Carnets de voyage, 1897/Du Mans à Rennes (1863)

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Librairie Hachette et Cie (p. 35-36).
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1863


DU MANS À RENNES


Rien de grand, mais un des plus agréables pays que j’aie traversés.

Tout est vert ; presque point de blé, deux ou trois champs de sarrasin ; le reste est en pâturages, chaque pré entouré d’une haie vive, large, pleine de chênes. Ces chênes sont humectés par des pluies incessantes. Il pleut à Rennes de deux jours l’un. Si loin qu’on aperçoive, toujours reparaît le même spectacle, des petits coteaux verts ondulant avec ces bouquets de chênes si vivants, si frais, au feuillage lustré, luisant, qui réjouit l’œil comme un beau son clair réjouit l’oreille. Parfois le terrain est argileux et l’eau stagne. Alors des bandes vertes d’un éclat inexprimable sillonnent le pré de leur émeraude ; des flaques d’eau immobile luisent entre les joncs et les prèles. Çà et là un ou deux étangs qui, sous un vent faible, développent incessamment le bataillon mouvant de leurs plissures ; cette grande tache noire et brune, avec son ondulation tranquille, est étrange et surprenante ; une mouette y vole lentement, ramant de ses grandes ailes crochues, comme à la mer.

Pendant tout le voyage, les grands nuages charbonneux, chargés d’eau, voguaient lourdement ou fondaient sur les têtes vertes des chênes.