins ont encor besoin de cause elles mmes, nous avons etabli des Estres ou substances particuiieres dont nous reconnoissons quelque action, c’est à dire dont nous concevons que de leur changement s’ensuit quelque changement en nous. Et nous allons a grands pas a forger ce que nous appellons matire et corps. Mais cest icy que vous avez raison de nous arrester un peu et de renouveller les plaintes de l'ancienne Äcademie. Car dans le fonds, toutes nos experiences ne nous asseurent que de deux, S9avoir quil y a une liaison dans nos apparences qui nous donne le moyen de predire avec succes des apparences futures, Tautra que cette liaison doit avoir une cause constante. Mais de tout cela il ne s’ensuit pas à la rigueur qu’il y a de la matiere ou des Corps, mais seulement qu’il y a quelque chose qui nous presente des apparences biipn suivies. Car si uno piiissancc invisible prcnoit plaisir de nous faire paroistre des songes bien lies avec la vie precedenle el conformos rnlre eux, les pourrions-nous dislinguer des realitez qu*apres avoir est6 evcills ? Or, qui est ce qui empeche que le eours de nostre vie ne soit un grand songe bien ordonn ? dont nous pourrions estre dtrompös en un monient. El je ne voy pns que celte puissance seroit pour cela imparfaite, romme asseure M. dos Cartes, oulre que son imperfeclion n’entre pas en question. Car ce pourroit estre une certaine puissance sous-ordonn6e ou quelque genie qui so pourroit mler, je ne scay pourquoy, de nos affaires, Ol qui. auroil au moins autanl de pouvoir sur quelquun que ce Calife qui fil Iransporter un homme yvre dans son palais, el le fit gousler du paradis do Mahomet, lorsqu’ii fiil oveille, jusquVi ce qu’il fut enyvr6 derechef el en eslat d’eslre rapport au liou oü on Tavoit pris. Et cet hotnme estant reyonu à luy mme ne manqua pas de prendre pour une vision ce qui luy paroissoit inconciliable avec le cours de sa vie, et de debiler au peuple dos maximes et des revolations qu*ii croyoit avoir apprises dans ce paradis pretendu, el cestoit ce que le Calife soubaitoil. Or, puisquune realitd a pass6 pour une vision, qui est ce qui empeche qu*une vision passe pour uno realil ? 11 est vray que d’autant plus que nous voyons de la liaison dans ce qui nous arrive, daulant plus sommes nous confirms dans l'opinion que nous avons de la realit6 de nos apparences ; el il est vray aussi que daulant que nous oxaminons nos apparencos de plus pràs, d’aulant les Irouvons-nous niieux suivies, comme les microscopes et autros moyens de faire des experiences fönt voir. Cel accord perpetuel donne une grande asseurance, mais apres tout elle ne sera que morale jusquà ce que quelque homme découvre a priori l'origine du monde que nous voyons, el qu*il puise dans le fonds de l’essence pourquoy les choses sonl de la manierc quelles paroissenl. Car cela estant, il aura domonströ que ce qui uqus paroist est une realit, et qu’il est impossible que nous en soyons desabusös jamais. Mais je croy que cela approchoroil fort de la vision béatifique, et quil est difficile d’y pretendre dans l'estat oü nous sommes. Cependant nous apprenons par là combien la connoissance que nous avons communement du corps et de ia matierc doil estre confuse, puisque nous croyons d’eslre asseurs qu’il y en a, et que nous trouvons, au beul du conle, que nous pourrions nous tromper. Et cela confirme la belle pensée de Mons. des Cartes de la preuve de la distinction du corps et de l'ame, puisqu*on peut revoquer en doute Tun sans pouvoir meUre Pautre en question. Car s’il n’y avoit que des apparences ou sönges, on ne seroit "pas moins asseurc de Texistence de ce qui pense, comme dit fort bien Mons. des Cartes, et moy j’adjoute qu’oD n’en pourroit» pas moins demonstrer rexistence de Dieu par des voyes differentes de Celles de Mons. des Gartes, et qui, à ce que je croy, menenl plus loing. Gar od na nullement besoin de supposer un eslre qui nous garanlisse destre trompes, puisquil est en nostre pouvoir de nous detromper dans beaucoup de cboses, et au moins sur les plus importantes. Je soubaite, Monsieur, que vos meditations la dessus ayent tout le succs que vous desirez ; mais pour cet effet, 11 est bon draller par ordre et d’establir des propositions ; cest le moyen de gagner terrein et davancer seurement. Je croy que vous obligeriez encor le public en luy communiquant de temps en temps des pieces choisies de TÄcademie et surtout de Piaton, car je reconnois qu1I y a là des choses plus belles et plus solides quon ne pense. Je suis, Monsieur etc.


II.
Foucher an Leibniz.

A Paris du 12 Aoust 1678.

Il a longlems que jay dessein de vous ecrire pour vous prier de me conserver Thonneur de vostre amitie et pour vous assurer que Mf le conseiiler Lantin et moy nous avons redoubl cnsemble Testime que nous avons pour vous. Il n’ y a que quelques mois que je suis de retour de province et Tune des premieres choses que jay faitte icy, a este de mlnformerde vous aupres de M\ l’Äbb Mariotte. Il m’a dit quil recevoit souvent de vos nouvelles, en quoy je Testime heureux. Il m’a temoigne aussi que vous souhaitiez que je vous fisse faire un hygromettre à ma faon. Plusieurs personnes que je considere fort, entrautre M ! Lantin, Messieurs ……[3]. M Justel etc. ont demand6 la mme chose, et je nay pas encor fait ce quils souhaitent. Jespere, Monsieur, que Je satisferay tous ces messieurs et vous pour le premier ; mais il ne mest este guere plus difficüe de faire beaucoup de ces machines quo de faire une seule. Je vous ay dit, Monsieur, ce qui m’a cmpesche d’en faire jusqu a cet beure. Il faul los experimanter et en faire en plusieurs manieres pour juger la meilleure. Je suis pourtant un peu trop paresseux pour prendrc cette pene, mais je ne laisseray pas de faire quelque jour ce que je pourray pour perfeciionncr cette Sorte de machine. Il faut que je sois un peu debarrasse auparavant de quelque autre chose que j’ay dans Tespril. On dit que M Hautefeuille veul faire un mouvement perpetuel par le moyen des hygrometres et d’un pendule. Il y a dauti*es moyens d’en venir ü bout. Si celuy la peut estre cxecul6, j’en ay sur d’autres principes, mais le prejugö que Ton a de Timpofisibilite du mouvement perpetuel empesche quon ne se fie ces sorles de machines. On a cru autre fois des choses impossiblcs que Ton a executöes en d’autres tcms. Je panse, Monsieur, que vous ne manquez pas non plus de conjeclures pour ce mouvement. 11 y a un 3™ lome de la Recherche de la \eni6, dans lequel le R. pere Malbranche s’explique sur plusieurs sujets. Il s’accorde en ce voIume avec beaucoup de choses de la critique, \) en ce qu1I veut que nous ne connoissions pas par les sens qu’il y a des corps hors de nous, 2) en ce qu’il avoue dans un chapitre particulier que vous navons point d’idee claire de la nature de nostre ame. Gela estant, jugez, Monsieur, des consequences qu’on en peut tirer contre sa Philosophie. Je panse que vous vairrez ce 3"volume. Je n’ay pas encor fait imprimer la reponse a Dom Robert, vous aves vu cette reponse en manuscrit. 11 y a plus de 2 ans, depuis j’ay fait Tapologie des Aciidemiciens et quelques autres pelites remarques sur les prejugez des sens. Tout cela n’est pas imprim par ce que je ne suis guere propre à chercher des libraires. Si vous me failes la faveur de me faire reponse, je vous prie d’ecrire un mot M’. le conseiller Lantin, afin que je le luy fasse lenir, il n’est jamais plus joyeux que quand il entend parier de vous. Je vous assure, Monsieur, que je suis de son humeur en cela et si vous scaviez ce que je panse de vous, vous vairriez quon ne scauroit avoir de meilleurs sentimens dune personne que ceux que jay de vous, Monsieur, à qui je suis entierement etc. III.

Foucher an Leibniz.

À Paris du 26 Avril 1679.

Nous attendons M Lanlin et moy la lettre que vous avez 6crite ü la princesse Elisabet. Vous men avez promis une copie el jen ay 6cril a M\ Lanlin qui sen felicile desja. Il altend cette lettre avec impatience el vous prie cependant, Monsieur, de luy conserver vostre amili el vostre estime. Je vous assure, Monsieur, que luy et moy nous sommes tellemenl rcmplis de Tidec de vostre merite, que nous en sommes presque enchantez. Puisque nous sommes asss malheureux que de vous avoir perdu, faites jouir du moins de quelques unes de vos productions. Pour moy j’attends sur vostre parolle la lettre que vous m’avez promise ; j’avois pri6 Ml Hense*) de vous le temoigner par ses leltres, je panse qui maura fail la faveur de le faire. Je vous remereie, Monsieur, de ce que vous mavez donn sa connoissance, il est tres honeste et tres obligeant et cela me persuade davantage que ce que vous estimez merite d’estre estim. Je panse que si vous avez vu le troisime voiumc de la Recherche, vous avez reconnu que le R. pere Malbranche parle d’une maniere un peu differente des autres volumes, il y paroisl eslre un peu Academicien, surlout lorsqu’il dil que nous navons point didee de la nalure de nostre ame. On va imprimer ma reponse a Dom Robert**). Pour ce qui est de ce que vous mc conseillez de traduire Platon, cela se pourra faire avec du tems ; mais pour mettre mes proposilions en forme de theoremes de geometrie, je ne le scaurois encore et jay la mi>me raison pour ne le pas faire que Ml Descartes avoil et quil f donne au P. Mercenne qui luy demanda la même chose. Vous la devinerez assez, Monsieur, et je panse vous en avoir dil quelque chose, lorsque vous 1 m’avez fait l'honneur de me faire cette proposition. On ma donnö un f livret d’un nomme Leroyer d’Avranche, qui croit proposcr le mouvement perpetuel, il dedie cette piece au Roy. Mais il n*y a rien de si faux qu| ce quil dil lorsquil assure quMl a experimant ce mouvement par les machines dont il donne la figure. Cet homme n'entend pas seulement le moindre principe de l'equilibre des liqueurs. La \ figure est un syphon dont

  • ) Hansen.
    • ) Dom Robert des Gabetz. braDche descendeute nc va pas plus bas que la source, ei qui ne doit pas agir par consequant. La S figure esl un plan incline, sur Icquel de Teau coulant doit faire jouer des pompes qui esleveni Teau plus baut que le somet du plan, ce qui est impossible. La 3 est un gros enton noir à queue recourbee comme cecy. 11 pretend que ieau pesant davantage dans le cone de Tentonnoir doit eslever la petite colonne de la queue et la rejetter sur ia surface de cet entonnoir, ce qui est pueril et du tout impossible. La 4 est un loumebroche qui est desja en usage en des hostelleries de cam pagne et qui n*a rien de miraculeux. On dispute icy la chere de Ramus dans le colege royal, mais ceux qui la demendent soni bien esloignez de la science quavoit feu M’. de Roberval. M’. de Longueviile, patrone de Mlde Port-Royal| vient dexpirer. Je suis etc.


IV.

foucer an Seibnij.

De Paris le 8 Decenibre 1684. Si nous perdons tous les jours nos amis parce que la mort nous les enleve, du moins nous ne devons pns prevenir cetle perte par nostre negligeance ; cest pour cela, Monsieur, que je vous prie de renouveller nostre amitid. Je crois que vous avez du deplaisir de la mort de M VAbb Mariotle, et si vous me jugez propre à vous rendre quelques Services en sa place, faites moy la grace de m’employer et de m’honnorer de vos lettres. M\ Lantin, noslre amy, ma promis par sa derniere, qu’il viendroit à Paris bientost ; je le souhaite, afin que nous parlions de vous ensemble. 11 vous cstime extremement, et c’est avec raison. J’ay vü des vers que vous avez fait en francois chez M\ Justel. Vous pouvez croire quMl y a longiems, car nous ne voyons plus icy ce Monsieur, qui est presentement en Angleterre. Dites moy denouvelles de M’. Thirnous*), de M. Hanse et de quelques aulres habiles Messieurs, que vous connoissez. Vous scavez que le Pere Malbranche est aux prises avec M’. Arnaud, qui a fait une critique de son Sentiment des Idöes. Je crois, Monsieur, que vous aurez vu ce


’) Sschirntaud. livre. Lc Pere Malbranche y a repondu lout de mesme qu’à la crilique de son preniier volume de la Recherche de ia Verile. M Arnaud a depuis fait un 2 volume conire luy pour deffendre lc premier sur les id6es. On dit quon imprime encore la crilique de M Arnaud du trailt de la Nalure et de la Grace du P. Malbranche. J’aurois bien des choses h dire et à ecrire sur cello dispute pour ce qui concerne seulement la Philosophie, car je laisse la Theologie à Ml Arnaud, mais nous navons pas icy toute la facilite dimprimer que Ton pourroit souhaiter. Je devrois repondre à Don Robert des Gabets sur le sujet des Academiciens, enfin il y auroit bien des choses à faire que Ton ne fera peut estre jamais. Ars longa, vita brcvis. Cependant, Monsieur, je souhaitterois de tout mon coeur que nous eussions de vous sur toutes ces choses tout ce qui nous manque. Vos paroUes nous sont cheres. Yous me permeltrez de joindre à cette lettre deux petites pieces de ma facon, scavoir, de la Morale ou Sagesse des Anciens, et une oraison funebre en vers sur la mort de nostre Raine. Ces vers de la Sagesse des Anciensont estö traduits en latin par un habile houme de Copenague en Danemarc, nomme Ml Vinding, il est professeur royal. J’ay commenc6 une espece de commentaire de ces vers à Tinstard du commentaire des vers des Pythagoriciens : Carmina aurea Pitagoricorum, fait par Hierocles. Les deux premieres parties sont desja imprimees. Le reste n’est point encor acheve. Je voudrois pouvoir vous envoyer ce livre. Il est de la grosseur de ma Critique de la Recherche. Je ne scais si vous avez enlendu parier delaLogique des Academiciens. C’est un livre que javois fait imprimer plus d’un an avant que le premier volume de la Recherche du P. Malbranche ait paru. Cette logique est grosse comme le premier volume dont je parle à peu pres. C’est ce qui m’a porlö a faire la Critique. Il est parle de cette logique dans la premiero page de la critique sous le titre de dissertations. Je n’en ay plus et je n’cn fis imprimer qu’un tres petit nombre, seulement pour la communiquer aux scavants. M TAbb Mariotte a I6gue son livre du mouvement des eaux à M\ de la Hir de TAcademie Royale. Ce livre nest pas encor imprime. Ce sera un posthume ; s41 avoit est6 acheve entierement par son auteur avant sa mort, ce seroit un tres excellent ouvrage. Vous scavez, Monsieur, que M\ Mariotte estoit fort habile en ce genre, et depuis vostre eloignement il avoit fait un tres grand nombre dexperiences fort cuneuses sur ce sujet. Je donneray la presente a M’s vostre Resident, pour vous la faire tenir. Je vous prie, Monsieur, de me faire lhonneur de m’ecrire emplenient. Vous pouvez addresser cbez ce MoDsieur, rue Geofroy, jenseigneray là mon addresse, ou bien direclement dans la rue de la Truanderic, auprs du Puis d’Amour, chez un Espicier. Je suis etc.

V.

oitder an Seibni.

Je n’ay encor pu voir les journaux de Lypsic du niois de novembre demier. On a de la pene de les voir à Paris à cause de nos journaux de France dont le privilege ne souffre pas que Ton jouisse des aulres. Vous Irouverez dans ce pacquet ce qui a est6 iniprim6 de ma facon depuis que je n’ay eu Thonneur de vous voir. Scavoir 1. la reponse à Don Robert, 2. le commentaire de la moiti de mes vers de la Sagesse des Anciens, cest a dire des 52 premiers. Quelquc difficuU des libraires ma fait diff6rer dacbever le reste de ce livre. Il nest point encor expose en vente ; je vous envairrois ma Logique des Academiciens volontiers, si je pouvois, mais je nen ay plus qu’un exemplaire, j’espere quelle sera bientosl reimpriroee. Je dois ajouter à la reponse ife Don Robert l’Apologie des Academiciens. J’ay reserv6 a luy repondre sur ce sujet, afin de faire pour cela un livre à part. La matiere le merite bien, cc me semble.

