Carbonisation épigénique du diamant
CARBONISATION ÉPIGÉNIQUE DU DIAMANT
On croyait avoir épuisé l’histoire chimique du diamant au commencement de 1870, lorsqu’un accident de fabrication arrivé à MM. Laurier, riches joailliers de Marseille, vint ouvrir une nouvelle série de recherches auxquelles personne n’avait songé jusqu’à ce jour.
La guerre franco-allemande, qui éclata bientôt après, fit perdre de vue à nos savants ces horizons nouveaux et les faits remarquables que nous allons décrire passèrent presque inaperçus en France. Mais les Allemands ne les ont pas laissé perdre, ils s’en sont emparés ; comme par droit de conquête, G. Rose, de Berlin, en fait l’objet d’un long mémoire qu’il publie triomphalement dans le numéro de mars des Annales de Poggendorf, pour 1873. Bon Allemand, ce pirate scientifique ne fait que citer M. Marrens du bout des lèvres, quoiqu’il n’ait rien ajouté d’essentiel à la communication originale qu’on peut lire dans les Comptes rendus de notre Académie des sciences.
Le seul service rendu par l’auteur allemand, c’est qu’il a accompagné son travail de quelques figures. Nous avons fait copier la plus intéressante d’entre elles.
MM. Laurier avaient à émailler le support en or de deux diamants d’un grand prix servant de boutons de chemise. Ils crurent que le diamant soustrait à l’influence de l’air et chauffé dans un moufle ne serait point attaqué à la température relativement assez basse, suffisante pour exécuter l’opération de l’émaillage. Quelle ne fut pas leur surprise en s’apercevant que la surface du diamant s’était couverte de taches noirâtres, semblant provenir de ce que le charbon dans lequel il avait été enfermé s’était soudé à la surface ! Passé à la meule, le diamant reprit son éclat primitif. L’altération n’avait été que superficielle.
M. Marrens, consulté, choisit des diamants de belle eau et de taille régulière, qu’il fit chauffer et qu’il soumit à l’action de l’air pendant un temps très-court. Puis il examina le diamant qui avait subi cette opération avec un microscope grossissant 360 fois.
Le physicien de Marseille aperçut sur les faces polies de la pierre de nombreuses petites facettes produites par l’apparition de triangles équilatéraux. Ces triangles appartiennent à des octaèdres juxtaposés et orientés avec précision, de manière à envoyer à l’œil le reflet de toutes les faces triangulaires homologues. Lorsque l’action est exercée sur des diamants à facettes courbes, propres à couper le verre, les facettes se réunissent de manière à former de longs filaments affectant la forme de véritables arabesques. En examinant ces filaments avec un pouvoir grossissant considérable, on voit qu’ils sont formés de facettes triangulaires semblables à celles qui se montrent isolées dans les autres parties de la surface. La seule différence est que ces prismes sont fortement serrés les uns contre les autres. Même avec le grossissement ordinaire, il est déjà facile de voir que ces longs prismes sont terminés par des facettes triangulaires équilatérales. On peut comparer cette étonnante propriété à celle qui distingue certaines substances recevant des cicatrices cristallisées quand on les dissout lentement dans l’acide chlorhydrique. Nous ne nous chargeons point d’expliquer comment il se fait que la combustibilité du diamant offre une régularité si merveilleuse. Mais il nous paraît que cette sorte de décomposition anatomique est de nature à mettre sur la trace de la constitution intime de la gemme, dont la production naturelle est encore un des plus profonds mystères de la nature. Nous livrons le fait brut tel qu’il a été donné par M. Marrens et tel que G. Rose, de Berlin, l’a, par conséquent, laissé aux méditations des chercheurs.
(Le diamant est représenté en vraie grandeur dans le cercle noir en haut de la gravure.)