La Verdure dorée/Quelque rose que tu cueilles

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La Verdure doréeÉditions Émile-Paul frères (p. 248-249).

CXLVII

À Georges Le Cardonnel.


Quelque rose que tu cueilles,
Une nuit la fanera ;
Le vent fait voler les feuilles,
Les amours, etc

Et pourtant j’aime les roses,
Le feuillage et les amours
Et bien d’autres belles choses
Qui ne durent pas toujours.

Durer, durer… Rien ne dure.
Accourez, comparaisons !
Rappelons que la verdure
Pas ne dure trois saisons.

Tout passe et cela n’est pas ce
Que les gens n’ont dit assez ;
Ils ont écrit que tout passe
Et leurs livres sont passés,

Sauf certains ; et les miens, Muses,
Dureront-ils plus longtemps
Qu’une voix de cornemuse
Qui se perd sur les étangs ?


Mais qu’importe ? Toutes choses,
Ne durent-elles qu’un jour,
Les poèmes et les roses
Et les feuilles et l’amour,

Toutes choses ne sont-elles
Les rameaux jaunes ou verts
Des guirlandes éternelles
Que déroule l’univers ?

Toutes choses sont liées,
La mollesse et le tambour,
Les poèmes, les feuillées
Et les grâces de l’amour,

Et chacune tient sa place
Dans cet hymne qui depuis
L’aube éternelle entrelace
Les chants des jours et des nuits.

Quelque rose que tu cueilles,
Une nuit la fanera
Mais la rose avec ses feuilles,
C’est la vie. Etc