C’est la bonne heure où la lampe s’allume

La bibliothèque libre.
Mercure de France (p. 93-94).

XII


C’est la bonne heure, où la lampe s’allume :

Tout est si calme et consolant, ce soir,
Et le silence est tel, que l’on entendrait choir
Des plumes.

C’est la bonne heure où, doucement,
S’en vient la bien-aimée,
Comme la brise ou la fumée,
Tout doucement, tout lentement.
Elle ne dit rien d’abord — et je l’écoute ;
Et son âme, que j’entends toute,
Je la surprends luire et jaillir
Et je la baise sur ses yeux.


C’est la bonne heure, où la lampe s’allume,

Où les aveux
De s’être aimés le jour durant,
Du fond du cœur profond, mais transparent,
S’exhument.

Et l’on se dit les simples choses :
Le fruit qu’on a cueilli dans le jardin ;
La fleur qui s’est ouverte,
D’entre les mousses vertes ;
Et la pensée éclose, en des émois soudains,
Au souvenir d’un mot de tendresse fanée
Surpris au fond d’un vieux tiroir,
Sur un billet de l’autre année.