Brumes de fjords/L’Ondine

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Brumes de fjordsLemerre. (p. 36-41).






À

l’Ondine






L’ONDINE


Un soir d’automne, je vis l’Ondine qui sourit au fond des fjords.

Sa voix ruissela dans le silence tiède.

« Donne-moi des roses, des roses pour ma chevelure.

« Ma chevelure est pareille au reflet de la lune sur les ondes.

« Donne-moi des roses pour ma chevelure. »

Je cueillis les églantines qui blanchissent les vallées,

Et je les semai sur les flots. « Et toi, que me donneras-tu en échange de mes roses ?

Je ne te donnerai rien. »

Un soir d’automne, je vis l’Ondine qui sourit au fond des fjords.

« Donne-moi des fruits pour le festin des Sirènes et des Noyés

« Ils se meuvent avec lenteur et leurs mouvements ont le rythme des marées.

« Leur âme est pareille à une conque où vibre éternellement le remous de la mer.

« Ils ne se souviennent d’aucun amour. »

Je cueillis les baies sauvages qui rougissent la montagne,

Et je les semai sur les flots.

« Ne me donneras-tu rien en échange des fruits de la montagne ?

— « N’espère rien de moi. Je suis Celle qui ne donne jamais. Mais plutôt, jette dans mes mains tendues le collier d’or que jadis t’apporta l’Être aimé.

« Car les Noyés m’apparaissent au fond de la brume, et leurs gestes suppliants me convient au festin… »

J’ôtai le collier d’or et je l’égrenai sur les flots.

« Donne-moi tes yeux, afin que tes regards ne soient jamais ravis par aucune autre vision de beauté

« Car les Noyés m’apparaissent dans la brume et leurs gestes suppliants me convient au festin. »

J’arrachai mes yeux qui sombrèrent au fond des flots.

« Donne-moi ton âme, afin que tu deviennes pareille aux Noyés, mes amants, qui ne se souviennent d’aucune tendresse humaine… »

Et mon âme s’abîma dans les flots.

Je lui criai dans la brume :

« Ne me donneras-tu rien en échange de mon âme immortelle ?

— « Je ne te donnerai rien. »