W. Huet, que vous connoissez, m’a prie de vous faire ses baises mains. M\ Lantin, nostre amy, a mis en musique une ode faite par M: Huet ; si javois pu Tavoir, je vous Taurois envoye. Les disputes de M’. Arnaud et du P. Malbrancbe continuent lousjours. Je voudrois que vous eussiez este present à quelques Conferences que nous avons eues ensemble le P. Malbrancbe et moy sur la Philosophie. Il me semble lousjours, que son opinion des ides qui ne sont point faons d’estre de Tme, est insoustenable. Pour ce qui est de ses sentimens sur la grace, je n’en dis pas la mesme chosc, et je ne prononce point sur ces matieres qui sont au dessus de mon esprit. On voit icy depuis peu un livre nouveau de TEIevation des eaux, par un Anglois. Je ne Tay point encor assez examinc pour vous en parier. On fait une place royale nouvelle à Paris, oü Ton placera la statue du roy faite par Tordre de M le marechal de la Feuillade. M ! Osanna a donn depuis peu un livre nouveau de rArilmelique et progrcssion des nombres. Pour la Philosophie morale, je nen trouve poinl de plus incontestable, ni de plus utile quo celle dEpictete. Pour ce qui est des commentaires de rempereur Marc-Aurelle Antonin, je les trouve remplis dun si grand sens et de tunt de suc, que je ne scaurois laisser de les lire. Je scais que la morale de Platon est la source de celle des Stoïciens et surtout des plus Modernes ; n)ais il me semble que ces Modernes ont encheri sur les anciennes ides. Avec tout cela, Monsieur, nous aurions bien besoing dune Philosophie toute particuliere, car nous nen avons point encor qui ne seit defectueuse ; je voudrois bien en avoir une de vostre main, aussi bien que de celle de M ! Lantin, nostre amy. Il ni’avoit fait esperer une histoire du plaisir et de la douleur, je n’en vois encor rien ; jai peur que tous ses ouvrages ne se perdent quand il viendra à mourir. Je vous souhaite à tous deux une vie éternelle, et suis etc.*)

VI.

fieibuij an onà)tx**)

Enliu vostre paquct m’a este rendu ; je vous en reniercie fort, et je n’ay pas cess de lire, jusqu’à ce que je Tay acheve. Jay là avec un tres grand plaisir vos penses sur la sagesse des anciens. 11 y a long temps que je scay quils sont plus habiles que nos modernes ne pensent, et il seroit à souhaitter quon les connust davantage.

Lipse et Scioppius ont tach6 de resusciter la philosophie des Stoïciens ; Gassendi a travaillé sur Epicure ; Schaefferus a ramassé ce quil a pu de la Philosophie de Pythagore ; Ficinus et Patritius ont ensuivi Platon, mais mal a mon avis, parce quils se sont jeltes sur les pensées hyperboliques, et ont abandonne ce qui esloil plus simple et en même temps plus solide. Ficinus ne parle partout que d'idées, d'Ames du monde, de Nombres Mystiques et choses semblables, au lieu de poursuivre les exactes definitions, que Platon tache de donner des notions. Je souhaitterois que quelquun tirdt des anciens le plus propre à l'usage et le plus conforme au goust de nostre sicclc,


  • ) Difnt Ort und 2)atum. **] 2tihn\i at bemertt : Extrail de mu lettre à M. toucher. 1686. Sans distinclion de secte, et que vous en eussis le loisir, comme vous en avs la facult, d’autanl que vous les pourris cöncilier et mme corriger quelque fois, en joignant quanlit de heiles pensees de vostre fonds.

J’ay \tk le livre de M. Morland de Televation des eaux. Son mouvement Cyclo-Elliptique, à mon avis, n’est pas grande chose ; il va plus uniformement, mais en echange aussi plus difficilement que les manivelles qu’ii desapprouve tant, et que nous trouvons fort bonnes dans nos mines, oü par leur moyen on fait travailler des pompes eloignes de la roue à une distance de 500 toises et au delà. Depuis que j’ay quilt Paris, je n’ay vd de Mens. Osannam que son livre de la Geometrie praclique sa Trigonometrie et sa nouvelle Gnomonique. J’attends ce qu’il uous donnera sur Diophante. C’est la oü il pourroit donner quelque chose de hon. J’ay trouv qu’il n’a pas trop bien use à mon egard, car il a insere dans la Geometrie ma quadrature du cercle (scavoir que dimetre estant 1, le cercle est 1 — i + i — 4 + i etc.) avec ma demonslration sans me nommer, et parlant d’un air comme si cette demonstralion estoit de luy.

Je vous supplie fort, Monsieur, de faire mes haisemains h Mens. Hiiet et à Mons. Lantin, que j’honnore infiniment tous deux. Il y a long temps qu’on m’a parl de THistorie du plaisir et de la douleur que M. Lantin avoit projeltee. C’est un dessein dimportance. Mons. Justel avoit aussi travaill u un ouvrage de consequence des commoditds de la vie, mais j’ay peur qu’ii ne demeure cn arrire, comme je juge par la leltre que j’ay receue de luy depuis peu.

La Philosophie des Äeademiciens, qui est la connoissnnce des foihlessos de nostre raison, est honne pour les commencemens, et comme nous sommes tousjours dans les commencemens en matiere de religion, eile y est Sans doute propre pour mieux sousmettre la raison a l’autoritt, ce que vous avs monstr foi*t bien dans un de vos discours. Mais en matiere de connoissances humaines il faut tacher d’avancer, et quand mme ce ne seroit qu’en estahlissant beaicoup de choscs sur quelque peu de suppositions, cela ne laisseroit pas d’estre utile, car au moins nous scaurons qu’il ne nous reste qu’a prouver ce peu de suppositions pour parvenir à une pleine demonstration, et en attendant, nous aurons au moins des verits hypothetiques, et nous sortirions de la confusion des disputes. C’est la methode des Geometres. Par exemple, Ärchimede ne suppose ce peu de choses : que la droite est la plus courle ; que de deu\ Hgnes, dont cbacune est partout concave d’un mnie cost6, Tincluse est moindre que rincludente, et là dessus il achve vigoureiisemenl ses demonstrations. Gest ce que j’ay à remarquer à ToccasioD de la page 7. de vostre reponse à Dom Robert de Gabez.

Si donc nous supposions par exemple le principe de contradiction, item que dans toute proposition veritable la notion du predicat est enferm dans Celle du sujet, et quelques autres axlomcs de cette nature, et si nous en pouvions prouvcr bien des choses aussi demonstrativement que le foni les Geometres, ne trouveris vous pas que cela seroit de consquence ? Mais il faudroit commencer un jour cette Methode, pour commencer k finir les disputes. Ce seroit tousjours gagner terrain.

Il est mme conslant qu’on doli supposer certaines verils, ou renoncer i toute esperance de faire des demonstrations, car les preuves ne scauroient aller h Tinfini. Il ne faut rien demander qui soit impossible, autrement ce seroit tmoigner quon ne recherche pns serieusementla verit. Je supposeray donc tousjours hardiment, que deux contradictoires ne scauroient estrc vrayes, et que ce qui implique contradiction ne scauroit estre, et par consequent que les propositions necessaires (cest h dire Celles dont le contraire implique contradiction) nont pas est establies par un decret libre, ou bien cVst abuser des mots. On ne scauroit rien apporter de plus clair pour prouver ces cYioses. Yous mme les supposds en ecrivant et en raisonnant, autrement vous pourries defendre a tout moment tout le contraire de ce que vous dites. Et cela soit dit sur la deuxime supposition.

Je trouve que vous avs raison, Monsieur, de soutenir dans la troisime supposition, en repondant a Dom Robert, qu’il y doit avoir quelque rapport naturel entre quelques traces du cerveau, et ce quon appelle les intellections pures. Autrement on ne scauroit enseigner ses opinions aux autres. Et quoyque les mots soyent arbitraires, il a fallu quelques marques nonarbitraires pour enseigner la signification de ces mots.

11 me semble aussi que vous aves raison (dans cette 3™ suppos. pag. 24) de douter que ies corps puissenl agir sur les esprits, et vice versa. J’ay \à dessus une plaisante opinion qui me paroist necessaire et qui est bien diflerente de celle de Tauteur de la Recherche. Je croy que tout« substance individuelle exprimc Tunivers tout entier k sa maniere, et que son estat suivant est une suite (quoyque souvent librej de son estal precedent, comnie s’il n’y avoit que Dieu et Elle aa monde ; mais comme toutes les substances sont une production conlinuelie du souverain Estre, et expriment le mme univers ou les mmes phenomenes, elies sentraceordent exaclement, et cela nous fait dire que Fune agit sur Tauire, parce que iune exprime plus distinctement que Tautre la cause ou raison des changemens, a peu pres comme nous atlribuons le mouvement plus tost au vaisseau qu’a toute la mer, et cela avec raison. J’en tire aussi cetle consequence, quo si les corps sont des substances, ils ne sauroient consister dans Tetendue toute seule. Mais cela ne change rien dans les explications des phenomenes parliculiers de la nature qu’il faut tousjours expliqucr mathematiquement ei rncchaniquement, pourveu quW scacbe que les principes de la mechanique ne dependent poini de la seule etendue. Je ne suis donc pas ny pour THypothese commune de rinfluence reelle dune substance creee sur Tautre, ny pour THypotliese des causes occasionnelles, comme si Dieu produisoit dans Tame des pensees si Toccasion des mouvemens du corps, et changeoit ainsi le cours que Tarne auroii pris sans cela par une maniere de miracle perpetuel fort inutile ; roais je soutiens une concomitance ou accord de ce qui arrive dans les substances diiferentes, Dieu ayant cre Tarne d’abord, en sorte que tout cela luy arrive ou naisse de son fonds, sans qu’elle ait bcsoin de s’accommoder dans la suite au corps, non plus que le corps à Tame. Ghacun suivant ses loix, et Tun agissant librement, Tautre sans choix, se rencontre Tun avec Tautre dans les mmes phenomenes. Tout cela ne saccorde pas mal avec ce que vous dites dans vostre reponse à Dom Robert p. 26, que Thomme est Tobjet propre de son sentiment. On peut pourtant adjouter que Dieu Test aussi, luy seul agissant sur nous immediatement en vertu de nostre dependance conlinuelie. Ainsi on peut dire que Dieu seul, ou ce qui est en luy, est nostre objet immediat, qui seit hors de nous, si ce terme dobjet luy convient.

Quant a la sixieme supposition, il n’est pas necessaire que ce que nous concevons des choses hors de nous, leur seit parfaitement semblable, mais quil les exprime, comme une Ellipse exprime un cercle vu de travers, en Sorte qu’à ch<ique point du cercle il en reponde un de TEIlipse et vice versa, suivant une certaine loy de rapporl. Gar comme jay deja dit, chaque substance individuelle exprime Tunivers à sa maniere, a peu pres comme une mine ville est exprimee diversement selon les differens points de veue. Tout effect exprime sa cause et la cause de chaque substance, c’est la resolution que Dieu a prise de la creer ; mais cette resolulion enveloppe des rapports tout lunivers, Dieu ayant le tout en veue en prenant resolullon sur cliaque partie, car plus on est sage et plus on a des desseins lis.

Quant à la question, s’il y a de Ftendue hors de nous, ou si eile nest quun phenoniene, comme la couleur, vous aves raison de juger qu’elle nVst pas fort aise. La notion de Tetendue nest pas si claire quon se Fimagine. 11 faudroit determiner, si Tespace est quelque chose de rel, si la matiere eontient quelque chose de plus que de Fetendue, si la matiere mmc est une substance et eomment, et il seroit un peu long de m’exprimer là dessus, je tiens neantmoins quon peut decider ces choses.

Quant à la premire assertion, et ee que vous en diles à Dom Robert, je tiens que juger nest pas proprement un acte de volonte, mais que la volonte peut contribuer beaucoup au jugement ; car quand on veut penser h autre chose, on peut suspendre le jugement, et quand on veut se donner de Fattention h certaines raisons, on peut se procurer la pei*suasion.

La Regle Generale que plusieurs posent comme un principe des sciences, quicquid clare distincteque percipio est verum, est sans doute fort defectueuse, comme vous Fav6s bien reconnu ; car il faut avoir des marques de ce qui est clair et distinct. Autrement cest autoriser les visions des gens qui se flaltent et qui nous citent a tout moment leur ides.

Quand on dispute, si quelque chose est une substance ou une facon dVstre, il faut deHnir ce que c’est que la substance. Je trouve cette definition nulle part, et j’ay esl6 oblige d’y travailler moy m6me.

Je viens à vostre Examen du grand principe des Gartesiens et de Dom Robert, que J*ay deja touche : scavoir que nos idees ou conceptions sonl tousjours vraies. Et comme jay deja dit, je suis bien eloign6 de Fadmettre, parce que nous joignons souvent des notions incompatibles, en sorte que le compos onferme contradiction. Jay examin plus distinctement ce principe dans une remarque sur les id6es vrayes ou fausses que jay mise dans le Journal de Leipzig.*) Et je tiens que pour estre asseur, que ce que je conclus de quelque definilion est veritable, il faut scavoir que cette notion est possible. Car si eile implique contradiction, on en peut conclure en mme temps des choses opposees. Cest pourquoy j’appelie definition reelle celle qui fait connoistre que le defini est possible, et Celle qui ne. le feit point, n’est que nominale chez moy ? Par exemple, si on definis


  • ] Mediintiones de cognilione, veritate et ideis (Act. erudit. Lips. nn. 1684. Nov. p. 587). soit le cercle, que cVsl unc (igure dont chaque scgment recoit partout le mrne angle (c’cst à dire que les angles dans un m6me segment contenus, des droiies tir6es des deux exlremit6s à quelque point que ce soit, soyent les m6mes), c’est une de ces propriets que jappelle paradoxes et dont on peut douter d’abord, si elles sont possibles, car on peut douter si une teile figure se trouve dans. la nature des cboses. Mais quand on dit que le cercle est une figure decrite par une droite qui se meut dans un plan, en sorte qu’une extremit demeure en repos, on connoist la cause ou realit du cercle. Cest pourquoy nos ides enferment un jugement. Ce n’est quen cela que la demonstration de FExistence de Dieu, invent par Anselme et renouvellc par des Cartes, est defectueuse. Quidquid ex definitione Entis perfectissimi sequitur, id eiattribui potest. Atqui ex definitione entis perfectissimi seu maximi sequitur existentia, nam Existentia est ex numero perfectionum seu, ut loquitur Anselrous, majus est existere quam non existere. Ergo Ens perfectissimum existit. Respondeo : Ita sane sequitur, modo ponatur id esse possibile. Et cest le privilege de FEstre souverain de n’avoir besoin que de son essence ou de sa possibilit pour exister. Mais pour achever la demonstration à la rigueur, il faut prouver cette possibilit6, car il nest pas tousjours permis d’alier au superlatif, par exemple la notion de la demiere velocitö implique.

Ainsi, Monsieur, je me suis laissö empörter par le plaisir que j’ay trouve à vous suivre par toute vostre reponse que vous av6s faite à Dom Robert de Gabez, et de vous dire sans faon ce qui me venoit dans Fesprit en rappellant un peu mes vieilles mditations dont je vous fais le juge.

VII.

ouder an Setbni.

de Paris le 28 Decembre 1686.

