Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome I/Séance du 21 juin 1830
M. de Blainville occupe le fauteuil.
M. Boué, Secrétaire en fonctions, présente à la Société différens ouvrages nouveaux, en particulier une Description du Zechstein du Spessarz et de la Wetteravie, par M. Klipstein, avec une carte géologique et des coupes (Darmstadt, 1830), et un Voyage en Saxe, par le même auteur, où il parle surtout des
- réseaux stannifères de l’Erzgebirge et de la position équivoque
de la siénite à l’égard du grès vert et de la craie.
L’ordre du jour appelant la formation du Conseil, on procède à l’élection des douze membres qui doivent le composer.
Sont nommés successivement, à la majorité des voix :
MM. | De Bonnard, | De Férussac, |
Passy, | Héricart de Thury, | |
De la Jonkaire, | Coquebert de Montbret, | |
Walferdin, | Delafosse, | |
Regley, | Duperry, | |
Huot, | Deshayes. |
La Société, décide que le Conseil cherchera, d’ici à la rentrée, un local convenable pour la tenue des séances et le classement des collections.
La Société adopte la proposition qu’il y aura, dès cette année, une séance extraordinaire hors de Paris, si le Conseil a la certitude que, l’on puisse réunir un assez grand nombre de membres. Le lieu de la réunion sera ultérieurement déterminé par le Conseil.
M. Dufrénoy lit des fragmens d’un Mémoire intitulé : Des caractères particuliers que présente le terrain de craie dans le sud de la France, et principalement sur les pentes des Pyrénées
Les conclusions de l’auteur sont les suivantes :
« 1o Le terrain de craie paraît avoir occupé à une certaine période de la formation de notre globe, un bassin d’une étendue considérable entre l’Océan et la Méditerranée.
2o Au nord, ce bassin était séparé, comme il l’est encore aujourd’hui, du bassin craïeux du nord de la France, par les montagnes anciennes du Limousin et de la Vendée, sur les flancs desquelles ce dépôt de craie, de même que le calcaire jurassique qu’il recouvre, se trouve encore aujourd’hui en couches horizontales.
3o Au midi, au contraire, la grande inclinaison des couches secondaires qui s’appuient sur les Pyrénées, fait présumer que cette chaîne a été soulevée après le dépôt du terrain de craie ; par suite de ce soulèvement, les couches secondaires ont été pliées et il s’est formé un bassin alongé entre la chaîne des Pyrénées et les montagnes du centre de la France.
4o Des terrains tertiaires se sont déposés plus tard dans le bassin dont nous venons de parler. Ils ont recouvert en partie le terrain de craie et l’ont séparé en deux bandes ; celle du nord, ainsi qu’on l’a dit, n’a pas changé de position ; l’autre, fortement redressée, court parallèlement aux Pyrénées.
5o Outre le relèvement dont nous venons de parler, la stratification du terrain de craie des Pyrénées est loin d’être régulière ; en effet, dans un espace très-court, on voit quelquefois les couches plonger dans des directions très variées ; cette irrégularité qui ne peut s’expliquer par la formation de la chaîne, est en rapport avec la présence de nombreuses masses de porphyre amphibolique (ophite de Palassou), répandues le long du terrain de craie ; c’est à l’apparition de ces porphyres, analogues aux serpentines et aux variolites, et peut-être plus modernes que les terrains tertiaires, que nous attribuons les révolutions locales qui ont modifié en partie la stratification du terrain qui nous occupe.
6o La bande septentrionale de craie, celle qui s’appuie sur le versant méridional des montagnes anciennes du centre de la France, porte des caractères incontestables du terrain auquel nous la rapportons. Sa position géologique est celle propre au terrain de craie ; en effet elle repose depuis Angoulème jusqu’à Rochefort sur les couches les plus modernes des formations jurassiques, et elle est recouverte par le terrain tertiaire du bassin de Bordeaux.
7o La succession des roches qui composent cette bande confirme ce rapprochement, elle présente, comme le terrain de craie du nord, deux étages.
L’inférieur est composé de grès siliceux, tantôt peu adhérent et ferrugineux, tantôt solide et à ciment calcaire ; ce dernier contient une grande quantité de points verts et est en tout semblable au grès vert et à la craie chloritée de Honfleur.
L’étage supérieur est composé de couches calcaires. Cette roche présente souvent une grande différence dans sa texture quelquefois tendre et friable comme la craie des environs de Paris, elle est le plus ordinairement dure et cristalline (à Angoulème, par exemple). Du reste les caractères des calcaires de la craie varient suivant les localités et suivant la position des couches relativement à tout le terrain.
À l’extrémité ouest du bassin, les couches qui recouvrent immédiatement le grès vert sont sur une grande longueur (depuis les environs de Rochefort jusqu’à Cahors) comme granulaires ; c’est-à-dire elles sont composées de petites particules arrondies en partie spathiques réunies par un ciment cristallin. Des couches plus ou moins marneuses analogues à la craie tuffau de la Tourraine succèdent au calcaire granulaire. Dans quelques cas les parties supérieures présentent des calcaires presque saccharoïdes et des calcaires compactes.
A l’extrémité est (au bourg St-Andéol, par exemple) ce terrain contient des couches de calcaire compacte esquilleux, et des couches oolitiques.
