Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome III/Séance du 15 avril 1833

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Séance du 15 avril 1833.


Présidence de M. de Bonnard.

Après la lecture et l’adoption du procès-verbal de la dernière séance, M. le président proclame membres de la Société :

MM. Benjamin Silliman, professeur au collège à Newhaven (États-Unis) ; présenté par MM. Boué et Desnoyers ;

Vigoureux, architecte, à Paris ; présenté par MM. Élie de Beaumont et de Verneuil.

La Société reçoit les ouvrages suivans :

1° De la part de M. Fischer ;

A. Son ouvrage intitulé Oryctographie du gouvernement de Moscou, dédié à S. M. l’empereur Nicolas 1er. In-f", 52 pag., 65 pl. Moscou, 1830 ;

B. Bulletin de la Société impériale de Moscou. T. V, année 1832, in-8o, 398 pag., 4 pl. ;

C. Rapport sur les travaux de la Société impériale des naturalistes de Moscou, par M. Fischer, de Waldeihm. In-4°, 56 pag. Moscou, 1832 ;

2° De la part de MM. Leroux et Reynaud, le n° de février 1833 de la Revue encyclopédique. In-8° 234 pag. Paris ;

3° De la part de M. Lecoq, les Annales littéraires et industrielles de l’Auvergne, publiées par l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Clermont-Ferrand, sous la direction de M. Lecoq, années 1833 et 1832, formant 19 cahiers in-8o ;

4° Le n° 26 du Bulletin de la Société industrielle de Mulhausen ;

5° De la part de M. Passy, Recueil de la Société d’agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département de l’Eure. In-8°, 454 pag., 1 pl. Evreux, 1832 ;

6° Le n° 30 (nov. 1832) du Magazin of natural history and Journal of Zoology, Botany, Mineralogy, Geology and Meteorology, publié par M. Loudon ;

7° De la part de M. Hibbert, son ouvrage intitulé : Description des îles de Shetland, comprenant une relation de leur géologie, de la configuration, des antiquités du pays et des interpositions qui y existent. (A Description of the Shetland Island, etc.) In-4°, 616 pag. ; cartes, coupes et vignettes. Édimbourg, 1822.

M. Silliman propose d’échanger contre les Bulletins et les Mémoires de la Société le recueil scientifique qu’il publie sous le titre de American Journal of Sciences. Il a l’intention d’offrir à la Société un exemplaire complet de ce Journal qui comprend 24 Vol. ou 48 numéros. Renvoyé au conseil.

M. de Caumont annonce que la Société linnéenne de Normandie se propose de publier un nouveau volume de Mémoires, et invite ses membres à envoyer des travaux destinés en faire partie.

M. Leymerie, professeur de physique au collège de Troyes, fait à la Société la communication suivante sur le soufre natif et la sélénite qu’il a trouvés dans la craie de Montgueux (Aube).

« Les substances qui fond l’objet de cette note ont été découvertes dans une crayère située à trois lieues (O.-N.-N.-O.) de Troyes, près du village. de Montgueux. La craie que’l’on retire de cette localité renferme peu de fossiles ; je n’y ai jamais vu que le Spatangus coranguinum ; elle ne renferme point de silex, si ce n’est tout-à-fait à la partie supérieure, où l’on trouve quelques plaquettes très minces formant des veines très inclinées et très peu étendues. On y observe des rognons pyriteux et des sphéroïdes d’un fer hydraté, argileux, couleur de rouille très tachant, qui pourrait peut-être former une variété particulière La masse crayeuse qui présente à Montgueux un escarpement de 12 à 15 mètres, est interrompue çà et là par des cavités remplies d’une terre argilo-ferrugineuse, dont le minéral que je viens de citer paraît être pour ainsi dire l’essence. Le tout est recouvert d’une couche de cette même terre renfermant des silex cornés, dont plusieurs sont configurés en oursins, et du fer hydraté brun en masses cloisonnées et en petits rognons. Cette craie est exploitée comme pierre à bâtir ; elle a, par conséquent, plus de dureté que la craie blanche des environs de Paris, dont elle diffère au reste par l’absence des lits horizontaux de silex, et de la plupart des fossiles qui caractérisent ce premier étage de la formation crayeuse.

