Bronzes/Sonnet Lointain

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BronzesL’Imprimeria Populara (Établissement typographique dirigé par Mr. M. I. Serban) (p. 13-15).

SONNET LOINTAIN


Je viens de loin : Je viens d’un pays où l’artiste,
Lotus ou mimosa, végète lentement,
Où tout gémit et pleure, où tout est sombre et triste,
Où pour vivre, chacun, ploie ou rampe humblement ;


Où le peuple abruti sommeille, fataliste,
Pauvre fœtus qu’au front marqua l’avortement,
Où tout un enfer hurle, et pullule, et subsiste
Vêtu de soie et d’or, gavé de pur froment.

Et cependant malgré la bêtise et la haine,
Malgré que défaillant sous le poids de ma chaîne
À chaque pas nouveau je tombe dans la nuit.


Et que, les pieds sanglants, mort à l’espoir, je sème
Le long du noir sillon que je creuse sans bruit,
Ce pays, gouffre morne, est le mien, et je l’aime.