La Verdure dorée/Violons qui chantez sous les archets du vent

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La Verdure doréeÉditions Émile-Paul frères (p. 246-247).

CXLVI


Violons qui chantez sous les archets du vent,
Sureaux aux blanches fleurs, bleus et larges platanes,
Je vous retrouve à l’heure où mes rêves s’en vont,
Et le vert déchirant des montagnes natales.

Genêts, lac, fusion bouillonnante, métal
Jaune et vert, or et cuivre, où plongent les abeilles,
Et torride bourdonnement sous les catal-
Pas rouges, qu’un soleil crève de rudes pailles.

Mais ce spectacle est trop puissant pour ma douleur
Et je souffre à pleurer d’une âpre jalousie
Monotone, devant le triomphe, dans l’air
Et sur la terre, du tumulte et de la vie.

Vers le silence et pour me retrouver face à
Face avec moi, j’irai sous les saules de l’île,
Verte ombre que jamais nul astre ne perça,
Seul et blessé comme un cygne qui bat de l’aile.

Lourde et profonde comme un ample désespoir,
Entre les herbes l’eau glisse avec un murmure ;
Tu ne reviendras plus au verger pourpre, pour
Cueillir la pomme acide avec la nèfle mûre.


Les voici revenus les matins embaumés,
Fleurs, branches, bleus bouvreuils ; mais que ta grâce morte
Dorme et repose dans ma mémoire à jamais
Sous les fleurs de troène et les feuilles de myrte.