Je vous rends graces de vostre grande lettre. Vous ni’avez traittö en aroi. Je regarde vos scavantes reflections comme des trsorls que je con scrveray cherement. Je ne scaurois pourtant m’empescher den faire part a plusieurs de vos amis et des miens. Jay fait voir vostre lettre a plusieurs d’honestes gens, el je rae persuadc que vous ne m’en dcvoz point scavoir mauvois gr6. M Laniin en aura une eopie el quelques aulres de nos amis qui m’cn ont demend unc avec inslance ; mais dans ces copies je ne uielleray que ce qui regarde les sciences, averlissaut que l'on ne jugd poini cn dcrnicr ressorl du Systeme que vous pi’oposez el que l'on donne du loisir el de l'espace pour vous expliquer davanlage, si vous le Irouvez bon sur une si grande maliere. MT Huel a esl6 nonim par le Roy a TEvesch de Soissons ; je luy ay 1u la eopie de vostre lellre, il vous baise les mains« M\ TAbbö Galois vous fait aussi ses civililez. M: Mathion fail la mesme chose à vostre egard. J’ay parl6 de vous, Monsieur, à M Tevenot, qui vous eslime fort ; il est à cet heure dans la place de M ! Garcavi a la bibliothöque du Roy. Les manuscrits de M ! Mariotte qui ont reste aprös sa mort, ont est mis par son ordre port dans son testament entre les mains de Ml ; de la Hire de rAcademie Royale des Sciences, lequel nous a donne un posthume de M Mariotte de Tllvation des Eaux. Je pense quo vous aurez vu ce livre, il est beau et curieux. M de Brosseau m’a rendu luy mesme vostre lettre, je ne vous reponds pas quelle ne seit quelque jour imprime. Jy repondray emplement d’une maniere qui ne vous sera pas desagreable, il faul auparavant que nous scacbions ce qu’en dira M Lantin. Je souhaiterois fort que M ! Delarue füt retabli. On q fait une nouvelle edition de mon petit traite des Hygrometres, j’y ay adjout6 plusieurs choses. Je vous Tenverray par la preraiere commodi(6, j’en metteray seulenient une figure dans cette lettre en attendant le livre. J’aurois bien souhait de voir ce que vous avez donn au Journal de Lipsick touchant les idees. Nous ne voyons point en France, ou fort difficilement du moins, les journaux etrangers. On ne scait pas encore ce que vous me demendez touchant M TAbbe de la Rhoc. Mr de Brosseau consultera le Pere Mabillon touchant l'histoire dont vous m’avez demandé de l'eclaircissement ; je n’en ay pu rien apprendre, vous en pourrez trouver quelques mots dans l'histoire de Meser.*) Le Pere Malbranche vous salue ; j’ay vu dans le Journal de Holende vostre probleme avec une reponse quon y a faite touchant le principe de la mechanique ; je ne scais qui a fait cette reponse. Je vous feray quelque jour la mienne, Dieu eidant. Je n’entre point icy en matière. Jespere que vous aurez bientost ma reponse à Dom Robert sür


•) Mezeray. le sentiment de St. Augustin touchanl les Acadeniiciens. Apres avoir repondu sur cette mntiere pour cc qui regarde la Religion, je satisferay pour ce qui eoncerne les scicnces humaines ; ce qui retarde davantage, ce sont les libraircs. Ges matieres sont importantes, mais elles ne sont estimees que des scavants et de ceux qui ont le gou fin comment vous, Monsieur. Cependant cela ne regle point le jugement que les libraires en fönt, surtout en Franee oü Ton aime mieux les livres de plaisanteries et de bibus que les bons livres qui concernent los commencemens des sciences. On a mesme du degout pour les reflexions qui regardent les principes, parce qu’on se flatle de scavoir beaueoup et Ton’ aprehende que les systemes que Fon a fail ne soient ruinez, c’est pour cela qu’on ne veul pas ouvrir les yeux, mais il ny a rien de plus glorieux h tout esprit bien fait que de se rendre à la vrit6. C’est une inai*que que Ton ne se connoit pas encore lorsque Ton pense estre *infaillibile. D’ailleurs il y a des gens qui profitent aux dispuies et sinleressent a les continuer de sorte que ce nest pas les attirer que de Icur dire que Ton travaille pour la paix et la reunion des esprils. Mais, Monsieur, cela ne doit pas nous empescher de cherchcr la verit6 et de la preferer a tous les interesls humains. Impossibile est mala paenitus extirpare, dit fort bien Piaton. Neanmoins on ne doit pas laisser de les diminuer aulant que Ton peut. Je suis etc.

Quand vous me ferez la faveur de mecrire, distinguez, sil vous plait, les matieres des scienoes des cboses personnelies par diffirens papiers afin que les unes soient vues et les autres non. Gar les personnes de vostre merite et de vostre habilit necrivent rien que Von ne seit curieux de voir. Il y a des matieres sur lesquelles on nest pas fach de parier en public, et dautres qui ne sont bonnes que pour quelques Personnes ad hominem.

Ma Sagesse des Anciens nest point achevee, il y manque encore deux parties et ce que vous en avez vu nest presque que la preambule, le fort de la mauere est reserv pour les deux autres parties. Si vous ecrivez à M ! Thirnous, je vous prie, Monsieur, de luy faire mes civilitoz. M’. Arnaut ne paroist plus et on ne scait oü il est. Le Pere Mallebranche a est malade, il Fest encore quoyqu’il commence à se mieux porter. M Hos ... est à Rome. M ! Toinard vous baise les mains.")


  • ] <59 folgt ter eine teile über die schon oben crtpSnte ignr eine« $)grometer«, die aber nt(fit torbanben ifi.

Il y a longtonis qiie j*<iy receu vostrc lellrc et j’aücnds à vous faire reponse sur le tout, raais parce que je n’ay pu encore avoir la reponse de Mr Lanlin, j’ay difTere.

VIII.

ouder an Seibnij.

À Paris du 5 may 1687.

Je ne scais pas le logis de M ! TAbbe Gatelan, et ne puis eslre encore assure en quel leras je pourray conferer avec luy sur le sujet de voslre Probleme du mouvement. D’ailleurs je nViinagine que ce Monsieur aura bicn de la pene à se rendre, et abbendonner Descartes quand mesme vous auriez raison, ce que je crois du moins en partie, car pour vous dire vray, je ne pense pas que ni M Descartes, ni aucun autre ait encor bien expliqu6 Fessence et les lois du mouvement. Pour ce qui est de ce quen a dit M’, Descartes, je suis assez persuade quecela nest pas trop conforme à la realil de la chose, d’autant plus que ses lois sont extrememcnt metapbysiques et ne conviennent pas à Testat present de la nature. Il me paroist que W. Mariotte, dans son livre de la percussion, a monstr suffisamroent que les lois de M Descartes ne saccordent point du tout avec Fexperience. Pour moy, qui suis Academicien à la manire de Piaton, je ne me rends pas si facilement, ni suivant le pour ni suivant le contre. J*ay peur qu’il ny ait quelque chose drrationel dans la communication du mouvement et en effet, il faut avoir egard à la masse des corps, laquelle n’est

pas tousjours en mesme raison qiie la superficie et environnement. Supposez un pendule AB. M ! Mariotte veut que le corps C, qui est le quadruple du corps B, yenant à le chocquer avec un degr de vitesse, les deux corps continuent a se mouvoir du mesme costö et fassent une vitesse compos6e, le petit corps neanmoins recevant plusieurs degrez de vitesse et le gros en conservant encor une partie de celle quil avoit auparavant ; ces deux corps estant supposez de mesme matire etc. D’aillcurs, il ne faut pas juger des machines fixes par les lois des corps qui ont des mouvemens acquis, ni des lois des mecbaniques staliques par Celles de la percussion. On s’imagineroit, par exemple, que posant une Romaine en equiiibre, ayant 20 livres d’un cosl6 et une Hvre tfun aulre, le soutient À soil aussi charg6 que si celte Romaine porloit deux poids egaux, ce qui n*est pas. Autremeni on auroit le mouvement perp6luel, car si le soutient estoit cbarg de deux fois 20, scavoir de 40, les poids cstant inegaux et la Romaine estant pencbe, il ny auroit qu’un equilibre vaincre, ce qu une livre ou deux pourroit faire pour abbaisser les 2 bras, et alors ce qui ne pseroit que 21, en pöseroit 41. La Romaine pourroit estre attache au bras d’une balance, et toute la machine augmenter sa force ou en perdre d’une maniere surprenante. Mais cela ne se fait pas et ne se doit point faire parce que toute la Romaine n’a raison que dun corps unique et d’un seul poids à Tegard du J soutient. 11 en est de mesme que dans la macbine de requilibre des liqueurs, que M Pascal a proposee et que j’ay reduite cn pratique comme vous scavez, Monsieur. Si on soutient le tuyau à cosl en Bj on ne sent que le poids de Teau qui est dans le tuyau et celuy du tuyau ; mais si on soutient par A, on sent tout le poids d’une quantite d’eau pa reille à celle qui seroit dans un tuyau d’une grosseur pareille à la base selon toute la hauteur du tuyau. C’est assez parier de mecbanique en attendant que Toccasion se presente de vous en ecrire davantage. Je joins a la presente un petit imprime, scavoir la deuxime partie de ma röponse à Dom Robert des Gabets touchant la Philosophie des Acaderoiciens par raport h la Religion. Si vostre grande lettre est imprimee quelque jour, jy rcpondrny dune manire qui ne vous sera point desagreable. Je souhaiterois que vous eussiez vu ma pràmiere piece, scavoir les Dissertations sur la Recherche de la verit, que jay faire imprimer avant ma crilique et avant le i voIume du P. Malbranche. Ge 11 vre na point est expos en venle, ni mesme achov cntierement. Il ne men reste plus que tres peu d’exemplaires. J’espere vous le pouvoir faire voir quelquc jour. En attendant je puis vous dire que vous avez raison de refuser la demonstration que M. D aporte apres St. Änsclme. Il en aporte encor une autre qui est un peu meilleure, mais cela, je ne ponse pas qu’on puissc mieux dcmonstrer Fexistence de Dieu que par les principos de Piaton. Jen ay louche quelque chose dans le livro dont je viens de vous parier. Je suis fort oblig à JA\ le Resident") de Thonettel qu’il me fait de me donner vos leltres. On m’a presto le livre de M vostre ami Tliirnous**) De medicina mentis el corporis : je n’cn ay lu encor que le commencement et le trouve excellent. Le public en est enrichi. Il y a de beaux senlimens. Je Testime fort. Je voudrois aussi en avoir un de vostre facon. Je suis, Monsieur etc.

MT TAbbe de la Rocque ne fait plus de joumaux ni de Conferences. Nous avons pene de voir les jourmiux de Holende. Le P. Malbranche vous salue.

IX.

Setbni an ouder.

J’ay receu vostre lettre avec le discours que vous avs fait sur le sentiment de S. Augustin h Tegard des Academiciens, dont je vous remercie fort. Je Tay IQ avec beaucoup de plaisir, et je vous diray sans vous flatter que je le trouve entierement a mon gr. Les loix des Academiciens que vous exprimes par les parofes de S. Augustin sont oelles de la’veritabl Logique. Tout ce que je trouve à adjouier, cVst qu’il faut commencer h les pratiquer non seuleroent en regrettant **] ce qui est mal esiaMi, mais en tachant d’establir peu (k peu des verits solides. Je fis autre fois un essai


  • ) «roffeau. ’•♦) Biet !ei(it rejelant. des demonstrations de continente ei conlento, oü je demonstray per onracieres (à peu pres de la facon de TAIgebre ei des nombres) des proposiiions sdoni les regles des syliogismes ei quelques proposiiions de maihemalique ne soni que des coi*ollaires].*) J’en pourrois donner non seulemeni sur la grandeur, mais encor sur ia qualil, forme et relaiion bien d’auires, qui se demonsireni ioutes hypoiheiiquemenl sur quelque peu de supposiiions, par la simple subsiiiuiion des charactres equivalenies. Les plus imporianies seroicnt sur la cause, l’effeei, le changement, Taction, le ierops, oü je trouve que la verii ei bien diffei*ente de ce qu’on simagine ; car quoyqu’une subsiance se pisse appeler avec raison cause physicpie ei souveni morale de ce qui se passe dans une auire subsiance, neanimoins parlani dans la riguepr meiaphysique, chaque subsiance (conjointemeni avec le concours de Dieu) est la cause reelle immediaie de ce qui se passe dans eile, de sorie qu’absolumeni parlani, il ny a rien de violeni. Ei mme on peui dire quun ooi*ps n’esi jamais pouss que par ja force qui esi en luy m6me. Ce qui esi encor coofirm par les experiences scar c’esi par la force de son ressori qu’il s’eloigne dun auire Qorps en se restiiuani aprös la compression. Ei’quoyque la force du ressori vienne du mouvemeni dun fluide, neanimoins oe fluide, quand il agii, esi dans le corps pendani quil exerce son ressori]. Mais il sensuii encor que dans chaque subsiance, qui Fesi veriiablement ei qui n’est pas simplemeni une Machine ou un aggreg de plusieurs subsianoes, il y a quelque moy qui repond a ce que nous appelons Famo en nous, ei qui esi ingenerable ei incorruplible, ei ne peui commencer que par la creaiion. Ei si les animaux ne soni pas de simples Machines, il y a lieu de croire que leur generaiioo, aussi bien que leur corrupiion apparenie, ne soni que des simples transformaiions d’un m6me aniroal, qui esi taniosi plus iantosi moins visible. Ce qui estoii dejà le seniimeni de l’auieur du livre De diaeia, qum aiiribue à Hippocraie. Gependani je iiens que les Espriis, iels que le nosire, soni cre dans le iemps ei exemis de ces reyoluiions apr la mori, oar ils oui un rappori ioui pariiculier au souverain estre, un rappori, disje, qu’ils doiveni conserver sei ce Dieu à legard n’esi pas seulemeni cause, mais encor seigneur ; cesi ce que la religion ei mesme la raison nous enseigne]. Si les Corps nesioieni que de simples Machines, ei sil n’y avoii que de Teiendue ou de la mallere dans les corps, il esi demonsirable que ious les corps ne

  • ) 2)tc s ] bebeuten, bag bad Gindcflojlene bei der tibfrift be9 Sriefe« ttxgbleibeit fottte. seroient que des phenomnes : cest ce que Platon a bien reconnu à mon avis. Et il me semble que jentrevoy quelque chose dy conforme dans vos pensdes, pag. 59. de vostre diseours sur le sentiment de S. Äugustin touchanl les Academiciens. sJe prouve mesme que Testendue, la figure et le niouvement enferment quelque chose d’imaginaire et dapparent, et quoyquon les concoive plus distinctement que la couleur ou la chalcur, neantmoins, quand on pousse Tanalyse aussi loin que j’ay fait, on trouve que ces notions ont encor quelque chose de confus, et que, sans supposer quelque substance qui consiste en quelque autre chose, elies seroient aussi imaginaires que les qualit sensibles, ou que les songes bien reglos. Car par le mouvement en luy mme, on ne sauroit determiner à quel sujet il appartient ; et je tiens pour demonstrable qu’il ny a nulle figure exacte dans les corps. Platon avoit reoonnu quelque chose de tout cela, mais il ne pouvoit sortir des doutes. Cest quen son terops la Geometrie et l’Analyse nWoient pas assez avances. Aristote aussi a connu la necessit6 de mettre quelquautre chose dans les corps que Testendue, mais nayant pas sceu le mystre de la duree des substances, il a crü des veritables generations et corruptions, ce qui luy a renvers6 toutes ces idees. Les Pythagoriciens ont envelopp la verite par leur metempsychoses, au Heu de concevoir les trmisformations dun mme animal, ils ont crii ou du moins debit les passages dune ame d’un animal dans Fautre, ce qui n’est rieu dire.] Mais ces sortes de considerations ne sont pas propres à estre veues de tout le monde, et le vulgaire ny S9auroit rien comprehdre avant que davoir l’esprit prepare.

Monsieur Tschirnhaus esloit autrefois bien plus Cartesien qu1l n’est à present ; mais jay contribu6 quelque chose à le desabuser, et je luy ay fait voir quon ne sauroit fonder sur aucun raisonnement, avant que de scavoir si la notion est possible, en quoy M. Des Gartes a manqu ; aussi la conception pretendue claire et distincte est sujette à bien d’illusions. Gependant il ne faut pas simaginer que nous puissions tousjours pousser Tanalyse à bout jusquaux pcemiers possibles, aussi .ne Test-il pas necessaire pour la science. Il est vray quen ce cas eile seroit accomplie. Gependant il y a quantit de bonnes penses dans le livre de M. Tschirnhaus ; sa maniöre de concevoir des foyers qui soyent des lignes au lieu de points, est une belle invention ; mais il y a quelques particularites et des consequences oü • je tiens qu’il va trop viste. Car il croit de pouvoir determiner aisement le nombre de toutes les courbes de chaque degré, ce que je say de ne pouvoir estre ainsi. Et je voudrois avoir seu son dessein de faire imprimer l'ouvrage pour le desabuser de bonne heure. Mais cela ne diminue rien de l'estime que je fais de son esprit.

