Caroline et Saint Hilaire

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CAROLINE

ET

SAINT-HILAIRE.
CAROLINE

ET

SAINT-HILAIRE,

OU

LES PUTAINS

DU PALAIS-ROYAL.

ORNÉ DE DIX GRAVURES.

TOME PREMIER.

LONDRES.
DANS UN B…

1784.

AVIS

DU TRADUCTEUR.



Je suis persuadé que le plus grand nombre des lecteurs va révoquer en doute la certitude que cet ouvrage soit une traduction de l’italien. Comment peut-il se faire, vont-ils dire qu’un ouvrage dont la scène paraît se passer en France, à Paris même, dont la topographie est si exacte, dont tous les caractères et les noms sont français, ait été composé et imprimé en Italie ? Cette objection, la seule qui puisse être vraisemblablement proposée, va tomber d’elle-même par les réflexions suivantes : d’abord, je pourrais dire les mémoires de la célèbre C…m, où n’ont-ils pas été imprimés, en Allemagne avant de l’être en France ? Mais il n’y a pas entièrement parité, diront les critiques, puisqu’alors il faudrait que l’héroïne fut française et que seulement l’ouvrage eût été imprimé en italien ; aussi je ne m’arrête pas beaucoup à mon argument ; mais n’est-il pas vrai que souvent, et même presque toujours, les auteurs qui craignent que l’on arrête leur écrit, ou qui attaquent des personnes dont ils ont à craindre le ressentiment, changent le lieu de la scène et feignent qu’un évènement qui se passe près d’eux, a lieu au contraire chez une nation étrangère, dont ils donnent les caractères, les mœurs, les noms à leurs héros ? Tous les ouvrages allégoriques sont faits de cette manière. Voyez les Lettres d’Aspasie, les Lettres Persanes, etc., etc. Eh bien ! chers lecteurs, il en est de même de cet ouvrage, les événemens ont eu lieu en Italie, et l’éditeur italien, que je connais particulièrement, pour déjouer les poursuites de son héroïne, affirme que cette histoire très-véritable s’était passée en France et c’est pour cela qu’il a si bien suivi la topographie. Il paraît quoiqu’il en soit que cet éditeur est aussi habile géographe qu’énergique historien ; car il faut avouer qu’il désigne juste ; au surplus une autre raison, non moins convaincante que les précédentes qui triomphera absolument des incrédules, s’il y en avait encore après ce que je viens de dire, c’est qu’il est impossible que parmi nos nouvelles parvenues françaises, il s’en trouve d’aussi dévergondées que Caroline et qu’en conséquence il n’est pas possible que cette héroïne soit française. Que l’on demande plutôt aux riches fournisseurs Lisette N.... Catiche N… Goton N.... Nanette N.... Toutes brillantes parvenues et qui connaissent bien toutes les dames de la nouvelle France ; elles vous diront que si on attribue de pareils passe-temps à quelques-unes d’elles, ce serait mentir de presque moitié, après cela chers lecteurs vous êtes convaincus, je pense ; ainsi je me tais.


Noc ed Liop.



DÉDICACE.


L’EDITEUR A L’AUTEUR.



Je ne puis mieux dédier qu’à vous même Caroline, l’histoire dont vous êtes la brillante héroïne et que votre main savante a tracée avec une plume trempée dans le foutre brûlant ; le public qui ne connaît encore que vos charmes, va donc être instruit de tous vos hauts faits ! Semblable à César qui sut conquérir le monde et écrire ses triomphes, vous avez su conquérir nos cœurs et nos vits et peindre leurs défaites. Tour à tour muse de l’histoire et prêtresse des plaisirs, on ne saura qui l’on doit plus louer en vous ou du talent de Minerve ou du cul de Vénus, vous allez, peut-être vous plaindre, de ce que sans vous consulter, je vous lance tout à coup au plus haut degré de gloire où une fille puisse prétendre ; mais c’est la crainte même de cette modestie qui m’a empêché de vous prévenir, bien persuadé que des vertus comme les vôtres aiment encore à fuir la publicité, ainsi les efforts que cette modestie vous aurait engagée à faire près de moi, l’auraient peut-être emportés sur l’utilité publique et l’intérêt de votre gloire : j’ai donc préféré trahir votre modestie pour la débarrasser du soin de se défendre ; mais, si c’est là une excuse passable pour vous avoir livré à l’impression, en ai-je une aussi solide à vous présenter pour justifier l’espèce de larcin qui m’a mis votre histoire entre les mains ? Je vais vous en laisser juge, ainsi que le public. Peut-être que l’exposé naïf de l’aventure qui me procura ce manuscrit me disculpera à ses yeux et aux vôtres.

Depuis deux mortelles heures vous le savez, j’attendais avec la plus vive impatience, dans votre délicieux boudoir le quart-d’heure de rendez-vous après lequel vous me faisiez soupirer depuis six mois, brûlant d’amour, et impatient de plaisir, j’avais déjà baisé mille fois les objets charmans qui ornaient ce séjour heureux de ma félicité future, d’instant en instant, la fidèle et sémillante Minette venait distraire mon impatience et me dire toujours, pour excuse de votre retard, que monsieur était encore au lever de madame ; mais qu’il ne tarderait pas à la laisser libre. Après avoir enfin entendu dix foix les petites consolations de Minette, avoir parcouru les romans, les gravures, les jolies polissonneries qui embellissent ce lieu de volupté et qui ne faisaient qu’électriser encore tous mes sens en enflammant mes idées, je vais machinalement m’appuyer près de votre secrétaire, machinalement encore j’en tire la tablette, elle cède et le secrétaire est ouvert. Une inscription me frappe ; je lis : Secrets de l’Amour. L’idée de voir si mes romances, si mes lettres dictées par l’amour le plus emporté occupaient une place parmi ces secrets, s’empare de mon esprit et ne me laisse pas le temps de réfléchir. Je cherche donc, mais un seul cahier s’offre à mes recherches, il portait pour titre : Mon Histoire. Je l’ouvris lorsqu’un bruit qui se fait entendre dans le salon, me porte à fermer le secrétaire ; le cahier me restait à la main. Comme je croyais ce bruit occasioné par l’approche de quelqu’un, la crainte d’être surpris me fait mettre le manuscrit dans ma poche, bien résolu de le remettre à sa place quand je le pourrais commodément, le bruit cessant, j’ouvre la porte, j’entre dans le salon, pour voir qui l’avait occasioné. Qu’aperçois-je, Minette sur le canapé aux prises avec un joli jeune homme, cette vue m’éclaire, je me crois la dupe de la soubrette et de la maîtresse : indigné, je m’élance pour sortir. Minette effrayée, se débarrasse de son Adonis et courant vers moi, me crie, monsieur rentrez, vous nous perdez… Ce n’est point par là… vous allez à la chambre de madame !… En effet, j’avais la tête troublée, et au lieu de prendre la porte de la salle pour sortir, je prends la porte de votre appartement ; mais c’était fait ; j’étais entré. Et quelle seconde scène s’offre à mes yeux, vous Caroline ! belle comme Vénus, nue comme l’Amour entre les bras d’un laquais !… J’étais honteux pour vous-même, je l’avoue ; mais quelle fut ma surprise, ou plutôt ma fureur, lorsque, sans avoir l’air de m’apercevoir, sans autre tort que celui d’une maîtresse qui gronde, vous vous récriez contre Minette qui laisse pénétrer jusque chez vous un imprudent, un inconnu, un coquin, sans doute que vous allez faire jeter par les croisées !… Outré d’une telle indignité, j’allais dans mon désespoir brûler la cervelle à ce vil butor à qui l’on me sacrifiait, lorsque l’adroite et toujours prudente Minette, me tirant avec force hors de votre chambre, me dit froidement : étourdi que vous êtes, on vous expliquera tout cela, rien n’est encore perdu, si vous voulez… Je la repousse sans l’écouter, et je sors désespéré, bien résolu de me venger. Retiré chez moi, j’en cherche inutilement les moyens, un projet détruisait l’autre ; je fus tout à coup distrait par le souvenir que je tenais dans ma poche, un manuscrit qui pourrait peut-être me servir. Je l’ouvre avidement et je lis l’histoire… qu’on verra ; après l’avoir lue, on ne sera pas étonné que tant de brillans exploits m’aient reconcilié avec une si grande héroïne. La haine et l’amour de la vengeance ne tiennent pas contre un grand cœur qui doit être au-dessus des torts. Aussi en lisant avant tout l’avis suivant, le public verra bien que le sentiment qui guide ma plume, fait plutôt l’éloge que la satyre de mon héroïne, c’est-à-dire, de vous, ô Caroline !




AVIS

AU PEUPLE FOUTEUR.



Je vous présente l’histoire d’une grande fouteuse écrite par elle-même, c’est-à-dire, une femme célèbre qui fera époque dans nos annales, et que cela ne vous étonne pas ; l’amour de la fouterie à toujours été le sceau qui a distingué les héroïnes. En effet, dans tous les siècles et chez toutes les nations, ces femmes étaient des fouteuses, qu’on consulte les annales des empires, qu’on parcoure l’histoire des républiques, qu’on compulse le livre des sciences et des arts, partout on trouve que ce sont des fouteuses qui ont remué les empires, soutenu les républiques, agrandi le domaine des arts. Messaline foutait avec les gendarmes de l’empereur son mari, et gouvernait l’empire. Esther, livra son cul à Assuérus et fit une révolution. Thebé, femme d’Alexandre, tyran d’Éphores, foutit avec ses trois frères pour obtenir d’eux la mort du tyran… La fameuse pucelle foutit avec Dunois et reconquit la France. Élisabeth foutit avec ses gens. Catherine, avec ses généraux. Thérèse, avec ses capitaines ; sa fille avec des abbés et des commis, et toutes ces fouteuses comme on sait ébranlèrent le monde ; dans les états libres quel bien ne firent pas les fouteuses ? Elles étaient les meilleures citoyennes.

Laufella, dame romaine, qui comptait la chasteté pour une vertu de dupe et se conduisait en conséquence, était une excellente patriote. Léonide, citoyenne de Lacédémone, jurait par Castor et Pollux qu’elle aimait à foutre, parce que cela faisait des enfans pour la patrie. Dématrion, de même, célèbre lacédémonienne, disait en apprenant la mort de son fils à l’armée ; mon fils est mort soit ; mais le vit de notre voisin ne l’est pas. Lœna, athénienne, qui foutait avec les portefaix du port, se coupa la langue avec ses dents pour ne point trahir les patriotes, Harmodius et Aristogiton. Aspasie qui foutait avec toute la jeunesse de Milet, de Micène et d’Athènes, gouvernait le grand Périclès de la Grèce.

Épicaris, romaine, s’étrangla avec sa ceinture pour ne point trahir les conjurés contre Néron, et elle avait foutu avec Néron et les conjurés. Les femmes Gauloises qui formaient un sénat qui délibérait de la paix et de la guerre pour le maintien de la liberté, étaient des fouteuses publiques ; mais elles n’aimaient pas les prêtres, et c’est pour ne pas avoir voulu foutre avec les Druides, que ceux-ci firent détruire leur tribunal.

Parmi les célèbres, on peut citer la fameuse Daphné, prêtresse grecque, dont Homère a emprunté les plus grandes beautés de son Iliade et de son Odyssée. Daphné foutait sur les places publiques avec ceux qui trouvaient ses vers jolis. Astianassa, chambrière de la fouteuse Hélène, fit le livre Devarüs concubitus modis, d’après son expérience et celle de sa maîtresse. Éléphantine et Phinécis allèrent plus loin, et augmentèrent le livre ; ce qui suppose qu’elles foutirent plus encore que leurs modèles. Phryné et Laïs, vérifièrent les arts et foutaient avec les philosophes et les écoliers. Spilembergue, vénitienne, dont les tableaux étaient confondus avec ceux du Titien, son contemporain, foutait avec ses modèles et les broyeurs de couleurs. Je ne finirais pas si je voulais dérouler le tableau de toutes les fouteuses dont l’histoire nous a transmis les noms avec éclat. Pour une Marie Coronel, qui pour ne point succomber à une violente tentation d’être infidelle à son mari se fit mourir en s’enfonçant un tison ardent dans le con, combien on trouve de femmes qui s’y passent autre chose sans en avoir la tentation, et qui sont fort applaudies par leur siècle et par la postérité. L’héroïne célèbre dont vous allez lire les hauts faits, mérite, sans doute d’occuper une place parmi les femmes que je viens de citer, parce que toutes les femmes sont ses modèles, et il est bien à présumer qu’après avoir fait de si grands progrès et tant de choses si différentes pour augmenter ses propres connaissances, elle consacrera enfin à l’instruction publique et au bonheur commun le reste d’une vie, pendant laquelle elle peut acquérir une gloire plus universelle et voler à l’immortalité.




APPROBATION.


L’AUTEUR A L’ÉDITEUR.



J’ai lu votre Dédicace et votre avis au peuple fouteur ; je n’ai rien à vous dire sur l’avis ; mais pour répondre à la Dédicace, je vous dirai que votre conscience soit tranquille, ma modestie vous pardonne l’impression, ma bonté oublie le larcin. Et quant à votre colère contre ce prétendu laquais, je vous en punirais, si ce que je vais vous dire ne me vengeait pas assez. Sachez donc que cet amant favorisé, ce prétendu butor que vous ne voyez qu’à travers votre passion ; est le beau St.-Far, et que votre joli jeune homme était son laquais, qui batifolait avec Minette. Pourquoi ce déguisement, direz-vous ? C’est un petit jeu d’amour que je veux bien vous expliquer : mon mari est un imbécile, un homme à préjugés, qui s’est avisé d’être jaloux de St.-Far, et de me le défendre. St.-Far a pris le parti du déguisement, vous voyez que ce n’est point une précaution inutile, puisque cela nous réussit. Si donc vous aviez moins écouté votre mauvaise tête, on se serait expliqué avec vous, on vous eut dit que St.-Far devant partir pour un assez long voyage, avait pénétré chez moi à l’instant où j’allais passer en mon boudoir ; mes liaisons avec Saint-Far, que vous connaissiez, puisque vous avez mon histoire, ne me permettaient pas de le renvoyer. St.-Far est-il un amant qui ne doive pas passer au-dessus des considérations ordinaires ? Mais non, Monsieur est un de ces merveilleux du jour, qui veulent que quand une femme trahit son mari, ce soit exclusivement pour eux. Eh ! quel mérite, jeune présomptueux, aviez-vous encore à mes yeux pour vous sacrifier et mon amant et mon mari ? Est-ce ma faute à moi, si quand une femme veut vous favoriser et vous promet un rendez-vous, vous n’avez pas même le courage de lui faire le sacrifice de votre impatience, ni assez de confiance en son amour pour ne point vouloir pénétrer ses mystères ? Songez de quel plaisir vous vous êtes privé par votre étourderie : St.-Far allait partir, et, pendant deux grands mois, vous eussiez pu remplir la place vide qu’il laissait dans mon cœur. D’après cette aventure, n’oubliez jamais, si vous voulez avoir quelques femmes, que quand même vous la verriez dans les bras d’un autre ; si elle vous le nie, vous devez l’en croire sans réplique, parce que vous devez plutôt croire votre maîtresse que vous-même. Adieu, petit sot ; faites imprimer. Comme mon mari ne lit jamais que le Cours des Changes, cela m’est égal ; au contraire, cela m’amusera beaucoup, parce qu’on se foutera de vous, de ce que vous ne m’avez pas foutu.




CAROLINE

OU

MES FOUTERIES.




LIEU DE LA SCÈNE :


Galerie du Palais-Royal, du côté de la rue des Bons-Enfans. Les premiers jours du printemps. Il est six heures du soir.


Veux-tu monter, mon ami ? Pardieu, tu parais jolie ! mais es-tu bien complaisante ? — Écoute ; j’ai les tétons fermes, le cul blanc, le con divin : eh bien ! ma complaisance surpasse encore la fermeté de mes tétons, la blancheur de mon cul et la beauté de mon con. — C’est ce que nous allons voir : je te suis. — Viens par ici, prends garde à la rampe… Ce n’est pas haut ; c’est au deuxième : nous y voici… donnes-moi la main… Entre… Minette, de la lumière et des sièges… C’est bien ; je te sonnerai quand j’aurai besoin de toi. — Elle est ma foi charmante. — Allons, viens t’asseoir sur le canapé… Oh !… petit libertin… ah !… tu es trop pressé… allons, mon ami, fais-moi ton petit cadeau. — Ma belle, à ton tour, tu es bien pressée ! Auparavant, consultons ma bourse… ; allons, voilà un louis, si tu me plais… Mais ma foi, plus je te considère, plus je te trouve de ressemblance avec la plus adorable personne… que j’ai eue un jour bien singulièrement. — Et que m’importe ta ressemblance ? — Mais, en vérité, c’est elle ! c’est toi ! n’as tu pas une petite tache près du bijou ?… Mais oui, eh bien !… — Ah ! grand dieu, voyons… laisse… laisse donc voir… Eh ! oui, foutre, plus de doute… Quoi ! c’est toi… Caroline ! c’est toi que je vis à Arcis, près de Nancy ! c’est toi que j’enlevai du sein des eaux, que je transplantai toute nue sur une mousse épaisse et fleurie, et à qui je ravis, moitié de gré, moitié de force, le plus beau présent des dieux, ton charmant pucelage. — Quoi ! tu es St.-Far ? oh ! petit monstre ! pardonne-moi de ne t’avoir pas reconnu. Quoique je ne t’aie jamais vu que deux fois ; la première où je te rencontrai si singulièrement ; la seconde où te me le fis si bien ; je n’aurais pas dû t’oublier, car une femme reconnait toujours l’amant à qui elle s’est donnée, fût-ce au milieu des ténèbres. — Mais, trop aimable coquine, quelles sont les aventures qui t’ont entraînées dans l’abîme où je te vois ? Comment se peut-il que je te trouve au Palais-Royal ? toi que j’ai cru digne d’habiter un palais ; mais un autre que celui-ci ? — Ma foi, mon ami, je te dirai cela cette nuit, car j’espère que tu me la donnes toute entière ; quant à présent, contente-toi de recevoir mes excuses du ton infâme que j’ai pris en t’abordant ; mais, mon bon ami, les hommes sont si dépravés, si blâsés, si usés, qu’il n’y a plus que les cochonneries, tant en paroles qu’en effets, qui les attachent ou les attirent. Malheureuses, mille fois malheureuses les filles perdues qui sont contraintes, pour exister, de se livrer à de tels excès de corruption ! Mais qu’il te suffise de savoir pour le moment que je suis encore digne d’être conquise par toi ; que depuis plus d’un grand mois je suis vierge ; que depuis près de quinze jours seulement que je suis au Palais-Royal, aucun homme n’a souillé mes nuits, et que l’état affreux de fille publique, dont quinze jours ont suffi pour m’apprendre l’affreuse turpitude et l’horreur, m’est plus odieux que la plus affreuse misère. Je me crois donc au comble du bonheur de t’avoir rencontré, parce que je te crois galant homme, et que j’espère en toi. Mais c’est assez de moralité pour le moment ; je m’abandonne à mon cher St.-Far : livre toi sans crainte à mes embrassemens, à tout ce qui t’inspirera le désir, ou un reste de ton ancien amour. — Eh bien ! oui, Caroline, ne vois en moi qu’un amant ; je te crois sincère, livrons-nous à la joie et au plaisir, et que le diable emporte la crainte et les remords !… Allons, abandonne-toi sans réserve, et laisse-moi dévorer tes charmes, m’énivrer du plaisir de le faire cent fois, si je le puis. — Ah ! que dieu Priape exauce tes vœux ! Loin de moi ce fichu importun ! Quelle peau charmante ! Un cou d’ivoire !… Je brise ce lacet qui retient captifs deux boutons de rose… quelle couleur vive et fraîche ! poil folet agité par le souffle de l’amour ! quelle élasticité ! quel beau sein soulevé avec précipitation par le désir enflammé ! Oh ! St.-Far, comme tes mains me brûlent ; elles se promènent comme une flamme dévorante sur tout mon corps ; elles m’embrâsent. Ote-moi ce vêtement incommode… Ah ! fripon ! tes mains s’égarent avec fureur ; tu soulèves mes jupons trop dociles…


Ah ! fripon, tes mains s’égarent, tu soulèves mes jupons

Plus lentement, prolonges nos plaisirs. Je veux tout voir, tout sentir, tout dévorer. Loin de moi ce petit soulier qui tient caché ce joli pied ; loin de moi ce bas trop heureux, qui serre et enveloppe une jambe divine !… Quelle peau douce et agréable, veloutée ! Quelles cuisses fermes et brûlantes, colonnes mobiles et actives du temple de la volupté. Quelle ivresse ! oh ! plus de jupons, plus de voiles, insolens gardiens du sanctuaire des plus grands délices ! — Comme tu m’arranges, Saint-Far… laisse… finis… oh ! laisse au moins ma chemise. — Non, de par Priape ! tu seras nue, nue comme la fille de Jupiter dans les bras de Mars. — Eh bien ! petit roué, mets-toi aussi dans la posture de Mars et que rien n’y manque. Vois, tout habillement est disparu. — En effet, c’est bien, voilà jusqu’aux traits du dieu ! mais, non, celui de Mars, je le parie, ne remplit pas mieux la main de la déesse, que le tien ne remplit la mienne… Le voilà bien fier et menaçant, ce trait vainqueur, qui me fit au bord de l’onde une si profonde blessure… blessure charmante… mal divin… — Allons donc, lève cette chemise ; le combat commence… je serai digne d’un tel rival… — Dieu, comme tu pousses… C’est une fureur… Ah ! St.-Far, ménage ta Caroline !… quelle ivresse !… quelle douleur !… quelle volupté !… — Serre-moi, Caroline, presse, agite-toi… Ah ! quel plaisir !… je te dévore… ta langue dans ma bouche… darde avec vitesse… j’expire de volupté !… — Je meurs dans des torrens de délices… tu m’inonde d’un foutre brûlant qui m’enflamme… — Ah ! tu réponds à mes coups… je sens ton foutre qui vient de se mêler avec le mien, serre-moi dans cette ivresse !… — Avance !… — J’enfonce !… — Tu vas m’atteindre le cœur ! — Je voudrais que tout mon être pût se placer dans ton con. Ah ! que ne suis-je tout foutre ! — Et moi, que ne suis-je tout vit ! — Ah ! pour que je respire enfin, retire-toi, St.-Far. — Non, je veux y mourir. — Songes que nous avons la nuit à nous, car tu me la donne, n’est-ce pas ? — Comment ; c’est moi qui t’en conjure. — C’est entendu : sonne Minette…

Minette, de l’eau tiède et du linge. — Oui madame ; je reviens à l’instant. — Vois, St.-Far, comme tu m’as… tu m’as… sais-tu bien que tu vaux encore un pucelage. — Ah ! ah ! ah ! — Eh ! de quoi ris-tu ? — C’est que je me rappelle que tu me disais, il y a un instant, avoir eu mon pucelage, lors de notre première aventure, et qu’il n’en était rien. — Il est bien singulier que les hommes croyent savoir quelque chose là-dessus ; mais le plus fin y est toujours pris ; tu l’as été, mon ami. Comme tu le sauras quand je te raconterai mon histoire… Mais, Minette est bien long-temps… Ah ! la voilà… Tiens, St.-Far, passe dans ce cabinet, éclaire Minette… Que je suis heureuse de ma rencontre du jour !… Eh bien ! Minette, que dis-tu de mon amant ?… Il est adorable, n’est-ce pas ? Allons, donnes-moi mon négligé avec lequel tu dis que je suis à croquer… bien… St.-Far, soupe et couche ici ; mais en attendant le souper, tu vas nous donner une légère collation. — Oui, madame, je sors et reviens à l’instant. — Ah ! St.-Far, rentre. — Comment, déjà r’habillée ; quelle galanterie ! quels charmes tu me présentes… Oh ! vrai, sans ta sévère défense, je serais encore bien téméraire ; je me vengerais… Quoi, Minette apporte du malaga, des biscuits, du sucre ; c’est divin !… Oh ! c’en est fait, Minette ; je m’installe dans ce nouveau paradis terrestre. — Ah ! ça, St.-Far, je t’ai promis le récit de mes aventures ; mais avant, je veux savoir ce que tu viens faire à Paris, et par quel événement nous avons pu nous rencontrer, toi que j’ai cru dans l’autre monde. Caroline, mon histoire ne sera pas longue, parce que je ne dirai que ce qui peut avoir quelque rapport entre nous.