« C’est dans un bloc extrait de cette carrière que l’on a trouvé dernièrement un rognon ovoïde d’environ 0 m 16 de longueur. Un coup de pioche donné dans ce rognon l’a brisé en plusieurs fragmens, et a mis à découvert un amas de soufre pulvérulent, mêlé de paillettes et de cristaux ébauchés de Sélénite. La croûte a peu d’épaisseur ; c’est un fer hydraté, qui, si l’on s’en rapporte à l’aspect cristallin de sa surface extérieure, paraît résulter de la décomposition d’une pyrite[1]. Ce soufre est assez pur ; il est d’un jaune moins vif que celui de la fleur de soufre du commerce Si on l’examine à la loupe, on voit qu’il est composé de très-petits grains brillans. Projeté sur un charbon ardent, il brûle comme le soufre ordinaire ; mais il fait entendre dans ce premier instant un bruit faible, qui est dû à la décrépitation des petites lamelles de sélénite avec lesquelles il est mélangé. La masse entière du soufre renferme en outre de petites masses cristallines de cette même substance : j’ai cru reconnaître sur un fragment deux faces latérales de la variété trapézienne.

Il est assez remarquable que le soufre et la sélénite, que l’on n’a jamais cités, je crois, dans la craie proprement dite[2], se trouvent ici réunis dans le même échantillon. Ce fait m’a paru d’autant plus curieux qu’il existe en grand, dans la nature, entre la chaux sulfatée et le soufre une telle affinité de gisement, si je puis m’exprimer ainsi, que partout où l’on trouve l’une de ces deux substances, on est presque sur de rencontrer l’autre.

Un membre (M. C. Prévost) demande si l’origine de ces deux substances ne serait pas due à la décomposition de fer sulfuré, opinion que ne partage pas M. Leymerie.

Un autre membre (M. Dufrénoy) indique que des silex provenant aussi de la craie, et qui existent dans les collections de l’École des Mines, contiennent à leur intérieur des cristaux de soufre.

M. C. Prévost annonce qu’ayant eu connaissance, par l’un des derniers Bulletins, des doutes nouvellement émis par M. Héricart-Ferrand sur l’âge du grès de Beauchamp, à l’occasion duquel a été rappelée une première incertitude émise par lui à cet égard, ils le regarde depuis fort longtemps, avec la plupart des géologues, comme antérieur aux gypses ; qu’il a présenté de nombreuses preuves à l’appui de cette opinion, et que, par conséquent, il ne peut adopter celle de M. H. F.. qui le présume appartenir aux grès marins supérieurs.

M. de Beaumont confirme l’opinion de M. Prévost, d’après ses propres observations aux environs de Paris ; il fait remarquer que la même interposition du grès de Beauchamp ou de ses représentans entre le calcaire grossier et le gypse est très visible depuis Chaumont jusque vers Beauvais.

M. Huot ajoute que la butte de César, près de Beauvais, présente ces mêmes grès dans la même situation.

il est donné lecture de l’extrait du Mémoire de M. le comte Grégoire de Razoumowski, intitulé : Essai géologique sur la vallée au fond de laquelle est située la ville de Carlsbad, en Bohême, et sur les contrées adjacentes.

« M. de Razoumowski commence par des détails topographiques sur la vallée du Tepel, entourée de montagnes qui sont des ramifications du Fichtelgebirge. Les plus hautes sommités sout à la source du Tepel ; ce sont le Mont Hohnensberg, le Mont Kreutzberg, la montagne de Hummer, le Mont Hirschsprung et les monts du Drey Kreutzberg. À l’ouverture de la vallée, ou à son extrémité septentrionale, il y a un grand plateau fort élevé, et plus loin l’Erzgebirge ; sur la rive droite du Tepel à Dorothée, il y a des rochers de granite, empilés les uns sur les autres, et qui ont été probablement soulevés. Vis-à-vis de la brasserie de la ville, on observe dans le granite des trous qui semblent avoir été faits par les eaux, quoiqu’ils soient à plus de 40 pieds sur la rivière.

« Dans le rocher appelé Bernard, au pied du Schlossberg, il y a des espèces de cavernes encore plus grandes, et à contours arrondis par les eaux. Il y en a aussi vers les bases des monts Hirschsprung et Hummer.

« Le granite s’y présente souvent sous la forme de masses séparées en feuilles, quelquefois horizontaux ; quelquefois il affecte des formes prismatiques.