Pour ce qui est des loix du mouvement, sans doute les regles de la statique sont bien differentes de celle de la percussion ; mais elles s’aecordent dans quelque chose de general, scavoir dans l'égalité de la cause avec son effect. C’est par là que je puis determiner tant les unes que les autres. Il est constant que les loix de M. des Cartes ne s’accordent point avec l'experience ; mais jen ay fait voir la veritable raison, cVst quil a mal pris la force. Je ne croy pas que ce que vous dites d'un pendulb qui rencontre un autre en repos et Femporte avec soy pour aller ensemble de compagnie, me seit contraire. Deux corps n’iroient jamais ensemble de compagnie apres le choc, pour en composer un seul, si une partie de la force nestoit amorlie par leur mollesse, c’est à dire transfere à leur petites parties. Et celte partie de la force qui est perdue en ce cas, est justement celle du choc. U est bien manifeste que le A soutien À d'une Romaine, oü i livre et 20 livres sont en equilibre, n’est cbarge que de 24 livres, parce que leur centre de gravit y est attach6. Et cela se trouve aussi veritable dans le cas de l'equilibre des liqueurs. Je me souviens bien de l'experience curieuse que vous fisles voir dans la maison de M. Dalancö, en presence de M. de Mariotte et daulres. On a parlé dans le Journal de Hollande de quelque chose de semblable. Mais je n’ay besoin que d'un seul principe pour rendre raison de toutes ces choses.

M. de Mariotte et quelques autres ont fait voir que les regles de M. des Cartes sur le mouvement s'eloignent tout a fait de l'experience, mais ils n'ont pas fait voir la veritable raison ; aussi M. Mariotte se fonde le plus souvent sur des principes d'experience dont je puis faire voir la raison par mon axiome general duquel, a mon avis, depend toute la Mecanique. Les regles de la composition du mouvement, sur lesquelles plusieurs se fondent en ces matieres, souffrent plus de difficulté qu'on ne pense.

P. S. Nostre amy*) vous est bien obligé de vostre bonne volonte, mais il avoit crü quon ne vouloit plus gueres d’estrangers. C’est de quoy


  • ) (Sd tfi Seibni), der gegen seine greunbe den Sunf( ! geSugert, 9Rttg(teb der arifei9Ifa< bemte )u sein. il faudroit estre eclairci, et en ce cas (ce qui est asses vraisemblable) si on croyoit neantmoins quil pourroit estre utile, ie meilleur expedieet de se servilde luy, seroit de Tengager à des oorrespondences pour donner part non seulement de quelques deeouvertes curieuses ei de consequences quil apprend de tenips en temps, mais particulierement des observations qu’il fall (iepuis quelques annes, et qu’il apprend continuellement dans ses voyages et recherches toucbanl les Mines et JMinraux ; car bien des gens se soni attachs aux plantes et aniinaux, mais oette matiere des mineraux est encor la moins claircie. Il croit d’avoir des ouvertures considerables là dessus, pouvant monstrer u Toeil quÄgricola et tous les autres qui ont parl de Torigine de ces choses, sont bien eloigns de la verit6, et que les ides que les livres et les personnes prevenues par les livres en ont, sont souvent fort mal fondes. Il seroit mme prest de vcnir de ierops en temps en personne, faire des rapports à l'Academie, et de recevoir des instructions pour la continuation de ces recherches auxquelles l'Allemagne et les pays voisins fournissent principalement de la matiere, et particulierement ce pays-cy, au lieu que les mines sont moins exercées en France, en Espagne et en Italie. Bien des gens amassent des Cabinet3, oü il y a des mineraux, mais à moins que d’avoir des observations exactes du lieu d’oü ils ont esté tires, et de toutes les circonstances, ces collections donnent plus de plaisir aux yeux que des lumieres à la raison. Car une plante eu un animal est un tout achevé, au lieu que les Mineraux sont ordinairement des pieces detachées, qu'on ne sauroit bien considerer que dans leur tout. Il a fait aussi de la depense pour faire faire quantite de modelles curieux des instrumens, machines et structures dont on se sert effectivement aux mines ; car ces choses se trouvent encor nulle part décrites de la maniere qu’elles se practiquent, et on S9ait maintenant bien des choses inconnues a Agricola, à Erker, et à d'autres.

Si vous voyés, Monsieur, que cette proposition qui paroist assez plausible, ne tente point, c'est une marque que les belles choses qu’on vous a dites ne sont que des oomplimens, ou bien, si on a de la bonne volonté comme je l'espere, qu'on n'a gueres d’esperance de reussir. Cependant je vous supplie, Monsieur, de faire en sorte que la chose n’eclate inutilement et qu’on ne se commette point. X.

Leibniz an Foucher.

Jay receu la vostre avec celle de M. Thevenot. Je vous suis bien Obligo de 06 soin. Jay repondu h M. Catolan dans les Nouvelles de la rep. des lellres au cpmmencemenl de cette anne, et comme JY avois toucb en passant les corrections que le R. P. Malebrancbe a voulu apporter aux regles du mouvenient de M. des Cartes, ce Pere y a repliqu, et il est demeur daccord, quen partie j’ay eu raison ; mais comme il adjoute des choses qui ne saccordent pas h mes principes, jay envoyd une duplique en llollande qui sera peutestre imprimc dans les dites Nouvelles. JVspere davoir la salisfaction de vous faire entendre mes pensees sur ces matieres et dautres, et dentendre vos scntimens \h dessus. Jay vi! Augustinus Steuchus Jugubinus de perenni philosopbia, mais son dessein est principalement daecommoder les anciens au christianisme (ce qui est en eflect tres beau), plustost que de mettre les pensees de philosophie dans leur jour. Je croy d’avoir remarque que Leucippe a concu quelque chose de semblable aux tourbillons de M. des Cartes, il l'appelle 8tvrjV, vorticem. J’ay trouve aussi chez les anciens la comparaison du baslon dont M. des Cartes se sert pour expliquer la vision. Je vous diray encor que les anciens avoient une certaine Analyse Geometrique toute differente de l'Algebre, et que ny M. des Cartes ny les autres que je sçache ne connoissent point du tout ; mais il faudroit bien des meditations pour la redresser. J’en pourray un jour informer le public. Elle a de tout autres usages que l'Algebre, et comme elle luy cede en certaines choses, elle la surpasse en d'autres.


XI.

Leibniz an Foucher

Je suis en voyage quasi toute cette année pour mes recherches d’Histoire que je fais par ordre de S. A. S. d’Hanover. J’ay esté longtemps en Hesse,

  • ) %u9 Um IntK&U ergicbt ſich, bag biefe« 6fxtif>ta in htx imtitm 9&Ifte bed Soxt» 1687 abgefagt i.
    • ) Dlffe« (reiben ifl offenbar im 3arc 1688 obgefagt, benn Sclbnij trat im bfl 1687 {àne «eife an. en Franconie, en Suabe et en Baviere, et enfin je suis descendu h Vienne, pour profiter de la Bibliotheque Imperiale, oü il y a bien des Ms. considerables touchant THistoire de rAllemagne, comme il est aisö de juger. J’aurois souhaitt de pouvoir aller premierement par Id Hollande et France et puis retourner par Strasbourg et par la Suabe, Baviere, Autriche, Boheme et Saxe, mais mon instruetion ne me Ta pas permis.

Cependant je souhaitte de tout mon coeur ce voyage de France, pour vous revoir, Monsieur, et plusieurs autres illustres amis qui auront bien prefite en decouvertes depuis le temps de nostre Separation, comme jay fait aussi. Sur tout je souhaitte de revoir nostre incomparable Monsieur Thevenot, a qui je suis si obligö. De sorte que si Dieu le permet, je feray asseurement ce voyage pour ma satisfaction et pour apprendre bien des belles choses dans les sciences. Je pourray aussi leur communiquer des choses que je ne scavois pas quand jestois autres fois en France. Entre autres jay quelques considerations de consequence touchant le Systeme de TUnivers ; et jay trouv6 qu’cn supposant que tous les cercles concentriques que FEther dcrit à Tentour du soleil fönt leur tours avec des forces egales entre elles, et quentre les Planetes il y a aussi une galit6 dans les forces de leur circulations, nous aurons justement le Systeme des planetes, tel quMl est, scavoir des Ellipses dont le soleil est le foyer, et d’aulres particularits. J*en ay deja communiqu quelque chose à des amis qui le pourront publier à Leipsig.

Autant que j’ay juge par les Nouvelles de la Republique de lettres qui sont venues dans mes mains, Mons. TAbl) Calelan na pas os mordre au problme que javois propos6 pour egayer un peu la dispute qui estoit entre nous et qui estoit inutile, parce qu’il navoit pas seulement compris mes sentimens, comme il avoit decouvert luy mme, sans y penser en m’imputant des opinions estranges et prouvant des propositions que je n’avois garde de contester. Cependant Mons. Hugens a pris luy mme la peine de donner la Solution de mon problöme qui saccorde avec la mienne. Le problme est : trouver une ligne dans laquelle le corps pesant desccnd uniformement, et approche egalement de Thorison en temps 6gaux. Il faut que cette ligne seit courbe, car dans la ligne droite les descentes sont comme les quarres des temps, au Heu quon demande une ligne oü elles soyent proportionelles aux temps. On demande donc quelle courbe cest.

Le R. P. Malebranche avoit repondu dans les Nouvelles de la Republique des Ictlres à une difficuite que je luy avois falle en passant dans cette con iestalion qui estoit entre M. Calelan et moy ; et il avoit reconnu eu quelque faon le defaut des loix~ du mouvemont qu’il avoit donnes dans son ouvrage, mais comme il faisoit des distinctions qui ne s’accordent pos avec les prin cipes que je croy divoir .establis, j’ay fait voir dans ma replique d’une maniere tres claire, en quoy luy aussi bien que M. des Carlos se sont trompcs ; et j’ay explique un tres beau principe general qui sert à examiner des pro positions lant en physique quen mathematique, lequel sil avoit este connu à M. des Cartes, il nauroit eu garde de nous donner ses loix du mouvement qui sont tout à fait contraires k Tharmonie des choses. Je ne say si lo R. P. Malebranche en aura profite dans la nouvelle edition de sa Recherche. On fait souvent profession de nairoer que la verite et de ne demandcr que dVstre eclairciy mais souvent iin peu de fausse gloirc s’oppose à beaucoup de bonne intention, sans qu’on y prenne garde.

Si Mons. Findkeller qui vous envoyera cette lettre vous marque son adresse, je vous supplie, Monsieur, de luy faire envoyer la reponse que vous me fers, si je puis esperer ce bonheur \à : mais en cas qu’il ne la vous marque point, je vous supplie de la faire envoyer à Mons. Heiss le jeune qui Tenvoyera à S. A. S. Monseigneur le prince Erneste de Hesse Rheinfels avec cette inscription :

À Monsieur,

Monsieur Leibniz,

Rheinfels, chcz S. A. S. monseigneur le prince

Erneste de Hesse.

parce que ce prince scait mon adresse et me fait la grace de me faire tenir mes lettres.

XII.

ouer an !ieibttij.

de Paris le 30. May 1691. J’ai receu trois de vos lettres auxquelles je n’ay pu faire reponse sitost que je Taurois souhail. M Prestet est mort et a est6 regretl6 des scavans Geometres. J’ay fait vos civilitez au R. P. de Malbranche qui vous baise les mains. M dAvranche est bien aise de ce que vous eslimez son livre de la Censure de Descartes. Depuis peu M Regis luy a repondu là dessus et n'a presque rien dit à mon avis que ce que Dom Robort des Gabeis avoit desja dit de sorte quen repondant à cet Auteur, j’ay rpondu per avanee à M Regis. Neanmoins on ma dit quun ancien professeur en Philosophie à Paris travailloit actuellement à luy repondre. Vous scavez comme je pense, que M Regis a donn au public un grand Systeme de philosophio en 3 in quarto avec plusieurs figures. Cet ouvrage renferme plusieurs traitez de plus considrables comme de la percussion de M Mariotte, de chymie de M l'Emeri, de la medecine de M Vieuxsang*) et de W. d'Uvernai**). Il y parle mesme de mon traitt des Hygroraetres, quoyqu’il ne me nomme pas. La physique de Mr Rohault y a bonne part, il y refute le P. de Malbranche, M" : Perraut***), M ! Varignon ; le l*’ touchant les ides, le 2 touchant la pesanteur, et le 3, lequel a est6 nouvellement receu de l'Académie royale des Sciences touchant la pesanteur aussi. Les Metheores du Pere l'Ami fönt encor une partie des ornemens de cet ouvrage, et le reste est de M Descartes. Ce n'est pas que Mr Regis ne se soit conduit assez adroitement dans son Systeme, surtout dans sa morale. M d*Avranche (vous scavez qu'il a permuté son Evesché de Soissons pour celuy d’Avranche] luy repondra, je pense, par une préface qui sera ajoutée à son livre dans la 2 Edition qui en sera faite. Vous scavez encore, si je ne me trompe, que M Hugens a fait un Systeme de la lumière et de la pesanteur qiil a envoyé à Mrs de l'Academie. Il y parle de vous et de M’. Newton en bonne part. Pour ce qui est de la table que vous demandez de tous les livres dont il a est parlé dans les journaux de l'annee derniere, elle ne se fait pas, mais seulement dans le dernier Journal de cet année il y a une table des principales matieres et cela par ordre Alphabetique. Je vous l’envairray avec le Journal qui contiendra vostre piece que vous m’avez envoyé. C'est M! le president Cousin qui fait les journaux. Autrefois M Regis et M Guillard qui est habile geographe et historien, s’en mosloient, mais presentement Mr Cousin les fait luy seul. Il ne trouve pas bon de mettre vostre piece à moins que vostre nom ny seit, car le sujet dont vous traitez est un peu sec et vostre nom est assez celebre pour y attirer de Fattention. Ma Philosophie des Academiciens ne va pas a si grand pas que je souhaiterois ; si jestois aussi heureux en libraires que plusieurs


  • ) Vieussens. **) Du Verney. ***) Perrault. autres, vous vairriez hientost mon Systeme acheve. Je joindray à la presente lettre une table nouvellement imprime, qui contient les malieres dun volume achevd des Dissertations. Pour ce qui est de ma Logique des Aea demiciens, je ne scaurois vous Tenvoyer, car je n’en ay presque plus d’exem plaires ; elle a est6 imprimee a Dijon en Tanne 167 ?. J’espre qu’on vous cnvairra bientost une edition nouvelle bien plus correcte et bicn plus aniplc. J’ay commenc le V volume de mes Dissertations, en faisant imprimer le Itvre contenant l'histoire des Academiciens. Je vous en envoye un exemplaire en attendant que le reste soit acheve. Pour ce qui est de l'essence de la matiere, il y a longtems que je me suis declard sur ce point dans ma cri tique et ailleurs oü je pretends que l'on se trompe de pretendre que toute etendue soit materielle. Je suis bien aise de voir que vous vous accordez avec moy en ce point. M: Lantin est fort joyeux, quand il apprend de vos nouvelles ; il travaille à l’Arithmétique de Diophante, et il nous donnera ce que l'on peut appeler l’Algèbre des Anciens. Pour ce qui est de son Histoire du plaisir et de la douleur, je ne scais quand elle paroistra ; il m’a fait esperer qu'il seroit bientost libre de sa Charge qu’il va remettre à Mr. son fils, apres quoy il aura plus de tems pour s’adonner aux lettres. Vous aurez peutestre vu une preface qu’il a adjoute à un livre posthume des plantes de Mr de Sommaise. Je n'ay encor pu la voir ; elle a esté imprimee en Holande. Extrema in idem recidunt ; c'est une maxime dont Mr. Lantin fait bien de l'estime et qui est de plus profonde penetration qu’il ne paroist d’abord. Elle est vraye du moins en plusieurs choses. On ne fait plus de Conferences à Paris. Celles de M d’Haumont avoient est6 transferes chez M de Bignon, mais depuis que ce M est premier president au grand conseil, elles ne se fönt plus. Pourtant quelques uns sassemblent la Bibliotheque du Roy pour conferer louchanl les Medailles. M:Pelisson, Racine, dEpseau travaillent a l'histoire du Roy. M: Thevenot ma dit que si vous etiez à Paris, on vous recevroit de l'Académie royale des Sciences ; je voudrois que vous y teinsiez la place de M: Hugens. M l'Abbé Galois est principal du College Royal. Je suis etc.