J’avais eu, dès les premiers temps de la révolution, le sot orgueil de l’émigration. J’étais à Coblentz, lorsque le délai pour rentrer en France, sous peine d’être traité comme criminel d’État, me parvint, je quitte mes sots compagnons ; je prends la poste, et, voulant me rendre à Paris, je passe par Strasbourg, Metz, et ma voiture se brise à quelques lieues de Jouy. Mon accident attire près de moi beaucoup de monde, et parmi la foule se trouve un jeune officier de mes anciens amis, qui était venu de la ville voisine passer quelques jours à la campagne. Il me pria d’accepter un lit chez lui, jusqu’à ce que ma voiture fut raccommodée. J’acceptai : il me conduisit souper au château. Nous passâmes la soirée la plus délicieuse, et la nuit était déjà fort avancée lorsque nous sortîmes. Il faisait un clair de lune superbe ; nous étions entre deux vins ; mon ami me dit : si tu veux, Saint-Far, nous achèverons la nuit comme nous l’avons commencée. Je connais deux femmes charmantes au village voisin, il n’y a pas une demi-heure de chemin en traversant la rivière ; le bac est derrière ma maison, et le conducteur complaisant ne se refusera point de se lever pour nous passer. Le projet me paraît divin. Le batelier nous passe, et bientôt nous sommes dans la prairie qui touche au village, lorsque des cris étouffés, des plaintes réitérées se font entendre.

Nous volons au bruit en criant : nous arrivons. Nous apercevons, à la clarté de la lune, deux personnes qui fuyaient, et nous voyons étendue, presque sans connaissance, une fille charmante ; c’était toi. Quelle impression divine tu fis alors sur mes sens… tes charmes à moitié voilés, et que la blanche clarté de la lune embellissait encore, ton désordre, ta langueur, tout intéressait mon cœur pour toi. Nous te conjurâmes de nous dire si tu voulais être vengée, et quels étaient tes ennemis. — Ah ! je lui pardonne, nous dis-tu avec douceur ; c’est un amant malheureux qui se dit indigné du mépris dont j’ai payé son amour, et qui, presque dans les bras de ma mère, au milieu de la nuit, vient de m’enlever, et voulait me contraindre à le suivre. Sa chaise de poste était à l’entrée du village : il allait, aidé de son domestique, me forcer à y monter, lorsque je m’élançai dans cette plaine, résolue de me jeter à l’eau plutôt que de céder à ce cruel adorateur ; un faux pas m’avait renversée, ils me saisissaient enfin lorsque vous êtes accourus, et que vous êtes venus me sauver l’honneur et la vie. Emus par ce récit, nous te demandâmes la permission de te reconduire à ta maison, tu nous en prias même, et arrivée chez toi ; sans rien nous dire, sinon que tu te nommais Caroline, sans nous accorder la permission de te venir saluer le lendemain, tu nous donnas à chacun un baiser et tu disparus… Ce baiser… Mais pourquoi ces rires étouffés pendant mon récit ? — Ah ! ah ! je te dirai tout cela dans mon histoire, et tu riras comme moi. Allons, continue : — Ce baiser donc… Eh bien ! ce baiser me rendit le plus amoureux de tous les hommes, et je dis à mon ami que je t’aurais, dût-il m’en coûter la vie, où je brûlerais la cervelle à mon rival. La partie projetée n’ayant pas eu lieu d’après cette aventure, nous retournâmes à Jouy. Le lendemain, je revins au bourg qui possédait tout ce que j’adorais ; mais ce bourg était si grand, et je ne pus m’assurer de la maison qui renfermait l’objet de mon amour, mes perquisitions furent inutiles. Le soir, me promenant tristement sur le bord de la rivière, je m’enfonce dans les saules, où un bras de cette rivière se roulait lentement en faisant différentes sinuosités ; au centre, l’eau formait un bassin, dont les bords ombragés et couverts d’un épais herbage, semblaient servir de retraite aux Naïades. Je n’eus pas fait quelques pas dans ce séjour enchanté, que je vis deux femmes simplement couvertes de leurs chemises, qui, dans un léger batelet, se promenaient sur la rivière, dont les eaux les plus tranquilles n’étaient agitées que par le doux souffle des Zéphirs. Quelle fut ma surprise et ma joie quand je vis que l’une de ces femmes était mon adorable inconnue ! Je voulus me jeter au sein des eaux ! j’hésite… je crains… ; mais bientôt ma passion, ma fureur, l’emportent, je quitte mes vêtemens, je me précipite nu : et, plongeant jusqu’à toi, je renverse la nacelle, et vous jette toutes deux au milieu de la rivière. Ensuite, sans m’embarrasser de ce que deviendrait ton importune compagne, je te saisis et t’emporte sur le rivage, sous des saules qui se courbent en façon d’arc. La frayeur t’avait fait perdre l’usage de tes sens ; je t’enlève ta chemise et te couvris de mes baisers brûlans ; je dévorais de mes mains, de mes yeux tous tes charmes. C’est alors que je vis cette tache rose qui vient de te faire reconnaître ; et ma passion l’emportant enfin sur toute considération, je te violai du mieux possible. Tu jetas un cri à mon premier triomphe, et j’eus beaucoup de peine à l’obtenir ; ce qui me fit penser que je conquérais un pucelage. Tu ne semblais pas revenir de ton évanouissement, lorsqu’au second assaut tu ouvris languissamment les yeux, et tu me dis en soupirant,… monstre… qui es-tu ?… quelle est… ton… audace ? Ne vois, te dis-je alors, qu’un amant qui t’adore ! C’est moi, c’est St.-Far, qui t’a sauvé de la violence d’un ravisseur que tu détestes. Il me sembla voir un instant le sourire errer sur tes lèvres, tu ne m’as donc sauvé l’honneur, repris-tu doucement, que pour mieux assouvir ta fureur ! tu profites de ma faiblesse… je ne puis plus parler… j’expire… Pendant ce dialogue, je fournissais une seconde carrière ; tu parus enfin partager mes plaisirs. Alors, je te proposai de partir, t’offrant ma fortune, qui était immense à Marseille. Pendant ce temps, je te poussais toujours ; et, pour la sixième fois, l’amour rallumait mon flambeau, lorsqu’à travers les feuillages qui nous couvraient de leurs toits protecteurs, je vis paraître la tête d’un jeune homme.


Je vis paraître la tête d’un jeune homme.

Cette tête fut pour moi la tête de Méduse ; j’eusse voulu le changer non en cerf, mais en crapaud, pour écraser à l’instant ce maudit Actéon, qui souriait malignement en dévorant tes charmes nus. Je te couvre tout-à-coup de mon manteau, et je crie en même temps au curieux indiscret : impudent, à quinze pas d’ici, où tu es mort.

Au lieu de s’éloigner, il s’élance vers moi, et me dit en me serrant fortement la main : « Ainsi, il est inutile de t’habiller, je vais me mettre nu comme toi, j’ai une excellente paire de pistolets et celui qui tuera l’autre, possédera la belle sur laquelle au surplus, j’ai des droits aussi sacrés que les tiens. » Je ne savais trop que répondre à cette singulière apostrophe. Pendant que j’hésitais, il jetait ses vêtemens et bientôt nu, il me présenta d’une main une paire de pistolets, en tenant de l’autre un priape ferme et vigoureux qui semblait me menacer de sa tête altière. Accepte, me dit-il, ou je tire, furieux enfin d’une audace si outrageante je prends un pistolet ; le sort veut qu’il tire le premier : il me manque, je riposte et quoiqu’animé par la rage, j’ajuste bien et le priape insolent d’un ennemi encore plus insolent, reçoit la balle meurtrière. Je le vois soudain baisser, tomber et entraîner dans sa chute le malheureux devenu eunuque, qui ne prononce en mourant que le mot f....., cet incident réveille tout à coup en moi, l’idée du danger où je me trouve, et je crus qu’il était prudent de fuir. Comment, me disais-je, noyer une fille, violer une vierge, tuer un homme ! Il n’y a pas à balancer, fuyons, je veux cependant te dire adieu, et voir ta résolution dans ce moment extrême. Je retrouve bien le lieu de nos plaisirs, mon manteau, mais Caroline est disparue. Cette disparution subite vient augmenter mon trouble ; je crois voir la justice à mes trousses ; sans prendre le temps de m’habiller, je me saisis de mon manteau, je passe la rivière à la nage, et je me rends chez mon ami à qui en trois mots, je conte mon aventure, nous montâmes sur le champ à cheval à poil. Moi toujours sans autre habillement que mon manteau, me voilà les cuisses nues sur le dos du cheval, gagnant ventre à terre la ville voisine. Là, je me déguise et prenant la poste, je me rends enfin sans accident chez mon père. J’ai mille fois pensé depuis à cette aventure extraordinaire ; je n’ai encore pu parvenir à en savoir les suites, n’ayant reçu depuis ce temps aucunes nouvelles de mon ami.

Je suis enfin enchanté d’en retrouver l’aimable héroïne. Il est inutile de te dire ce que j’ai fait depuis cette époque, j’ajouterai seulement que depuis huit jours je suis à Paris pour recueillir des fonds de quelques lettres de changes tirées sur un fournisseur, ancien banqueroutier de Marseille ; maintenant riche créancier de la république dont il a déjà les meubles, les maisons et les bois. — Ma foi, mon cher Saint-Far, ton histoire m’a beaucoup amusée ; mais je crois que tu la trouveras beaucoup plus plaisante, quand je t’aurai dit certaines épisodes, qui au surplus ne la changent pas dans le fait ; mais la défigurent un peu dans sa cause et sa suite ; mais remettons mon récit jusqu’après souper.

Minette, tu vas nous servir. — Comment Caroline, c’est un luxe !… Quel est donc le cuisinier qui ?… — Ma foi, c’est Robert. — Sir Robert est un charmant homme : voilà des pigeonnaux exquis. — Goûte de ce plat de crêtes. — C’est parfait ; je n’en dis pas autant de son vin. — En général mon ami, on est assez mal servi en vin chez les restaurateurs du Palais-Royal ; ils ont bien autant qu’ils ont pu acheté les caves des émigrés ; mais les comités révolutionnaires les avaient visitées avant eux. Et tu sais comme ils les visitaient. — Ah ! oui, en les visitant ils emportaient la pièce, ma foi il faut l’avouer, il y avait si long-temps que les pauvres diables ne faisaient que rincer les bouteilles, qu’il était bien juste enfin, qu’ils vissent ce qu’on mettait dedans. — Allons toi, vois ce qu’il y a dans ce pâté. — Des rognons, des écrevisses, des truffes. Est-ce là de l’invention de Robert ?… Non, c’est Minette qui a inventé ce galimathias ; aussi ai-je donné à cette belle invention le nom de pâté Minette. — Allons buvons donc à la santé de l’auteur… Sais-tu bien qu’après un tel restaurant, tu dois trembler pour cette nuit, si par ton histoire tu n’as pas l’art d’arrêter ma flamme à laquelle tu fournis de si bons alimens. — Écoute, faisons des arrangemens, tu ne me le feras qu’au récit de la première faveur accordée à chaque nouvelle conquête que j’ai faite, et jamais pendant les épisodes. — Caroline, je puis t’assurer d’en avoir la volonté ; mais… diable par ce que tu me dis, tu me fais soupçonner que je pourrai bien être vaincu dans ces arrangemens. — Mais il me semble mon ami, que je suis de moitié dans le combat. Tu te laisseras donc vaincre par ton amante ! En vérité je te crois plus de courage, surtout après avoir dévoré deux pigeonneaux, un plat de crêtes, un pâté de rognons, et sablé deux bouteilles de bordeaux. — Ah ! petite coquine, tu persifles, je crois, j’accepte et le vaincu s’abandonnera à la discrétion du vainqueur. — Allons Minette, enlève les attributs de Bacchus et embellis l’autel de Vénus. — Mais qui sonne ! va voir Minette. — Madame, c’est un billet. — A moi ? — Voyez. — Voyons donc :


A la belle Caroline.

« Fille charmante, je vous ai vue hier dans une loge du théâtre de la Montansier ; j’étais en face de vous, près de la St.-Hilaire. Je lui ai demandé votre adresse, que la jalousie lui avait d’abord fait refuser, disant que vous étiez une nouvelle débarquée et qu’elle ne vous connaissait pas ; mais je sais que cette fille à la liste exacte des nouveautés du Palais-Royal, et deux écus lui ont fait entendre raison. Le bien qu’elle m’a dit de vous, en croyant m’en dire du mal, m’a fait désirer d’être votre amant, si un louis par jour pour vous voir un quart-d’heure, peut vous plaire, je me trouverai demain à votre lever, où nous cimenterons cet accord.


» Tout à vous. »

Sans signature, qui peut s’aviser de m’écrire ainsi ! Minette qui a apporté cette lettre ? — Un grand nigaud. — Fais-le entrer. Quel est ton maître ? Un jeune homme riche, libéral. — Et son nom. — Il m’a défendu de vous le nommer, disant qu’il veut vous le dire lui-même. — Il veut donc une réponse. — Il m’a ordonné d’insister pour en avoir une. — Eh bien ! je vais te la donner pour madame. Allons maraud, les culottes bas, les culottes bas, te dis-je, ou je te brûle la cervelle. — Oh ! mon Dieu, mon Dieu, que m’allez-vous faire, monsieur ? — Minette, le ballet, ne bronche pas malheureux, ou tu es mort. — Ohi ! ohi ! ohi ! — Allons, Minette frappe à tour de bras, sur le cul de ce gros coquin. — Ohi ! ohi ! ohi ! — Ferme, Minette, très-bien. — Ahi ! ahi ! ahi ! — Ah ! ah ! ah ! ah ! — Mon ami, j’étouffe de rire, c’est assez, laisse ce pauvre diable. On t’apprendra maraud à te charger d’une commission auprès d’une femme honnête ! Ah ! ah ! ah ! Va-t’en dire à ton maître que tu as fait l’expérience, que s’il veut se présenter pour en recevoir autant, on ne lui volera pas son argent ; dis-lui au surplus que la St.-Hilaire lui fournira des f...... qui ne lui demanderont pas un louis pour les verges… Minette, mets ce maraud à la porte. — C’est bien Caroline, oublions ce petit passe-temps, et songeons à nos plaisirs. — Minette, allons, vingt bougies dans le salon ; sur le parquet, mon charmant tapis, mon matelas fin, une paire de draps de mousseline, mon couvre-pied d’édredon, et six coussins. — Ah ! quelle attention, Caroline. — Tu n’oublieras pas deux douzaines de biscuits, deux douzaines de macarons, et la bouteille de rota. — Tu es une divinité ! — Eh bien ! fais en sorte d’être un dieu. — O mon amie ! quelle nuit charmante tu me présages ! Je le vois, je dois mourir de plaisir !… Madame, le salon est préparé. — Vas Minette, laisse libre le sacrificateur et la victime… Entrons, Si.-Far. — Mais que vois-je écrit en lettres de feu. « Ce temple n’est ouvert qu’aux enfans de la nature, loin d’elle toute parure et tout voile imposteur. » — J’obéis, allons, laissons nos habits à l’entrée du temple. — C’est fait. — Entrons. Des parfums, quelle douce odeur ! quels charmes ! quelle volupté ! tu m’enivres… Viens sur l’autel sacrifier au dieu. — Un instant St.-Far. Tu sais nos conventions, songe seulement à les remplir ; mais pour favoriser ton impatience je vais hâter mon récit. Asseyons-nous sur le duvet, j’espère que tu me tiendras compte de ma franchise ; elle sera parfaite. Je t’écoute. — Je commence : Un simple village, Saint-Genty, à quelques lieues de Lyon m’a vu naître. Orpheline en bas âge, je m’occupais sous la surveillance d’un de mes oncles des travaux du jardinage, lorsqu’une dame nommée Durancy que j’avais vue quelquefois dans notre village, parut jalouse de m’emmener avec elle. Mon oncle fort aise d’avoir trouvé l’occasion de se débarrasser de moi, qui était disait-il trop paresseuse pour son état, y consentit et je la suivis avec joie.

Il était nuit quand nous arrivâmes à Lyon ; nous descendîmes chez madame Durancy… On me fait monter dans une chambre superbement ornée, en me disant que c’était là mon appartement : on me sert à souper un instant après ; j’étais seule et je m’en acquittai fort bien. Après mon repas, j’examinai attentivement mon nouveau logis, j’en fus enchantée… Pendant près de six mois, aucun événement, qu’une vie très-simple et très-monotone. Je ne sortis pas une seule fois pendant ce temps ; à la vérité, j’avais mes journées remplies, et il me restait peu de momens pour la promenade, au surplus, je pouvais passer mon ennui dans un jardin superbe (qui m’était permis deux heures par jour) ; mais comme c’était l’hiver, je n’en profitai guère. Pendant ces premiers mois, j’étais occupée avec mes maîtresses de lecture, d’écriture, de danse, de forté-piano, et ce qu’elles me laissaient de libre, je le passais à lire dans des comédies, des romans. Je mangeais ordinairement seule, quelquefois cependant je dînais avec madame Durancy, qui me traitait assez froidement, et j’avais peine à concilier tout ce qu’elle faisait pour moi, avec son air de réserve et l’inutilité dont je lui étais, car j’avais d’abord présumé qu’elle m’avait prise pour sa femme de chambre ; mais l’éducation qu’elle me donnait n’entrait pas dans l’éducation ordinaire de ces sortes de gens. La seule chose dont j’étais privée, à laquelle je ne songeais pas d’abord, mais dont le temps, l’âge et un instinct de la nature, qui ne perd pas ses droits, me donnèrent un vif désir, c’était la vue des hommes. Je savais cependant qu’il en venait dans cette maison, mais je n’avais pu trouver l’occasion de les voir. Quelquefois, près de la cloison qui donnait à côté de mon lit, j’entendais parler, sans pouvoir distinguer ce qui se disait ; mais le son d’une voix m’assurait que c’était une voix d’homme, et me faisait palpiter le cœur sans en savoir la cause ; mais voilà tout ce que je pus découvrir avant les six mois expirés. A cette époque, mon visage, mes bras, mes mains avaient acquis de la blancheur, mes yeux de l’expression ; ma taille était formée ; je dansais bien, je touchais assez juste ; je chantais à ravir. Tels étaient les complimens de mes maîtresses, lorsque j’atteignis, avec le printemps, ma seizième année et les preuves tardives de ma maturité.

Je fus indisposée pendant quelques jours ; on fut alors près de moi aux petits soins, et ma santé reprit son éclat. Il me semblait qu’il s’était fait un changement dans tout mon être ; je devins triste, rêveuse, sans savoir pourquoi. Madame Durancy, dînant avec moi, m’en demanda la cause qu’elle savait bien ; mais, moi, ne pouvant la lui expliquer parce que je l’ignorais. Elle me renvoya dans ma chambre en me traitant de maussade. Je murmure : bientôt elle est sur mes pas, armée d’une verge légère ; elle me regarde avec une colère feinte, que je crois réelle. Elle me jette sur mon lit, me lève les jupons, me fait une longue remontrance, à laquelle le trouble où je suis m’empêche de rien comprendre ; elle m’appliqua maladroitement sur les fesses quelques coups, que je veux éviter en me retournant et en lui présentant le ventre, que je couvre de mes deux mains. Elle semble y jeter un regard curieux en feignant de vouloir me retourner pour me frapper encore, lorsqu’un jeune homme entre tout-à-coup et voit ma situation et ma honte.


Lorsqu’un jeune homme entre tout-à-coup.