« Cette roche compose presque toutes les montagnes de la vallée du Tepol, offre des variétés nombreuses, et est en partie porphyrique. Près de Petschau, il y a des roches siénitiques qui passent au diorite et au porphyre, et forment surtout le Mont Kreutzberg et une partie du Hohnensberg.

« M. de Razoumowski entre dans beaucoup de détails sur les variétés du granite, et sur leur décomposition singulière. Par suite de cette action lente, les roches prennent diverses teintes ; leurs élémens changent d’aspect et de nature, le feldspath devient stéatiteux (Mont Galgenberg).

« La décomposition est plus marquée près des sources chaudes, et elle attaque des rochers entiers qui ont alors l’air d’être pourris (Mont Galgenberg).

« Dans le rocher Bernard, il y a des grenats dans le granite.

« M. de Razoumowski donne le nom de Carlsbadite à la pâte d’une brèche renfermant des fragmens de jaspe qui forme des filons dans le granite terreux du Mont Galgenberg. Vis-à-vis de cette montagne, sur la rive opposée du Tepel, le granite est schorlifêre.

« Les granites de la vallée de Tepel abondent en filons de porphyre, de jaspe et de pétrosilex. Il y en a surtout sur les rives gauche de la rivière, et vers l’extrémité de la vallée.

« Le porphyre est en partie quarzifère, et l’on voit un bel exemple de trois ou quatre filons dans le rocher au-dessus de la fontaine appelée Theresienbrunn.

« Les filons siliceux varient depuis l’épaisseur de quelques lignes jusqu’à celle de quelques pouces. Dans la partie supérieure du rocher Bernard il y a même un filon de silex de 15 pieds de puissance.

« L’auteur décrit la montagne phonolitique appelée Engelberg, à trois quarts de lieue au S.-E. de Carlsbadd ; il fait des observations sur la texture grenue, et sur l’indication en miniature d’une structure prismée dans le phonolite. Au pied de la montagne, il y a des pegmatites et des granites à oxide rouge, et probablement de l’Eisenchrom.

« L’auteur passe à la description d’une brèche siliceuse à fragmens de granite, de silex, de pétrosilex et de jaspe ; cette roche renfermant des pyrites, et en partie pyriteuse, se trouve au pied du château de Carlsbad. Cette roche, qu’on ne peut plus voir en place, est couverte de pisolithes, et paraît avoir été travaillée par des actions ignées, ou soumise à une grande chaleur.

« Peut-être une masse énorme d’eau thermale s’est fait jour bien anciennement à travers des fentes des rochers du Hirschsprung, et a tout entraîné devant elle.

« M. de Razoumowski pense que les eaux se sont chargées de parties calcaires et ferrugineuses en traversant les granites.

« L’auteur parle des grès tertiaires sur la rive gauche de l’Eger, et y signale des impressions de bois fossile, de feuilles ayant de la ressemblance avec celles d’un grand plantain. Ces roches imposent sur le granite comme au Mont Galgenberg, et s’étendent sur la rive opposée de l’Eger. Elles y présentent des impressions de roseaux, qui ont l’air d’avoir été corrodés par les insectes avant leur enfouissement.

« Au pied du Mont Galgenberg il y a des argiles avec des amas de grès ; au débouché de la vallée du Tepel, il y a de grands amas d’alluvions, accident commun à la sortie des vallées ; à Dahlwitz, à trois quarts de lieue de Carlsbad, se voit une coupe intéressante de couches tertiaires. On y observe du haut en bas 3 pieds de glaise sableuse, 1 pied 1/2 de terre noire bitumineuse avec des empreintes, 3 pouc. de terre grise avec des débris de bois, un quart de pied de terre noire bitumineuse, 4 pouces de glaise rougeâtre, 1 pied de terre bitumineuse ; enfin, 3 pieds de bois bitumineux. Ce dernier est changé en partie en pierre siliceuse ou bois siliceux, et il y a entre les lits des petits cristaux de quarz améthiste.

« Les gîtes de lignite tertiaire s’étendent depuis Fischeren, à une lieue de Carlsbad jusqu’à Lessau, dans la direction du sud-ouest au nord-est. »

« Entre Dalhwitz et Hochdorf, on exploite du kaolin.

« À un quart de lieue de Fischeren, il y a une couche de jayet qui a 3 à 6 toises d’épaisseur, et qui offre des branches et des troncs d’arbres.