XIII.

ouer an Seibntj.

de Paris le 34 Decembre 4691. J*ay altendu jusqu’a cet heure, Monsieur, afin de vous donner des nouvelles de M Laiitin, mais parce qu’il iarde un peu trop à faire reponse, je suis obligc de vous prevenir par ee mot, de peur que vous ne me blamiez d’estro trop paresseux à vous repondre. Voslre probleme de la ehaine pendaute de Galilei sera inser dans le premier Journal. Le R.’ Pere de Malebrancbe vous fait ses civilitez. Il a soubait de voir la lettre que vous mavez fait Thonneur de m’ecrire, scavoir voslre derniere. 11 dit qu’il est de mesme sentiment que vous sur la maniere d’agir de la nature, par des changemens infiniment petits et jamais par saut. Pour moy je vous avouö que j’en doute encor, car je crains que cela ne revienne h Targument des Pyrrhonniens, qui fesoient marcher la tortuà aussi vite quAcbile ; car toutes les grandeurs pouvant estre divises à Tinfini, il ny en a point de si petite dans laquelle on ne puisse concevoir une infinite de divisions que Ton n’epuisera jamais. Doü il sensuit que ces niouvemens se doivent faire tout à coup, par raport à de certains indivisibles pbysiques et non pas mathcmatiques. Si vous pouviez rompre la barriere qui est entre la Physique et la Metaphysique par vostre probleme, comme vous avez pens6, je vous en scaurois bon gr6 ; car le plus tfuniformit que Ton trouve dans les objets est le meilleur. Lart de mesurer les lignes courbes est beau, si on le scait conduire à sa perfection, et mesmes il est nouveau. Mr Descartes n’est pas si blasmable d*en avoir dout que sUl avoit cru Tavoir avec presomption. M ! Osannan dit qu’il est vray que vous luy avez donn6 Touverlure de sa quadrature du cercle ; mais il sc pleint de ce quayant est trop lent à decouvrir ce que vous en scaviez, vous luy avez donn lieu de faire là dessus ses meditations et d’en trouver ce quil en a trouve, de Sorte quil pretend avoir droit, aussi bien que vous, à cetle decouverle ; mais avec tout cela, je voudrois quMl vous eust nomm. Je n’aurois pas cru que vous eussiez est controversiste, Monsieur ; mais je viens de voir un imprim6 qui conlient quelques unes de vos leltres, auxquelles M Pelisson a fait reponse. Je ne toucheray point cette matiere, parce quelle ne doit point estre men à moiliö, je diray seulemcnt que vous passez pour un hommc qui ecrit bieo en francois, et pour cela j'en suis persuadé comme les autres et encor plus. Le probleme extrema in idem reeidunt est vray en quelque chose, mais il n'en faut tirer aucune consequence pour ce qui regarde la divinité, car oü il y a de l'infini, les idées doivent estre changées et nous ne sommes pas capables de comprendre les proprietez des estres qui sont plus parfaits que le nostre, parce que toutes nos idées sont des facons d’estre de nostre ame ; neanmoins, la supposition d'une vitesse infinie dans les points d’un cercle en mouvement, me semble enfermer quelque absurdité, car qui dit vitesse dit durée, et qui dit durée dit un tems fini dont les momens ne sont point tout ensemble. Il n’appartient qu'à l'eternite d’estre tola simul ; au reste l'idee de l'estre ne conviendra jamais avec l'idée du neant. Il semble que Platon ait approfondi cette pensée dans son Sophiste de ente, et dans son Parmenide. Enfin, quoy qu’il en soit, il faut estre assur que l'on ne peut tirer que de bonnes consequences de la verité ; et comme il y a quelque verité eternelle, il doil aussi y avoir de certaines distinctions immuables et essentielles, qui contiennent des diffirences necessaires ; or, parce que la premiere de toutes les diflerences est celle de l'estre et du neant, il s’ensuit quelle est immuable et que jamais le neant ne se confondra avec l'eslre, ni l'estre avec le neant. On ne fait point de table dans le Journal suivant l'ordre des livres dont il y est parlé, mais seulement suivant l'ordre alphabetique. Je vous en envoye une, a quoy je joins le second livre de ma Philosophie des Academiciens, dans lecquel il est traitte des premiers principes de la premiere philosophie. Il ne tient pas à moy que vous n’ayez la suite ; mais vous scavez, Monsieur, les difficultez qu’il y a à faire des livres, surlout en ce tems cy oü les libraires ne veuleut rien entreprendre. Je mestonue de ce que l'Auteur des Actes de Lypsic ne voit point les journaux de France. Nous voudrions bien voir icy ceux de Holande, mais cela ne se peut. J’en ay vu quelques uns de Lypsic, dans lesquels il est parle de vous honorablement. M Thevenot est fasche de ce que vous ne nous avez pas fait part de vostre Mechanique, que vous avez laissee à Florenco. Mr d’Avranches a fait nouvellement un livre de la Situation du Paradis terrestre : c’est un in douze fort rempli d'erudition à sa maniere. M: du Hamel, qui est aussi vostre ami, a compos une Theologie entiere en 7 volumes. M de Pontchartrain gouverne à cet heure l'Académie des Sciences. On y a receu trois personnes, entr’autres un habile homme pour la science des plantes qui s’appelle Mr Tournefor, et un autre pour la chimie. Je souhaiterois que vous y vinsiez tenir la place de M Hugens. Je vous suis, Monsieur etc.

XIV.

Leibniz an Foucher.*)

Janvier 1692. Je vous remercie, Monsieur, et de vostre lettre et de vostre present. Je lis avec plaisir ce que vous nous donnés sur les Academiciens. Je suis de vostre avis qu’il seroit bon de chercher les preuves de toutes les verités qui se peuvenl prouver. Ce n’est pas que cela soit absolument necessaire, ny qu’il faille qu’on s’arreste jusqu’à ce qu’on puisse prouver tous les principes par les premiers, car si les Geometres avoient voulu attendre a chercher les solutions des problemes et les Demonstrations des theoremes, jusqu’à ce qu’ils eussent dermonstré leur axiomes et demandes ou postulata, ils auroient mal fait et se seroient privés des avantages que la Geometrie nous a apportés. Cependant il est bon, qu’il y ait certains esprits, qui tachent de suppleer ce qu’on a laissé en arriere pour avancer. Et si on prend ainsi vos raisonnemens sur l’art de douter, il n’y a rien de si raisonnable. Mais il seroit peut estre bon que vous expliquassiés distinctement, que c’est là vostre intention, à fin que ceux qui ne l’entendent point assés, ne s’imaginent pas mal à propos, que l’Academie s’oppose aux progrés des sciences. J’ay reconnu par experience, de quelle importance seroit la demonstration des Axiomes, pour perfectionner ce que j’appelle la veritable Analyse. Et je m’etonne que personne n’y a pris garde assés. M. Descartes luy même qui a renouvellé les doutes des anciens, pour nous faire rien admettre sans preuve, devoit songer aux demonstrations des Axiomes ; mais au lieu de cela il se jetta à Corps perdu sur d’autres raisonnemens bien moins solides, mais plus propres à acquerir des applaudissemens, et ce qu’on appelle auram popularem. Il ne faut pas mepriser les difficultés que Sextus Empiricus faisoit aux Dogmatistes, car elles servent à les ramener aux principes. Quand j’estois à Paris, on se moquoit de M. Roberval, parce qu’il avoit voulu demonstrer quelques axiomes d’Euclide. Mais je ne m’en moquois pas ; on sçait que Proclus et même Apollonius y avoient deja pensé. Ceux qui aiment


  • ) Im Auszuge gebrudt im Journal des Savants. Juin 1692. à pousser le détail des sciences, meprisent les recherches abstraites et generalhs, et ceux qui approfondissent les principes entrent rsirement dns les par|,icu|arils. Pour moy jVsliroe egalement Fun et Taulre, car j’ay trouv6 qpe Tanalyse des principes seit a pousser les inventions particulieres. Voila, Monsieur, une Apologie de vostre Academie raisonnable, pour en faire connoislrc Fulilit plus grande qn’on ne crott. Et je soubaitterois quo pour donner bon exemple aux autres et pour commencer l'execution de ce que vous recommand6s, vous vou1ussi6s yous attacher a Fexamen et a la demonstralion de quelques axiomes recüs.

Mon Axiome que la nature ngit jamais par saut, que vous mands que le R. P. de Malebranche approuve, est d’un usagc grandissime dans la physique ; il detruit atomos, quietulas, globulos secundi Elementi et autres chifneres scmblables ; il rectifie les loix du mouvement. 11 y a encor une dixaine d’Axiomes qui sont capables de nous faire avancer considerablement. Ne craigns point, Monsieur, la tortue, que vos pyrrhoniens faisoient aller aussi viste quAchille. Vous avs naison de dire, que toutes les grandeurs pouvant estre divises h Tinfini, il ny en a point de si petite, dans laquelle on ne puisse concevoir une infinite de divisions que Ton nepuisera jamais. Mais je ne voy pas quel mal en arrive, ny quel besoin il y aye de les epuiser. Un espace divisible Sans fin se passe dans un temps aussi divisible sans fin. Le P. Gregoire de S. Vincent traitant de la somme d’une multitude infinie des grandeurs qui sont en Progression Geometrique decroissante, a monstr fort pertinemment autant que je men puis souvenir, par la supposition mme de la divisibilit a Finfini, combien Achille doit avancer plus qqe la tortue, ou en quel temps il la deuvroit joindre si eile avoit pris les devants. Je ne concois point d’indivisibles physiques (sans miracle) et je crois que la nature peut executer toute la petitesse que la Geometrie peut considerer. Je vous supplie, Monsieur 9 de faire mes baisemens au R. P. de Malebranche, lorsque l'occasion sen presente. Je ne scay sil a vu et approuv6 ce que javois repondu dans les Nouvelles de la RepubUque des lettres c la lettre, quil a crite à M. FAbb Catelan, et s’il a reconnu depuis la force de mon raisonnement. Car quant à M. l'Abbé, il s’estoit trouv6 qu’il m’avoit attribu6 une opinion toute differente de la mienne. On peut voir les Nouvelles des lettres 4687 Juillet artici. 8, et Septembr. artici. 3.

Si M. Osannam a trouvé la demonstration de ma quadrature, il pouvoit lousjours me faire justice sur la chose mme que je luy avois communique. Javois crü que M. Tschirnbaus luy avoit fait pari encor de ma demonstration, qu’il porla avec soy en France à son demier voyage et qu’il communiqua m6me à Messieurs de TAcademie Royale. Aussi avoit il beaucoup de communication avec M. Osannam, et je l’avois cr6 dautant plus raisonnablement que la demonstralion que M. Osannam a publice depuis dans sa Geometrie practique est precisement la mme que celle que M. Tschimhaus avoit de moy : les mmes moyens, la m6me courbe auxiiiaire, les mmes Lemmes, nee ovum ovo similius. Au Heu que j’ay encor plusieurs aulres voyes pour demonstrer ce theoreme, et dautres Geometres qui ont trouve la demonstration de ma quadrature ont encor pris dautres voyes. Quoyqu’il en seit, ce n’esl pas grande chose ordinairement que de demonstrer Finvenlion d’autruy en Geometrie. Et je tiens Mens. Ozannam assez habile bomme, pour inventer de soy tndme quelque chose de consequence. Le public atlend sur tout ses decouverles sur les nombres et les problemes de Diophante, oit il excelle encor parliculierement. Jaime fort à rendre justice, et quand je publiay ma quadrature, je professay publiquement qu’une invention de M. Mercator avoit donn occasion à la mienne. Vous dites, Monsieur, que M. Osannam m’accuse d’avoir este trop lent a luy communiquer ma demonstration. Mais je ne me souviens pas qu’il me Tait demande. Je n’ay jamais csle fort chiche de mon peu de connoissance. Il avouera que je fus le premier qui luy monstra Tusage des Equations locales pour les constructions, dont il fut ravi et il en a fait un fort bei usage comme je voy par son Dictionnaire. Il est vray que cet usage des Equations locales n’est pas de mon invention, et je Tavois appris de M. Slusius. Mais cest pour dire que jay tachö dobliger M. Osannam. Il se souviendra aussi que jen ay us6 assez franchement à l’egard de la communication de mes inventions, comme lorsquil me proposa la Ligne de M. Berihet, alors Jesuite, sur laquelle je ne luy communiquay pas seulemeut mes constructions, mais encor mes voyes, quil trouva fort à son gr, et qui luy ont servi en pareilles occasions. J’avois mme une veue à son avantage il y a quelque temps. C’est que j’avois un projet de certaines Tables Analytiques ou de Specieuse fondes sur les combinaisons, lesquelles si estoient faites, seroient d’un secours merveilleux en Analyse, en Geometrie et en toutes les Mathematiques, et pousseroient l’Analyse à une grande perfection, bien au delili des bornes presentes. EUes serviroient dans la Geometrie profonde, aulant quc les Tahles numeriques des Sinus servent dans la Trigonometrie. Et comme M. Osannani est un des bomnies du nionde qui ont le plus de facilite et de connoissance practiquc pour Ic caleul ordinairc de la Specieuse, j’avois pense qu’uhe chose si utile se pourroit farrc sous sa direction et peut estrc si les tenips estoient plus favorables, à des frais publics. Mais aujourdhuy au plus fort de la guerre, je ne scay si Ton oseroit songer à des choses de cette nature.

Hoc non obstante, je vous prie, Monsieur, de communiquor la pense de ces Tables à M. Tbevenot, h fin quMl la scache au inoins, puisqu’il veut bien meas esse aliquid putare nugas. 11 faut que Mens, de Pontchartrain favorisc les sciences, puisqu’il fait remplir des placcs de rAcademie. La raison qui me fit laisser à Florence mon brouillon d’une nouvelle science de la Dynamique, est qu’il y eut un amy, qui se chargca de le debrouiller et de le mettre au net, et mnie de le faire publier. Et il ne tient qu’à moy qu’il paroisse, puisqu’il est mis au net, je n’ay qu’à y envoyer la fin. Mais toutes les fois que j’y pense, il nie vient une foule de nouveauts \à dessus, que je n’ay pas le loisir de digerer. Sans la guerre j’aurois repass6 par la France, et j’aurois apport bien des choses. Du reste j’honnore telleroent M. Tbevenot que tout ce qui depend de moy est à sa disposilion. 11 y a deja plusieurs mois que je luy ay repondu bien amplement. Un de ces jours je luy envoyeray un Tbeoreme fort gencral tir6 de ma Dynamique pour servir dVcbantillon.

Les Expressions semblables à cet Axiome de M. Lantin : Extrema in idem recidunt, sont outres à peu pres comme lorsqu’on dit que l’inGni est une spbere dont le centre est par tout et la circonference nulle part ; il ne faut pas les prendre à la rigueur. EUes ne laissent pas d’avoir un usage singulicr pour Tinvention à peu pres comme les imaginaires de TAIgebre. C’est ainsi quon conoit la Parabole comme une Ellipse à foyer infiniment eloignö, et par \à on maintient une certaine universalite dans les Enontfations des Coniques. Le caleul nous mene quelques fois à Tinfini Sans y penser, comme lorsquun nombre doit estre divis6 par x — 3, alors au cas que le nombre x est egal à 3, le quotient devient infini, et si ce quotient devoit signifier la vistesse d’un cercle à Tentour de son centre, je conclurois quau moins cn cas de pretendue vistesse infinie, chaque point du cercle seroit tousjours au m6me endroit, ce qui est la seule interpretation possible quon peut donner à ce cas. Car autrement,la vistesse infinie est impossible, aussi bien qu'un cercle infini. Neantmoins ce cercle infini peut encor avoir usage en calculant, car si l'analyse me faisoit voir que le rayon du cercle demande dans le plan donné est infini, je conclurois que le plan entier du cercle demande est le lieu qu’on cherche. Ainsi si je ne trouve pas ce que je devois chercher, savoir un cercle qu’on demande, je trouve au moins ce que je devois chercher, scavoir que le lieu demandé est le plan donné luy möme, et qu’il n’y a point de tel cercle dans ce plan, de Sorte que voilà oronia sana sanis, et l'analyse tire des utilités reelles des expressions imaginaires. C’est de quoy j’ay des exemples bien importans. Il est vray que des verites on ne conclut que des verités ; mais il y a certaines faussetés utiles pour trouver la verité.

J’ay vüi quautres fois dans le Journal des Scavans il y avoit une liste des livres et articles de l'année precedente au commencement de la suivante, mais on aura changé de Methode ; cependant je vous remercie, Monsieur, de la Table Alphabetique. Je seray ravi de voir un jour la Theologie de M. du Hamel, h qui je vous supplie de faire mes complimens dans l'occasion, et de luy temoigner, que jay de la joye d*apprendre qu*il se porte bien. Si elle ressemble à son Gours de philosophie, elle sera excellente. Il y fera entrer apparement laut les meilleurs sentimens des Peres que les plus jolies opinions Scholastiques, car avec toute leur barbarie, ils ne sont pas à mepriser, et ils ont des penses profondes, mais mal digeres. Je les ay salus autres fois.

N’y auroit-il pas moyen par vostre faveur, Monsieur, d\nvoir une liste des Membres de rAcademie Royale des Sciences, et des livres que tant TAcademie que les membres en particulicr ont fait impnmer ? M. du Hamel ne refuseroit peut estre pas de vous assister en ccla.

XV.