Furieuse de l’affront que j’éprouve à la vue du premier homme qui se présente à moi depuis six mois, je fis, pour me débarrasser des mains de madame Durancy, un effort si violent, que je faillis perdre les sens. Mais ce jeune homme se jette aux pieds de madame Durancy, qu’il appelle sa mère ; il la conjure de me pardonner, quelque soit ma faute. Il mit dans sa prière tant de grâces, de candeur, que j’en fus touchée aux larmes. Madame Durancy, après une résistance simulée, voulut bien me laisser libre et sortit en appelant son fils, qui me serre la main, me jette un regard passionné et me donne un baiser.

Cette scène singulière m’aurais jetée dans le désespoir, si l’idée qu’elle m’avait procuré le bonheur de voir un jeune homme ; si l’amabilité qu’il avait déployée en intercédant pour moi, si le baiser qu’il m’avait donné, n’eussent effacé de mon esprit tout ce que la colère de madame Durancy avait eu d’humiliant pour moi, pour n’y laisser que la pensée de mon aimable protecteur. Toute la nuit, je ne rêvai qu’à lui ; j’avais la tête échauffée par des lectures amoureuses, un tempérament de feu. Je n’avais encore vu aucun jeune homme que ce fils de madame Durancy, juge si je devais alors l’aimer… Je l’adorais donc… Le lendemain matin, on m’apporta de très-beau linge ; je venais à peine de m’en vêtir, que madame Durancy entre. Caroline, me dit-elle (c’est le nom qu’elle m’avait donné en entrant chez elle), je viens t’indemniser du châtiment injuste que je t’ai fait éprouver hier ; mon fils m’a fait voir que ma mauvaise humeur m’a emportée trop loin, et je veux te faire tout oublier. Madame Durancy était suivie d’une autre dame, d’une taille élevée, et dont la figure m’était cachée par un voile de taffetas : elle me dit que c’était une couturière qui venait pour me prendre mesure de nouveaux ajustemens que l’on me destinait. Bientôt elle me mit nue, à l’exception de la chemise ; mais avant de procéder à la mesure, elle fit entendre à madame Durancy qu’il était nécessaire de m’initier avant tout au premier mystère de la toilette des dames, que mon âge me rendait cette précaution nécessaire. Ce fut la couturière elle-même qui fut chargée de m’en donner la première leçon. Madame Durancy avait alors un meuble dont l’usage m’avait été jusqu’alors inconnu ; elle en ôte le couvercle, un bassin de porcelaine, oblong et rapproché un peu par le milieu remplissait la concavité : on y verse de l’eau tiède. Je m’assieds dessus, une jambe de ça, une jambe de là ; je n’osais relever ma chemise, il le fallut cependant, crainte qu’elle ne s’imbibât d’eau. Cette pudeur, si naturelle aux jeunes filles qui l’ont encore et qui est la vraie coquetterie de la nature, me donnait une gaucherie et un air de naïveté capable d’enflammer le plus froid des mortels ; car, si je la retroussais d’un côté, elle retombait de l’autre, de manière que l’on entrevoyait subitement mes appas, qui se trouvaient presque aussitôt voilés ; alors la couturière me fit lever et fixa fort haut cette chemise avec des épingles, et par là, tout le bas de mon corps, depuis la ceinture, fut à découvert. Je m’assieds, et cette prétendue dame officieuse se mit aussitôt à arroser les environs de ce petit réduit que l’amour offre à ses favoris, et que nous nommons con, insensiblement elle glissa son doigt sur un endroit où je sentis soudain une émotion si délicieuse, causée par un léger frottement, que je me pâmai en me laissant aller dans ses bras. Ici, elle s’arrête, me fait lever après avoir ôté ses épingles, et se dispose à m’habiller : elle commence par m’essayer un corset ; elle s’amuse long-temps à ajuster le tour de ma gorge, ma chemise était ou trop haute ou trop basse, alors on me la relevait par en bas, mais si haut que la moitié de mes charmes était à découvert. Ses deux mains folâtraient librement sur toutes les parties de mon corps, ou quelque dérangement paraissait exiger ses soins. Ces dames me laissèrent enfin, après m’avoir dit de m’habiller. Quand elles me quittèrent, tous ces mouvemens, ces situations m’avait mise en feu. J’éprouvai un trouble inconnu ; je dirigeai mes pas vers mon lit et m’y renverse lentement et avec délices ; je relève ma chemise le plus haut possible, je porte en tremblant mon doigt dans le lieu où un doux frottement m’avait causé tant de plaisir : la nature enfin fut mon premier maître, je ne pourrais te peindre que difficilement, mon cher Saint-Far, les charmes que je goûtais. Figures-toi, pour en avoir une petite idée, une jeune fille de seize ans, jolie à croquer, neuve encore, dans la situation où je me trouvais alors, voir ses belles cuisses s’agiter en tout sens, tantôt découvrir en entier la plus belle des roses à cueillir ; tantôt, en se retroussant, laisser entrevoir deux fesses blanches comme deux lys, jolies et fermes, comme l’ivoire ; deux cuisses, qui, dociles au mouvement circulaire de sa jolie croupe, effleuraient légèrement le lit qui les portait. Cependant l’approche du plaisir la rend immobile, elle augmente le mouvement de son doigt ; toute entière au sentiment délicieux qu’elle éprouve, sa respiration est comme suspendue, bientôt une chaleur humide l’inonde ; alors tout son corps bondit, et, dans la voluptueuse émotion qu’elle éprouve, elle laisse entrevoir successivement une chute de reins admirable, des hanches potelées qui terminent une taille de nymphe, un ventre satiné et uni comme une belle glace ; enfin un gazon épais environnant la porte ovale et ronde du temple, à qui la reine des grâces, à qui Vénus eût porté envie.

Telle était mon cher St.-Far ; telle était ta Caroline. — Avec tes peintures délicieuses dont je touche ici l’original, crois-tu que je puisse attendre encore ? Tu m’as mis tout en feu, vois, ceci fera bien autant de ravage que ton doigt, j’espère ; allons cède, je t’en conjure, ou je décharge. — Tu le veux soit ; mais songe que j’ai encore bien des faveurs à t’accorder. — Oui,… oui,… ah ! te voilà bien connue, tu viens de te peindre… ces cuisses fermes… ces tétons admirables… ce temple je le pénètre… je suis… au sanctuaire… amour… accepte cette libation… j’expire… de plaisir. — Ah ! St.-Far, cela vaut encore mieux que le doigt, fut-ce même celui du milieu… bois ce verre de rôta… prends ce biscuit… Je continue mon récit. Après tout ce qui venait de se passer, après ce que je venais de sentir, mes idées étaient si confuses que me relevant et m’asseyant sur mon lit, je restai immobile quelque temps, accablée par une foule d’idées sans suite, sans liaison qui me délectaient, pendant ce temps le désordre de ma chemise laissait mes appas à découvert, l’air qui circulait dans ma chambre et qui entrait par une croisée ouverte sur un jardin brillaient mille fleurs diverses, faisait légèrement voltiger mon linge, augmentait sa fraîcheur et me faisait éprouver une sensation moins vive que les précédentes, mais douce, agréable, enivrante, je secondai les efforts du zéphir en jetant un coup-d’œil curieux sur le temple de la volupté, j’y vis une humidité considérable. Le premier mouvement fut de la porter à l’organe de l’odorat, l’odeur en était singulière ; j’approchai de ma langue, le goût en était fade. Ignorant encore d’où pouvait provenir cette liqueur qui n’était pas de l’urine, je me levai et pour la faire disparaître, je m’assis sur le bidet, dont la grande couturière m’avait appris le nom et l’usage ; l’eau me rendit plus calme et je m’habillai enfin ; en me considérant beaucoup, idée que je n’avais pas eue jusqu’alors, je maniais mes fesses et les regardais dans les glaces, je me promenais les mains sur mes cuisses et les arrêtais toujours près du temple chéri. Je tâchais de baiser mes tétons, je m’enivrais de plaisir, lorsque j’entendis du bruit dans l’appartement voisin. Mes oreilles furent même frappées de cette espèce de sifflement qui est causé par des baisers ardens ; un son pareil aux soupirs résonnait autour de moi, je les comparais à ceux que je venais d’éprouver, et ils me semblaient provenir de la même source. Ce bruit cessa et j’achevai de m’habiller.

Madame Durancy vint dans le jour m’avertir que je souperais avec elle. Son fils paraissait jaloux de voir si je conservais quelque ressentiment de la correction de sa mère… il espérait présider à une réconciliation parfaite… Je descendis ; on se mit à table. Pour la première fois, madame Durancy se répandit en éloges ; son fils me fit des complimens auxquels je fus très-sensible, j’y répondis avec timidité… Je l’aimais… j’étais timide… c’est la règle. Je ne répondis pas si froidement à ses regards ; il est vrai que les expressions de mon amour étaient encore animées par d’excellent vin, des mets succulens, et une ablution d’excellente liqueur.

L’instant du repos arriva : Madame Durancy m’en avertit en me prévenant qu’elle viendrait partager mon lit, attendu qu’elle avait cédé le sien à un de ses parens qui était arrivé le soir, et qui, fatigué, était déjà couché. Je me retire dans ma chambre ; il me tardait d’être dans mon lit, pour me livrer aux douces pensées que le plaisir du jour me faisait naître ; à peine fus-je étendue dans mes draps que le sommeil s’empara de moi. Un heureux songe vint répéter les plaisirs que j’avais goûté pendant le jour ; mais qu’ils étaient différens ! Je rêvais que le jeune Durancy était à mes côtés, il ne me laissait que le soin de goûter jusqu’aux plus légères atteintes à la volupté que sa main complaisante me procurait.

Dans le courant de la nuit une chaleur excessive et dévorante que je ressentis, me réveilla et je me rappelai que j’étais couchée avec sa mère ; mais je me trouvai dans un désordre extraordinaire ; ma chemise était relevée d’un côté jusqu’à la hauteur de l’épaule ; madame Durancy avait une main placée sur mon sein et l’autre se trouvait assez en avant entre mes deux cuisses ; cela me gênait, de plus une de mes fesses se trouvait singulièrement pressée par quelque chose de dur et qui avançait, je me retournai afin de connaître l’objet de ma surprise ; il était sous ma chemise ; j’essayai de la relever, mais il était tellement enveloppé que je craignais de la réveiller par mes efforts, cet obstacle ne pouvait se surmonter ; je tâtonnai à plusieurs reprises, et il me parut que cela était long, rond et surtout très-dur, je réfléchis beaucoup sur ce que ce pouvait être, je ne voyais aucune trace de pareille affaire au bas de mon ventre. Comme les romans que j’avais lus n’étaient que des livres assez décens, je ne pus rien conjecturer, je me perdis dans mes réflexions et je me rendormis. Le lendemain à mon réveil je me trouvai seule. Je descendis après m’être habillée et mon premier mouvement fut d’examiner si les jupons de madame Durancy n’étaient pas poussés en avant par cette affaire que je n’avais pu définir. Après le déjeûné nous partîmes pour la campagne, ce voyage était nécessité pour une affaire d’intérêt qui me regardait, sans que j’en susse rien, je n’en parlerais pas, si je n’y eusse eu une petite aventure qui m’amusa beaucoup, je ne savais pas encore la différence qu’il y avait entre un homme et une femme ; depuis les derniers événemens ; je désirais beaucoup connaître cette différence : tout l’extérieur de l’homme étant presque semblable à celui de la femme, aux tétons et à la barbe près, je me doutais. que cette différence existait entre les cuisses ; je ne savais comment vérifier mes doutes ; un petit espiègle qui me fit une malice m’en fournit l’occasion ; j’étais seule dans le jardin, sous un feuillage épais, lorsque mon petit espiègle s’approcha de moi et sous le prétexte de le punir de m’avoir gaussé, je lui défis ses culottes et le fouettai, au lieu de se fâcher de ma colère apparente et de chercher à se débarrasser, le petit drôle qui avait huit ans environ me laisse faire, je lève sa chemise très-haut, et en frappant légèrement, je vis son petit instrument. Sur le champ je fus instruite, et voulus laisser le petit espiègle. Eh bien ! ma belle maîtresse, me dit-il, corrigez moi donc encore ; si ma faute n’est pas assez grande, punissez moi pour la première fois, je vous promets de mériter mon châtiment. Je vis que le petit méchant avait plus de malice que moi ; mais j’étais satisfaite et je le laisse aller ; pendant huit jours que nous restâmes à la campagne, je ne pensai qu’à cette différence de sexe et j’étais dévorée de savoir à quoi elle pouvait servir, lorsqu’un jour sur la brune, derrière le feuillage où j’avais corrigé le petit espiègle, je le vis les culottes bas baissant la tête et examinant avec attention les cuisses, les fesses, et la fente d’une petite fille d’environ neuf ans, qui lui disait : laisse moi, laisse moi te faire ; j’ai vu hier sans être vue, ma grande sœur, qui était sous le grand poirier avec Nicolas ; elle était debout contre l’arbre, et lui prenant ce qu’il a entre les cuisses, elle l’enfonçait dans son trou, et ils avaient l’air d’être bien aises, car ils se baisaient et se rebaisaient toujours. Eh bien ! faisons donc comme eux, disait le petit, en approchant son court instrument entre les cuisses de la petite fille… C’est comme ça… Mais tu n’entres pas dans la fente… Comme tu as chaud… Comme tu me serres… Oh ! mais tu pisses je crois, fi ! le vilain !… Allons, retire-toi. En effet le petit pissait, il se retira tout honteux ; quand à moi cette jolie scène me mit toute en feu et me donna de quoi rêver.


Oh ! mais tu pisses je crois, fi ! le vilain !…

Le fils de madame Durancy vint nous reprendre pour retourner à Lyon, il me demanda comment j’avais trouvé cette campagne ; la beauté du lieu, les connaissances que j’y avais acquises me la firent paraître charmante : je répondis, que je l’avais trouvée délicieuse. Il sourit et le lendemain nous retournâmes à Lyon ; il était nuit lorsque nous arrivâmes, on se mit à table, on me fit mille caresses, et madame Durancy me prévint qu’elle coucherait avec moi ; je résolus cette fois de bien examiner et d’éclaircir mes soupçons, je ne pouvais jamais me donner l’explication de ce quelque chose de dur que j’avais senti entre les cuisses : Est-ce un homme ? me disais-je, mais cependant, elle a des tétons, point de barbe, ce n’est donc point un homme. Mais pourquoi ce quelque chose entre les cuisses ? J’entrevoyais d’ailleurs, un mystère dont je ne pouvais rien débrouiller.

Je voyais bien que j’occupais tout le monde. Le fils de Madame Durancy m’aimait et me le faisait sentir sans me le dire. Madame Durancy paraissait me caresser beaucoup devant son fils, et pendant son absence elle était froide et réservée avec moi. Jeannette, bonne de madame Durancy et dont j’aurai dans un instant amplement sujet et occasion de parler, me regardait sans cesse, soupirait près de moi, et ne me parlait jamais. La vieille qui me servait, devenait plus obligeante et moins taciturne avec moi : enfin j’étais le sujet de quelque menée que j’espérais découvrir ce soir. Il me vint en idée de n’user que modérément de vin, je crus qu’il était cause de l’assoupissement que j’avais ressenti la dernière fois, je me décidai même à ne point boire d’une liqueur excellente que l’on me servait comme très-stomacale, en conséquence je me levai sous prétexte de lassitude.

J’obtins la permission de me retirer et je montai dans ma chambre. A peine chez moi, la bonne m’apporte le flacon qui contenait cette liqueur avec une invitation pressante de la part de madame, de ne pas me coucher sans en prendre ; mais au lieu de suivre cet avis je versai dans un verre la portion que je devais prendre et me mis au lit. J’étais curieuse de voir coucher madame : je me tapis sur le côté et j’attendis avec impatience son arrivée, demi-heure après on entre ; madame Durancy me demande fort haut si je donnais, je ne réponds pas ; elle dort, dit-elle à demi-voix, déshabillons-nous. Un instant après le rideau de mon lit s’entrouvre et je me sens baiser sur la bouche avec tant d’ardeur que j’en tressaillis intérieurement ; on enlève la couverture avec précaution ; des lèvres brûlantes s’appliquent sur mon sein, en pressent le bouton, et de légers coups de langue me causent un délicieux chatouillement, on essaie de lever ma chemise ; mais je m’étais enveloppée au point qu’il fut impossible d’en venir à bout sans crainte de m’éveiller. On me retourne avec précaution et bientôt je sentis ma chemise remonter doucement jusqu’à la hauteur de mon sein ; mon corps est aussitôt couvert de baisers, deux mains tremblantes écartent mes cuisses de manière que l’entrée du temple de l’amour est entièrement libre : d’ardens baisers y sont prodigués. Avec la langue on en caresse les rives, on cherche à l’introduire : d’une main on presse mes fesses et de l’autre on chatouille légèrement le bouton de mon sein.

Ces diverses sensations me font éprouver une ivresse inconcevable ; j’ouvre à demi l’œil, et à la lueur d’une lanterne sourde j’aperçois distinctement madame Durancy nue au pied de mon lit ; mais je ne pouvais concevoir qui avait la tête entre mes jambes et était couchée à plat sur mon lit. Madame Durancy d’une main tenait élevée sa chemise et de l’autre elle fustigeait légèrement son cul ; si elle s’arrêtait, c’était pour appliquer sa bouche sur son derrière, elle reprenait ensuite son premier emploi ; il me parut que cette cérémonie lui causait une assez douce sensation, car à chaque coup son postérieur bondissait d’aise. Ce jeu dura peu. Après madame Durancy se renversa sur le lit de manière que sa tête touchait à ma hanche, et la personne inconnue, et que je ne pouvais distinguer, se coucha sur elle, de sorte que la bouche de madame Durancy étant au niveau de mon bijou, cette personne pouvait promener ses baisers sur l’une et sur l’autre ; cependant, je ne comprenais rien à tout ce qui se faisait, le derrière de la personne qui était dessus, se haussait et se baissait a différentes reprises ; mais avec un tel vacarme que le bois de mon lit en gémissait. Quant à madame Durancy, elle me parut goûter beaucoup de satisfaction. L’inconnu, car enfin, je me doutais bien que c’était un homme, qui la couvrait de baisers de moment à l’autre, ensuite sa langue venait me faire tressaillir avec son charmant jeu, et cette langue polissonne se promenait ainsi de la bouche de madame Durancy au bijou de Caroline : Tout ce qui se passait autour de moi, le feu de mon imagination, les vives sensations que me procurait l’inconnu, hâtèrent l’instant du plaisir ; au mouvement que je fis, il s’en aperçut, alors la rapidité de son action acheva de me plonger dans le délire et la volupté se peignit par mes soupirs et l’agitation de tout mon corps ; ils me parurent aussi par leurs mouvemens, leurs expressions, avoir goûté la même jouissance.

Cependant on se retire et l’absence de ce couple libertin me permit de me livrer aux réflexions qu’excitait en moi tout ce qui venait de se passer. Le sommeil me surprit au milieu des idées confuses qui agitaient mon esprit. Il était onze heures du matin, lorsque madame Durancy entra dans ma chambre avec son fils ; ils venaient m’avertir qu’ils partaient pour la campagne ; jusqu’à leur retour ils me laissaient avec la cuisinière et Jeannette qui était indisposée ; d’ailleurs la maison était abondamment fournie ; ils m’embrassèrent tous deux. Le fils me glissa vingt-cinq louis pour mes menus plaisirs me dit-il. Quant à madame Durancy, elle me recommanda d’être sage à mon ordinaire et de ne pas voir Jeannette, parce que ce serait m’abaisser ; au moins de ne pas me familiariser avec elle ; que du reste je pouvais agir comme l’absolue maîtresse du logis : nous nous séparons.

A peine fus-je seule, que je songeai à la défense que me faisait Madame, de ne pas me familiariser avec Jeannette. C’était la première fois qu’il était question de cette fille entre madame Durancy et moi. Tu crois St.-Far, que cette Jeannette est ma bonne ; mais non ! La maison de madame Durancy était composée, d’une vieille cuisinière qui ne sortait pas de sa cuisine, d’une bonne qui servait à table et qui était plus particulièrement attachée à mon service, et de Jeannette, jeune brune piquante, jolie à ravir, femme de chambre uniquement occupée de madame Durancy. Depuis trois mois qu’elle était à la maison, je ne lui avais pas dit deux paroles parce que nous ne nous étions jamais rencontrées ensemble. La chambre de madame Durancy m’était interdite, et Jeannette ne sortait presque jamais de cette chambre. Je ne sais pourquoi je mourais d’envie de causer avec cette fille ; cette envie augmenta bien davantage quand on me l’eut défendu. Ma première idée aussitôt que je fus libre, fus donc de voir Jeannette ; mais comme elle était indisposée ainsi que je l’ai dit et que je ne croyais pas convenable d’aller la voir, je sonnai la cuisinière pour qu’elle me donna de ses nouvelles et m’apporter mon déjeûné ; quelle fut ma surprise de voir aussitôt entrer Jeannette, Eh ! comment se fait-il que vous soyez si bien portante, vous, il y a un instant si malade. — Écoutez, mademoiselle Caroline, je vais vous parler vrai, j’ai cru que je serais heureuse, si je pouvais vous parler un instant. Comme j’ai su qu’on devait aller à la campagne, et qu’étant du voyage vous resteriez avec votre ennuyeuse bonne, ce qui peut-être vous serait insupportable, j’ai feint une indisposition pour ne pas les suivre à cette campagne, où leurs affaires vont les retenir huit grands jours. J’ai fuit ensorte que l’on prit votre bonne à ma place, les voilà partis, je ne suis plus malade, et je tâcherai que ces huit jours ne vous ennuient pas tant que si vous fussiez restée seule avec votre imbécille, pardonnez-moi le mot, mais il est vrai ; je la remerciai un peu ironiquement du soin qu’elle voulait prendre de me distraire ; mais intérieurement je lui sus bon gré de cette adresse, dont je me réjouissais autant qu’elle et sans savoir pourquoi. Je lui demande ensuite mon déjeuné, qui est servi avec promptitude, et pendant que je mangeais, elle me fit cent contes dont j’eus peine à m’empêcher de rire ; à peine eu-je déjeuné, qu’elle m’offre ses services pour m’habiller. — Comment mademoiselle, si je le veux ; mais c’est votre devoir. Elle éclate de rire et déjà elle s’empare de moi ; mais elle faisait tout de travers ; il me semblait qu’elle cherchait tous les moyens de prolonger cette toilette. Pendant cet interval, je la questionnai… Elle me dit qu’elle était née de parens pauvres, que madame Durancy l’avait prise depuis trois mois par charité à son service, et qu’elle attendait patiemment que l’instant d’apprendre un métier se présentât. Je la questionnai sur les habitudes de madame Durancy, sur son fils ; mais elle fut discrète et je l’en estimai davantage. Nous passâmes le jour à nous occuper de quelques ouvrages de femme, ma compagne n’y développa pas une grande adresse. La journée fut sans conséquence ; le lendemain, Jeannette me parut plus timide qu’à l’ordinaire, elle ne folâtrait pas ; plus de bons mots, de saillies ; elle tremblait en me versant mon chocolat qu’elle renversa presque en entier sur moi ; elle tremblait en m’habillant ; elle était d’un sérieux extraordinaire. Enfin, elle jouait mon rôle de la veille. Ce n’était pas là mon compte ; je pris le parti de prendre le sien. Je folâtrai, lui fis mille niches ; mille plaisanteries, la raillai sur sa mauvaise humeur, lui demandai pardon de l’avoir traitée la veille avec tant de morgue. Pour faire ma paix je voulus qu’elle mangeât à ma table.

