Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome I/Séance du 18 juillet 1831
M. Cordier occupe le fauteuil.
Après la lecture et l’adoption du procès-verbal de la dernière séance, le président proclame membres de la Société :
MM.
Jouve, directeur de sondages, à Châlons-sur-Marne, présenté par MM. Boubée et Boué ;
Domnando, conseiller honoraire de Russie, à Trieste, présenté par MM. Cartier et Boubée.
La Société de géographie de Paris envoie les numéros 97 et 98 de son bulletin.
Il est fait hommages la Société des ouvrages suivans :
1° Par la Société d’agriculture, des sciences, des arts et belles-lettres, du département de l’Aube, le numéro 87 de son bulletin ;
2° Par M. le professeur A. Leymerie, deux mémoires extraits du recueil précédent, savoir :
A. Essai sur les pyrtites des environs de Troyes, un cahier in-8o de 24 pages ;
B. Coup-d’œil sur les terrains du département de l’aube, in-8o de 20 pages.
3° Par M. d’Omalius d’Halloy, ses Elémens de géologie in-8o de 558 pages ; Paris, 1831 ;
4° Par M. Hœninghaus, la description de sa Collection de fossiles, réunie au Musée de Bonn (Verzeichniss, etc.) ; in-8o de 170 pages.
5° Par M. Boué, A. Les Mémoires pour servir à la description géologique des Pays-Bas, de la France et de quelques contrées voisines, par M. d’Omalius ; in-8o. Namur, 1828.
B. Trois Mémoires extraits de la première partie du premier
volume de la deuxième série in-4o, des Mémoires de la
Société linnéenne de Normandie (Paris, 1829), savoir : le
Mémoire sur la nature des phénomènes volcaniques dans les îles
Canaries, par M. de Buch ; un Essai géognostique sur les Pyrénées-Orientales.
par M. Marcel de Serres ; et une Notice sur le
gisement de la magnésite de Sallinelle, par le même auteur.
Il est présenté à la Société :
1° Un mémoire de M. Daubeny, intitulé : Sur la théorie diluvienne et sur l’origine des vallées de l’Auvergne, extrait du journal philosophique de M. Jameson, pour janvier 1831 ;
2° Un mémoire de M. Kerfeisten, sur les causes des oscillations régulières du baromètre, tiré de l’Isis ;
3° Par M. Brongniart, le Voyage du Christiania à Drontheim par l’Oestardale, et de retour par le Drove (Reise von Christiania nach Drontheim, etc.) ; par M. Jens Ensmark, in-8o de 85 p. ; 1829.
M. Boué fait hommage à la Société de 577 échantillons de roches ; savoir : 336 échantillons offrant des fragmens de presque toutes les formations de l’Allemagne ; 54 échantillons d’Écosse ou d’Irlande ; 10 échantillons des Vosges ; 8 échantillons du Calvados ; 60 échantillons des dépôts jurassiques et crayeux de la Saintonge ; 80 échantillons comprenant les types principaux des divers étages du sol tertiaire de la Gironde et de l’Agenois ; 8 échantillons d’Aix en Provence ; 6 échantillons des faluns de Nantes ; 10 échantillons d’Italie ; 9 morceaux des roches perlitiques de Schemnitz en Hongrie ; 12 échantillons des trachites de Transylvanie ; 16 échantillons de la Carinthie ; 3 échantillons du calcaire de l’Istrie, et 40 échantillons des dépôts secondaires et ignés du Vicentin et du Tyrol.
Conformément au réglement, le trésorier rend compte des recettes et des dépenses pendant le dernier trimestre.