« M. de Razoumowski ripporte avoir découvert dans le lignite de Lessau, une petite espèce d’Agaricie, dont il donne la figure.

« Autour de Lessau, il existe beaucoup de blocs anguleux, détachés probablement par une grande force. Il signale aussi dans ces environs des spongites et des ostracites, et parle, sous le nom de Rubrine, d’un bitume particulier, disséminé dans un schiste inflammable.

« Ensuite, M. de Razoumowski parle des basaltes, des amygdaloïdes, etc.. entre Dalhwitz et Lessau. À Grasgrun, on voit de beaux exemples de basalte globaire.

« A Tzedlitz, il y a beaucoup de blocs énormes de grès tertiaire, qui forment une traînée dirigée du nord au midi, occupant un espace fort large et dépassant la rivière de l’Eger. L’étendue de pays couvert de ces blocs, entre Tzedlitz, la base des montagnes de Galgenberg et de Dreykreutzberg, forme un triangle, de manière qu’on dirait qu’ils sont partis du centre de cet espace, et ont été rejetés de tous les côtés.

« De semblables faits ont été retrouvés par M. Razoumowki dans sa seigneurie de Roudolitz en Moravie ; les blocs y sont angulaires et primaires. L’auteur émet l’opinion qu’ils ont été lancés hors de la terre par des actions volcaniques à une époque très ancienne, avant l’apparition des courans de lave. Il les distingue soigneusement des blocs roulés qui ont été charriés bien plus tard par d’immenses courans.

« Tzedlitz est à l’extrémité orientale d’un petit bassin elliptique ; le sol y est basaltique sur la partie occidentale du bassin ; à 20 pieds sur la Rolla, il y a un petit plateau qui s’est en partie affaissé, et qui est composé de scories.

« Vers l’ouest, l’auteur a découvert un courant de balsate qui a dû s’étendre dans toute la longueur du petit bassin. On exploite à Tzedlitz du lignite, qui n’est, au fond, qu’un amas de bois et d’arbres altérés.

« Il y a aussi dans ce lieu des carrières de kaolin.

« À une demi-lieue de Fischeren vers l’ouest, et sur le chemin d’Ellbogen, il y a un ravin rempli de scories pseudo-volcaniques comme celles précédemment indiquées ; elles sont accompagnées de lits ferrugineux, à impressions de feuilles, de fruits et de graminées ; il y a beaucoup d’aétite.

« De semblables dépôts existent à un quart de lieue de là, près de Fischeren, et s’y placent sur des couches de bois pyriteux et de charbon minéral, enveloppées dans des argiles.

« La rive gauche de l’Eger, près de Carlsbad, présente des grés tertiaires et du basalte avec des caractères ignés bien décidés. C’est dans ce lieu que se trouve le petit cratère de Kammerbuhl, qui a environ 36 pieds de diamètre, qui est peu élevé au-dessus de la plaine, et dont le pourtour est presque entièrement détruit.

« On y trouve, outre des basaltes plus ou moins poreux, et des scories, des roches à cavité, remplies de mésotype ou de calcaire. Cet accident des amygdaloïdes est assez rare dans cette partie de la Bohême.

« Sur la même rive de l’Eger, il y a des roches calcaires à fragmens basaltiques.

« Tout ce plateau, dont la plus grande largeur est entre l’Eger et Lichtenstand, a été travaillé à plusieurs reprises par le feu et par l’eau.

« Les laves basaltiques sont presque toutes sorties du bassin, entre Kobermuhl et Tzedlitz, et se sont dirigées vers l’ouest du côté d’Alt-Rolla et Rosnitz, vers le midi jusqu’à Fischeren, vers le nord-est sur Ottowitz, etc.

« Les scories pseudo-volcaniques ont pour centre la localité de Grasgrun, et s’étendent vers Lessau et Schlackenwerth.

« L’auteur signale de l’Hyalite dans les basaltes, et les décrit individuellement. Près d’Aich, à une lieue au S.-O. de Carlsbad, il y a une butte basaltique présentant de très grosses boules, et un enfoncement cratériforme à son sommet : le granite forme les éminences voisines. Dans les sables provenant de la décomposition de cette dernière roche, on a trouvé des améthystes, des pisolithes, etc.