La cuisinière nous faisait faire excellente chair ; je fis boire à Jeannette quelques verres d’un vin blanc fort pétillant, et bientôt je vis ma jeune folle, excitée par mes caresses et par le vin, me le disputer par ses espiègleries ; elle sautillait autour de moi, paraissait avoir la tête prise ; elle me baisait les mains, dérangeait et enlevait mon fichu, soulevait mes jupons, et, par saillies, les jettait assez haut pour découvrir une partie de mes cuisses. En faisant ces petites plaisanteries, nous buvions vins fins, liqueurs, et nous voilà toutes deux plus que gaies, et continuant toujours nos folies. Comme elle était beaucoup plus forte que moi, j’avais bien de la peine à me débarrasser d’elle ; en vain je cherchai à prendre ma revanche, en passant ma main sous ses jupons, toujours son adresse surpassait mon attente, j’enrageais : ses persécutions m’avaient mise en nage. Je demande une trêve pour ôter nos vêtemens ; elle y souscrivit, en ajoutant que si mon envie était de lutter, elle allait, comme moi, s’y préparer, et nous voici bientôt en jupons courts, en blancs corsets. Nous convînmes que celle qui trousserait l’autre le plus haut lui imposerait telle peine qu’elle jugerait à propos. La robuste Jeannette me saisit aussitôt, me renverse sur le lit. Malgré mes efforts, je vois bientôt mes jupons voler par-dessus ma tête. Jeannette triomphe, aussitôt elle me dicte ses ordres : je me tiens debout, elle me bande les yeux, me fait relever mes habits jusqu’à la hauteur de mes reins ; dans cet état, elle se récrie sur la beauté de mon corps. Ses caresses réitérées attestent son enthousiasme, il me semblait que les rives du séjour des plaisirs se gonflaient. Jeannette y mit la main, comme j’allais l’en prier. J’étais toute en feu ; elle me renverse sur le lit et se couche sur moi. Je ne pus la sentir dans cet état, sans me rappeler la scène qui s’était passée entre Mme Durancy et l’inconnu ; mon cœur palpitait ; un baiser que Jeannette me donne sur la bouche m’enflamme ; je le lui rends en la serrant dans mes bras. Alors, elle relève ses jupons et son ventre est appuyé contre le mien ; ce doux contact m’électrise, à l’approche de sa main, qu’elle passe entre mes deux cuisses. Je les entr’ouvre avec volupté, bientôt son doigt s’anime… Quels délices… Je rendais au centuple les baisers qu’elle me donnait ; je la serrais dans mes bras… Je relevais son jupon jusqu’au milieu des reins, et je caressais son joli derrière. Les atteintes du plaisir se font sentir ; mes cuisses se soulèvent amoureusement ; mes jambes se croisent sur sa croupe, et, dans cette attitude, la fontaine de l’amour s’ouvre, et son épanchement fait circuler dans mes veines cette sensation délicieuse qui s’empare de toutes les facultés de l’ame. Je ne sors de cet état que par la douleur occasionnée par les efforts de Jeannette, pour m’introduire dans le temple son doigt, qu’elle avait tenu jusqu’alors à l’entrée ; je jetai un cri et arrachai le bandeau qui me couvrait la vue en me relevant avec précipitation. Soudain, Jeannette se retire, et je vois clairement ses cotillons avancés extraordinairement ; je me jette à bas du lit, cherchant à la surprendre tandis qu’elle était à la croisée, où elle feignait de regarder le jardin pour cacher son trouble, je glisse ma main sous sa chemise ; je saisis au haut de ses cuisses je ne sais quoi de dur, que sa vitesse à se retourner empêche de retenir. Soupçonnant alors que Jeannette était un homme déguisé, j’en fus si enchantée qu’un tremblement universel de plaisir s’empare de moi et un trouble difficile à cacher. Je pris le parti d’éloigner Jeannette, sous prétexte que, désirant souper de bonne heure, elle devait donner des ordres à la cuisinière. En conséquence Jeannette sortit. Elle fut bientôt de retour ; mais son air était gêné, inquiet, mystérieux ; elle baissait les yeux, ses joues étaient vivement colorées. Je lui donnai un léger soufflet, en lui disant que c’était pour la punir de m’avoir fait mal avec son doigt. Alors elle me regarda d’un air si tendre, que je fus tentée d’appliquer mes lèvres sur sa belle bouche.

Après souper, nous nous enfermâmes dans ma chambre. Le temps était orageux, les éclairs sillonnaient de toutes parts. Je feignis d’avoir peur, et j’engageai Jeannette à coucher avec moi, bien résolue de vérifier mes doutes ; je savais où était le flacon qui renfermait la liqueur dont je soupçonnais la vertu soporifique ; je lui en fit prendre, à dessein, un grand verre, et, peu de temps après, elle s’assoupit en effet, au point qu’il ne lui resta que la liberté de gagner le lit, où, sur-le-champ, elle se mit à dormir profondément.

Après être restée encore quelques momens à la croisée à examiner l’effet de l’orage, afin de m’assurer du sommeil de Jeannette, je m’approche pas à pas du lit, pleine de désirs, de curiosité et d’espérance. Je lève doucement la couverture et je porte ma main en tremblant sur cet endroit qui avait excité ma curiosité. Ma surprise fut extrême ainsi que ma joie, en apercevant un petit membre singulier étendu le long de ses cuisses et attaché entre elles deux, au milieu de deux petites boules ovales. Ah ! je n’en puis douter, m’écriai-je avec transport, c’est un homme ! c’est un dieu ! c’est l’amour qui me l’envoie ! Je presse cet objet dans mes mains ; je le baise et rebaise au souvenir de la volupté qu’il m’a procurée. Je lève ma chemise et mon doigt agit ; mais ce que porte Jeannette a quelque chose de plus flatteur. Je me mets nue, je monte sur le lit, j’écarte les cuisses et je me baisse de manière que, prenant ce doigt, d’une nouvelle espèce pour moi, je le levai jusqu’à la fente de l’amour ; et, le promenant le long de la rive de la volupté, je le sentis croître, se grossir, se roidir, s’efforcer de se coucher sur le ventre, au bas duquel il était fixé, de manière que je le tenais à peine droit vers ma fente, contre laquelle bientôt il lance une liqueur brûlante qui inonde l’entrée du temple du plaisir, et retombe sur le duvet épais qui l’environne. Cet abondant épanchement met le comble à mon plaisir et à mon joyeux étonnement ; si je ne m’étais retenue, je serais tombée pleine d’ivresse sur le corps de mon charmant adonis…

Cependant j’examine la construction de cet objet, qui, dans ses mains, était devenu le charmant instrument de ma jouissance. Combien sa structure et ce qui en dépendait me parurent étonnant, de l’étroite ouverture placée au haut de la tête, distillait encore une liqueur que je crus avoir été excitée par le même plaisir, qui avait sur moi le même effet : un léger frémissement qui s’était opéré dans Jeannette au moment de l’éjaculation, concourait à me le persuader. Après l’avoir considéré attentivement, je finis par le couvrir de baisers. Après quoi je me mis au lit, où bientôt je m’endormis.

J’avais eu la précaution de m’éloigner assez de mon joli dormeur pour ne lui laisser aucun soupçon ; je me faisais un charme de me laisser surprendre à la première occasion où nous recommencerions nos jeux. — Comment, Caroline, Jeannette ne s’éveilla pas, ne te le fit pas ! — Il faut encore que j’attende ! Ah ! maudite dormeuse, pourquoi buvais-tu du flacon ! — En vérité, Caroline, je ne puis plus attendre, dépêches-toi de réveiller ta jolie dormeuse. — Patience, patience, cher St.-Far, nous allons y venir.

Le lendemain, je m’éveillai, et me levai avant mon dormeur, qui me parut bien dépité et bien sot quand il me vit debout. Je fis semblant de ne rien apercevoir et le raillai sur sa paresse. Il paraît que la dose de liqueur soporifique avait une bien grande force, puisqu’elle avait si long-temps prolongé son sommeil. Je passai la matinée sans lui rien dire, ni faire paraître, mais l’heure du dîner étant arrivée, et Jeannette s’étant mise à table, le vin blanc stimula bientôt notre gaîté mutuelle.

Nous nous enfermons dans ma chambre ; elle commence à me donner un petit coup sur les jupons ; mais je lui dit que je ne voulais plus jouer avec elle, car les conditions qu’elle avait établies la veille lui étaient trop avantageuses, vu la disproportion de nos forces. Pour me satisfaire, elle me proposa d’abord de souscrire à tout ce qu’elle exigerait de moi, et qu’elle subirait à son tour les lois que je voudrais lui imposer. Ceci étant plus raisonnable, je tombai d’accord. Aussitôt je reçus l’ordre d’ôter mes vêtemens : assise sur un fauteuil au pied de mon lit, tandis que j’étais debout. Jeannette m’ordonne de lever ma chemise à hauteur indiquée ; toutes les fois que je manquerais le point fixe, je devais être fouettée. A sa voix, je me retourne, et je lève ma chemise de façon à ne lui montrer qu’une fesse. Comme je ne pus remplir ponctuellement l’ordre, elle me coucha sur ses genoux et me fustigea. Les verges étaient si fines que leur chute me flattait infiniment : leur chatouillement me faisait écarter les cuisses ; les pointes effleuraient cette partie qui avoisine le temple de l’amour. Je fus souvent dans le cas de recevoir cet agréable châtiment, car il était bien difficile d’exécuter exactement ce qu’elle m’ordonnait. Il fallait tour-à-tour découvrir mes cuisses à la moitié, aux trois quarts, enfin jusqu’à la hanche ; une autre fois c’était la fesse droite ou mon gazon. Je ne réussis que dans deux points, ce fut de relever ma chemise successivement jusqu’au-dessus de ma croupe et à la hauteur du nombril : aussi, pour prix de mon adresse, ces deux parties de mon corps furent couvertes de baisers. Cependant le feu de l’amour me pénètre par degré ; combien j’étais amoureuse de celle qui en développait les effets avec tant d’agrément et de délicatesse. Jeannette, me voyant animée, change aussitôt ses ordres : elle se lève, me fait tenir debout sur le lit, me fait écarter les cuisses, sa bouche s’approche, sa langue joue légèrement ; d’une main elle enlace mes reins, et de l’autre elle continue de me fustiger ; elle s’arrête de temps en temps.


A genoux sur le lit, me fait écarter les cuisses, sa langue joue légèrement.

Ah ! Jeannette, lui dis-je dans ces intervalles, qu’il est doux de perdre au jeu avec toi ! ma chère Jeannette, l’ivresse où tu me plonges me met dans l’impossibilité de te résister. Elle me fait encore changer de position : toutes ces mutations, en suspendant le cours des délices que mon ame savourait, ne tendent qu’à stimuler mes désirs ; tous les pores de mon corps semblaient s’ouvrir pour leur donner un libre passage. Jeannette me prend amoureusement dans ses bras ; docile à saisir la nouvelle position où elle me veut conduire, je suis déjà courbée sur le lit, mon derrière est exposé à ses regards, un coussin placé sous mon ventre l’exhausse, ma chemise voltige par dessus mes épaules, et les verges recommencent à agir sur mes fesses et sur une partie de mes cuisses ; leur doux picotement aiguillonnent mes sens. Bientôt son ventre s’appuie sur moi ; alors le chatouillement que j’éprouve n’est plus l’ouvrage de son doigt ; je sens l’autre doigt de l’homme… j’écarte les cuisses pour lui laisser plus de liberté.

Ah ! quel accroissement de volupté ! étendue et presque sans sentiment, à force de trop sentir, mon existence ne se manifeste plus que par des espèces de convulsions de ma croupe. Les verges, l’action de Jeannette ouvrent abondamment la source du plaisir. A ma respiration, au tressaillement actif et répété dont je fus saisie, Jeannette s’aperçoit de mon état ; soudain elle ouvre avec ses deux mains l’entrée du temple d’amour, y guider son trait et l’y enfoncer ne fut l’ouvrage que d’un instant… Une douleur subite et cruelle m’arrache un cri aigü et je me pâme ; mais l’effet inconnu de ce nouvel acte me rappelle à moi… L’espèce de déchirement que je venais d’éprouver, se trouve presque effacé par une sensation qui se propage dans toutes les parties de mon corps, et suspend les facultés de mon âme. Je reviens enfin entièrement à moi, en me sentant inondée d’abondans flots d’amour, dont l’injection vive et variée ajoute à mon délire. Mon jeune amant m’embrasse, me relève m’ôte jusqu’à la trace des pleurs sanglans que la sensible volupté nous a fait verser.

Telles sont mon ami les circonstances qui ont précédé la perte de cette fleur, objet de l’envie de tous les hommes, et que tu crois avoir conquise lors de notre aventure. — Ah ! petit coquin, qu’il fût heureux, Caroline, d’avoir cueilli ta rose charmante ! Mais en vérité tu l’as si étroit que c’est toujours un pucelage avec toi : allons, que dans ce moment je sois vengé, que mille baisers couvrent tes lèvres incarnates, que je recueille jusqu’au moindre souffle que tu exhales… Globes charmans, arrondis par l’amour !… Quelle fraîcheur encore ! quelle élasticité !… quelles cuisses toujours pleines de suc !… Et ce gazon, asile de la volupté, et dont le noir ébène relève la blancheur de ta peau fine et veloutée !… Ce temple… j’en suis le dieu… j’y pénètre… je coule… dieux… je me meurs… dans… les délices… Oui, je le jure, Caroline, tu vaux encore un pucelage. — Allons, c’est assez, St-Far, essuie-toi, des macarons… du rota… bon ! sois sage. Écoute :

Après ce qui venait de se passer, Jeannette était tremblante à mes côtés ; l’ayant embrassée, je lui parlai ainsi : Vous m’avez trompée, Jeannette, vous êtes un homme ; mais cependant j’excuse tout ; si dès ce moment vous me jurez d’être désormais franc en tout avec moi : j’exige un aveu général. — Adorable Caroline, ma franchise égalera votre bonté, reprit tendrement Jeannette, je suis homme en effet. Je me nomme Brabant, et voici le sujet de mon déguisement. Il y a environ trois mois que madame Durancy se promenait hors la ville, le long du fleuve, j’étais assis triste et rêveur, sur un tertre élevé, j’étais vivement affecté d’un vol que l’on m’avait fait ; cent louis, reste unique des débris de ma fortune que de malheureux procès avaient dévorée, en causant la mort d’un de mes parens, venaient de m’être enlevés à l’auberge où j’avais couché. Près d’une grande ville, sans ressource, sans connaissance, je réfléchissais à ce que je devais faire, lorsque cette dame vint s’asseoir à côté de moi, accompagnée d’une personne qui me parut de ses amis : nous engageâmes la conversation ; mon sort l’intéressa au point qu’elle m’invita à la suivre.

Nous partîmes, elle me conduisit chez une dame de sa connaissance, lui laissa quelqu’argent et s’en fut, en m’invitant à ne pas m’inquiéter, qu’elle ne tarderait pas à revenir. Je résolus de mon côté de m’abandonner au sort de cette aventure ; c’est ce que je pouvais faire de mieux, n’ayant pas le sou. Le lendemain, je vis arriver ma patrone ; elle me parla fort amicalement, elle me dit que son intention était de me conduire chez elle, si je voulais me résoudre à changer extérieurement de sexe ; elle ajouta que je n’aurais pas à me repentir de ma complaisance, en me parlant ainsi, elle me passait une main douce sous le menton, m’attirait à elle, s’approchait si près de moi que je l’embrassai sur la bouche. Vous avez l’air d’un petit libertin, me dit-elle ; mais nous vous corrigerons ; allons, venez. Mais nous quittons la personne de connaissance, je monte dans sa voiture, et nous arrivons dans une maison où l’on nous introduisit dans une chambre retirée.

Une femme entre portant quelques hardes, et madame Durancy, après les avoir examinées, m’apprend qu’elles me sont destinées : c’étaient des habits de femme. Mon enfant, me dit-elle, je vais vous conduire chez moi, vous y resterez jusqu’à nouvel arrangement ; mais comme mon mari est singulièrement jaloux, sous ce déguisement vous ne lui ferez aucun ombrage. Maintenant, que je vous apprenne à vous habiller, de crainte que votre mal-adresse ne vous décelle ; allons, à bas tous vos vêtemens. Sa présence à cette nouvelle toilette m’intimidait au point que je ne m’acquittai qu’avec lenteur de cette opération. Les deux femmes s’impatientèrent ; ah ! ah ! Monsieur, de la modestie ! dit madame Durancy, vous faites l’enfant ; allons, aidez-moi. L’autre femme à qui s’adressaient ces paroles, déboutonne mon habit, et me l’enlève ; madame Durancy s’attache à mon haut-de-chausse, il est bientôt sur mes talons.

Voyons donc à présent, Monsieur, de la pudeur : tirons-lui sa chemise par en haut. Ah ! ah ! s’écrie-t-elle, à mesure qu’elle remontait, et c’est donc ceci que Monsieur ne voulait pas nous montrer ; effectivement, il avait raison, il a un assez joli bijou ; en parlant ainsi, elle le pressait délicatement de manière qu’il remplit bientôt sa main ; vous êtes un petit polisson, me dit-elle, en me frappant légèrement sur le derrière, elle se mit ensuite à arranger mes cheveux ; de crainte que la poudre ne blanchit ses jupons, elle les avait troussés du devant fort haut et fixés du derrière avec une épingle, de sorte que sa chemise seule couvrait par devant ses charmes. Appuyée contre le manteau d’une cheminée, ses jambes écartées, elle m’approche d’elle au point que nos deux ventres se touchaient ; — Mais faites donc tenir ce drôle-là en repos, ajouta-t-elle, en portant la main sur ce qu’elle appellait mon bijou et en feignant de chercher à le détourner ; les approches de sa main me causaient une si agréable impression que sa raideur augmentait et le ramenait toujours au même point. Les appas de madame Durancy qui n’étaient séparés de moi que par un linge dont le tissu égalait la finesse de sa peau, augmentaient mon ardeur… Cependant son activité en arrangeant mes cheveux me fit balancer au point que je crus devoir me raffermir ; en plaçant mes mains sur ses hanches. Appuyez-vous sur moi, me dit-elle. En vertu de cet arrangement, je croisais peu à peu les bras derrière son dos, je fis semblant de jouer avec mes doigts, mais je m’étudiai réellement à relever sa chemise avec dextérité ; je tremblais que le frottement causé par l’exhaussement de son linge ne décélât mon dessein : avec quelle impatience je désirais appliquer mes mains sur ses fesses que je me peignais être d’un poli et d’une blancheur éclatante ! Je touchais déjà presqu’à l’extrémité de sa chemise, un mouvement trop précipité me fait craindre de tomber et j’applique subitement les mains sur ses fesses. Que veut donc dire ceci, me dit-elle, avec un ton des plus froids ! J’étais confus au point qu’elle dut sentir mon bijou se détendre et rentrer presque dans le néant ; je n’osai plus remuer, et ne quittai ma position quoiqu’à regret, que lorsqu’elle m’avertit que ma toilette était finie : alors on acheva de m’habiller en femme de chambre. Je respirais une voluptueuse molesse sous ce vêtement et je croyais toute la cérémonie terminée, lorsque madame Durancy me couche sur le lit et me trousse ; je me comparai alors à une victime fortunée du dieu des plaisirs. Elle s’empara de mon bijou : il faut éviter, dit-elle, à l’autre femme que sa tension ne le décèle à mon mari : à l’aide de ce lien, il pourra le fixer sous les cordons des jupons : il faut aussi ménager les deux petits globes, en disant cela, elle les agitait lentement avec sa main… Que dirais-je, mon bijou fut bientôt aussi brillant qu’il l’avait été un instant auparavant. Vous êtes donc plus polisson que jamais, me dit-elle, en me levant la cuisse et m’appliquant quelques coups assez forts ; ce n’était pas le moyen d’assoupir mes feux : aussi une inondation jaillit aussitôt et couvrit la figure de madame Durancy. Comment, malhonnête, s’écria-t-elle ; ah ! dieux… — Ma… da… me, je… vous… oh !… pardon… furent les seules paroles que je pus proférer dans l’évasion du fluide amoureux ! Pendant ce temps là, elle me frappait le derrière assez lestement. Je vous demande pardon, lui dis-je avec un grand soupir ; mais en vérité ça cause tant de plaisir, que le respect le plus grand n’en peut interrompre le cours ; elle se mit à rire, acheva de m’arranger et nous sortîmes.