Une excursion dans les environs de Pontchartrain, de Neauphle-le-Vieux, de Viviers, de Grignon, etc., fournit à M. Boubée l’occasion de communiquer à la Société plusieurs faits qu’il a observés dans différens points du bassin de Paris. Ils confirment son opinion. qu’il existe entre le calcaire grossier et la formation gypseuse un étage mixte bien caractérisé, dont le calcaire d’eau douce ne saurait être nullement réuni avec le calcaire siliceux supérieur au gypse. il rapporte à cet étage les marnes dendritées et les calcaires compactes qui recouvrent les couches épaisses du calcaire grossier, les grès de Beauchamp, le calcaire de Saint-Ouen, celui qui règne dans tout le pays de Grignon, etc. Dans les environs de Neauphle-le-Vieux, M. Boubée a reconnu, avec MM. Cartier, Olivier et Domnando, la coupe suivante de bas en haut, savoir : un calcaire d’eau douce occupant le fond de la vallée ; un calcaire maria à miliolites, corbules gauloises, etc. ; un calcaire siliceux presque sans fossiles ; un calcaire marneux pétri de cyclostomes (C. mumia), avec des hélices et des lymnées ; et un calcaire grossier marin pétri de Turritelles, de Lucines, d’Ampullines, etc., bien comparable au grès de Beauchamps. L’ensemble de ces assises, toutes à peu près d’égale épaisseur, constitue des collines de plus de cent pieds de hauteur.
M. Boblaye lit pour M. le docteur Donati de Naples, une Notice sur l’île de Stromboli.
En regardant le volcan brûlant depuis son sommet occidental, qui est éloigné de la bouche ignivome d’environ 200 pieds, on peut compter sept cratères placés sur une ligne courant du S.-E. au N.-O.
Le premier, situé à l’O., semble avoir 30 à 40 pieds de diamètre. Les parois intérieures sont formées de petites couches de lapilli, de fragmens de scories et de cendres. À son sommet se trouvent trois petites fumaroles ; ces dernières exhalent continuellement une fumée bleuâtre, et dans leur intérieur on observe des sublimations de muriate de soude et de muriate de fer.
Dans ce premier cratère, des détonations et des mugissemens accompagnent l’éruption des flammes, de la fumée et des matières fondues, phénomène qui se renouvelle de quart-d’heure en quart-d’heure, et ne dure jamais moins d’une minute. Des matières fondues s’élèvent en grosses masses jusqu’à la hauteur de cent pieds, se divisent ensuite en petits fragmens, et retombent perpendiculairement, ce qui montre que le foyer du volcan a un axe tout-à-fait vertical
Le second cratère, d’un diamètre apparent de quinze pieds, m’a paru rempli jusqu’au bord d’une matière fondue, qui s’élève continuellement avec de petites détonations, et jette avec des bouffées de fumée blanche des substances liquides à une hauteur peu considérable.
De grandes détonations se succèdent dans l’intervalle de cinq à six minutes, en élevant une immense quantité de lave qui retombe tantôt perpendiculairement comme une pluie, et tantôt dans une direction oblique au nord-ouest sous un angle de 60 à 70°.
La période indéterminée des paroxismes et le mode varié avec lequel les matières fondues sont rejetées me conduisent à penser qu’il y a dans ce cratère deux bouches ignivomes, l’une avec un axe vertical, et l’autre avec un axe oblique, ce qui explique la plus grande activité qu’on y observe.
L’orifice du troisième cratère, du diamètre de vingt pieds, exhale continuellement des fumées d’un blanc brunâtre, et élève, toutes les vingts minutes, avec une explosion semblable à celle d’une mine, des matières incandescentes accompagnées de vives flammes. L’axe d’éruption est oblique et dirigé au nord-est.
Les deux autres cratères, le quatrième et le cinquième, situés dans la partie orientale, forment un angle droit avec la seconde bouche que j’ai déjà décrite. L’un d’eux, appelé bocca grande, a une large ouverture, et semble être très-profond. Ses parois intérieures sont semblables à celles du premier cratère ; il n’exhale que très-peu de fumée. De temps en temps il lance, dit-on, avec grand bruit de grosses scories et des ponces jusqu’au sommet le plus élevé de l’île. Les secousses qu’il produit sont semblables à celle d’un tremblement de terre.