« La montagne de Hammer supporte deux buttes basaltiques, couvertes de débris de cette roche, qui est prismée ou globulaire. L’auteur pense que ces fragmens ont été répandus par éjection sur la surface du sol. L’auteur a observé dans ce basalte des morceaux de roches granitoïdes, composées de quarz et de feldspath, et il a trouvé des blocs de basalte avec des fragmens qu’on appelle en Allemagne jaspe basaltique, et qui ne sont que des roches argileuses ou marneuses altérées.

« Si les montagnes de Hammer ont été bouleversées par les éruptions basaltiques, le granite forme les hauteurs sur la rive droite de l’Eger autour d’Aich. Cette roche y a conservé toutes ses formes primordiales.

« M. de Razoumowski signale deux buttes basaltiques à une demi-lieue et une lieue de Hammer sur le terrain de Schwarbach ; elle est plus élevée que celle près de Hammer ; près de Gushubel, il y a encore une éminence basaltique.

« Depuis Buchau le bassin de l’Eger s’élargit, et n’est plus qu’un vaste plateau avec des mamelons nombreux basaltiques ; buttes qui vont jusqu’à Libkowitz.

« L’auteur entre ensuite dans une description détaillée des variétés de porcellanites de ce pays ; il en indique des gisemens, et passe après cela aux eaux thermales de Carlsbad, découvertes par hasard en 1370.

« On sait qu’il y a plusieurs sources ; qu’elles jaillissent hors de la terre, et que plusieurs ont changé de place ; qu’une d’elles a disparu et reparu. Cette dernière, Appelée le Spinger, sourde d’une croûte épaisse de pisolithe.

« M. de Razoumowski croit que l’obstruction des canaux de ces sources produit ces irrégularités, et il explique l’intermittence de certaines d’entre elles par l’hypothèse d’un conduit en forme de siphon et de réservoirs souterrains.

« M. de Razoumowski rapporte l’analyse des eaux de Carlsbad, faite par M. Berzelius, et décrit leurs dépôts silico-calcaires, savoir : les pisolithes, dont le centre des globules est occupé par du quarz, ou du feldspath, des masses qui sont quelquefois très ferrugineuses, ou une espèce de mine de fer, etc. Il signale dans le voisinage des eaux chaudes, des mofettes.

« Après cela, l’auteur parle des eaux acidulés des environs de Carlsbad, et se range de l’avis des savans qui font dériver les sources minérales d’actions chimiques et volcaniques, ayant lieu sous la croûte du globe.

« Le reste de son travail est un résumé des observations de détail qui précèdent.

« La vallée de la Tepel est formée presque entièrement de granite, de siénite et de gneiss. Le granite y est très souvent dans un état de décomposition, et n’offre guère de filons siliceux ou métallifères, à l’exception de quelques nids d’oxide de fer, et des traces de mine de chrome. L’auteur place le granite sous la siénite et le gneiss.

« Sur le prolongement de ces roches, dans la vallée de l’Eger, viennent se placer les dépôts plus récens. La surface de ce pays a été balayée par des révolutions successives ; d’énormes masses d’eau chaude y sont sorties des entrailles de la terre, et ont produit la singulière brèche ferrugineuse et silico-calcaire de Carlsbad.

« M. de Razoumowski suppose qu’un lac a occupé une fois la vallée de la Tepel, et qu’il a rompu ses digues vers l’Eger. Après ces débâcles, des volcans auraient rejeté des coulées de laves qui ont enveloppé des fragmens des roches traversées ou sous-jacentes.

« M. de Razoumowski pense que, d’après la disposition des cônes basaltiques, cette roche s’est fait jour à travers le granite, dans la direction du S.-E. au N., et a déchiré cette roche de manière que d’énormes débris en couvrent les montagnes. Il n’y a dans cette contrée aucun véritable cratère bien conservé, quoiqu’il y ait des vestiges de cavités semblables. Ces dernières se trouvent toujours entourées par le terrain ancien.

« Les basaltes de ce pays se lient probablement aux éruptions qui se sont accumulées dans les montagnes du Mittelgebirge.

« M. de Razoumowski attribue les formes sphéroïdes et prismatiques des basaltes à une espèce d’attraction moléculaire, ou de cristallisation qui s’y est déjà exercée dans le foyer, ou les cheminées même des volcans.

« Après ces grands phénomènes volcaniques, les eaux ont de nouveau ravagé le pays, et formé de grands dépôts d’argile et de matières végétales. L’embrasement accidentel des lignites a produit encore plus rarement les porcellanites, les argiles cuites, les scories terreuses et ferrugineuses.