OHder an !ietbnt)«

de Paris le*) . . . Aoust 1692. Jay fait voir vostre demierc lettre a plusieurs de vos amis, et ils m’en ont tous demande une copie, de sorte que j’ay cru ne pouvoir mieux faire


  • ) \t 3aI feIt im OrigiiHiI. que d’en donner un extrait au Journal, auquel je repondray sur trois objeis, sur le sujet des Äcademiciens, sur vostre Axiome : Natura non agit saltalim, et sur cet autre : Extrema in idem reeidunt. Cependant je puis vous assurer que Ton a une grande estime pour tout ce qui vient de vous et que si Ton mecoute sur ce sujet, on Taugmentera encore. Mr rAbb6 Galois m’a prorois qu’il vous feroit present de tous les memoires (Je rAcademie, qui sont imprimez jusquà cet heure. Je vous avois fait une espece de liste de tous les membres de cette illustre coropagnie, qui ne laisse pas dans ce tems cy mesmes de florir autant que jamais, et je vous Tenvairrois, si je navois aprls de M5 Duhamel, vostre ancien ami, que Ton travailloit à faire l'histoire de l'Academie royale de France, de sorte que dans peu de tems vous aurez non seulement les noms des Academiciens, dont vous connoissez desja la plus grande partie, mais encore un detail de tous leurs ouvrages. Gependant, Monsieur, souffrez que je vous temoigne le deplaisir que jay de ce que vous avez declar dans une de vos lettres à Mr Pelisson qui est imprime, que vous nestiez pas de cet Academie ; c’est vous en donner vous mesmes l’exclusion : au Heu que si vous naviez pas ainsi affirm sur ce sujet et que vous eussiez est en cela plus sceptique, on auroit Continus la pense oü Ton estoit que vous aviez part à cette compagnie de mesme que M’. Thyrnous, vostre ami. Pour moy, je n’ay point trouv6 aucun moyen de vous excuser là dessus, si non de dire que vous entendiez cela comme si vous aviez voulu dire que vous n’en estiez pas à la maniere de ceux qui sont gagez pour y assister regulierement. 11 faul donc vous accorder le titre dAcademicien honoraire, et i1 ny a pas un de ces Messieurs qui ne vous le donne, d’autant plus quil vous estoit desja acquis du tems de MT de Golbert, et qu’il ne sagissoit plus pour lors que dachever entierement de vous mettre sur le catalogue avec la permission de M ! de Pontchartrain. M: Tevenot nest plus h la bibliotheque du Roy et il s’est retir6 à son particulier. Je crois que vous le seavez à cet beure. Mf Glement qui est encor un de vos amis est maintenant en sa place. Je joindray aux memoires de l'Academie, deux feuilles nouvellement imprim6es de ma facon. Elles contiennent le 3 Livre des Dissertations sur la pbilosophie des Academiciens. Vous y trouverez une reponsc sur leur maniere de philosopher, qui nobligeoit pas, comme on a coulumc de dire, à douter de toutes choses, mais seulement des propositions non demonstratives. J’ay aussi promis quelques axiomes que l’on peut allribuer aux Acadcmiciens. Vous avez cela dans une 3’ partie de mon Apologie. Le 1axiome esl : Judicium verilalis non est in sensibus ; le i : Non opinaturuni esse sapienleni, el le 3 : Verba non dant coneeptus, sed supponunt. Mais, Monsieur, il n’est pas bon que je m’altache à prouver des axiomes detachez. 11 faul former un Systeme. Je consens quc Ton dmonlre tant que Ton voudra les secondes veritez, en les reduisant dans leurs principes iromediatement, mais cela nempesche pas qu’il ne faille une fois pour le moins, aller depuis les derniers principes jusquaux premiers, et vice versa.

Vostre sentiment de Tessence de la mattere qui n*est point Testendue, a estö mis dans le Journal de Tannde passee"}, peu de temps aprs que voüs me Tavez envoye, et il s’est trouv un homme qui y a repondu. Je puis vous dire en un mot qui me sembie quil suppose ce qui est en question, car il se fonde sur cette proposition : tout corps, quelque indifferent quon le suppose au mouvement et au repos, doit tousjours retarder celuy qui le chocque. Or, ii est question de scavoir s’il ne peut donner une matiere qui#soit de soy-mesme indifferente au repos et au mouvement. Je suis de vostre avis que Tessence de la matiere ne consiste pas dans Testenduö, et cest ce que jay prouv dans ma critique de la Recherche de la verit et dans mes reponses ou autres dissertations.

M’ : TAbbe Galois vous fait present des huit premiers memoires de TAcademie ; ii me les a donn6 aujourdhuy pour vous et je vais les mettre entre les mains de M ! de Brosseau pour vous les faire tenir. J’y joindray une nouveile explication de la quadrature du cercle, ou du moins une nouvolle tentative. Comme vous avs travaillö sur cette matiere, vous serez bien aisc de voir le progres que Ton fait ou que Ton pense faire \à dessus. Ms Osannam vous baise les mains ; il ma donnc un probleme pour vous, je lo mets icy tel qu1l me Ta donne""]. Je vous fais aussi les civilils du P. Malebranche, de M’. FAbbö Duhamel, de M: Toinard, de M: le President Cousin. M: TAbbe .Nicaise nest plus a Paris. Je nay point vu vostre Dinamique ; on m*a promis de me la faire voir. M: TAbbe Galois m’a assurö quil en pa.rleroit dans un de ses memoires, mais comme ce ne peut estre quaprös ces vacances, si vous avez quelque chose à luy faire scavoir là dessus, vous pourrez luy ecrire, ii löge à cet heure au College Royal, oü


  • ) Si l’essence du corps consiste dans l’etenduc. Journ. des Savants. Juin 169
    • ) !ad Problem liegt ntct mer bei.

goucec an Seibnij. 409

JA\ de Roberval a enseigne. 11 est principal de ce College : il y a une fort belle biblioiheque. Il me temoigne avoir bien de Feslime pour vous et voudroit vous en donner des marques encor plus considerables que Celles de vous faire pari de ses memoires. Si vous avez quelque chose à communiquer à M ? de rAcademie, il suffit de luy envoyer cela ; il en parlera dans ses memoires.

Pour ce qui est de cel amy, qui demande un livre de Remond Lulle, vous me dispenserez, Monsieur, de favoriser son entlement, car il ny a point d’amiti qui doive prevaloir à celle que Ton doit avoir pour la veril6 et la religion, amicususqueadaras. M Menage est mort depuis peu, et a donnö sa bibliothequc aux Jesuites. M’ : Lantin me promet un Spicilegium sur Diogene Laerle. Nous avons une petitc contestation dans les journaux, luy et moy, sur la queslion de scavoir si Garneades FAcademicien a esl6 du tems dGpicure. Il va bientost se deffaire de sa eharge, et il aura plus de tems pour philosopber, et se rejouit exlremement d’apprendre de vos bonnes nouvelles ; mais le tems n*y est pas favorable, silent leges inter arma. Je suis elc.

XVI.

Seibnij an ouder.

14 d’Oclobr. 1692.

27

Je remercie tres humblement M. FAbbe Gallois des memoires de TAcademie royale, aussi bien que de toutes ses autres bontes qui passent mes merites. Je profiteray de vostre avis à son egard. Il y a des meprises dans le recit de Tinvention du phosphore, je say les choses d’original. J’envoyeray un recit seur, si on le veut bien. Je ne dis pas cela pour choquer M. Homberg, pour lequel jay bien de l’estime, mais je ne voudrois pourtant pas quon trouvdt à redire avec raison aux memoires d’une compagnie si illustre, et si M. Homberg a este abus6 là dedans par le rapport dautruy, cela luy fera aussi peu de tori quà M. TAbbe Gallois luy m6me.

Je navois garde de penser qu’on songeroit à maccorder une place honnoraire dans TAcademie, que je naurois os6 prtendre, et si j’avois dit, en ecrivant à M. Pelisson, que jestois de TAcadmie, on auroit eu sujet de se moquer de moy. GepeDdant je vous avoue, Monsieur, que si javois su que M. Pelisson, prevenu par la bont quil a pour moy, trouveroit dans las lettres que je luy ecrivois quelque chose qu’ii voudroit joindre à ses exoellens ouvrages, ut pannum purpurae, je me serois gard d’entrer dans le detail des choses qui me touchent ; qui paroistra affect à ceux qui ne voyent pas Ics occasions que la suite des lettres avoit fournies. Ainsi je ne songeois à rien moins qu voir ces choses publikes jusquau moment que j’en ay receu Timpression.

Je vous remereie aussi bien fort de vostre continuation de la Philosophie des Academiciens, et je suis ravi de voir que vous leur prests des interpretations raisonnables. Le meiileur seroit de reduire tout aux premieres verites ; mais en attendant il sera tousjours bon de prendre les secondes quon attrape en chemin.

Lauteur qui repond à mon argument contre Tetendue prise pour lessence de la matiere, maccorde ce que je veux sans y penser : il avoue que Tetendue est indifferente au mouvement et au repos, et que pour expliquer Tinertie de la matiere, il Taut employer aulre chose, sayoir la force. Je m’6tonne souvent que des personnes d’esprit, et qui mprisent Äristote, sloignent telleraent de la logique en raisonnant.

Mes baisemains suiftout à M. Lantin.

XVII.

ouder an Setbntj.

Je crois, Monsieur, que vous serez content de ce que jay dit dans mon troisime livre des Dissertations sur la Philosophie des Academiciens, au sujet du doute general quon leur attribue vulgairement ; car non seulement je prouve dans ce livre que les Academiciens nont pas dout de toutes choses, mais encore quiis avoient des dogmes ; et cest ce que j’ay montr par le temoignage de Philon, duquel Ciceron parle ainsi : Negarat duas Academias esse, erroremque eorum qui ita putarant coarguit. Gest encore ce que jay monlr6 par un fragment de Clilomaque, oü il est dit que Ton se trompe dattribuer aux Academiciens d’avoir doute des sensations : Vehementer errare eos qui dicunt ab Academicis sen sus eripi, a quibus nusquam dictum sit, aut colorem, aut saporem, aut sonum nulluni esse ; sed etc. Outre cela on voit aussi parle mesme fragment que les Academiciens ne doutoient point de ce qui estoit connu immediatement ou aperceu par luy mesme : Propterea quod nihil falsi cognitum et perceptum esse possit. D’oü il s’ensuit necessairement que ce qui est connu immediatement ou aperceu est tousjours vray, et ne doit point estre revoqu en doute.

Outre cela jay fait voir encore que les Academiciens nayant rien ecrit, on en juge vulgairement sur le raport de leurs Adversaires, qui esloient les Stoiciens, lesqueis avoient coutume de dire que nos Philosopbes renversoient toutes les sciences parce quHls ne vouloient pas reconnoistre la certitude des sens. Pour ce qui est des propositions negatives que Ciceron attribu aux Academiciens, outre que je les ay interpretees suivant leurs principes, on peut encore observer quil les attribuà aussi à Democrite, à Platon et à plusieurs autres Anciens que l'on scait constamment n’avoir point douté de toutes choses.

Quant à ce qui regarde vostre Axiome Natura non agit saltatim, je vous avou6, Monsieur, que j’aurois eu pene à concevoir là dessus vostre sentiment, sll ne m’estoit tomb entre les mains deux traitez, Tun De motu concreto, et Tautre De motu abstracto, que vous avez adressez aux deux plus fameuses Academies de FEurope. 11 n’est pas necessaire de vous dire icy combien j’estime ces traitez, et quel a est6 le plaisir que jay eu d’y voir en tr6s peu destendue de riches et belies explications des plus considerables phenomenes de la nature. Mais cependant javouà que je ne comprends pas comment vous admettez des divisibles et des indivisibles tout ensemble : car cela redouble la difficult et ne rsoud point la question. En effet, pour ajuster les parties du tems avec Celles de Tespace que les mobiles parcourent, il faut que Tindivisibilitö ou la divisibilit se rencontre de part et dautre. Car si un instant, par exemple, estant suppos indivisible, correspond neanmoins à un point divisible, la premiere partie de ce point sera parcouruö lorsque l'instant ne sera encore pass qu’à demi ; et cela estant, il faudra bien que cet instant seil partageable, puisquil sera pass6 à moiti, avant que son autre partie le seit actuellement. La mesme chose se dira au sujet d*un point indivisible par raport à un instant qui peut estre partage. Mais d’autre part, si Ton suppose que les instants et les points soient egalement indivisibles, on ne pourra resoudre la difficulté des Scepliques, ni monlrer comineDt Achille doil aller plus vile qu’une lorluö.

Les insianls et les points sont divisibles absolument et mathematiquemcQt, dira on, mais ils ne sont pas actuellement divisez en toutes ieurs parlies possibles ; et cela pos6, en un roesme instant, un gros point et un pctit sont parcourus. Je le veux ; mais si cela est ainsi, la nature agira par sault : car il se fera un transport momentan dune ex tremite dun point à Fautre, car on suppose que ce transport se fasse en un instant, et la mesme difficult reste tousjours à resoudre.

L’autre Axiome, Extrcma in idem recidunt, n’empesche pas que Ton reconnoisse Texistence de Tinfini actuel ; mais seulement il peut servir à conclure que cet infini est incomprebensible ü Fesprit humain, et que nous n’en avons point d’id6e positive, non plus que du neant. Ces deux extremitez nous passent, et ce nest pas sans raison que Piaton a dit dans son Sophiste que le Philosophc se perd dans la contemplation de Testre, et le Sopbiste dans celle du neant, Tun estant ebiouy de la trop grande lumiere de son objet, et Tautre estant aveugle par les tenebres du sien. C’est pour cela qu’il est dit dans le livre que Ton attribue à St. Denis, que Festre souverain est au dessus de toute conception humaine, ce qui revient à ces paroles de St. Paul : Lucem habitat inaccessibilem. Avec tout cela nous nous sommes toujours obligez de recourir a luy, non seulement pour trouver la cause des prodiges ou miracles, mais encore, Monsieur, corame vous le reconnoissez fort bien, pour rendre raison des lois du mouvement et des actions reciproques - des Esprits sur les corps, et des corps sur les Esprits. Et apres tout, comment seroil-il possible quaucune chose existast, si Festre mesme, ipsum esse, navoit Fexistence ? Mais bien au contra ire, ne pourroit-on pas dire avec beaucoup plus de raison, qu’il n’y a que luy qui existe veritablement, les estres particuliers nayant rien de permanent, Semper generantur et nunquam sunt.

Voila, Monsieur, ce que j’ay cm devoir vous repondre en peu de mols au sujet des axiomes dont je viens de parier. Pour ce qui est d’en establir quelques uns par avancc, avant que de Iravailler a la Philosophie des Academiciens, c’est une chose dont vous trouverez bon que je me dispense, si vous considerez que ce nestoit point \à la methodc de ces Philosophes, par ce qu’ils avoient coutume de traitter les queslions par ordre, et de suivre toujours le fil des veritez par lequel ils se conduisoient pour sorlir du Labyrinthe de Tignorance humaine.