J’arrivai chez madame Durancy ; elle me présenta à son mari, comme une excellente acquisition, pour femme de chambre. Il me reçut assez bien, me passa la main par-dessous le menton et me donna un petit soufflet en riant. Quant à madame, elle m’accabla de bontés dont je ne fus pas dupe, présumant que sous peu de temps j’en ferais porter de très hautes à son mari. Effectivement, comme il fut obligé de partir deux jours après pour la campagne ; elle voulut que je couchasse avec elle, et depuis ce temps-là, nous n’avons cessé de faire des nôtres, et je la console d’avance de l’absence et des infidélités prochaines de M. de Varennes. — Et qu’appelles-tu de Varennes, dis-je à Brabant ? — Et c’est ce jeune homme que devant moi elle appelait son mari, que devant vous elle appelle son fils, et qui n’est autre chose qu’un jeune homme très-riche qui vit avec elle depuis quatre ans.

Mais je crains bien que bientôt la belle. Caroline ne supplante Durancy, Elle me disait, il y a deux jours : « C’en est fait, de Varennes m’échappe ; il est fou de la petite Caroline ; mais tu me resteras, n’est-ce pas ma chère Jeannette ? Je suis maintenant assez riche pour faire ton bonheur. Oh ! oui, oui, tu me resteras. » Telle est ma position à l’égard de madame Durancy ; mais quelle différence entre cette femme et l’aimable Caroline ! Je te vis très rarement, comme tu sais ; je n’osais te parler, sachant, d’une part, que tu étais destinée à M. de Varennes, et de l’autre, me voyant surveillé singulièrement par madame Durancy. Ce n’est que pour toi, pour pouvoir te parler, te dire combien je t’aimais, que j’ai feint une grande indisposition lors du départ de nos hôtes, et c’est avec inquiétude que madame Durancy m’a laissé à la maison, et avec une sévère défense, et sous peine d’encourir son indignation, si je te parlais et te découvrais le mystère. — Ah ! cher Brabant, lui dis-je, que je suis heureuse que ce charmant mystère soit découvert. Allons, jurons-nous de nous aimer toujours, et cimentons par mille baisers ce joli serment.

Pendant le peu de jours qui s’écoula encore avant l’arrivée de nos hôtes, il n’est point de sacrifices que nous ne fissions à l’amour, il n’est point de culte bisarre que nous n’inventions pour lui plaire. Brabant en avait beaucoup appris de madame Durancy ; mais notre imagination nous fournit encore mille cérémonies nouvelles et charmantes. Mais, de toutes les positions que nous inventâmes, il n’en est aucune qui nous fit autant de plaisir que celle-ci : nue, j’étais à genoux sur un coussin, la tête baissée sur un autre coussin de même placé sur le parquet, de sorte que mon cul était exhaussé. Brabant, également à genoux sur un coussin derrière ce cul, avait la fente du bonheur à la hauteur de son bijou ; il s’appuie contre mes fesses et m’enconne, et, pendant ce temps, il passe sa main le long de ma hanche, la coule à mon bas-ventre et son doigt est à mon clitoris, tandis que le grand doigt de son autre main est dans le trou de mon cul, et touche entre une toile légère le haut de son Priape enfoncé : par ce moyen, il excite ou arrête le chatouillement mutuel, et l’on peut ainsi, par une manœuvre habile jouir un quart d’heure sans exciter la libation ; mais si alors on lui donne un libre cours, elle est si abondante que l’on se pâme tous deux et que l’excès du plaisir semble nous confondre et nous anéantir ensemble.


Tandis que le doigt de son autre main est dans le trou de mon cul.

— Ah ! pardieu, Caroline, nous allons sur le champ en renouveler l’expérience. — Non, non, Saint-Far, réservons cette manière, comme on dit, pour la bonne bouche, parce qu’en effet, après elle, on ne peut plus rien faire. — Allons, je me résigne.

Cependant madame Durancy et son prétendu mari ou fils arrivent ; fatigués du voyage, ils se retirent de bonne heure. Quant à moi, je me couche tristement en me plaignant de l’absence de mon amant. M. de Varennes vint me voir le lendemain : Caroline, me dit-il, il est temps enfin que je vous rende heureuse, si de votre côté vous voulez consentir à mon bonheur. — Vous avez bien des bontés, lui dis-je ; mais que puis-je faire ? vous savez que je suis, votre très-humble servante. Cet air d’innocence l’enchante ; mais ne s’en fiant pas à l’apparence. Permettez, dit-il, avant d’en dire davantage, de vous considérer à mon aise. Aussitôt, il fit rouler mon lit en face de la croisée, enlève la couverture, et me dit d’écarter les cuisses. Je m’acquittai ingénuement de cet ordre, et je vis bientôt son œil pétiller et son visage s’enflammer par degrés. J’ai oublié de te dire que Brabant m’avait donné pour me laver après nos orgies, d’une eau que se servait madame Durancy. Elle avait la propriété de rafraîchir et de raffermir la peau, d’entretenir l’incarnat de l’entrée du temple de la volupté et de l’amour, et le pauvre M. de Varennes fut, comme toi, dupe sur mon pucelage. Je vis donc cet amant s’extasier ; son œil brillait et son visage s’enflammait par degrés. Tout-à-coup, il se précipite sur moi et me mord la cuisse avec tant de violence que je pousse un cri aigu. La douleur me fait retourner, et soudain il applique ses dents dans mon derrière avec la même fureur. Je me retournai précipitamment : grâce, lui criai-je dans l’excès douloureux qui me pénétre ; j’agite mes bras, mes cuisses en tous sens. M. de Varennes se tient debout et contemple avec avidité tous ces mouvemens occasionnés par la douleur, qui dans un instant lui développe cent fois mes charmes. — Cette petite amie, dit-il, comme elle souffre ! Voyons que je la guérisse. — Ah ! que vous êtes cruel, lui dis-je avec douceur, que vous m’avez fait de mal ! voyez dans quel état vous m’avez mise ; je lui présente bonnement le derrière. — La pauvre enfant, dit-il en y passant légèrement la main ; c’est dommage. Tout-à-coup, il me serre les deux fesses et me les mord toutes deux avec tant de force, que je faillis perdre l’usage des sens : une chaleur cuisante retient mes esprits, alors, tout mon corps bondit de diverses manières ; je l’appelle bourreau, tyran. Dans cet état, de Varennes s’élance sur moi. Trop occupée de mes douleurs, il ne m’entre pas dans l’idée de lui résister, et je ne m’apperçois de ses intentions que lorsque je sens intérieurement l’action de son Priape. L’ayant très-étroit et la route n’étant pas encore bien frayée, je ressentis encore beaucoup de douleur, parce que de Varennes l’avait gros ; d’un autre côté, le mal que me faisait mes fesses me tourmentait au point que, dans la crainte de m’appuyer sur le lit, pour ne pas l’augmenter, je tenais mon derrière suspendu ; les endroits où il m’avait mordu semblaient contenir des pointes aigües, dont la pression subite et répétée augmentait et variait le mouvement de ma croupe. De Varennes ne bougeait pas, il se reposait sur mon activité pour jouir, et si mes douleurs, plus paisibles, arrêtaient leurs effets, il avait la précaution de toucher un peu rudement la partie qu’il avait mordue, alors ma croupe se relevait spontanément, donnait un nouveau prix à ses jouissances, et lui préparait les plus agréables délices, dont sa cruauté seule avait fait les frais. Enfin il s’en fut, après avoir laissé près de moi une bourse considérable ; je tâchais d’oublier mes douleurs en la visitant : elle contenait mille louis. La grandeur du présent me rendait mes douleurs plus supportables, et, me plaçant sur le côté, je cherchai à m’assoupir, la tête appuyée sur un oreiller d’or. J’avais passé deux heures dans cet état quand on vint m’avertir que le dîner était prêt ; mais je répondis qu’une indisposition me retenant au lit, je ne pouvais descendre. Ce ne fut que le surlendemain que je pus me tenir debout.

De Varennes vint me revoir ; je le reçus avec tant d’aigreur, qu’il se retira. Le jour d’après, il se présenta de nouveau, me fit des excuses, que je fus obligée de recevoir. Il me conta alors tout ce que son amour lui avait inspiré pour moi. C’était lui qui exigea de madame Durancy de me prendre chez elle ; c’était lui qui avait surveillé et payé mon éducation et mes maîtres ; c’était lui qui s’était déguisé en femme, et qui s’était présenté sous le titre de couturière ; c’était lui qui était venu la nuit dans mon lit, quand je croyais y recevoir madame Durancy. Après cet exposé de la conduite qu’il avait tenue à mon égard, et après avoir soupiré, disait-il, pour moi pendant six mois, il voulait enfin être mon amant. Il me dit que déjà madame Durancy, qu’il crut m’apprendre n’être pas sa mère, était prévenue, qu’il venait d’assurer son sort, et que sous trois jours il en sera débarrassé. Que, quant à moi, maîtresse de son bonheur, je le serais également de sa fortune, si je voulais être sage et constante. De si brillantes promesses me firent oublier les coups de dents que j’avais reçus. Mon bonheur futur me paraissait assuré, lorsqu’un événement singulier fit avorter tant de beaux projets. Après un dîner…

— Un moment, Caroline ; j’ai bien voulu laisser calmer les douleurs de tes fesses, qui ont fait tant de plaisir à ton brutal amant, avant de jouir de mon droit ; mais maintenant que tu es guérie, permets-moi de te rappeler, mais d’une manière plus douce, la blessure que te fit cet extravagant. — Oh ! mon cher Saint-Far, tu me fais autant de plaisir qu’il me fit de mal. Dieux… quel charme !… quelle vigueur… Tu semble être toujours à ton premier coup… oup… oup… tu m’inondes… Ah ! divin St.-Far, tu es… invincible, et je crains bien d’être vaincue… Eh bien ! donnes-moi donc le macaron et le petit verre… Bien ; mais, où en étais-je ? — Tu en étais après dîner.


FIN DU TOME PREMIER.


CAROLINE

ET

SAINT-HILAIRE.
CAROLINE

ET

SAINT-HILAIRE,

OU

LES PUTAINS

DU PALAIS-ROYAL.

ORNÉ DE DIX GRAVURES.

TOME SECOND.

LONDRES.
DANS UN B…

1784.

CAROLINE

OU

MES FOUTERIES.




Après un dîner que l’amour et la délicatesse semblaient avoir préparé par les mains de De Varennes, j’étais remontée à ma chambre ; de Varennes m’y suivit. Mon adorable, me dit-il, en m’embrassant, c’est ce soir que nous cimenterons notre union ; je vais de ce pas chez mon notaire pour t’assurer mille écus de rente et ce sera le présent de la nuit. Tu as vu cette maison de campagne où tu es venue, et que tu m’as dit te plaire, elle sera à toi : c’était le motif de notre voyage. Il sort : bientôt Brabant entre, il se met à mes pieds, c’en est donc fait, me dit-il, ma chère Caroline, j’ai tout entendu. De Varennes va t’enlever à mon amour. Il laisse cette maison à madame Durancy, il t’emmène dans son château de Mont-Brison, madame Durancy veut me garder, elle songe à me donner le titre de son époux. — Je le vois, mon cher Brabant, lui dis-je, nous sommes tous deux les victimes de la fortune ; mais, si tu m’aimes, nous pouvons rester unis. Refuse madame Durancy et demande à De Varennes de passer à mon service. — Ah ! divine Caroline, reprit-il, crois-tu d’abord que madame Durancy ne se vengerait pas en découvrant notre intrigue, et ensuite pourrai-je sans mourir mille fois te voir dans les bras d’un rival ? Non, je le vois, il faut céder à mon sort. Si je te suis, j’empêche ta fortune, si je t’enlève, nous sommes sans ressources. — Mon ami, lui dis-je, tu vois tout notre malheur, attendons encore avant de nous déterminer. En disant ces mots, je le presse contre mon sein, et par les baisers les plus ardens, je verse dans son âme les étincelles du feu qui me dévore. Éperdue dans ses bras je me laisse conduire presque inanimée sur mon lit, et là mon jeune et vigoureux amant me fait éprouver les plaisirs les plus vifs que l’on puisse goûter avec ce que l’on aime.

Je l’embrasse, le serre, lui rends au centuple les baisers qu’il me donne, et par un concours heureux de sentimens, nos mouvemens d’accord sont près de nous précipiter dans cet état d’insensibilité qui naît d’une délicieuse sensation… Un bruit soudain se fait entendre dans l’appartement voisin : la fureur semble en être le principe ; tout annonce que nous sommes découverts ; interdits et tremblans, nous nous séparons et je reste seule dans la chambre, livrée à la plus cruelle incertitude. Je m’approche du côté d’où semblait venir ce tapage : De Varennes et madame Durancy se disputaient vivement. A chaque instant je m’attends à voir arriver de Varennes en fureur ; mais je ne vis personne, si ce n’est la cuisinière qui vint m’apporter à souper. N’osant la questionner et elle n’osant probablement me parler de rien, je me couche sans être instruite de ce qui s’était passé : la nuit s’écoule au milieu des alarmes. Le matin De Varennes entre : l’air de gaîté qui règne sur sa figure m’étonne, m’inquiète. Je ne croyais pas, dit-il, d’un air distrait, que le hasard vous avait fait ici trouver un amant ; Durancy m’a trompée. Jeannette est un homme ; elle l’a reçue dans son lit comme vous dans le vôtre ; de cet endroit j’ai tout vu, tout entendu. En même temps il fait aller un ressort, et me montre qu’une simple gaze seulement avait toujours séparé son lit du mien ; c’est de là que partaient les soupirs que j’ai quelquefois entendus lorsqu’il le faisait avec madame Durancy. Je devrais être fort en colère, continua-t-il, surtout contre vous que j’aimais sincèrement ; mais, j’aurais tort, car les femmes sont essentiellement libertines ; ainsi belle Caroline, sans rancune ; mais aussi sans campagne, sans contrat. Il s’en fut froid… A l’heure du dîner on me fit descendre, et là, De Varennes s’expliqua ouvertement sur ses desseins à mon égard. D’abord il exigea que Brabant se présentât avec les habits de son sexe, nous dit ensuite qu’il voulait nous renvoyer tous satisfaits autant que nous avions droit de l’espérer ; mais qu’il voulait terminer par une partie de plaisir, qui par la nouveauté ne laissât rien à désirer au goût de chacun et à la volupté. En conséquence le dîner se couronne par d’abondantes libations qui, en égayant l’imagination, l’échauffent par degrés.

Après nous nous rendons dans l’appartement de madame Durancy… De Varennes s’empare de moi, m’embrasse avec ardeur, soulève mes jupons… Madame Durancy de son côté, voulant faire perdre à Brabant sa timidité ordinaire, l’avait renversé sur son lit et après lui avoir déboutonné son haut-de-chausse, elle serre avec ivresse son bijou qui était parvenu à un point de vigueur propre à faire les délices de la femme la plus difficile, je le regardais, et je lisais dans ses yeux que l’aspect de mes charmes, que le voluptueux De Varennes exposait au jour, était la seule cause de son ardeur. Déjà je suis nue, madame Durancy de même ; à leur tour nos deux cavaliers sont dépouillés par nos mains :

Nous admirons tour-à-tour nos bijoux. Les baisers suivent de près nos éloges mutuels. De Varennes ivre de volupté, me comble de caresses, son action et la vue de Brabant qui était en face de moi avec madame Durancy, ajoutèrent à mon illusion. Cependant chacun de nous s’arme d’une poignée de verges : nous nous rapprochons. De Varennes les fait tomber sur mon derrière, je frappe celui de Brabant qui fustige madame Durancy, qui à son tour fouette de Varennes. Il n’était rien de plus voluptueux ! Quel tableau offrait cette partie carrée, chacun de nous exhalait des soupirs que provoquait l’atteinte du plaisir. Nos sens aiguillonnés par l’action des verges et les objets que l’amour enflammé présentait à nos yeux, se manifestaient par les divers mouvemens de nos corps. De Varennes avait une main entre mes deux cuisses, de l’autre il chatouillait mon derrière avec le sceptre que la vieillesse emploie dit-on pour exciter ses désirs ; mais qui dans la jeunesse n’est que le prélude des plaisirs les plus délicieux, d’une main je serrais le bijou de mon cher Brabant, de l’autre j’excitais sa croupe à se mouvoir en différens sens, il agitait de même Durancy. Bientôt un feu plus ardent circule dans nos veines ; muets et hors de nous, chacun se laisse aller sur le tapis qui couvre le parquet : De Varennes avait sa tête placée entre mes pieds ; Durancy se tourne sur lui, et je serre mon cher Brabant dans mes bras. Alors ce n’est plus une illusion ; tout ce que l’amour nous avait peint de plus attrayant, se réalise, dans la situation où j’étais, je voyais à découvert le jeu de Durancy et De Varennes. Sensible à la déférence que celui-ci avait à mon égard, en me laissant avec mon jeune amant, je chatouillais avec délicatesse les deux globes annexés à son bijou. Brabant, pendant ce temps là me mange de baisers, et par un mouvement voluptueusement exécuté, il enchaîne mes sens. Tout ce qui s’offrait à ma vue, les sensations qu’excitait intérieurement le tendre Brabant, me tirèrent bientôt de cet état charmant pour me plonger dans une mer de délices, qui se dépeignent par mes exclamations, mes soupirs et le doux frémissement qui se fait sentir au même instant dans toutes les parties de mon être. Amoureusement étendue auprès de Brabant que je serrais dans mes bras, je me sentis tout-à-coup saisir par le robuste De Varennes, il me retourne, s’appuie sur mes genoux et mes cuisses étant entr’ouvertes, il introduit à son tour son flambeau d’amour dans le sanctuaire… Ciel ! combien cette nouvelle position me parut pleine d’attraits ! Ma tête était penchée sur le corps de Brabant, ma langue caressait la tête de son vit et mes mains le faisaient agir. De son côté il fait voltiger son doigt autour du siége de la volupté ; mais ce qu’il éprouve lui-même le transporte. Dans l’excès de son ardeur, il colle sa bouche sur l’entrée du temple de madame Durancy qui à genoux avait chacune de ses cuisses à côté de sa tête, et par sa position offrait ses charmes secrets à l’avidité de ses baisers ; une main de celle-ci effleurait légèrement mes cuisses, l’autre frappait le derrière de De Varennes, tandis que leurs bouches l’une contre l’autre se dardaient réciproquement à coups de langue. Entièrement livrée aux plaisirs que me procurait De Varennes, mon esprit ne cherche plus qu’à prodiguer à Brabant des caresses qui augmentent à mesure que les sources du plaisir s’entr’ouvrent. Enfin, il arrive ce moment désiré. De Varennes qui dans sa nouvelle position pénètre jusqu’au fond du sanctuaire de l’amour, et qui en parcourt toute l’étendue avec autant de variété que de rapidité, fait jaillir d’abondans flots d’amour : presqu’inanimée je me laisse aller sur Brabant, je le serre mollement dans mes bras, et ma bouche qui déjà ne lui donne plus que ces baisers qui, par l’intervalle qui règne entr’eux et leur douce impression, attestent à quels degrés le sentiment du bonheur et de plaisir se sont emparés de moi, ma bouche reçoit le témoignage du plaisir de Brabant. Une abondante ablution la remplit, tandis que la sienne reçoit celle que le même plaisir fait répandre à Durancy ; tous les quatre nous sommes plongés dans une ivresse égale : tous les quatre nous recevons des témoignages non équivoques de la volupté la plus vive. C’est ainsi que s’exécute et termine cette partie que De Varennes voulait faire avant notre entière séparation.

Restée seule dans ma chambre, on m’y apporte à souper ; et le lendemain, je reçus par les mains d’une personne inconnue une somme très-considérable de la part de M. De Varennes, avec ordre de quitter le logis dans le jour. J’aurais désiré instruire Brabant de la situation où je me trouvais, et l’engager à me suivre ; j’espérais qu’il ferait probablement quelques tentatives pour se réunir à moi ; mais je ne le vis point. L’amour que Durancy avait pour lui me donna à soupçonner qu’ils étaient partis ensemble. Cette malheureuse idée alluma mon dépit. Je fis approcher une voiture, j’y fis transporter tous mes effets, et m’y transportai moi-même, sans avoir aperçu ame qui vive dans la maison. Je me fis conduire dans le faubourg le plus éloigné, et là, j’arrête devant le premier hôtel garni.