« Enfin, les alluvions se sont formées, et présentent des couches de terre à porcelaine. Il paraîtrait que des vapeurs gazeuses sulfureuses ont pénétré à travers les roches granitoïdes, et les ont altérées en kaolin, roches que l’eau a aisément corrodées, délayées et déposées dans le fond des vallons.

« Une douzaine de jolis dessins coloriés accompagnent ce grand mémoire, et représentent des basaltes, des bois fossiles, des impressions de feuilles, etc., etc. »

M. Dufrénoy lit un mémoire intitulé : du Gisement de la mine de fer de Rancié, et du terrain dans lequel elle est enclavée. Dans un mémoire que M. Duf a lu en 1831 à la Société, dans sa séance du 5 décembre 1831, sur les mines de fer de la partie orientale des Pyrénées, il avait indiqué par induction la position du gîte métallifère de Rancié, le plus important de toutes les mines de fer exploitées en France, et dont les produits alimentent plus de soixante usines. Les voyages qu’il a été obligé de faire l’été dernier dans le midi de la France, pour des recherches relatives à la carte géologique, lui ont permis de visiter de nouveau la vallée de l’Ariége. Il en a profité pour étudier le gîte célèbre qui fait le sujet de ce mémoire, ainsi que le terrain dans lequel cette mine est placée. Ce terrain, composé de calcaire saccharoïde, semblable au marbre de Carare, de calcaires gris plus ou moins cristallins, de calcaires schisteux et d’argiles schisteuses, contient dans quelques points des Bélemnites, des Peignes, des Térébratules, des Entroques et des Polypiers, qui sont les mêmes que ceux qui caractérisent les marnes supérieures du lias. La grande différence que l’on remarque dans la texture du granite est presque toujours en rapport avec sa position relativement au granite, de sorte que le calcaire saccharin forme bien, comme on l’indique assez généralement, une bande continue à la séparation du terrain calcaire et du granite ; mais en outre, il reparaît en un grand nombre de points du pays occupé par la formation calcaire, presque toutes les fois qu’une protubérance de granite vient percer le terrain. Dans quelques cas, il est vrai, le calcaire saccharoïde existe sans qu’on voie le granite ; mais alors toutes les inductions conduisent à penser qu’il se trouve à une petite distance, et seulement qu’il ne s’est pas élevé jusqu’au jour. Ne pouvant pas donner de détails circonstanciés sur le mémoire de M. Dufrénoy, nous copions ses conclusions.

« 1o Le terrain de Vicdessos, composé de la réunion de calcaires saccharoïdes blancs, de calcaires schisteux et de schiste. calcaire, appartient à la partie inférieure des formations jurassiques.

2o Le gite métallifère de Rancié est élevé dans le terrain ; il y forme un stockwerk disposé dans le sens des couches.

3o Cet amas métallifère est en connexion avec le granite qui existe à une petite distance de la mine, et son introduction dans le terrain de lias a eu lieu à l’époque de l’apparition du granite dans les Pyrénées.

4o Le calcaire saccharoïde de la vallée de Sue ne doit sa texture qu’à sa position, au contact du granite ; lors de son dépôt il était de même nature que les couches dans lesquelles on trouve des fossiles.

Ce mémoire donne lieu à des observations de la part de plusieurs membres.

M. C. Prévost entre dans quelques détails sur l’existence du fer au contact des calcaires et des basaltes du cap Passaro en Sicile, sur l’apparition des roches ignées postérieures à craie, et sur la modification que les calcaires ont éprouvée par cette apparition.

M. de Beaumont dit que M. Christie, ayant fait analyser par M. John Davy les calcaires saccharoïdes du cap Passaro, il n’y a pas été trouvé de Dolomies.

M. de B. rapproche des gisemens de fer du Rancié le gîte de fer de Framont dans les Vosges au contact de porphyres, et en zones concentriques autour de cette roche cristalline. Il indique une même analogie de gisement dans les minerais du Cornouailles au contact du granite, et des schistes argileux dits Killas.

M. Texier a observé dans le département du Var des gisemens de fer qui pouvaient avoir quelque analogie : le gisement de fer hydraté et oxidulé dans le granite au village de Calas ; ce gisement est à huit lieues de Draguignan. Dans les montagnes porphyriques de la rade d’Agay, on rencontre également des filons de feroxidulé, dans lequel on trouve de beaux échantillons d’aimant.