Voila, Monsieur, ce que j*ay donn6 pour inserer dans le Journal des Scavans. Je crois que vous n’en serez point faché, car quoyque je dise que la difficulté ne me paroisse pas estre resoluö, ce n’est que pour vous donner lieu de l'expliquer davantage. Je n’ay point encore vu voslre Dynamique. On m’a dit qu’elle estoit enfermöe parmi les papiers de M’. Thevenot, sous le scell. M: FAbb du Uamel ma fait voir une espce de memoire oü vous parlez des lois ou principes du mouvement par raport aux sentiroens du P. Malbranche et de M: l'Abbé Catelan. Vous reconnoissez dans cet ecrit, que Ton doit recourir à la sagesse eternelle, et c’est une chose dont je demeure daccord avec vous, car je crois aussi que toutes choses ont este faittes et le sont actuellement par le Verbe divin. Vous avez fort bien raport un trait de Platon, et a mon gr vous l'avez fort bien tourn : An potest aliquid exire a fönte Platonico quod non sit divinum ; c’est ce que je dis avec St. Augustin et je voudrois dire de moy mesme : An potest exire aliquid a fönte Leibnitio quod non sit praeclarum. J’ay rendu vostre lettre à M: le President Cousin, qui a corrigé dans un de ses journaux ce que vous avez souhait quil corrigeast. Je croyois faire un voyage en province, quand je vous ay ecrit ma derniere lettre. C’est pour cela que je vous ay pri6 d’envoyer vostre reponse a M’. Pelisson ou a M l'Abbé Galois. Je suis fach6 de la mort de M Pelisson. J'avois envie de le connoistre à cause de vous. M ! le Conseiller Lantin est tousjours bien aise d’apprendre de vos nouvelles, et il redouble tous les jours Festirae quHl a pour vous. Je voudrois bien que nous nous vissions quelque jour ensemble comme nous nous sommes vüs luy et moy avec le P. de Malebranche. M l'Abbé Bignon a commenc destablir une nouvelle Academie, nommée l'Academie des Arts. On en espere un grand succs. 11 y a le mesme apointeitient qu'à l'Academie des Sciences. C’estoit \à le dessein de M’. de Colbert. On nommoit aussi au commencement FAcademie de la bibliotheque du Roy, Academie des Sciences et des arts. 11 seroit à propos que ces deux Academies fussent reunies, car ceux qui sont bons pour Fexecution et sont grands Artistes, ne sont pas quelquefois ceux qui inventent le plus facilement. Il faul joindre la Theorie à la Pratique. Je ne scais, Monsieur, si vous avez fait reflection sur les trois axiomes que jay prononcez dans mon Apologie des Academiciens. Je les ay prouvez ou demonlrez par avance comme par estat, parce que ces axiomos sont dos ouverlures pour entrer (}on3 la Philosophie des Academiciens. Le premier est : Judicium veriMtts non est in sensibus ; le second : Non opinaturum esse sapientem ; le troisime : Verba non dant coneeptus sed supponunt. Je crois que vous en conviendrez avec moy, et si les sens nous fönt connoistre quelque verit, ce nest que de la part de nos disposilions interieures ou facons destre touchant quoy ils ne nous trompent jaroais, car comme dit Glitomtique : Nihil pereepti cognitique falsum esse potest. Ce qui doit sentendre pour connoistre immediatement, car quand on connoit par quelque milieu on peut se tromper et a proprement parier, on ne connoit pas, mais on cqnjecture, et Ton infere. Je vous prie de me conserver rhonneur de vostre amitie. J’ay bien sujet de louer Fbonestet de M" de Brosseau et il me fera la faveur de me rendre la vosire. Je suis etc. À Paris du*) . . . mars 16B.

XVIII.

Seibnij an ouder.

(Im l(u«)uge.)

Je suis bien aise que vous approuvs ce que jy y dit de la sagesse divine ; jay trouv6 que bien loin de negliger les causes finales en physique, on les peut employer utilement et faire des decouvertes. t c’est par li que je rends raison dans les Actes de Lypsig des loix de la refraction et reflexion, ce qu’un Anglois nomm6 Molineux a fort approuv dans un ouvrage publik depuis peu sur la dioptrique. Ce n*est pas quil ne yaudroit mieux dVn savoir la cause efficiente, mais il est plus difficile de la penetrer.

Vos trois axiomes me paroissent bons, pourveu qu’on les entende cofnme il faut. On peut douter s’il est vray : Non opinaturum esse sapientem. Mais je crois que ie sens est quon ne doit pas prendre vine opipion pour des verits. Car du reste on a raison destimer les degrs de probabilite et de suivre en practique ce qui a le plu3 dapparence de raison. Judicium veritatis non est in sensibus doit encor estre bien entendu ; il jest


) !3)ie Ba( schU im Original. vray que dous avoDs des seDtimens, mais les sens seuls ne sauroient faire connoistre Fexistence des choses hors de dous. Le troisieme Axiome paroisl Sans difficult ; Danmoins il a encor besoin dexplicalion : Verba non dant conceptus, sed supponunt. Gest à peu prs comme dans les caracteres des nombres, ils nous donnent moyen de trouver ce que nous ne Irouvorions pas sans eux. Mais il est vray, qu’il faul lousjours supposer leur signifiication.

XIX.

Leibniz an oucftet.*)

On doit estre bien aise, Monsieur, que vous donnös un sens raisonnable aux doutes des Aeademiciens. Cest la meilleure Apologie que vous pouviez faire pour eux. Je seray ravi de voir un jour leur sentimens digers et claircis par vos soins. Mais vous sers oblig de tems en tems de leur prester quelque rayon de vos lumieres, comme vous av6s commence.

Il est vray que javois fait deux petits discours il y a vingt ans, Tun d e la Theorie du mouvement abstrait, oü je Tavois considere hors du Systeme comme si c’estoit une chose purement mathematique, Tautre de THypothese du mouvement concret et systematique, tcl quil sc rencontre effectivement dans la nature. Ils peuvent avoir quelque chose de bon, puisque vous le jugs ainsi, Monsieur, avcc d’autres. Gependant il y a plusieurs endroits sur lesquels je crois deslre mieux instruit presentement ; et entre autres, je mWplique tout autrement aujourdhuy sur les indivisibles. Gestoit Tessay dun jeune homme qui navoit pas encor approfondi les mathematiques. Les loix du mouvement abstrait que javois donnes alors devroient avoir lieu effectivement, si dans le corps il ny avoit autre chose que ce quon y con(oit selon Des Gartes, et möme selon Gassendi. Mais comme j’ay lrouv6 que la nature en use tout autrement à Tegard du mouvement, cest un de mes argumens contre la nolion receuc de la nature du Corps, comme j’ay indiqu6 dans le Journal.**)


  • ) iefed àfxzihtn \ft in einer t)on SelBni) retotbirteu 9bf<]rift t>oranben. tum itnb Ort fehlen, tc Ina(t Bqtet x6f auf ha» t)orergeenbe (J6retben gfoucerd.
    • ) Extrait d’unc lellre h Mr Foucher, Chanoine de Dijon, sur quelques oxiomes philosophiques. Journal des Savanls. Juin 1692. (Sd ifl ein l(ud}Ug au9 SeiBnien« Srief» ba« tirt Janvier 169«.

Quand aux indivisibles, lorsquon enlend par ]à les simples extremits du temps ou de la ligne, on n’y scauroit concevoir de nouvelles extremits, iiy des parties acluelles ny poteDtielles. Ainsi les points ne sont ny gros ny petils, et il ne faul point de saut pour les passer. Gependant le contiuu, quoyqu’il ait partout de tels indivisibles, nen est point compos, comme il scmhle que les objections de Sceptiques le supposent, qui, a mon avis, n*ont rien dinsurmonlable, comme on trouvera en les redigeant en forme. Le pere Gregoire de S. Vincent a fort bien monstr par le calcul m6me de la divisibilit à Finfmi, Tendroit oü Achille doit attraper la lortue qui le devance, selon la proportiort des vistesses. Ainsi la Geometrie sert à dissiper ces difficults apparentes.

Je suis tellement pour Tinfini actuel, quau lieu dadmettre que la nature Tabhorre, comme Ton dit vulgairement, je liens qu*elle Taffecte partout, pour mieux marquer les perfections de son auteur. Ainsi je crois quil ny a aucune parlie de la matiere qui ne soit, je ne dis pas divisible, mais acluellement divise, et par consequent, la moindre parlicelle doil estre consideree comme un monde plein d’une infinite de creatures difTerentes.

XX.

$Qud)et an Setbntj.

de Paris le 30 may 16B. Une des vos lettres que vous m’aviez ecrite a est perduö, et c’est celle que vous aviez address6e h feu M" : Pelisson. J’ay pourtant vu un fragment entre los mains de M’ : l'Abbe du Hamel, oü vous raportez un trait de Socrales, tiré de Platon, et oü vous repondez au P. Malebranche et à M. l'Abbe Catelan. Vos deux petites pieces ont este inseres dans le Journal, scavoir Celle que vous avez envoyee à M" : Pelisson pour repondre sur l’essence de la matiere et celle que vous avez envoyee à U\ FAbb Nicaise, lequel m’a ecrit de Dijon, me priant den parier à M’. le president Gousin, ce que jay fait, et eile a est insere dans un Journal aprs avoir est« garde six mois. Getle pice contient vostre jugement des ouvrages de M ! Descartes. Vous men avez crit un mot dans vostre demiere, et je suis bien eise de ce qu'elle n*a point esle perduö. Je vous ay repondu dans le Journal du 17 mars de cette anne, sur vos axiomes de Physique et sur le doute universel quW attribu faussement aux Academiciens. Si vous souhaitez me repondre ]à dessus et faire mettre vostre reponse dans le Journal, je vous offre pour cela mon service. Gela se fera fidelement. Je voudrois avancer ma Philosophie des Academiciens, mais le teros est peu favorable aux libraires, à cause qu’ils ne scauroient avoir commerce dans les pays etrangers. Au reste la Philosophie, qui est asseurement le genre destude le plus important et le meilleur, n’a pas tant d’aprobateurs en cette ville que les belies lettres et la polimatie. Les Menagiana viennent de paroistre, et on en espere bientost un second voIume. Quand vous me faites Phonneur de m’ecrire, Monsieur, ecrivez je vous prie à vostre maniere ordinaire, car je lis fort bien vostre ecriture, laquelle enferme beaucoup en peu despace ; je Taime mieux que de gros caracteres en lettres d’or. Je n’ay point encor vu la crilique de la vie de M: Descartes’, ecrite par W. Baillet. Je crois que vous avez vu le livre de M: dAvranches, intitul Memo i res pour servir à Thistoire du Cartesianisme. G’est un dialogue address à M Rcgis ; ii ne contient que cinq feuilles au plus assurement. Il est ecrit d’une maniere adroite et pleine d’esprit, mais je ne voudrois pas qu’elle tournasse la Philosophie en ridicule, et je ne pense pas que TAuteur regarde autrement ce livre que comme un roman ingenieux. On en pourroit faire une infinite de cette maniere, et pour dire vray, il n’y a rien qu’on ne puisse tourner en ridicule, parce que dans le monde il y a des esprits de toutes sortes de caracteres. Vous vous accordez assez avec M: dAvranches au sujet des ouvrages de Ml Descartes, et je demeure d’aocord avec vous que sa metaphysique est le moindre, et neanmoins j’avouà avec vous et avec plusieurs personnes d’esprit qu’on est oblige à ce grand homme de ce qul a mis les esprits en meilleur train quils n’estoient pour philosopher. Je suis etc.

Je nay point vu vostre Dynamique. Il vaut mieux envoyer des imprims que des manuscrits, car les imprimez se peuvent communiquer à plusieurs personnes et sont deffendus par quelques uns.
XXI.
Foucher an Leibniz.

de Paris le 15 Jullet 1693.

Je vous reponds, Monsieur, posilivemenl et par avancc puisque vous le souhaitez. li y a cioq jours que j*ay receu voslre dorniere. 1° Jay donne vosire reponse à M le President Cousin. % Il a niis dans lo Journal du 2 de juin 1692 un exlrait de la lettre que vous m’avez. fait Thonaeur de mecrire. 3 Jay fait reponse a cette lettre, dans laquelle il est parle dos axiomes que vous scaves : Natura noUi agit saltatim, et Extrema in idem recidunt. Laquelle r6ponse est inseree dans le Journal du i(> mars 16B, de sorte que la piece que vous mavez envoye novissime vom» tiendra lieu de replique. 4 Je crois que vous aurez vu Textrait de M TAbbe Nicaise, qui conttent vostre jugement sur los ouvrages des Descartos, il qst inser6 dans un Journal de cette ann. 5<> La pieoe que vous avei envoye a M’ : Pelisson a este inseree auasi dans le 1 Journal de janvier 16B. Toutes ces pieoes, comme je pense, Monsieur, ne vous doivent point inquieter, car elles ne vous fönt point desbonneur et je scais que les Scavans les estiment. Vostre Mechanique ou Dyaniique a 0st6 niise de la pari de W de FAcademie, entre les malus de M’ de Varignon, lequel a ecrit son seatiment sur vostre ouvrage, et ne le fera point imprimer sans vous Tavoir fait scavoir à ce que ma dit M. FAbb Gabis, lequel est tousjours dispos6 à niettre dans ses memoires les pieces qul vous plaira de luy envoyer. 11 taut, si vous le trouvez bon, les addresser à M ? de TAcademie, et les reduire en forme de lettre. Je les donneray à Ul TAbb Galois, et auray soing quelles soient dans les memoires de TAcademie. Vous me maodez que vous menvoyez une ou deux fois vostre reponse pour le Journal. Mais je ne Tay receue que cette scule fois. M TAbb Galois a receu vostre lettre de W. Pelisson. Mr Lantin sest defiiit de sa charge et la remise à son fils. Il travaille presenlement a faire ses remarques sur Diogene Laerte ; il les nomme son Spicilegium. 11 travaillera apres à son histoire du Plaisir et de la Douleur, mais il mc mande qu’il doute fort si vous aprouverez son dessein. 11 ecrira à la maniere du chancelier Bacon, par observations, histoires et remarques. Je suis fort de vostre avis, Monsieur, qu’il seroit à souhaiter quil nous donnast de son vivant un Lantiniana. Ce seroit lun des bdns livres qae Ton poürroit avoir. Gar il a fait dexcellentes refleciions ur diverses choses. Il voudroit bien aussi luy et moy que vous en fiBsiez de meSme quelque jour. Pour eviter les transiiions et la gehenne des divisions de matiereS) le plus conrt est de dire toat franc ce que Ton pense, sans autre ajustement ; mais souvent la prudence ne le permet pas. Je le presseray *de dous coromuniquer ce qui luy reste des memoires de feu M de SautDaise et de Bf ! de la Marre. Vous aurez bientost, comm jespcre, un quatrieme livre de Dissertations sur la philosophie des Academiciens. Il y sera traitt des premieres Nolions, le tout daus Testendue de deux feuilles, en pettt romain. Je vous etivairrois volontiers les roemorres de MT d’Avranches sur Thistoire des Cartsiens. Je n’en ay qu’un exemplaire dont TÄuteur m’a fait present. SMI estoit à Paris, je luy en demanderois un pour vous. La vie du Cardinal Ximenes est imprime et on comnience de Texposer en vente. Il y en a deux de deux auteurs qiif paroissent en mesme tems. Celle dAnisson a este faitte par M ! TEvesque de Nismes, el l’aulre par un chanoine d’Usez. Vostre projet, Codex juris gentium diplomaticus, a est inser dans le Journal. Je vous ay donne la connoissance de M ! Bulteau, Secretaire du Roy, tres habile en hisloire. Il ma promis qu’il vous ecriroit. Je donneray cette letlre à Mt Brosseau, qui ma fait la favcur de m’envoyer les voslres et la derniere nouvellement. Je suis elc. J’auray Thonneur de voir M\ de Laloubere, et lacheray de le connoistre. Je le prieray de vous faire reponse.


XXII.
Foucher an Leibniz.[4]

Vostre reponse, Monsieur, et dans le dernier Journal du Aoust. Je voudrais bien pouvoir vous satisfaire touchanl tous vos cfaefs, mais eela va à une metaphysique entiere que vous demenderiez aussi bien que M\ Lantin. Je vous envoye le 4 livre de mes dissertations sur la Philosophie des Academiciens. Il a este imprime et se vendra chez M ! Anisson. Je joimlwy W. de Laloubere et le prieray de vous faire reponse. Je erois que vous aurez receu ma derniere, par laquelle je reponds à la vostre, c’estoit vostre reponse du Journal. Ni vous ni moy nous ne parlons point de Politique, ni de Religion, et neanmoins nous n’avons pas toute la libert de nous entretenir que nous pourrions souhaiter. 11 faut un peu ceder au tems, silent leges inter arma. M: de Brosseau mobligera d’attendre une oocasion favorable pour vous faire tenir ce peilt imprim. Je suis etc. M: d’Avranche fait une seconde edition de sa censure de Descartes.


XXIII.
Leibniz an Foucher.


6 16 Avril 1695.

J’ay du jrfger par la derniere que j’ay receue de vous il y a longtemps, que vous vpulis suspendre nostre commerce à cause de la guerre. Et c’est pour cela que je n’ay point voulu vous importuner. Cependant je ne crois pas que vous ayis voulu le quitter entierement, car plusieurs autres m’ecrivent non obstant cette guerre, oü la philosophie ne prend aucun interest. Et c’est ce qui fait que je vous ecris celle-cy pour mlnformer de vostre sant, et pour vous dire que la mienne depuis quelque temps n’est pas des mieux affermies. C’est ce qui me fait penser à publier quelques penses, et entre autres mon Systeme sur la communication des substances et Tunion de Tame avec le coi*ps, dont je vous ay rnand quelque chose autres fois. Je crois que c’est le seul qui puisse fournir une explication intelligible et sans recourir à la toute puissance de Dieu. Je seray bien aise que des personnes judicieuses y fassent des reflexions, et j’en attends surtout de vous, qui -pourront servir a donner des lumieres. Oii pourra adjouter peutestre ce que M. Amaud m’avoit objecto et ce que je luy ay repondu. Peutestre aussi le R. F. de Malebranche ne vous refusera pas ses lumieres là dessus.