Je m’annonce comme arrivant à Lyon, et me retire dans l’appartement qui m’est donné pour réfléchir à ma situation et au parti que je devais prendre. J’étais jeune, jolie et possédant environ vingt mille francs, outre mes bijoux et autres effets. Que faire ? dois-je suivre l’école du plaisir ? dois-je écouter les leçons de la sagesse ? Dans ce dernier cas, je puis trouver un mariage honnête qui me fera passer des jours heureux ; mais, que dis-je, heureux, est-ce dans un ménage, à dix-sept ans, que l’on goûte le bonheur ? Avoir toujours près de soi un mari argus qui peut apprendre un jour quelle a été ma première école, et qui s’en vengera par le mépris ou autrement ? Non, mon ame ardente ne le supporterait pas. Puisque ma destinée semble m’avoir fait naître pour le plaisir, laissons-là l’austère et fatigante sagesse, et abandonnons-nous au dieu qui me forma pour jouir. La vie est un passage si court ! Il faut, si l’on peut, la passer au milieu des roses. Au reste, je suis dans l’âge de faire fortune dans le monde, il faut en profiter. En conséquence, je résolus d’aller dans une ville riche et florissante. Un port de mer me parut favorable à mes vues ; je me décidai à aller à Bordeaux. J’employai cinq à six semaines à mettre ordre à mes affaires. Je vends mes hardes inutiles ; je me défais de mes bijoux, et, après en avoir réalisé pour trente mille francs, je place cet argent chez un négociant célèbre. Je conserve seulement cent louis ; je prends une place dans une voiture publique, et me voilà en route. Résolue comme je l’étais de me livrer à toutes les apparences d’aventure pour en faire naître de réelles. Tu penses bien que je ne devais pas être long-temps sans en trouver. En effet, le hasard m’avait placée dans la voiture entre un sexagénaire et un jeune homme de vingt-huit ans ; tous deux s’empressèrent le premier jour de me faire leur cour. Je répondais à leurs civilités avec un air de décence et d’honnêteté, qui leur donnait la plus haute opinion de moi. Le vieillard, plus entreprenant, était toujours alerte pour me rendre tous les services que l’occasion lui présentait. A table, il semblait deviner dans mes yeux ce qui me manquait, tandis que le jeune homme portait sur sa figure tous les traits qui caractérisent la douleur. Au second jour, le vieillard me marqua la même déférence et beaucoup de tendresse ; gai et spirituel, il m’amusa, me divertit ; je lui sus gré de son attention. Pendant ce temps, son rival soupirait, s’agitait sans cesse : en un mot, tout, dans ses gestes, annonçait que l’amour et la jalousie tourmentaient son ame. Il était nuit, nous étions encore éloignés de près de deux lieues de l’endroit où l’on devait s’arrêter, mon jeune amant se hasarda de prendre une de mes mains ; je la lui abandonnai. Il y porte la bouche. Cette légère faveur paraît effacer tous les tourmens qu’il avait éprouvés. Il se r’approche de moi, me presse contre son sein, et me dit à l’oreille qu’il m’adorait. Nous nous serrâmes réciproquement la main et nous nous tûmes. J’étais extrêmement accablée de la fatigue de la voiture ; le sommeil commençait à me gagner lorsque je sentis le vieillard glisser sa main entre les fentes de mon jupon ; je feignis alors un plus grand assoupissement. Mon silence l’enhardit ; quoiqu’en tremblant, il parvint à vaincre les difficultés qui le séparaient de mes appas, et, après quelques efforts, il atteignit le jardin de Cythère. Si mon embarras avait eu pour but quelques plaisirs qui me procurait l’espérance de voir d’un moment à l’autre mes charmes en son pouvoir ; si chaque mouvement qu’il avait fait pour y arriver m’avait fait tressaillir, quelle fut ma crainte en m’apercevant au mouvement de mes jupons que mon jeune voisin les soulevaient avec la plus grande précaution ! Pour le coup, je fus hors de moi.

Un froid mortel se glisse dans mes veines ; mais déjà il a atteint ma cuisse, et, trop ardent pour se satisfaire de cette faible jouissance, il est parvenu à l’endroit où la main du vieillard cherchait à allumer les feux de l’amour. En saisissant cette main, mes deux adorateurs furent interdits. Le plus jeune s’approche de mon oreille et me dit que c’était à lui à me procurer les plaisirs que je cherchais, disait-il, à exciter moi-même. En parlant ainsi, il repoussa la main du vieillard, qui, me croyant fâchée, me dit à son tour qu’il me priait d’excuser sa témérité à cause de l’excès de ses feux. Je ris intérieurement de la méprise de ces deux personnages ; je sentis avec plaisir que mes appas étaient restés au pouvoir de celui pour qui j’avais le plus d’inclination. Pendant que sa main officieuse préparait mes plaisirs, je laissai entraîner la mienne par le vieillard, qui l’introduisit dans sa culotte : il me fallut tâtonner à plusieurs reprises pour trouver son pitoyable engin. Cependant, épris de mes attouchemens, il soupirait avec tant de force et d’agitation qu’on l’aurait cru livré à un songe pénible. Mais, lorsqu’après beaucoup de perquisitions j’eus rencontré ses minces appas, je me retournai précipitamment de l’autre côté, et, comme par hasard, je laissai tomber ma main sur la cuisse de l’autre. Pour le coup, je ne fus pas trompée, et à la faveur de l’ombre de la nuit rien n’échappa à l’avidité de mes attouchemens, mon sein, les environs du jardin de Cythère sont également en sa puissance. Nos baisers pleins de feu, nos transports entrecoupés, l’extrême agitation de nos cœurs nous transportent, et, sans nos voisins, qui pouvaient découvrir d’un instant à l’autre ce qui se passait, nous eussions essayé de donner une libre carrière à notre ardeur. La gêne où nous nous trouvions ne faisait qu’enflammer nos désirs ; mais plus il nous fallait prendre de précautions pour dérober jusqu’à la moindre trace de nos plaisirs, plus ceux que nous parvenions furtivement à nous procurer nous paraissaient délicieux : telle était du moins ce que j’éprouvais. Obligée d’agir avec la plus grande précaution pour ne point trahir nos secrets ébats, j’avais encore à craindre que le vieillard, à qui j’avais abandonné mon derrière et qui était parvenu à glisser son doigt au fond du canal de Vénus, ne fut découvert par le jeune homme qui s’amusait à en parcourir les bords avec beaucoup d’art et de prudence. Je me conservai dans cette charmante situation jusqu’à l’instant où la voiture s’arrêta.

Le jeune homme, qui s’appelait Beville, était marié ; son épouse l’attendait dans l’auberge où nous descendîmes. Alors, je conjecturai que je ne le verrais plus ; nous nous serrâmes la main à la descente de la voiture ; j’acceptai ensuite celle du vieillard. Il se tint constamment à mes côtés pendant tout le temps du souper, et il ne cessa pas de faire les charmes de la société par son enjouement. On se leva de table ; il m’accompagna dans ma chambre, en prit la clef, sous prétexte de venir m’éveiller le lendemain matin ; il aimait mieux prendre ce soin que de me laisser étourdir par des valets de cabarets, d’ordinaire brutaux et maladroits. Je me mets au lit, non sans faire quelques réflexions sur ce qui s’était passé ; j’étais fâchée d’être séparée de Beville. Mais ce vieillard, dont la mise annonçait beaucoup d’aisance, me parut propre à me dédommager de la perte que mon cœur faisait. Je me doutais qu’il avait pris la clef de mon appartement dans le dessein de s’en ménager l’entrée : effectivement, je l’entendis bientôt venir. Il m’appelle. Je feignis beaucoup de surprise et de courroux de la liberté qu’il prenait. Il me répondit au nom de son amour ; il finit néanmoins par m’offrir un présent considérable, si je voulais bien lui laisser partager mon lit. Après quelques discussions que la décence ordonnait, je le reçus à mes côtés ; mais préalablement je plaçai bien avant entre les deux malelats ce qu’il m’avait apporté. Par reconnaissance, je réunis tous mes soins pour le rendre heureux. Hélas ! chez lui l’âge avait glacé le sentiment. En vain me prêtai-je à tout ce qu’il exigeait de moi ; en vain prenais-je toutes les positions que son désir de jouir lui suggérait, rien ne put vaincre la constante mollesse de son triste penin. Il voulut que je me couchasse sur lui ; il prétendait que cette autre position ranimerait des feux dont il n’existait depuis long-temps aucune étincelle. Je me prêtai même à cette fantaisie, bientôt je m’aperçus qu’il s’était endormi. Cependant j’étais courroucée contre ce maudit vieillard, auprès duquel mes soins n’avaient servi qu’à m’enflammer sans pouvoir espérer de satisfaire mon ardeur. Quelque bruit, que je crus entendre dans la chambre, m’arrêta dans mes réflexions. Je soupçonnai que c’était Beville, et, pour ne point lui faire apercevoir que j’étais couchée avec le vieillard, je restai dans la position où j’étais. Je poussai sur le bord du lit les jambes de mon compagnon nocturne, et je livrai mon derrière aux attaques de l’autre. Il avance au pied du lit, et, sentant que mon derrière était avancé, il se met en devoir de profiter de ma position : il me découvre doucement par le bas, rejette la couverture sur ma tête, se met à genoux sur le lit, porte une main avide sur mes appas, les dévore de ses baisers et enfin s’empresse d’obéir à ses désirs. Muette et immobile, je crains de lui faire apercevoir que je me prête à ses vœux. Obligée de me raffermir crainte d’éveiller le vieillard, le plaisir me paraît plus piquant, dès que ses apprêts sont entravés de part et d’autre. Enfin, Beville a cessé ses grands mouvemens, le moëlleux jeu de son glaive est le gage du délire où il s’est plongé, ses vigoureux ébats m’avaient déjà fait sentir les atteintes de la volupté, et une moindre rapidité me prépare des délices d’autant plus sensibles qu’elles se développent successivement.

Beville s’éloigne, je reste encore un instant dans cette position, jugeant enfin, par le silence qui régnait dans la chambre, qu’il s’était tout-à-fait retiré, je rétablis mon vieillard dans le lit ; ensuite je m’étends à ses côtés. Ne pouvant fermer l’œil et pensant au présent que je venais de recevoir, j’étais curieuse de savoir en quoi il pouvait consister. Retirant donc le paquet d’où il était contenu, je me jette à bas du lit afin de le déplier dans un coin de la chambre, près de la croisée dont le volet n’était pas bien fermé. En tâtonnant je crus sentir une montre et des pièces de monnaie que je m’aperçus être des louis, je le renferme précipitamment au bruit qui se fit dans ma chambre. On embrassait chaudement le vieillard, et par le bruit du lit je conjecturai que Beville était revenu à la charge. Je faillis me livrer aux éclats de rire, mais à un cri étouffé qui se fit entendre, je cours à la porte sans trop savoir ce que je voulais, j’en arrache la clef que le vieillard avait laissée en entrant, et j’allais la refermer lorsqu’il me semble qu’un nouvel acteur s’y introduit, ce qui me fait retirer dans un petit cabinet que j’avais vu dans cet appartement avant de me coucher. Aussitôt de violens coups retentissent dans la chambre ; un bruit sourd semblable à une chute se fait entendre ; les cris, au secours ! augmentent et bientôt on accourt avec de la lumière, je me tiens cachée. L’hôte de la maison avec quelques valets étaient venus pour mettre le hola, on fut fortement étonné de trouver dans mon appartement madame de Beville, qui, la rage sur le front, frappait son mari qui cherchait à couvrir le vieillard de son corps. L’infâme, disait-elle, en redoublant ses coups, quoi, devant moi ! Hélas, elle est morte disait Beville de son côté, cependant on retient l’épouse, on arrache avec peine le mari du corps qu’il tenait étroitement embrassé : jugez de la surprise des spectateurs ! Beville, honteux de sa méprise gagna son appartement suivi de son épouse qui lui prodigue les railleries les plus sanglantes.

Cependant l’on s’occupe à me chercher et l’on transporte le vieillard dans sa chambre. Le maître de l’hôtel, une lumière à la main entre dans le cabinet. A son approche je feignis d’avoir perdu l’usage de mes sens. Renversée sur un canapé, j’étais à ses regards l’image de la beauté expirante ; mais mes appas qui n’étaient qu’à demi-voilés firent naître ses désirs. Il éloigne aussitôt le garçon qui l’accompagnait, sous prétexte d’aller quérir les secours propres à me rappeller à la vie, et à peine fut-il éloigné, qu’il se mit en devoir de satisfaire son envie. J’étais fort embarrassée ; il fallut pour mon honneur soutenir le rôle que j’avais commencé ; d’ailleurs mon hôte était déjà en puissance de mes charmes. Pressé d’une ardeur des plus brutales, il tenait mes deux jambes sous ses bras, et par la véhémence de ses mouvemens, il parvint bientôt à me faire perdre l’usage du sentiment. Il jouissait à peine du bonheur qu’excitait le doux épanchement de l’amour, que son épouse arriva. Trop occupé du charme qu’il éprouvait, il ne fut pas maître d’interrompre son action ; mais je vous laisse à juger de la fureur de la femme ; elle renverse sur lui l’eau qu’elle apportait pour me secourir, il en tombe une si grande quantité de gouttes sur mon corps que je poussai malgré moi un cri, et j’ouvris les yeux ; alors il fallut bien feindre de vouloir me débarrasser des mains de mon hôte, j’implorai le secours des assistans. Leurs efforts combinés avec les siens pour rester à son poste donnaient plus de vivacité à son action et plus de prix à ma jouissance, aussi m’écriai-je, arrachez-le, ma… da… me, arra… chez le donc ! Mes soins, ceux de sa femme, les injures qu’elle lui prodiguait, la grêle de coups dont elle l’accablait, ne lui firent lâcher prise que lorsqu’il eût terminé sa carrière. Il fut éconduit par sa chère moitié avec toute la fureur que la vue de son infidélité lui méritait. — Ah ! un moment Caroline… et ce Beville et ce coquin d’aubergiste, faut-il que je leur doive à chacun un coup. — En vérité, mon ami, un suffira pour deux, il faut se ménager, tu vois que je suis en voyage. — Je t’entends, j’y suis, ah dieu ! c’est fait. — J’ai bu. — Encore. — Donnez… et le biscuit… bon… — Je continue :

Au retour de la femme de l’aubergiste, j’étais sur mon séant : où suis-je madame, lui dis-je, avec un air qui respirait le plus grand courroux ? Quoi des filoux viennent la nuit dans mon appartement : la terreur me saisit, et dans l’instant où elle me précipite au bord du tombeau, votre mari est assez insolent pour commettre à mon égard une action des plus atroces !… Je vais madame, me plaindre à l’officier de police. La bonne femme prit tout ceci pour bon jeu bon argent ; elle m’invite, me supplie de ne point déshonorer sa maison, c’était la première fois qu’une pareille affaire lui était arrivée. Elle voulut que je prisse quelque repos en me promettant de veiller elle-même à ma sûreté.

Je dédaignai ses offres ; elle me pria tant, me fit tant d’instance pour que j’étouffasse cette affaire, que je résolus de tirer parti, pour mon intérêt, de cette aventure, je lui dis donc que je consentais à tout oublier ; mais, qu’allant à ....... pour un procès très-intéressant pour moi et que ne pouvant avoir trop de fonds pour en assurer le gain, j’exigeais d’elle deux cents louis pour tout taire ; je lui fis comprendre que j’avais trois ou quatre procès, qu’un de plus ou de moins ne me gênerais pas ; qu’en conséquence, si elle ne voulait pas me satisfaire je la ruinerait entièrement, tant en discréditant son auberge qu’en la déshonorant, elle, et faisant condamner son mari à vingt mille francs de dommages-intérêts pour l’affront qu’il m’avait fait. La pauvre femme se jette à mes pieds, et me dit qu’elle n’avait pas cette somme, mais qu’elle m’offrait cent louis. Après bien des difficultés, j’acceptai, comme par grâce et j’ajoutai que mon intention était de partir sur-le-champ et que je voulais quatre chevaux pour m’éloigner au plus vite de ce séjour infâme.

Charmée d’avoir vaincu ma résistance, elle fit mettre quatre chevaux à une berline avec laquelle je me proposai de devancer mes compagnons de voyage. L’esclandre qui venait d’arriver et le présent que j’avais reçu du bon vieillard, me tenait singulièrement à cœur. En conséquence, pour éviter les regards des uns et des autres, et de crainte que mes champions ne découvrissent à l’hôtesse ma petite fredaine, je profitai habilement de la crainte de cette femme, et m’habillai, et après avoir emballé mes effets je me mis en route avec mes cent louis et le paquet du vieillard.

J’attendais avec impatience que le jour parut, pour voir enfin l’étendue du présent de mon vieux soupirant. A peine le jour me permit-il de le déployer que j’en dénouai les cordons ; une montre enrichie de diamans et un rouleau de cinquante louis étaient les fruits de ma conquête, je me mis à rire à l’idée du peu de fruit qu’il avait retiré de son excessive générosité.

J’arrivai dans l’endroit où je devais m’arrêter ; mais bientôt je fis réflexion que s’il n’y avait pas de voiture prête, mes voyageurs de la veille m’y retrouveraient, ce que je voulais bien sûrement éviter. Cette pensée même me détermina à changer de route, comme j’avais pris la route de Bordeaux, quelques-uns des voyageurs, me dis-je, pourront me découvrir en cette ville et cette aventure pourrait nuire à mes vœux ; j’offris donc à mon conducteur vingt pistoles, s’il voulait me conduire à ........., route entièrement opposée pour mon voyage, il y consentit avec joie, nous arrêtâmes une demi-heure seulement et nous reprîmes ventre-à-terre le chemin que j’avais indiqué. A trois lieues de l’endroit que nous venions de quitter, nous traversions un bois qui a environ une demi-lieue de long, lorsqu’un jeune homme à cheval, qui venait à nous, ayant jeté un coup-d’œil dans la voiture, fit un cri qui me retire de ma rêverie, et se lançant vers le postillon, il lui ordonne de s’arrêter. Celui-ci croyant que c’était un voleur, pique ses chevaux et prend le galop en lançant un coup de fouet au cavalier qui est renversé, une minute après un autre cavalier s’approche au galop, tire un coup de pistolet qui jette le postillon à bas de ses chevaux, attache son cheval derrière la voiture, prend la place du postillon et part comme un éclair. J’avais vu cet événement avec crainte et effroi, et attendrissement.

Le nouveau-postillon allait un train d’enfer, nous approchons enfin de la ville de ***, mon guide s’arrête, m’ôte son chapeau et me dit : madame, vous avez probablement mauvaise idée de l’aventure qui vient de vous arriver ; il est donc possible que sitôt que vous en trouverez l’occasion, vous me fassiez arrêter et la proximité de la ville pourrait vous la fournir : mais vous devez voir par ma conduite que mes intentions ne paraissent pas mauvaises. Cependant comme la mort du coquin qui vous conduisait, pourrait attirer sur mes pas et que je ne puis être assuré de vous autant que vous serez certaine de la pureté de mes intentions, ce dont il ne m’est pas possible de vous persuader, permettez que par prudence dont vous me saurez gré dans la suite, je vais vous mettre dans l’impossibilité de me nuire ainsi qu’à vous-même, mais je vous en conjure, laissez-moi faire et ne vous effrayez pas. En disant ces mots, il descendait de cheval, montait dans ma voiture, me demanda mon mouchoir dont il me couvre la bouche, me lie avec le sien les mains derrière le dos et me fait en même temps mille excuses de ces moyens qu’il était, disait-il, toujours obligé d’employer pour sa propre sûreté et la mienne, remonte à cheval et part comme l’éclair, il n’entre pas dans la ville, il quitte la grande route et par un chemin de traverse, après six heures d’une course forcée, nous arrivâmes fort tard dans un endroit que j’ignore être ville ou village ; car j’y arrivai la nuit et j’en partis de même. On s’arrête vis-à-vis d’un parc ; trois coups de fouet firent ouvrir les portes, nous entrâmes. Le postillon, toujours très-poliment, me fait mille excuses de ce qu’il en a ainsi usé envers moi : il me dégage et me dit que je suis chez moi, que je peux disposer de tout, que demain mon amant serait à mes pieds et que je pouvais régner. Ce dernier discours sans avoir positivement rien de rassurant, me fit oublier cependant ma terreur du voyage et je commençai à penser que cette aventure n’aurait rien en effet de désagréable pour moi ; je me résignai donc facilement à en attendre l’issue.

Je n’avais rien pris de tout le jour, j’avais faim. Je demandai à souper : en attendant, m’étant un peu enhardie, je jetai les yeux autour de moi, je vis des meubles charmans, des gravures exquises, des tableaux divins. Un portrait charmant représentait Vénus aux belles fesses, il portait une inscription, je la lus, elle était ainsi conçue : Ce n’est point là encore Caroline ? Ma surprise commença à être une surprise de plaisir, surtout quand je vis le bon souper, le zèle des gens, et la délicatesse qui régnait en tout. Je voulus questionner, mais tout le monde était muet. Ma curiosité, mon impatience étaient à leur comble ; je fus obligée de me coucher sans avoir été éclaircie, je dormis jusqu’à dix heures du matin.

Ah ! j’ai oublié, comme tu as vu que d’après mon système, j’avais débuté par être interressée ; tu me demanderas ce que j’avais fait de mon argent ; il était étroitement serré dans une poche de cuir que je m’étais fait faire pour le voyage et qui fermait à secret. Je me couchai avec et n’avais garde de laisser à penser que j’eusse plus que quelques louis.

A dix heures donc je sonnai, un jeune homme bien bâti se présente, et me demande ce que veut sa maîtresse. C’était un beau blond de dix-huit ans ; mais dans ses réponses et sa conduite, il annonçait cette simplicité, connue parmi les gens expérimentés sous le nom d’innocence. Cependant il fut discret sur les questions que je lui fis, et sur le lieu où j’étais, et sur le maître du logis. Du reste, je me convainquis de sa parfaite naïveté. J’oubliai bientôt mes questions, pour ne plus faire attention qu’à mon grand innocent. Je me rappellais toujours avec délices cet instant où feignant de méconnaître le sexe de Brabant, je m’étais livrée pour la première fois à ses désirs ; jalouse de me procurer en attendant l’amant qui m’avait été annoncé, une jouissance aussi voluptueuse avec cet inconnu, mon esprit s’applique aux moyens d’y parvenir.

