Brumes de fjords/L’Ondine
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l’Ondine
Un soir d’automne, je vis l’Ondine qui sourit au fond des fjords.
Sa voix ruissela dans le silence tiède.
« Donne-moi des roses, des roses pour ma chevelure.
« Ma chevelure est pareille au reflet de la lune sur les ondes.
« Donne-moi des roses pour ma chevelure. »
Je cueillis les églantines qui blanchissent les vallées,
Et je les semai sur les flots. « Et toi, que me donneras-tu en échange de mes roses ?
— Je ne te donnerai rien. »
Un soir d’automne, je vis l’Ondine qui sourit au fond des fjords.
« Donne-moi des fruits pour le festin des Sirènes et des Noyés…
« Ils se meuvent avec lenteur et leurs mouvements ont le rythme des marées.
« Leur âme est pareille à une conque où vibre éternellement le remous de la mer.
« Ils ne se souviennent d’aucun amour. »
Je cueillis les baies sauvages qui rougissent la montagne,
Et je les semai sur les flots.
« Ne me donneras-tu rien en échange des fruits de la montagne ?
— « N’espère rien de moi. Je suis Celle qui ne donne jamais. Mais plutôt, jette dans mes mains tendues le collier d’or que jadis t’apporta l’Être aimé.
« Car les Noyés m’apparaissent au fond de la brume, et leurs gestes suppliants me convient au festin… »
J’ôtai le collier d’or et je l’égrenai sur les flots.
« Donne-moi tes yeux, afin que tes regards ne soient jamais ravis par aucune autre vision de beauté…
« Car les Noyés m’apparaissent dans la brume et leurs gestes suppliants me convient au festin. »
J’arrachai mes yeux qui sombrèrent au fond des flots.
« Donne-moi ton âme, afin que tu deviennes pareille aux Noyés, mes amants, qui ne se souviennent d’aucune tendresse humaine… »
Et mon âme s’abîma dans les flots.
Je lui criai dans la brume :
« Ne me donneras-tu rien en échange de mon âme immortelle ?
— « Je ne te donnerai rien. »