J’apprends la mort de M. Lantin. Cependant jespere quil nous aura laiss6 de belies choses dont le public pourra encor jouir un jour. Et je vous supplie de m’en donner des nouvelles.

Un professeur celebre à Leide, nomm M. Volder, ayant publik sur la fin de rannte passe une reponse à la critique de Mens. TEveque d’Avranches, un amy qui me la porta, nie pria de luy en dire mon seniiment. En la lisant je fis des remarques y car il me sembloit qu’il ne satisfaisoit pas assös. Un jour cela se pourra joindre à d’autres animadversions sur la Philosophie de M. de$ Caries, que j’ay faites, surtoul si Ton songeoii encor a une nouvelle Edition de la Gensure de M. d’Avranches.

Vous aurez la bonl6, Monsieur, de m’honorer bientost de vostre reponse, a flu que je sois au moins asseur de vostre bou estat, et du progrs de vos mitatioDs.

La perte de M. Thevenot, de M. Pelisson, de M. Menage, de M. TAbbö Boisot, de M. Lantin, me paroist faire quelque torl, non seulement à la France, mais encor à noslre siecle, car je ne voy pas qu’assez de jeunes gens se mettent sur les rangs pour remplir le vuide. Et je ne S9ay pas ce quon se deuvra figurer du siecle dont nous ne sommes gueres plus ioignsSi YOUS me pouvs faire connoistre des personnes dont on puisse esperer qu1ls en seront Tornement, je vous en auray de l’obligation ; et je suis etc.

XXIV.
Foucher an Leibniz.

de Paris le 88 Avril 1695.

Je yous suis fort oblig de ce que vous vous souvenez de moy, non obstant le silence que j’ay gard6 si longtems. La mort de M: le Conseiller Lantin, nostre ami, est assurement une grande perte pour les gens de lettres, et surtout pour les Philosophes. Il vous estimoit extremement et aveoque raison. Jamais je n’ay vü une plus grande erudition que la sienne, et en mesme tems une science plus profonde. Groyez moy, Monsieur, sur ce sujet, car j’ay penetr ses sentimens plus que personne, et il avoit la bont de s’ouvrir à moy entierement, en decouvrant les plus grands secrets de son esprit. Il avoit trouv6 TArt de scavoir une infinite de choses de divers genres sans les confondre, et avec tout cela il avoit une grande piet et profond respect de la Divinit, quoyqu’U n’affectast point de mettre oes dispositions desprit en evidence comme fönt les Hypocrites ; il avoit encore beaucoup d’honnestet et de generosil. Je suis fach de ne m’estre point entretenu avec luy par lettres, la demiere anne de sa vie. li se proposoit racomplissement de deux ouvrages, scavoir de FHistoire du plalsir et de la douleur, dont je vous ay entretenu en quelques lettres, et de ses remarques sur Diogene Laërce, touchant la vie et les dogmes des Philosophes ; il appeloit ce dernier son Spicilegium, et assurement il nous auroit donné des remarques plus considerabies que beaucoup d'autres Auteurs qui se sont mellez d’écrire touchant Ies sentimens des Philosophes qu’ils n’entendoient pas assez ; il m'a ecrit qu’il travailloit à mettre ces remarques au net. Je ne scais ce qui en sera de la part de M.rs ses heritiers, mais je scais bien que vous aviez raison de dire qu’il nous devoit donner Lantiniana de son vivant. Les ouvrages poslhumes ne vallent pas grand chose, et jay une joye extreme de oe que vous nie temoignest que vous alles donner voire Systeme de la concomitence. Tout ce qui viendra dune personne aussi habile que vous, Monsieur, ne peut questre fort utile au public. Vous m’en avez ecrit quelque chose il y a environ dix ans, mais la matiere demande de Tedaircissement et j’en attends avec plaisir, pourvu que vous ne tardiez pas a tenir vostre promesse. Mes meditations conlinuent toujpurs et l'esprit travaille sans cesse sans se reposer ; mais neanmoins je ne compose pas nestant point assur de faire imprimer en ce tems, oü le. commerce de iivres est suspendu. D’aillours, les Iivres de Philosophie ne sont pas recberchez par Ies libraires : ils veulent de6 malieres du goust commun, ils veulent des plaisanteries, et des hisloires leur plairoient beaucoup plus que les plus profondes et plus solides meditations. Cest pour ce sujet, et pour quelques autres raisons encore, que Ies plus habiles de TAntiquit ne nous ont donne que ce quils avoient de moindre et qu’ils ont empörte avec eux leurs plus excellentes connoissances. La Gensure de M d’Avranches a est imprim6e pour la sexxHide fois. Nous avons a cet heure peu de philosophes et je ne connots presque que des gens entestez les uns pour Descartes, et les autres contre ce mesme philosophe. L’esprit est naturellement volage, et parce quon n’estime point assez les verits evidentes, on se plonge volontiers dans des sentimens peu solides et mesme contraires entreux. Cependant oportet Constare sibi. Le Pere Malebranche a assurement l'esprit bon et penetrant, mais il est embarrass6 dans son Systeme des ides, qui ne sont pas des faoons d’estre de nostre ame et sont hors de nous, et quand on luy demande comment il faut concevoir que nous ayons des perceptions de ces ides, quil veut estre hors de nous, il repond quil ne comprend pas comment cela se fait et qu’il ne pense pas qu’on le puisse jamais coroprendre ; mais il entre par là dans un profond pyrronisme. Je suis etc. Leibniz hat auf dem vorhergehenden Schreiben bemerkt:

Le R. P. de Malebranche considerant les ides comnie lobject immediat externe de nos penses, il est vray qu’on ne les sgauroit mettre qu’en Dieu, puisquil ny a que Dieu qui puisse agir sur nous immediatement. Mais puisque tout vient de Dieu, comme de la cause generale, je crois que pour expliquer le detail des causes secondes, il nest pas necessaire de le faire entrer, et quainsi il suffit de nionstrer comment nous trouvons en nous les objets inmiediats*de toutes nos connoissances. Cependant mon opinion ne renverse point ce qu’il y a de bon dans la sienne, qui sert mme à donner des reflexions propres à nourrir la piet suivant Vancienne philosophie des Orientaux qui attribue tout à Dieu, ce qui nest pas à mepriser quand on Tentend bien.

XXV.
Leibniz an Foucher.
(Im Auszuge.)

5 15 Juillet 1695.

Vous aures vü que tout mon Systeme[5] est fond sur la consideration de Tunit reelle qui est indestructible et su.i juris, et dont chacune exprime Funivers tout entier d’une maniere qui luy est particuliere, et cela par les loix de sa propre nature sans recevoir des influences de debors, excepte Celle de Dieu qui la fait subsister depuis quil Ta creee par un renouvellement continuel. Si Monsieur Lantin yivoit, je crois quMI prendroit un plaisir particulier dans ces considerations, comme on peut juger par une lettre quMI m’ecrivit il y a 24 ans ou environ, jugeant ds lors que mes meditations dynamiques De conatu pourroient eclaircir encor les matieres de Metaphysique. Si le public reoit bien ces meditations, on m’encouragera a donner encor des penses assez singulieres que jViy pour lever les difficults de fato et contingentia, et pour eclaircir une difference essentielle quon peut concevoir entre les formes materielles et les intelligences ou esprits. Ce qu’on trouvera d’autant plus curieux, que les Mathematiques y servent merveilleusement, en sorte que sans en avoir quelque teinture, il seroit difficile de s’en aviser.

XXVI.
Foucher an Leibniz.[6]

Quoique votre Systeme, Monsieur, ne soit pas nouveau pour moi, et que je vous aye dclar en parlie mon sentiment, en rpondant à une leltre que vous maviez crite sur ce sujet il y a plus de dix ans, je ne laisserai pas de vous dire encore ici ce que jen pense, puisque vous my invitez de nouveau.

La premire partie ne iend quà faire reconnoistre dans toutes les substances des units qui constituent leurs realits, et les distinguant des autres, forment, pour parier à la manire de Töcole, leur individuation; et c’est ce quef vous remarquez premirement au sujet de la matiere ou de Ttendu. Je demeure daccord avec vous, quon a raison de demander des units qui fassent la composition et la ralit de rtendu6. Car sans cela, comme vous remarquez fort bien, une tendu toujours divisible n’est qu’un compos cbimriquO ; dont les principes nexistent point, puisque sans units il ny a point de multitude vritablement. Cependant je mtonne que Ton s’endorme sur cette question ; car les principes essentiels de Ttendu ne scauroient exister rellement. En effet, des points sans parties ne peuvent ire dans TUnivers, et deux points joints ensemble ne forment aucune extension. Il est impossible quaucune longueur subsiste sans largeur, ni aucune superficie sans profondeur. Et il ne sert de rien d’aporter des points physiques, puisque ces points sont tendus et renferment toutes les difficults que Ton voudroit öviter. Mais je ne marrterai pas davantage sur ce sujet, sur lequel nous (avons dja dispute, vous et moi, dans les journaux du seizime mars 46B, et du troisime aoüt de la même année.

Vous aportez d’autre part une autre sorte d’unités qui sont, à proprement parler, des unités de composition ou de relation, et qui regardent la perfection ou l'achèvement d'un tout, lequel est destine à quelques fonctions, étant organique. Par exemple, un horloge est un, un animal est un ; et vous croyez douner le nom de formes substantielles aux units naturelles des animaux et des plantes, en sorte que les units fassent leur individuation, en les distinguant de tout autre compos. 11 me semble que vous avez raison de donner aux animaux un principe d’individuation, autre que celui qu’on a coutume de leur donner, qui n’est que par raport à des accidens extrieurs. Effectivement il faut que ce principe soit interne, tant de la part de leur ame que de leur corps ; mais quelque disposition quil puisse y avoir dans les organes de Tanimal, cela ne suffit pas pour le rendre sensible ; car enfin tout cela ne regarde que la composition organique et machinale, et je ne vois pas que vous ayez raison par là de constituer un principe sensitif dans les btes, dififöi*ent substantiellement de celui des hom.mes ; et aprös tout, ce n’est pas sans sujet que les Cartösiens reconnoissent que si on admet un principe sensitif, capable de distinguer le bien du mal dans les animaux, il est ncessaire aussi par consquent dy admettre de la raison, du discemement et du jugement. Ainsi, permettez-moi de vous dire, Monsieur, que cela ne rsout point non plus la difficult.

Venons à vostre Concomitance, qui fait la principale et la seconde partie de vostre système. On vous accordera que Dieu, ce grand Artisan de l'Univers, peut si bien ajuster toutes les parties organiques du corps d’un homme, quelles soient capables de produire tous les mouvemens que l'ame jointe à ce corps Voudra produire dans le cours de sa vie, sans qu’elle ait le pouvoir de changer ces mouvemens, ni de les modifier en aucune manière, et que réciproquement Dieu peut faire une construction dans l'ame (soit que ce soit une machine d'une nouvelle espèce ou nonj, par le moyen de laquelle toutes les penses et modifications, qui correspondent à ces mouvemens, puissent naitre successivement dans le mme moment que le corps fera ses fonctions, et que cela nVst pas plus impossible quo de faire que deux horloges s’accordent si bien et agissent si conformément, que dans le moment que l'horloge A sonnera midi, l'horloge B le sonne aussi, en sorte que l'on s’imagine que les deux horloges ne soient conduits que par un même poids ou un même ressort. Mais après tout, à quoi peut servir tout ce grand artifice dans les substances, si non pour faire croire que les unes agissent sur les autres, quoique cela ne soit pas ? En vérité, il me semble que ce système n'est de guères plus avantageux que celui des Cartesiens ; et si on a raison de rejetter le leur, parce quMl suppoie itiutilekhenl que Dieu coDsid6rant les mouvemens qu’il produit lui-mnie danfi te coi*ps, produit aussi dans Tarne des pens6es qui correspondeni à ces moüvetnens ; comme siJ netoit pas plus digne de lui de produire tol <d*un coup les pensees et modifications de Tarne, sans quMl y ait des corps qui lui servent comme de rgle, et pour ainsi dire, lui aprennent ce qu’il doit faire ; n’aura-t-on pas sujet de vous demander pourquöi Dieu ne se contente point de produire toutes les pens<es et modifications de iame, soii q\i*il he fasse imni6dia|enient ou par artifice, comme vous voudriez, sans quil y ait des oorps inutiles que l'esprit ne sauroit ni remuer ni connoitre ? ludqus 1, que quand il narriveroit aucun mouvement dans ces corps, l’ame ne laisseroit pas toujours de penser qu’il y en auroit ; de mmexpie iceux. qui sont endermis croyent remuer leurs membres, et marcher, lorsque neanmoins ces membres sont en repos, ne se meuvent point du tout. Aitisi, pendant la veille, les ames demeureroient toujours persuad6es que leurs oorps se mouvroient suivant leurs volonts, quoique pourant ces masses vaines et inutiles fussent dans Finaction et demeurassent dans une continuelle ltargie. En v6rit, Monsieur, ne voit-on pas que ces opinions sont faites exprs, et que ces systmes venant aprs coup, nont fabriqu6s que pour sauver de cerlains principes dont on est prvenu ? En effet, les Cartiens supposant quil n’y a rien de commun entre les substances spirituelles et les corporelles, ne peuvent expliquer comment les unes agissent sur lesautres ; et par consquent, ils en sont ruits à dire oe qu’ils disent. Mais vous, Monsieur, qui pourriez vous en dmler par dautres voyes, je m’tonne de ce que vous vous embarrassez de leurs difficults. Gar qui est-ce qui ne concoit quune balance tant en 6quilibre et sans action, si on ajoute un poids nouveau h Fun des c6ts, incontinent on voit du mouvement, et Tun lies contrepoids fait monter Tautre, malgre Teifort quil feit pour descendre. Vous concevez que les Ires matriels sont capables defforts et de mouvement ; et il s’ensuit foi*t naturellement que le plus grand effort doit surmont«r le plus foible. Dautre part, vous reconnoissez ausst que les Xres spirituels peuvent faire des efforts, et comme il n b point dWort qui ne suppose quelque rsistance, il est ncessaire ou que ceite rsistance se trouve plus forte ou plus faible ; si plus forte, eile surmonte, si plus faible, eile cde. Or, il n'est pas impossible que l'esprit faisant effort pour mouvoir le Corps, le trouve muni d’un effort contraire qui lui rsiste lantAl plus, tantöt moins, el cela suffit pour faire quil en soufre. C’est ainsi que St. Augustin cxplique de dessein form dans ses livres de la musique Taction des esprils sur les Corps.

Je scai qu’il y a bien encore des questions a faire avant que davoir rcsolu ioutes Celles que Ton peut agiter depuis les premiers principes ; taut il est vrai que Ton doit observer les loix des Academiciens dont la scconde dfend de mettre en question les choses que Ton voit bien ne pouvoir deeider, conimc sont presque toutes celles dont nous venons de parier ; non pas que ccs questions soient absolument irresolubles, mais parce quelles ne le sont que dans un certain ordre qui demande que les Philosophes commencent à saccorder pour la marque infaillible de la veril, et s’assujötissent aux demonstrations depuis les premiers principes ; et en attendant, on peut toujours separer ce que lon concoit clairement et suffisamment, des aulres points ou sujets qui renferment quelque obscurite.

Voilày Monsieur, ce que je puis dire prescntement de vostre systnic, Sans parier des autres beaux sujets que vous y traitez par occasion, et qui nieriteroient une discussion particuliere.

  1. Denselben Gegenstand behandelt Leibniz in seinem ersten Aussatze philosophischen Inhalts, den er an die Acta Erudit. Lips. im Jahre 1684 einsandte: Meditationes de cognitione, veriate et ideis.
  2. Dieser Brief welcher die Aufschrift: A Mons. l’Abbé Foucher, auteur de la critique de la recherche de la verité hat, ist warscheinlich im Jahre 1676, während Leibniz sich noch im Paris befand, geschrieben.
  3. Mehrere Eigennamen, die nicht lesbar sind.
  4. Ein Billet ohne Datum und Aufschrift.
  5. Systeme nouvenu de la nature et de la communication des substances, aussi bien que de l’union, qu’il y a entre l’ame et le corps (Journal des Savants, Juin 1695).
  6. Das Original dieses Schreibens, das im Journal des Savants, Septembr. 1695 abgedruckt ist, ist unter den Leibnizischen Papieren nicht vorhanden.