M. de Bonnard fait remarquer les rapports à peu près analogues qui peuvent exister entre ce mode de formation du fer, et les gisemens des mines de fer du centre de la France au contact des terrains primordiaux et du calcaire secondaire.

Suivant M. de Beaumont, ces rapports ne sont pas complets. Dans le centre de la France, le fer s’est déposé en couches horizontales sur le dépôt préexistant du granite, tandis que dans les autres mines dont il a été parlé par M. Dufrénoy, ainsi que par M. de Beaumont, le dépôt avait eu lieu au moment de la formation du granite, et au contact des deux roches.

Une discussion s’engage entre plusieurs membres sur la volatilisation et la dissolubilité possible de certains métaux à certaines périodes géologiques.

M. Boubée ajoute quelques détails sur le calcaire de transition de Vicdessos dans la vallée d’Osso et ailleurs ; sur les alternats de calcaires hémitrènes, avec des pegmatites et des roches granitiques.

M. Dufrénoy distingue les différens calcaires, et soutient que plusieurs calcaires sont empâtés ou pénétrés par le granite.

M. Boubée ne croit pas qu’on doive ainsi rattacher les mines du fer et autres qui se trouvent entre les terrains primitifs et les formations plus modernes, au phénomène de l’épanchement de ces premiers terrains. Il les croit généralement plus modernes, et les fait rentrer dans sa théorie des concrétions et infiltrations ; il fait remarquer que ces mines se composent de minéraux solubles et la plupart hydratés ; qu’elles se composent de matières stalagmitiques ou concrétionnées, et qu’elles forment des amas irréguliers, des rognons, ou même des veines et filons, qui se rétrécissent de haut en bas ; il fait observer enfin que la plupart de ces mines, notamment celle de Vicdessos, présentent absolument toutes les particularités que l’on observe dans les masses stalagmitiques qui, de nos jours, remplissent, ou qui ont déjà rempli des grottes ou cavernes préexistantes ; ce qui porte à conclure que c’est à des eaux minérales qu’il faut attribuer ces dépôts. Selon M. Boubée, ces eaux minérales durent être chargées autrefois d’une bien plus grande abondance de matières en dissolution qu’elles ne la sont aujourd’hui… et les eauxx minérales surgissant habituellement au milieu des terrains primitifs, et principalement dans les points de séparation des terrains primitifs, et des terrains plus modernes ont pu déposer leurs concrétions, soit dans les fissures du terrain granitique, soit dans celles des terrains superposés, quels qu’ils fussent. Il signale deux ou trois localités dans les Pyrénées où se forment encore des stalactites et des concrétions de fer hydroxidé et de fer hydro-alumineux.

Pour répondre à quelques objections qui lui sont faites, M. Boubée ajoute quelques développemens sur les précipitations de matières métallifères, qui, selon lui, dûrent avoir lieu à diverses époques. Il explique comment le mercure, et autres métaux fusibles, pouvaient avoir été tenus ou en dissolution ou en vapeur dans l’air, sans que la température atmosphérique fût aussi élevée qu’elle aurait dû l’être pour opérer la vaporisation de ces matières ; il compare ce phénomène à celui de l’évaporation actuelle de l’eau, de la glace, du mercure même, et de plusieurs autres matières liquides et solides dont l’air dissout des proportions plus ou moins grandes par les températures les moins élevées.

M. Virlet ajoute à ce qu’il a précédemment dit sur la craie inférieure de la Morée, (voyez page 148) les détails suivans, relatifs aux différens étages de cette formation.

Dans les détails que j’ai précédemment donnés sur la formation de la craie et du grès vert de la Morée, j’ai omis de vous parler des différens étages que mon collègue M. Boblaye et moi nous y avons reconnus, et cependant j’ai dit que cette formation puissante qui commence par des calcaires à nummulites et hippurites, et finit par des calcaires blancs aussi à nummulites et hippurites, appartenait au seul étage de la craie inférieure, et que la craie supérieure de Gosau, ou la craie blanche, y manquait totalement.

Ainsi, indépendamment des deux étages qui ont seuls été jusqu’à ce jour bien constatés dans la formation crayeuse, nous avons reconnu que le système crayeux de la Morée était divisé en trois autres étages, déterminés par deux dislocations auxquelles sont dues les différentes apparitions des ophiolithes de cette contrée. Ces trois étages peuvent se subdiviser en cinq groupes de roches, parfaitement tranchés par leurs caractères minéralogiques.