8o Parmi les fossiles nombreux qui existent dans la bande dont nous résumons dans ce moment les principaux caractères, la plupart lui sont communs avec le terrain de craie du bassin du nord. Ils servent concurremment avec sa position géologique à l’assimiler à cette formation. D’autres, tels que les sphérulites, les hippurites, les ichthyosarcolites, etc., sont particuliers au bassin de craie du midi ; quelques-uns, enfin, comme les mélonies, les milliolites, les nummulites, etc., étaient regardécs jusqu’ici comme exclusifs aux terrains tertiaires.
9o Dans l’espace occupé par ce terrain, il existe plusieurs masses gypseuses considérables (à Cognac, à St-Freoult, etc.) qui nous paraissent devoir être associées à ce terrain.
10o La position géologique de la bande méridionale du bassin de craie du midi de la France, sans être aussi caractéristique que celle de la craie de la Saintonge et du Périgord, montre cependant qu’elle appartient aux formations secondaires supérieures ; en effet la craie des Pyrénées au lieu de reposer sur les dernières assises du calcaire jurassique, en recouvre immédiatement l’étage inférieur, et les terrains tertiaires s’appuient dessus horizontalement, ou en stratification discordante.
11o Cette partie du bassin de craie du midi contient exactement les mêmes fossiles que nous venons de signaler dans la craie de son extrémité nord. C’est-à-dire, que, outre des coquilles caractéristiques du terrain de craie, on trouve des fossiles particuliers à cette partie de la France (des sphérulites, hippurites, etc.,) et plusieurs fossiles des terrains tertiaires (les nummulites, milliolites, mélonies, etc.) y sont souvent très-abondans.
12o Les bouleversemens nombreux que cette partie du terrain de craie a éprouvés, rend assez difficile l’étude de la succession des couches. Cependant on y observe généralement l’ordre suivant.
Des couches d’un calcaire cristallin, quelquefois saccaroïde contenant des dicérates, des hippurites et plusieurs fossiles appartenant évidemment au système de la craie forment la base de tout ce terrain.
Des couches marneuses plus ou moins colorées alternant avec des calcaires solides viennent ensuite. Ce sont ces couches qui contiennent ; principalement des gryphées.
Des grès de nature très variable ; ayant tantôt l’apparence d’une grauwacke ancienne, tantôt schisteux micacés à la manière des grès houilliers, tantôt enfin, comme à Saint-Marthory, identiques avec le grès vert et le grès ferrugineux. Ces grès sont souvent associés avec du lignite ; (près de Lavellanet, de Bellesta, etc., ce combustible existe avec quelque abondance.).
Des calcaires existent à la partie supérieure de cette formation ; ils alternent quelquefois avec les grès, le plus ordinairement ils forment seuls des collines entières. Les caractères extérieurs de ces calcaires varient beaucoup ; ils possèdent presque toujours une dureté et une compacité qui ne sont pas habituels aux calcaires du terrain de craie. Ils sont fréquemment traversés de petits filons spathiques à la manière du calcaire alpin ; ce qui l’a fait réunir constamment à cette formation.
Ces calcaires contiennent ; comme le grès, mais moins souvent que cette roche, des couches de lignite, (à Pereilles, près de Bellesta). On y voit aussi de la dolomie, du soufre et, du bitume (à St. Boès, près Orthez) et du gypse à Saliès.
13o Il sort de ce terrain de nombreuses sources salées ; elles sont surtout abondantes à une petite distance d’Orthez.
La masse de sel de Cardone paraît enclavée dans ce terrain. L’inclinaison des couches de grès qui se relèvent de tous côtés autour de la masse de sel, nous porte à croire, ou, que cette roche est contemporaine au terrain, ou qu’elle y a été introduite longtemps après sa formation.
14o Le terrain de craie des Pyrénées forme en général une
suite de collines peu élevées, séparées en partie de la chaîne
principale, par des vallées longitudinales. Quelquefois cependant
ce terrain s’élève à de grandes hauteurs, par suite de redressemens
considérables.
Le Mont-Perdu est l’exemple le plus remarquable de ces redressemens. Il est composé de calcaire noir, en partie bitumineux, de grès calcaire et de calcaire compacte à apparence jurassique. Il repose sur des alternats de grès, de schiste et de calcaire coquillier, qui forment les escarpemens du cirque de Gavarnie.
M. Dufrénoy termine ce résumé par l’énumération des différens fossiles qu’il a recueillis dans le terrain dont ce mémoire fait l’objet.
Parmi ces fossiles, qui s’élèvent à plus de deux cents espèces différentes, une grande partie sont caractéristiques de la craie du nord de l’Europe ; les autres, au nombre de quarante environ, n’ont jusqu’ici été trouvés que dans les terrains tertiaires, et étaient regardés comme essentiels à ces terrains.
Le mélange de ces derniers fossiles avec ceux du système de la craie constitue une anomalie qui pourrait conduire à penser que ce terrain doit plutôt être comparé aux terrains tertiaires qu’aux terrains de craie ; mais, dans cette supposition, l’anomalie serait encore plus grande puisque la position géologique est d’accord avec la nature du plus grand nombre de fossiles. Au reste, ces fossiles anormaux, quoique répandus dans toute la hauteur du système de la craie, sont beaucoup plus abondans dans les couches supérieures que dans les couches inférieures, et semblent former une dernière assise de cette formation. »