Philippe était si borné, que mes agaceries n’avaient, depuis deux jours, rien produit sur son imagination. Comme je désire avec violence ce que j’ai désiré une fois, j’ai résolu de hâter le moment de ma jouissance puisque cet amant promis ne venait pas. Pour monter la tête de Philippe, j’essayais de lui dévoiler partiellement mes appas ; en conséquence, je le priai plusieurs fois de me mettre ma jarretière. L’imbécile, en me relevant mes cotillons, les serrait si étroitement sur le genou, qu’avec la meilleure envie de lui faire voir mes appas, il détournait ses regards de la moindre ouverture qui pouvait permettre à sa vue d’y plonger : lui disais-je de délacer mon corset, il relevait aussitôt mon tour de gorge, de manière que mon sein se trouvait voilé. Vous avez trop haussé ma chemise, lui dis-je impatientée ; passez votre main sous mes jupons, pour la tirer en bas. Je sentis alors le plaisir que l’on goûte lorsque nos appas sont touchés ou découverts par un objet nouveau : innocent et timide, il tremble, et sa timidité, seul motif de sa lenteur à s’acquitter de cet office, me causa cette sensation qui s’accroît à mesure que l’on s’approche du jardin de Cythère. Cependant, il baisse légèrement mon linge ; il allait se retirer lorsque je l’oblige à passer sa main entre mes cuisses, afin de me rendre le même service par derrière. Il m’envisage avec un air interdit : ses yeux sont enflammés. Je profite de l’instant où la nature parle à son âme pour réussir dans mon projet ; j’applique ma bouche sur la sienne ; je fais circuler dans mes veines une ardeur inconnue. Ne connaissant ce qui l’agite, il reste immobile à mes genoux, il semble attendre que je lui définisse la cause des feux dont il brûle ; je le renverse, et après avoir écarté mes jambes sous lui, je me place de manière à lui donner la facilité de satisfaire sa curiosité en contemplant mes appas. Ma main effleure sa cuisse ; un léger mouvement m’avertit qu’il est sensible à mon action, sa culotte s’enfle à vue d’œil, et la forte tension de son bijou, que je continue de frotter et de presser légèrement, est la preuve que mes soins ne sont pas infructueux. Tout est naturel chez l’homme à qui la vigueur du tempéramment fait ressentir par degrés les charmes de la volupté ; aussi, à mesure que j’ôte un bouton, ses soupirs annoncent le ravissement qu’il éprouve ; il augmente lorsque sa culotte est tout-à-fait ouverte, et le frottement de sa chemise, lorsque je l’enlève, le fait tressaillir de joie. Enfin, ses appas totalement à nu, m’offrent le plus beau des traits que Cupidon ait eu dans son arc, et qui ne peut être comparé qu’à celui de St-Far. Je m’en empare, l’agite : pour le coup, il ne peut tenir contre les diverses sensations que l’art et la volupté savamment développés lui procurent.


Je m’en empare, l’agite : pour le coup, il n’y peut tenir.

Ma main voltige partout ; chacune de ces mutations est marquée par l’impression qu’il ressent. Tantôt sa bouche exprime par des sons entrecoupés, que les feux de l’amour sont en possession de ses sens ; dans l’excès de son ivresse, il soulève mes jupons, et, en proie aux doux accès de la volupté, sa bouche s’applique sur une de mes fesses, avec cette ardeur dont le volume se répand sur toutes les parties propres à recevoir son électricité. Une de ses mains se glisse entre mes cuisses ! Ah ! quel plaisir, je lui livre un libre passage ; mes appas sont donc au pouvoir de l’innocence, qui, guidée par la nature, venait pour la première fois s’extasier à leur vue et leur prodiguer les plus vives et les plus tendres caresses. Lorsqu’il commençait à lever mes cotillons, j’étais dans cet état de désir dont les effets qui sont aussi prompts que l’éclair, se faisaient sentir et augmentaient à raison de ses progrès à découvrir mes charmes. L’amour avait transporté tous ses feux sur les bords du temple, il n’attendait pour se répandre au dehors qu’un léger effort. Aussi, dès que sa main, cette main si désirée, l’eût effleuré, leur éruption s’annonce par une sensation que je ne saurais définir, au même instant le trait que je tiens à la main se blanchit par cette liqueur spiritueuse, qui, par ses premiers effets, inspire à ce jeune homme des cris, des gestes, des mouvemens, gages non équivoques de l’état où nage son ame. Je me relève et le fixe : Philippe, lui dis-je, que sentez-vous maintenant ? m’aimez-vous ? Il ne répond pas. Une espèce d’égarement est peint sur ses regards ; il soulève sa tête, et à peine a-t-il jeté les yeux sur son instrument et sur la liqueur qu’il a répandue, qu’il pousse de hauts cris : Je suis mort ! dit-il ; voilà comme mon père est devenu enflé petit à petit, et je suis de plus comme ma grand’mère, qui est morte d’un lait répandu. Craignant que ses plaintes n’attirassent quelques personnes de la maison, je le prends dans mes bras ; je cherche à le rassurer. Regarde, mon cher Philippe, entre mes cuisses, lui dis-je, un épanchement absolument semblable ; j’ai éprouvé le même plaisir, et c’est toi qui me l’as procuré. Enfin, convaincu que les mêmes effets s’étaient manifestés chez moi, il cessa ses plaintes.

Sa mère frappa alors à la porte, et lui demanda pourquoi il avait crié de la sorte. A cette question je frissonnai ; mais Philippe répondit plus ingénieusement que je ne l’aurais cru : Que c’était un grand conte qu’il m’avait fait à dessein de m’amuser. Allons ! allons, dit alors la vieille, mon fils n’est pas si sot, voyez-vous, qu’il paraît. Alors la vieille se retire ; mais Philippe reste.

Bientôt il me montre son bijou, qui était dans le même état qu’il y a un instant ; il me prie plaisamment de lui faire perdre cette dureté qui le gênait ; à moi seul sans doute, qui lui avais donné cette vigueur, appartenait la puissance de la lui faire perdre. Philippe, lui dis-je en recommençant à presser doucement son bel instrument, je Veux bien, par un nouveau plaisir que tu ne connais pas, te remettre encore dans ton premier état, mais à condition que tu me diras enfin où je suis et quel est ton maître.

Charmante dame, me dit-il, il m’est défendu, sous peine de la vie de rien dire ; mais n’eussai-je aucune crainte, je l’ai juré, et quand j’ai juré, jamais je ne trahis un secret. Mais songes au plaisir que je viens de te donner ; eh bien ! je te l’augmenterai encore. — Madame, dussai-je en avoir plus que celui que vous me promettez encore, jamais je ne trahirai le secret de mon maître. Cette étonnante discrétion me rendit Philippe plus cher. Voilà, dis-je un homme qui sera un amant discret. Que m’importe au surplus où je suis, pourvu que je jouisse ? Viens, dis-je, charmant discret ; je ne te demande plus rien que le silence sur nos plaisirs ; puisque tu sais si bien te taire, tu seras heureux. Viens, que nos lèvres soient collées les unes contre les autres ! que nos langues amoureuses, comprimées par les tendres et mutuels efforts de notre bouche, entretiennent et alimentent notre ardeur ! que ta douce et fraîche haleine pénètre dans mon sein, qu’elle y verse tout le feu de ton âme ! Mais, je suis déjà étendue sur le lit, mes appas sont découverts, et Philippe, dont j’ai précipité le haut-de-chausse sur les talons a déjà son ventre sur le mien ; je guide son trait dans le charmant réduit où l’amour l’attire, et portant mes mains sur ses deux fesses, aussi fermes, aussi fraîches que le maître ; je ne fais que lui donner une légère idée du mouvement nécessaire à nos plaisirs. Le sentiment qu’il éprouve est son unique maître. Devient-il plus piquant, ses baisers s’enflamment sur la circonférence de ma bouche, recueillent jusqu’à mon plus léger souffle, qui, se confondant alors avec le sien, nous inspire une ardeur, un sentiment, et des délices dont l’ensemble fait tout le prix.

Ah ! cher Philippe ! un instant, nous allons voir si nous pouvons vous oublier ! — Tu serais excusable, tu serais à ton cinquième coup, et Philippe était au premier de la nature ; mais tu me coupe la parole ! Comme tu te venges, invincible amant, comme tu te venges ! Que de délices, mon ami ! Quel ivresse ! le foutre m’inonde, et je suis presque vaincue. — Caroline, je dois beaucoup à ton jeu divin. Ta croupe divine aide merveilleusement mes efforts, et ici tu as fait plus que moi. Allons, vigoureux pucelage de Philippe. — Au vit toujours bandant de Saint-Far ? — Cette fois, les macarons vont te payer, et le reste ne l’épargne pas ! tu en sais faire un si bon usage ! — Eh bien ! Philippe, nous l’avons laissé sur ton sein ? — Oui, j’y suis. Ah ! dieu, s’écrie-t-il, quel plaisir inconnu ! que n’êtes-vous ma femme ! que ne suis-je Brabant ! Brabant, m’écriai-je ; Brabant ! Grand dieu ! que dis-tu ? Le mouvement que je fis effraya Philippe : il tomba en bas du lit, roula dans la chambre et s’enfuit, en relevant sa culotte. En vain je le rappelai, il était loin. Comment, me dis-je, Brabant, est ici connu ? Serai-je ici chez Brabant ; une foule d’idées inconnues, embarrassées, s’emparent de mon esprit. Je questionne, on sourit, au nom de Brabant et on ne répond pas. J’entre en fureur ; je saisis la mère de Philippe d’une main, de l’autre, prenant un pistolet qui était au chevet du lit, je la somme, sous peine de la vie, de me dire ce qu’elle savait de Brabant. Elle me répondit enfin en tremblant : Madame, vous êtes chez Brabant ; mais croyez que nous n’avons aucune part à la violence qu’on vous a faite. — Comment violence ? charmante violence ! Quoi, je suis chez Brabant ; il n’est pas ici ? Mes transports de fureur se changent en transport de joie. Tiens, ma bonne, reçoit ce petit présent : où est Brabant ? — Madame, puisque ce n’est pas par violence que l’on vous a conduite ici, et que vous aimez Brabant, je vais tout vous dire. — Assieds-toi, ma bonne ; contes, contes-moi.

Depuis deux mois, Brabant est possesseur de ce château, qu’il acheta de ..... : avant, il pleurait une amante qu’on dit jolie ; mais je doute qu’elle le soit autant que vous. Avant hier, il sortit avec son fidèle domestique. Le soir, le domestique revint seul avec vous, nous ordonna, sous peine d’être chassés, de ne pas dire où vous étiez ni de prononcer le nom de Brabant. Il nous enjoignit de vous traiter comme la maîtresse du château ; mais de ne pas vous laisser sortir ni parler à qui que ce fût du château. Et nous aurions tenu notre serment, sans l’imbécilité de mon fils, qui probablement vous a dit ce qu’il en était ; il vous a dit qu’une dame avait acheté ce château, et était venu s’y établir avec Brabant, qu’à une partie de chasse cette dame avait été blessée et était morte le lendemain, et que lui, Brabant, en était seul héritier. Grand dieu, m’écriai-je, je suis dans la maison de Brabant ! que je suis heureuse ! Je ris, je saute, j’embrasse tout ce qui m’environne ; mais une lettre fatale dérangea bientôt mes plaisirs et mes espérances de bonheur. C’est Brabant qui écrivait. «Adorable Caroline ! pardonnez-moi la violence que je vous ai faite, mais c’est la faute de votre imbécile postillon. Mon intention, en approchant de votre voiture, était de l’arrêter pour vous parler : son refus et sa brutalité sont seuls cause de son malheur ; car lorsqu’il m’eût renversé et blessé d’un coup de son fouet, je donnai ordre à mon fidèle Charles d’aller lui brûler la cervelle, de vous conduire avec prudence chez moi, ne voulant vous rejoindre que le lendemain, parce que je voulais aller à la ville voisine me remettre de ma chute, ne pouvant supporter une route longue et précipitée dans l’état où j’étais. J’avais cru de la prudence de vous cacher mon nom, voulant vous faire un plaisir de la surprise, dans le cas où vous fussiez toujours libre et dans les mêmes dispositions à mon égard ; mais mon sort, qui devait être celui du plus heureux des hommes, est bien changé. Je viens d’être arrêté comme l’auteur de l’assassinat de ce malheureux postillon, qui exprès est revenu de l’autre monde pour m’accuser ; mais comme, au contraire, c’est lui qui m’a frappé, je me retirerai de là. Je viens de faire partir le fidèle Charles.

Une lettre de mes parens, que j’ai reçue ici, me donne les plus belles espérances, si j’émigre, et j’y suis disposé. Aussitôt que je sortirai de prison, je me rendrai à Metz, chez M. B… Tu peux prendre les devant, et m’attendre en cette ville. J’emporterai avec moi près de cent mille francs que m’a laissés la pauvre D… ; et, si tu veux suivre ma destinée, nous serons heureux. Envoie-moi un simple oui, ce sera ta réponse. Je ne t’engage pas à venir, parce que certaine aventure d’auberge, que je pense être la tienne, a fait du bruit et on en cherche l’héroïne. Adieu, ma toute adorable ; j’espère que notre prochaine réunion sera plus heureuse que celle-ci… »

— Je répondis oui à mon amant, et dès le lendemain je partis ; mais je n’oubliai pas l’auteur de la consolation que j’avais éprouvée dans ce château, le naïf Philippe. Je me mets donc en route avec mon cher adonis. L’équipage à quatre chevaux me restait, ainsi que la berline ; j’avais d’abord eu envie de les renvoyer à l’hôtellerie de mes aventures. Mais aussi, tout bien pensé, je résolus de les garder ; il me semble, disais-je, qu’une femme comme moi vaut bien deux cent louis et mieux, pour un malotru d’aubergiste, qui a eu le bonheur de me baiser sous les yeux de sa femme ; mais craignant que le signalement de la voiture ne fût dans les lieux où je passerais, je fis teindre et chevaux et voitures, et je partis avec assurance.

J’oubliais de te dire que Brabant par potscriptum, m’avait dit de prendre dans une cassette dont il m’indiquait le secret ; quatre rouleaux de cent louis pour ma rente, ce qui me mettait en fond, mais de crainte d’accident dans un si long voyage, comme j’en avais assez sur moi, je les fis adresser par la première poste aux lettres au banquier déjà dépositaire de mes premiers fonds.

Jusqu’à Metz mes aventures furent nulles, parce que je n’en désirais pas, étant très-satisfaite de Philippe, arrivée dans cette ville, je le fis savoir au chevalier de B… Brabant l’avait prévenu, il marquait que l’on devait me recevoir avec égard et il devait arriver dans un mois au plus. Je refusai de loger chez le chevalier B… aimant la liberté, et voulant paraître avec quelque éclat. Je louai un hôtel superbe, une femme de chambre et voiture, comme Philippe commençait à m’ennuyer, je désirais une intrigue je ne fus pas long-temps sans en avoir une vraiment singulière, ayant besoin de fonds, j’avais envoyé chez un banquier bijoutier pour me défaire de pièces inutiles ; mais ne pouvant sortir moi-même, étant indisposée, j’avais prié que l’on envoyât chez moi, le fils du négociant vint lui-même ; charmant jeune homme ! qui fit sur-le-champ ma conquête, je causai peu de l’affaire qui l’amenait, je lui donnai un bijou en lui disant de venir le lendemain m’en dire le prix et ce qu’il pouvait m’en donner. J’étais nonchalamment couchée sur mon canapé, et en regardant ce joli jeune homme, je vis bientôt que je faisais sur lui la même impression qu’il avait faite sur moi. En vain, je voulus lier une conversation suivie avec lui, il était si distrait que ce fut de toute impossibilité : je m’aperçus bientôt du motif, ses regards étaient fixés sur une de mes jambes qui par hasard étaient découvertes. Je fus touchée de la langueur qui était peinte dans ses yeux, j’eus pitié de ses tourmens. Mais il fallait lui donner la facilité de satisfaire son amour, sans avoir l’air d’y consentir ; en conséquence, sous prétexte d’un certain mal aise je me mis au lit, en le priant de vouloir bien rester jusqu’à l’arrivée de ma fille de chambre. Quelques minutes après je feignis un profond sommeil : je m’attendais qu’il ferait quelque tentative pour glisser sa main entre mes draps ; mais son respect pour mon repos, le tint immobile. Je rompis le silence et adressant la parole comme à ma femme de chambre, Lucile dis-je, prépare-moi un lavement et tu me le donneras. — Tout à l’heure, dit-il, madame, en adoucissant sa voix.

Je fus enchantée qu’il eut l’esprit et la volonté de se prêter à la ruse que je voulais employer. Quand je crus le lavement à son point, je lui dis de venir me le donner. J’ai toujours trouvé une certaine délicatesse à me laisser découvrir mes appas, surtout lorsqu’une main timide s’acquitte de cet office. J’avais pris la posture que demande cette opération ; mon jeune homme arrive au pied de mon lit, entr’ouvre les rideaux, et le premier objet qui le frappe est un derrière dont la blancheur perçait à travers la finesse du linge, il glissa sa main dessous pour me découvrir, on aurait cru que j’étais fortement enveloppée, tant il paraissait avoir de la peine pour me détrousser, et dans les détours qu’il prenait, il ne manquait pas d’appliquer sa main sur mes cuisses, il en effleure même le haut pour achever de lever ma chemise. Toutes ces petites manœuvres offraient une infinité de détails plus agréables les uns que les autres. Quand il fallut placer la seringue, mon jeune homme était si agité qu’il ne put en venir à bout ; enfin sous prétexte du froid que je commençais à sentir, je le fis retirer.


Quand il fallut placer la seringue, il était si agité qu’il ne put en venir à bout.

Quelques instans après, ayant entendu certain bruit, je fus curieuse de savoir d’où il provenait, j’avançai doucement la tête et à l’aide d’une légère ouverture pratiquée entre les rideaux, j’aperçus mon pauvre jeune homme occupé à son instrument ; il avait le visage tourné vers mon lit ; ses lèvres semblaient balbutier ; il m’envoyait des baisers ; cette vue fit un tel effet sur moi que je me mis à user des mêmes moyens que lui, pour éteindre le feu qui s’était glissé dans mon âme ; déjà l’une de mes mains voltigeait sur le temple de l’amour, et avec le secours de l’autre que je passe sous mes cuisses, j’introduis mon doigt dans l’intérieur, ce double feu qui venait de m’inspirer la volupté et dont je m’acquittai avec dextérité, commençait à faire son effet, lorsque je réfléchis que j’étais bien sotte de me priver d’un objet qui paraissait si brillant, je me rajustai dans mon lit et lui demandai si ma femme de chambre était ressortie. Oui, madame, répliqua-t-il ; cependant il s’agissait de venir à bout de mon projet, je le fais approcher et le remerciant de son honnêteté à mon égard, j’ajoutai que je désirais lui témoigner, combien j’étais sensible à tout ce qu’il avait fait pour moi, en restant pendant l’absence de ma femme de chambre ; je causai, il avait de l’esprit, avait envie de m’avoir, il réussit. Si mon cœur m’appartenait, lui dis-je, charmée de vos belles qualités je n’hésiterais pas à ce que vous me demandez et à vous offrir ma main ; mais j’ai une sœur très-aimable ; son amitié pour moi ne la fera pas balancer un instant sur l’époux que je lui présenterai.

Il me serra la main d’un air qui semblait me dire : hélas ! c’est vous seule à qui je désirais m’unir par un si doux lien ; mais feignant d’interpréter son intention comme l’expression du désir qu’il avait, que je fusse sa belle sœur ; j’ajoutai : la ville qui nous a vu naître rendit toujours la plus grande justice à la probité et à la vertu de ma famille de temps immémorial, la franchise et la fidélité conjugale datent d’après nos aveux les plus reculés jusqu’à ce jour : il serait bien triste pour moi, si vous faisant entrer dans le sein de cette famille respectable, j’introduisais un homme qui vint y porter la douleur et le désespoir. Je ne doute pas, continuai-je de vos qualités morales, mais il faut aussi à la femme la plus vertueuse un mari qui puisse satisfaire aux devoirs du mariage : la bonne volonté ne suffit pas à cet égard, il faut encore mon cher ami, il faut qu’il ait reçu de la nature les moyens propres à remplir sa tâche ; voyons, voulez-vous permettre que je m’en assure de mes propres yeux ? Et je mis aussitôt la main à sa culotte ; parvenue à son priape, je lui dis qu’il était passable. Cependant à force de le presser, de l’agiter, il acquit cette force, cette supériorité, présage d’une heureuse victoire. Il ne suffit pas lui dis-je, de posséder un tel bijou ; voyons, si vous savez en faire usage.

En disant ces mots : je l’attire sur moi, et me découvrant, je m’établis dans la position la plus favorable pour l’introduction de son trait.

Il fut d’abord surpris, mais prenant la balle au bond, il s’élance et le pourtour du temple de l’amour est passé dans toute sa longueur. Habile dans cet art, mon jeune homme semble vouloir se surpasser, tantôt il effleure circulairement toutes les parties qui tapissaient l’intérieur du temple de Cythère, tantôt par un mouvement horizontal, il l’enflamme, il l’électrise en entier. Ah ! que ce charme me ravit ! Je sentis jaillir les libations que les amans versent dans les cœurs. Monsieur, disais-je, vous… êtes… digne… d’ê… tre… l’ép… oux… de… ma… sœ… r… le dernier mot est à peine prononcé que le sacrifice est consommé ; en pieuse prêtresse, je reste un instant immobile comme si le dieu qui venait de m’inspirer, avait par sa présence versé dans mon sein la plus vive émotion.

Le lendemain il revint ; nous fîmes affaire de mon bijou, qu’il voulut me laisser pour une nuit seulement, passée avec moi, mais je n’eus pas l’air de le comprendre, cette nouveauté le déconcerta. Pendant quelques jours que je séjournai encore à Metz, il ne manqua pas de venir régulièrement me faire sa cour ; mais jalouse de soutenir mes principes de vertu, je me courrouçai vivement, lui faisant un crime de sa conduite indiscrète à mon égard, et injurieuse pour ma sœur qui méritait plus d’attachement qu’il ne lui en témoignait en ma présence ; enfin, quand je partis et d’après ses pressantes sollicitations, je lui promis de lui amener dans peu cette sœur adorable et qu’il attend encore.

Cependant j’attendais avec impatience le jeune Brabant, il arriva enfin ; mais sans autre fortune que son épée, il lui en avait coûté beaucoup pour se tirer d’affaire ; mais ce n’était pas tout son malheur.