Le cratère qui est interposé entre celui-ci et le second semblerait aussi dans un état de calme, puisqu’il ne s’en élève que très-peu de fumée, néanmoins toutes les quarante minutes, on y observe les mêmes phénomènes que dans les première et troisième bouches ignivomes. Enfin, les deux autres petits cratères, savoir : l’un au nord-est de la première bouche et l’autre au nord, formant un triangle équilatéral avec le quatrième et le cinquième, exhalent peu de fumée, et, dans l’intervalle de quatre heures que je restai pour observer ce volcan, il n’eut aucune éruption.
Quoique l’apparence fasse croire que la sommité de Stromboli soit un cône tronqué, elle est réellement divisée en trois parties ; mais de celles-ci deux seulement ont produit par leurs bouches ignivomes les différens courans de lave. De la pointe orientale dite sommité du Lescuni, à celle de l’ouest dite sommité du cratère, il existe un faîte en dos d’âne qui divise l’île en deux parties ; il est formé de petites scories ponceuses, de sables pyroxéniques, présentant des cristaux cruciformes.
Une autre crête, dirigée vers le nord, coupe l’île dans son centre, en formant deux demi-cercles ; l’un, au nord-ouest, présente divers bancs de lapilli et de sables, qui s’éboulent continuellement et, tombent sur les cratères qui sont à sa base ; et l’autre, au nord, est formé de courans de laves, inclinés sous un angle de 45 à 50°, et constituant des murailles verticales. De grandes strates de scories très-fines, de ponces et de sables, alternent avec ces courans, ce qui fait croire que ces derniers ne sont pas le produit d’une seule éruption, mais de plusieurs éjections qui sont parties du haut de la montagne, et particulièrement du grand foyer maintenant en activité. Ces différentes laves sont pestrosiliseuses, porphyriques, prismatiques, compactes et très-dures ; elles sont roses, verdâtres, brunâtres, scoriacées, et à cristaux de feldspath et de pyroxène.
Au sud de la crête qui divise l’ile de l’est à l’ouest, se rencontre un large cratère bien conservé, nommé la plaine de Portella ; elle est elliptique ; son plus grand diamètre, de l’est sud-est du lieu dit Portella, à l’ouest nord-ouest ou à la sommité de la pointe de Jenostra, est d’environ un mille et sa profondeur d’environ 300 pieds.
Sur le côté sud de ce lieu subsistent encore des restes de douze courans de laves trachitiques, porphyriques et prismées, qui sont sorties de ce cratère et qui sont séparées par des sables. Ces roches contiennent du pyroxène en partie vert, et l’une d’elles offre des géodes de fer hématite.
Des roches de même genre se rencontrent au sommet du pic de Jenostra. Dans un cirque situé au sud-ouest, immédiatement auprès de la montagne de Jenostra et nommé Sierro, j’ai remarqué les mêmes courans encore plus nombreux. Il y en a un qui contient du pyroxène vert, de l’olivine, des géodes tapissées de fer oligiste scoriacé.
Cette coulée, divisée en gros prismes rectangulaires obliques, est placée sous un courant de trachyte porphyrique prismatique et sur un autre semblable, ce qui fait conclure que du même foyer de Portella sont sorties, à diverses époques, des laves de différens genres et de divers aspects. De petites et grandes scories ponceuses, des sables, des thermantides, occupent les espaces intermédiaires qui se trouvent entre les courans de laves.
Plusieurs fumaroles se remarquent dans les parties plus élevées de l’est de l’ile, et quelques-unes dans le sud ; elles exhalent à peine quelques vapeurs, et laissent à la superficie de ces débris volcaniques des efflorescences de muriate de soude.
Les trachytes porphyriques qui descendent du cratère de Portella au sud-ouest, et qui sont entremêlés de courans basaltiques, forment tous le cap de Jenostra ; quelques-uns sont compactes et inaltérés ; d’autres, colorés par le fer, semblent à moitié altérés par l’action des vapeurs des fumaroles. On y trouve du fer oligiste sous diverses formes.