Le premier étage ou étage inférieur, composé de calcaires bleus et noirs compactes et subsaccharoïdes, à nummulites, radiolites, dicérates, etc., alternant avec des argiles marneuses noires et micacées, ne comprend que le premier groupe de roches ; il atteint à une puissance d’au moins 300 mètres.

Le second étage ou étage moyen, comprend les deuxième et troisième groupes de roches ; le deuxième est composé du premier grès vert ou grès vert inférieur, des agglomérats ophiolitiques, d’un grand système de jaspes et d’argiles schisteuses, marneuses ; ce groupe a souvent une puissance égale à celle des calcaires bleus. Le troisième est plus puissant encore ; il a au moins 500 mètres, et se compose de calcaires verdâtres et lie de vin, de calcaires compactes et lithographiques, abondant en silex et en jaspes, et de calcaires gris de fumée et gris clair.

Le troisième étage ou étage supérieur, comprend les quatrième et cinquième groupes de roches ; le quatrième de ces groupes se compose du second grès vert ou grès vert supérieur, qui est associé à une énorme formation d’argiles marneuses. En Messénie, une assise de 500 mètres au moins de puissance, de poudingues à débris de calcaires compactes et lithographiques à silex, de l’étage moyen, cimentés par la pâte du grès vert, lui est subordonné. Ce groupe, en y comprenant les marnes, les grès les poudingues atteint dans plusieurs localités, à une puissance de plus de 1,000 mètres. Enfin, le cinquième groupe consiste en une assise d’environ 300 mètres de puissance, de calcaires blancs, compactes à nummulites et hippurites sans silex ; c’est la Scaglia des Italiens.

La première apparition des opholithes a eu lieu entre le premier et le second étage ; et tandis qu’elles interrompaient le dépôt des calcaires noirs à nummulites, elles donnaient lieu à la formation du premier système arénacé (grès vert inférieur), qui a précédé la grande période de calme, pendant laquelle se sont successivement déposés tous les calcaires de la série lithographique de l’étage moyen. La dislocation qui a produit le premier soulèvement des serpentines, ne paraît pas avoir été générale, car il n’y a pas partout discordance entre la stratification des deux étages : une dislocation générale aurait d’ailleurs entièrement changé la série des êtres organisés, tandis qu’on n’y observe guère d’autres changemens que ceux qu’on remarque ordinairement dans les couches différentes d’un même système.

Après le dépôt des calcaires lithographiques, est survenue une nouvelle dislocation qui a donné lieu à la formation du second système arénacé (grès vert supérieur). Cette dislocation, également partielle et peut-être éloignée, puisque ses traces nous ont échappé en Morée, a dû être cependant très violente, puisque tous les calcaires compactes et lithographiques ont été brisés, fracturés, et ont pu fournir l’immense amas de débris qui compose le poudingue de l’étage supérieur. Cette dislocation, qui a de nouveau soulevé les ophiolites, à précédé la période de trouble, pendant laquelle s’est formé ce système arénacé supérieur ; puis enfin une période de calme, pendant laquelle se sont déposés les calcaires blancs à nummulites et hippurites qui couronnent tout le système crayeux de la Morée.

Ce n’est que postérieurement que le soulèvement du système Pindique, que nous rapportons à celui du Monte-Viso et du Bœmerwald-Gebirge, placé entre la craie tuffau et la craie blanche, a relevé toute la formation crayeuse de la Morée, et a empêché la partie supérieure de cette formation de s’y déposer.



  1. C’est pour me conformer aux idées reçues, et pour ne pas embarrasser cette note d’une discussion minéralogique, que je considère cette croûte comme une pyrite décomposée ; je crois, au contraire, qu’ici comme dans la plupart des cas où l’on a considéré le fer hydraté comme une épigénie du fer sulfuré, ce minéral a été formé directement. Je donnerai mes raisons ailleurs.
  2. Certains silex de Poligny en Franche-Comté renferment, il est vrai, du soufre ; mais ces silex ne viennent pas de la craie, mais bien d’un terrain d’eau douce. C’est du moins ce qui semble résulter d’observations encore inédites d’un géologue du pays. (Je tiens ces renseignement de M. Brongniart.)