Une eau chargée de muriate de soude s’infiltre à travers les courans de laves à la pointe de Lana, et dépose des concrétions mamelonnées, vides dans leur intérieur ou remplies de sel parfaitement cristallisé. Cette lave, vomie par le cratère de Portella, est scoriacée, brune, poreuse, remplie de pyroxènes et de petites lamelles de mica.
J’ai trouvé à une élévation de 60 pieds au-dessus du niveau de la mer, au milieu de sables grossiers et de débris de scories et de pouces, un gros bloc de granite qui, outre ses élémens constituants, renfermant encore des cristaux de pyroxène.
À l’est sud-est, en un lieu appelé pointe du Calcare, on rencontre d’autres coulées taillées à pic, divisées en gros prismes. Parties du même cratère, elles sont inclinées sous un angle de 45 à 50° ; elles appartiennent 1° à la variété des trachytes compactes, à base pétrosiliceuse avec pyroxène ; 2° au trachyte porphyrique., prismatique, gris compacte, et avec pyroxène, ou avec du feldspath jaunâtre, 3° au trachyte géodique brun, avec gros cristaux de pyroxène. Des fragmens de siénite sont réunis aux débris de scories et de laves, qui occupent les espaces intermédiaires entre les laves.
Des laves décomposées, en partie colorées par le fer, et avec beaucoup de pyroxène et de petites lames de feldspath, forment la base de Lantique Ferrière ; elles sont pénétrées d’eau chargée de soude muriatée, et ce sel s’y trouve en petits mamelons.
On rencontre au-dessus de ces trachytes décomposés différentes coulées bien distinctes l’une de l’autre, de l’épaisseur de six à douze pieds, toutes appartenant à des trachytes porphyriques, peu ou point différens des précédens. Un seul courant, intercallé au milieu des autres, s’en distingue par sa pâte scoriacé, pyroxenique rouge et demi-altérée.
Un banc de cendre volcanique, coloré par du fer et mêlé de débris
de ponces et de quelques pyroxènes, forme la base de la pointe
del Russo. Enfin, outre les trachytes porphyriques, en tout semblables
à ceux de Jenostra et de Portella, en rencontre entre deux
de ces courans une autre coulée petrosiliceuse grisâtre, semée de
pyroxènes avec des géodes tapissées de chaux sulfatée crystallisée.
Conformément aux articles 3 et 4, du chapitre IV du réglement de la Société géologique de France, portant :
1° Le président est choisi à la pluralité parmi les quatre vice-présidens de l’année précédente.
Tous les membres sont appelés à participer à son élection, directement ou par correspondance.
2° Pour l’élection du président, les membres non-résidans doivent envoyer leurs suffrages, avant le 30 décembre, dans une lettre revêtue de leur signature.
Les membres non-résidans sont priés de ne pas négliger d’envoyer leurs suffrages pour la prochaine élection du président, qui aura lieu dans la première séance de janvier 1832.
Le vote peut être écrit dans une lettre signée, ou dans une incluse cachetée, et non revêtue de la signature du membre ; mais, dans ce dernier cas, la signature doit être mise sur l’enveloppe.
Le secrétaire en fonction a l’honneur de rappeler que les quatre vice-présidens de cette année sont :
MM. Alexandre Brongniart,
- De Blainville,
- Constant Prévost,
- Brochant de Villiers.
Nota. Les lettres parvenant exactement à leur destination, les membres à l’étranger sont priés de ne pas faire charger leurs lettres à la poste, parce que, d’après les règlemens de poste en France, cela occasione inutilement un double port à la Société.
Pour qu’aucun objet adressé à la Société ne puisse s’égarer, les membres sont instamment priés d’adresser tous leurs envois au local de la Société, rue Jacob, n° 5, et de répéter cette adresse sur la couverture des ouvrages expédiés sous bandes par la poste.