Quelques jours après mon départ de son château, les paysans qui ne voulaient plus de seigneur, y avaient mis le feu et avaient tout pillé, il ne lui restait plus d’espoir que dans les six cents louis que j’avais et dans les brillantes espérances qu’on lui avait donnés s’il émigrait. Ce revers inespéré de fortune le changea, je l’avoue, un peu à mes yeux ; et comme malgré moi, plusieurs idées qui me vinrent tout-à-coup lui nuirent dans mon esprit ; je commençai à soupçonner Brabant d’être intéressé. Au moins j’aimais à me le persuader, je le crus aisément ; il m’avait laissé à de Varennes pour suivre la Durancy et n’avait fait, m’a-t-il avoué, aucune démarche pour me retrouver, parce que disait-il, il s’était sacrifié à la reconnaissance qu’il devait à madame Durancy ; mais que sa mort l’avait rendu à l’amour. Il ne m’avait d’ailleurs confié que l’argent nécessaire pour la route, cette mesquinerie me revint à la pensée et comme en sacrifiant au plaisir, je n’avais pas oublié ce qui le procure, c’est-à-dire l’argent, je pris sur-le-champ mon parti, je fis trois cents louis que je donnai à Brabant, en lui disant que j’avais une répugnance invincible pour l’émigration, que j’aimais la France et que je voulais y rester ; qu’au surplus ma fortune ne suffisait pas pour lui et pour moi, et que puisqu’il n’avait pas voulu rester avec moi en sortant de chez de Varennes, puisqu’il craignait de nuire à ma fortune, je craignais de même de nuire à la sienne en partant avec lui.

Il feignit, ou ressentit réellement le désespoir ; mais le coup était porté et je ne l’aimais plus. En attendant que je pusse le décider à partir sans moi, je louai une maison de campagne à quelques lieues de Metz, je m’y retirai, il vint m’y voir ; et comme avec les trois cents louis que je lui avais remis, il fut assez heureux pour en gagner mille, il voulut me forcer à les reprendre ; mais je refusai constamment, charmée même de ce que par là il ne pourrait me soupçonner de ce qu’il en était. Cependant ce changement de fortune ne m’avait pas beaucoup changée à son égard. Voyant enfin qu’il ne pouvait rien par la douceur ; il voulut employer la force et la violence ; enfin il parut se résigner ; il me dit qu’il avait pris son parti et qu’il m’engageait à me fixer, et que comme les émigrés ne seraient pas long-temps sans rentrer, il reviendrait me trouver. Je consentis à cet arrangement, puisqu’il ne m’engageait à rien. Un jour il me vint dire qu’il partait le lendemain et qu’il fallait faire nos adieux par une orgie. J’y consentis, mais quand la fatigue du plaisir et du repas ne me laissent plus de force, Brabant et son domestique m’enlèvent. Déjà j’étais prêt de la chaise de poste qu’il avait fait avancer vers le village, alors la fureur s’empare de moi : traître lui dis-je, tu ne m’emporteras que mourante ! Et je fis de tels efforts que je m’échappai et je me lançai du côté de la rivière.

C’est cette nuit où tu vins à mon secours. Je crus Brabant parti sans moi, et le lendemain j’allai me promener en pensant à toi, ton honnêteté avait fait sur moi une vive impression. Je m’amusais donc avec Lucile, lorsque tu parus, et ton action hardie te rendit maître de moi. J’étais la plus heureuse des femmes ; je te savais gré de ton crime et dès ce moment je te jurai un amour sans bornes, mais quelle fut ma frayeur quand on vint nous surprendre comme tu le sais. — Quel était ce ravisseur ?… — Devine… — C’était Brabant dont tu m’as vengée, mais pendant que vous terminiez votre querelle, j’étais encore la victime d’une autre aventure, j’étais morte de frayeur, à l’instant où tu te lançais vers Brabant ; que devins-je, quand, voulant fuir et me couvrir de ton manteau, je fus rencontrée par un homme qui me dit : Laissez, Caroline, ces deux fous se disputer votre conquête, j’ai quelques droits à l’emporter sur eux. Quelle surprise, quand je reconnus dans cette voix celle de Varennes ! Tant d’événemens coup sur coup, me firent perdre l’usage de mes sens et de Varennes en profita habilement. Bientôt il me force de le suivre et me reconduit chez lui plus morte que vive, de Varennes me rassure, il me dit qu’il me mettra à l’abri de cette aventure. Par lui j’appris la mort de Brabant et la fuite de Philippe qui était resté à son service avec tout l’or de son maître. J’appris la disparution de mon cher St.-Far. Comme on trouva tes habits, on dit que tu t’était jeté à l’eau et que tu t’étais noyé. Je n’ai pas eu d’avis contraire, ce qui m’avait fait présumer que tu étais mort ; comme je te l’ai dit lorsque tu es venu. Ayant demandé à de Varennes, comment il s’était fait qu’il m’eut rencontrée, il me dit, que passant par Metz pour aller à Strasbourg, il avait rencontré Brabant au spectacle, que celui-ci lui avait d’abord caché ma retraite, mais que l’ayant apprise, il était venu pour me voir, lorsque les cris de ma femme de chambre qui se noyait, lorsque tu l’avais jeté à l’eau, l’avait attiré dans cet endroit, qu’après avoir retiré cette malheureuse, celle-ci lui avait dit de courir au secours de sa maîtresse que l’on violait ; qu’il était arrivé quand c’était fait ; que quant à Brabant, il présumait que non content de son coup de la veille, il espérait être plus heureux aujourd’hui, mais que son coup avait été manqué et puni.

De Varennes resta quelques jours avec moi, afin de me mettre à l’abri dans le cas où cette affaire ferait du bruit.

Pendant ce temps-là, il s’amusa à composer une petite pièce de vers que le méchant répandit partout, voyant que mon aventure n’était pas assez fameuse à son gré. (Voyez la fin.)

Aussitôt que je vis que le meilleur parti était de quitter le pays, je résolus de reprendre mes premières idées. Ton image, mon cher St.-Far, me poursuivait sans cesse ; comme tu m’avais dis que tu étais de Marseille, l’espoir que peut-être tu n’étais pas mort et que je te retrouverais à Marseille, me fit décider pour cette ville.

J’arrivai enfin sans aventure parce que je pris la poste jour et nuit et ne quittai la voiture que pour descendre dans cette ville. Je me fis un plan de conduite que je me proposai de suivre à la rigueur, je prends donc un appartement décent ; je n’admets auprès de moi aucuns de ces petits messieurs qui ne font qu’une stérile cour au beau sexe et le perdent. J’acquis dans mon quartier une réputation de vertu et de sagesse, contre laquelle toutes les caisses du Pérou semblaient venir se briser ; je sortais rarement, mais aussi l’on m’examinait avec avidité ; j’étais la nouveauté du jour, on parlait de mes charmes aux étrangers dès qu’ils arrivaient, ou on leur vantait ma taille et ma figure avec tant d’enthousiasme que je recevais tous les jours une infinité de billets doux ; mais autant en emportait le vent.

Plusieurs jeunes négocians très-riches me demandèrent de venir me voir en me disant que leur intention était le mariage : on me présumait riche, j’avais une maison montée sans faste mais avec délicatesse, une femme de chambre, un domestique, une cuisinière, voilà ma maison, je donnais quelquefois des concerts, où je faisais une partie dans l’intention qu’on jugeât de ma fortune par mon intérieur. Mon intention était bien le mariage ; cependant je n’y songeai que lorsque j’eus fait faire sous main les plus exactes recherches sur mon cher St.-Far ; mais je n’en appris rien, c’est ce qui me décida pour le parti que tu vas voir.

Il y avait en face de mon logis une maison spacieuse occupée par un Turc ; sa suite annonçait un homme puissamment riche, les sequins de ce fidèle musulman me firent sourire plus d’une fois. J’étais étonnée qu’il n’eût pas fait encore quelques tentatives pour m’approcher. Enfin, un jour je l’aperçus à une de ses croisées, il avait vue sur moi. D’abord pour soutenir ma grande réputation de vertu je me retirai. Le lendemain, je ne parus pas au balcon tandis qu’il se tint constamment à sa croisée, le surlendemain je profitai de l’instant où ce nouvel adorateur fixait ses regards dans mon appartement et suivait constamment des yeux mes moindres démarches, tandis que je faisais ma toilette. Vous pouvez bien juger que je ne fis pas semblant de faire attention qu’il était là, ma femme de chambre, habile dans l’art d’enflammer un amant, ne laissa aucun repos à mon observateur ; elle me passe une chemise, et celle que je tenais sur le corps tombant avec une vitesse mesurée sur la descente de l’autre, laisse voir mes appas avec la rapidité de l’éclair. Elle arrange mon corset, et si une partie de mon sein s’offre aux regards de mon curieux, elle me fait retourner si précipitamment qu’il cherche vainement en avançant la tête, à suivre les objets dont il est si avide, sous divers prétextes on hausse mes vêtemens par différentes reprises ; mais dans leur ampleur retombant à chaque côté de la main de ma suivante, il ne peut pénétrer à travers leurs plis volumineux, à peine a-t-il la liberté d’entrevoir quelques nuances de mes charmes ; mais tout faibles qu’ils sont, suffisent pour augmenter l’ardeur qui le dévore.

Cependant je m’assieds sur un fauteuil et Lucile s’occupe à me chausser : les bas ne sont pas plutôt parvenus à la hauteur du genou que mes cotillons sont bornés. Un de mes souliers paraît entrer difficilement ; au milieu des efforts qu’elle fait, elle soulève une jambe assez haut pour laisser entrevoir une de mes fesses ; mais le soulier est déjà entré et je suis debout.

J’avais dans mon appartement une glace en face de son logis, j’y jetai un coup d’œil, et je vis clairement s’agiter sa robe de chambre, une de ses mains qui était dessous, m’eût bientôt appris la cause de ce mouvement. Hélas ! c’était à mes charmes qu’il sacrifiait : il leur adressait ses vœux ; il semblait dire : cette joute amoureuse qu’une légère apparence de vos appas m’inspire, serait bien autre chose si les abandonnant à l’amant qui vous adore, vous vouliez partager ses doux transports. J’évitai de me montrer pendant le reste de la journée.

Le lendemain, je reçus une lettre anonyme avec un superbe bracelet. Quelques jours après l’autre bracelet m’arriva, avec une seconde missive. C’était entre les mains de ma femme de chambre que les cadeaux étaient d’abord déposés. La tendresse de mon amant, que je supposai être mon voisin prenant une tournure favorable, je crus devoir agir avec ruse. Au troisième voyage du porteur de cadeaux, qui venait avec une grande quantité de riche étoffes, ma suivante dit : que sa maîtresse lui avait donné ordre, non-seulement de ne rien accepter ; mais encore de lui renvoyer ce qu’elle avait déjà reçu, ce n’est qu’hier, ajouta-t-elle, que j’ai présenté les bracelets à madame, j’ai été fortement grondée. Ainsi je vous prie d’attendre un instant que je vous les remette.

Le commissionnaire, profitant du moment où elle passait dans la pièce voisine, jette son paquet sur une table, et s’enfuit précipitamment.

Enfin pour terminer cette anecdote de mes aventures amoureuses, je te dirai que peu de jours après, je vis arriver mon voisin ; je fis semblant de le méconnaître, afin de jouer mieux mon rôle. Beaucoup de complimens sur mes charmes, beaucoup d’ardeur de sa part, voilà son début : je lui témoignai combien j’étais sensible aux choses flatteuses qu’il me disait. Il me marqua un grand désir de lier connaissance avec moi ; je lui fis part de mes craintes sur les propos qui pouvaient s’élever dans la ville au sujet de ses visites, et le tins toujours si éloigné de moi, je refusais si constamment ses offres que plein d’amour et d’ardeur, il fut contraint de m’offrir sa main pour satisfaire ses désirs.

Assurée de son immense fortune, j’acceptai, après m’être fait prier. Notre union était civilement arrêtée, il ne manquait plus enfin à l’amoureux Ali que d’y mettre le sceau, par une jouissance pour laquelle il soupirait depuis long-temps : en conséquence après un repas des plus délicats je fus introduite par quatre jeunes filles dans un charmant appartement. Elles m’y dépouillèrent de mes habits : une simple chemise à la turque, d’un tissu le plus fin, voile seule mes appas, je fus de suite introduite dans un salon magnifiquement décoré. Les parfums les plus exquis de l’orient y étaient prodigués ; par leur douce saveur, ils invitaient à la volupté.

Je venais à peine d’y entrer que mon époux arriva, il était suivi de quatre jeunes filles qui dans un clin d’œil se débarrassèrent de leurs vêtemens, quatre jeunes Turcs sortirent au même instant du cabinet voisin, et après s’être également dépouillés, ils se rapprochèrent de leurs compagnes.

Ali était sur un canapé placé en face de celui sur lequel j’étais étendue. Dans l’espace qui se trouvait entre nous deux ; nos huit personnes simulèrent de mille manières, les combats qui se livrent dans l’île de Cythère, un tapis épais placé sur des nattes qui couvrent le parquet, les garantit des dangers qu’ils peuvent courir dans leur chute. On les voit se rouler pêle-mêle ! Les femmes feignent d’être vaincues, alors les jeunes turcs se précipitent sur elles. Ils se croient déjà au comble du bonheur, lorsqu’elles s’esquivent avec adresse, et qu’elles se mettent à courir autour de la salle, les hommes les poursuivent, ils se laissent renverser, reçoivent leurs amantes dans leurs bras, mais égalant leur supercherie, ils se débarrassent de leurs embrassemens et viennent se ranger autour de mon canapé : deux ont le visage tourné vers moi, deux me présentent des culs aussi blancs que l’albâtre, sur lesquels mes mains voltigent, ainsi que sur deux priapes fermes, gros et dont les têtes rebondies, sont couronnées de feu. Ils se précipitent sur moi. Ma chemise est enlevée ; mes appas sont à découvert, et chacun d’eux y applique ses lèvres ardentes ; aucune partie de mon corps n’est exempte de leurs baisers : les quatre jeunes filles prodiguent les mêmes caresses à Ali.

Cependant nos jeunes combattans se rapprochent, un des plus vigoureux turcs enlève une fille, lui enfonce son priape, et, la soutenant dans ses bras, il court autour de l’appartement ; les filles le suivent en le frappant sur le derrière. Les trois autres hommes les suivent ; tous se mêlent, et tout est confondu.

Cependant l’un des turcs se met à genoux, il baise le joli petit gazon de sa voisine ; cette action la fait soupirer d’ivresse, elle porte la main vers l’endroit qu’une bouche amoureuse enflamme ; ses yeux voluptueusement fixés vers le ciel, semblent invoquer le dieu du plaisir ; les autres se renversent par terre.

Ici, c’est une jeune fille qu’un trait des plus roides va surprendre par derrière ; là, ce sont deux filles qui, accroupies sur le ventre de leurs amans, tiennent à la main leur bijou, dont elles se servent pour préparer les voies du bonheur.

Aux signes donnés, tous se relèvent, deux hommes se mettent, comme l’on dit vulgairement, à quatre pattes, contre le pied de mon canapé, en sens différens, deux autres me soulèvent, me tiennent, et me placent sur le dos des deux premiers : un siège était suspendu par deux cordes descendues à hauteur d’homme ; deux jeunes filles s’y placent, l’une est assise et l’autre est à genoux. Deux autres filles, occupées à caresser Ali par devant et par derrière, le conduisent en face de moi ; il saisit mes jambes, et son trait, guidé par la main des deux acolytes, m’a pénétrée. Ali était debout ; il avait à la hauteur de sa tête ces deux jeunes filles qui, comme je l’ai dit, étaient placées sur cette espèce de balançoire ; l’une lui présentait le devant, et l’autre le derrière. Son œil est satisfait ; il applique ses lèvres ardentes sur les objets qui se présentent à sa vue.


Il applique ses lèvres ardentes sur les objets qui se présentent à sa vue.

Les deux autres sont occupées à le caresser en tous sens ; elles le baisent tour à tour dans le lieu où le contact des lèvres peut opérer quelques sensations ; elles vont même jusqu’à chercher la racine de son priape, afin qu’aucune partie de son corps ne soit exempte de la volupté.

Pendant ce temps-là, j’applique les mains à droite et à gauche, sur le derrière des hommes, sur le dos desquels je suis renversée, les deux autres, placés à côté de moi, me présentent tour à tour leur cul et leur priape ; si l’un d’eux me couvre de baisers, l’autre de son doigt anime les rives de la fontaine du plaisir. A peine en a-t-il fait sentir quelque effet que son compagnon lui succède dans cet aimable jeu. Enfin, que vous dirai-je, le premier acte de notre union se consomma ; ces tableaux variés, attrayant, du dieu des plaisirs, présentés à notre vue, lui donnèrent un prix que je ne saurais trop apprécier et qui fut cimenté par six libations.

Ali mourut quelque temps après, et me laissa maîtresse de toute sa fortune.

J’avouerai qu’il était temps qu’Ali mourut ; car les parties où ses sens cherchaient à puiser un nouvel aliment me répugnaient à la fin. — Voici le septième, Caroline. — Ah ! St.-Far, je t’en conjure ! épargnes-moi ! laissons à jouir pour demain. — Non, par les dieux, ton tableau m’a ranimé ; vois comme c’est brillant ! livre-lui encore cette victoire ! — Avant, prends le verre et le biscuit. — Non, après. — Je ne puis différer, et je suis encore tout foutre ; vois plutôt. — Ah ! je ne vois rien ; je ne fais que sentir ton allumelle brûlante. Cette fois elle me consume : grâce, grâce, je te la demande au nom d’Ali qui meurt. — Allons le voilà enterré — Je dis donc, qu’Ali mourut bientôt épuisé, et me laissa maîtresse de sa fortune.

Jusqu’à présent tu n’as encore vu que le brillant de mon histoire, et mon bonheur était à son comble. Je croyais que la mort de mon mari me laissait libre maîtresse de cent mille livres de rente, lorsqu’un matin je vis descendre chez moi une femme qui se prétendit héritière de mon mari. Elle avait gardé le silence du vivant d’Ali, parce qu’elle craignait qu’il ne divorçât, ou ne détournât ses biens ; au lieu qu’en gardant le silence, qu’elle avait promis moyennant cinquante mille livres qu’Ali lui avait donné : elle se doutait bien qu’Ali ne penserait plus à elle. Elle avait un fils ; je n’avais point d’enfant ; elle gagna son procès. De sorte que je me trouvais moins riche qu’auparavant. J’avais retiré mes fonds de chez mes banquiers ; ils avaient été tous donnés à ma femme de chambre, qui avait si habilement conduit mon intrigue et fait mon mariage. Je n’eus plus pour ressource que mes bijoux et ma garde-robe. On me plaignait à Marseille, mais personne ne se proposa de me consoler. Je vins à Paris, espérant faire dans cette capitale quelque conquête. Un prétendu marquis, qui voulait faire une dépense d’enragé, emporta mes bijoux et me vola tout. Enfin, complètement ruinée, sans ressource, sans connaissance, j’étais réduite au métier infâme ou tu m’a vue lorsque j’ai rencontré si heureusement mon cher St.-Far.

À propos, avant de terminer notre charmante séance, il faut que je te dise la pièce de vers, bien méchante et bien morale, que de Varennes fit courir sur mon aventure de la prairie.


LE COMBAT SINGULIER.

Deux rivaux se battaient pour voir à qui des deux,
Le sort accorderait de devenir heureux,
Sur le beau sein de Caroline.
La petite attendait pour prendre ses ébats,
Que le vainqueur de l’autre eût arraché la p…
Nos champions à quelques pas
Se livrent donc les plus grands combats ;
Par cent détours leurs corps s’allongent et se replient
Ils s’avancent et se défient,
Ils se pressent… mais en vain.
Leur fer poussé vivement se mesure,
Mais il ne fait point de blessure,

Leur courageuse main
Porte d’estoc et de taille,
Et ne fait rien qui vaille :
Nos héros transportés de rage et d’amour,
S’entrelacent tous deux, s’évitent tour-à-tour.
Tel est un V… novice encore
Dans l’art de foutre un C…,
Qui s’aprête à cueillir la fleur qui vient d’éclore,
Portant encore un doux coton ;
Il voudrait traverser la borne qui s’oppose
Au plaisir d’enlever cette rose.
Il recule… avance… et… la rage des efforts
Expire sur les bords.
Ainsi nos deux rivaux que la fureur enflamme,
S’efforcent mais en vain de se transpercer l’ame.
Leur mutuel espoir, leurs mutuels efforts,
Trompés et renaissans sans cesse
Vont expirer ; mais enfin la tendresse,

L’orgueil et la fureur rendent leurs coups plus forts,
Leur V… bandant levaient une insolente crête,
Se menaçaient tous deux et leur triple C…lon
Dur, gros et rond,
Annonce une inondation,
A s’échapper toute prête.
Enfin un coup d’éclat
Termine ce long combat.
Achille atteint un vit, et Hector d’outre en outre
Le perce : celui-ci tombe, en s’écriant foutre !
Nom chéri des français et si cher à l’amour.
Mais à son tour,
Que faisait Caroline,
Pendant ces terribles débats ?
Elle préparait ses appas,
Que parcourait son joli bras,
A bien recevoir la victorieuse pine.

Lorsque vint à passer par là
Un fouteur qui désirait le faire ;
Il vit la fille et le combat,
Et se doutant du mystère,
Il résolut d’en faire son affaire ;
Et comme sous tout rapport,
La chose était pressée,
Il fit l’exorde à la volée ;
Ange du ciel, dit-il avec transport,
Que je plains votre foutu sort ;
Et qu’il me cause d’alarmes !
Aussi pourquoi réserver tant de charmes,
De fraîcheur et d’attraits,
Pour un faquin qui, sanglant, hors d’haleine.
Viendra vous présenter un vit qui bande à peine.
Il n’en peut être ainsi j’ai le plus beau des traits
Qu’amour ait formé jamais.
Voyez, femme charmante, il faut enfin vous rendre.
Disant ces mots d’un air vif et tendre.

Qu’un vit long dur et gros faisaient bien mieux comprendre
Notre fouteur, prenait, poil, cul, tétons,
Et sa main enhardie
Soudain arrive au Con.
Caroline étourdie,
Tombe sur le gazon,
Mollement étendue.
Bientôt haletante, éperdue,
Elle soupire et dit qu’elle est six fois foutue
Ainsi vient un troisième laron,
Qui se saisit de maître Aliboron.


Tu as vu, mon cher Saint-Far, ma franchise jusque dans les moindres détails ; j’espère qu’elle te donnera confiance dans l’épanchement des sentimens que tu m’inspire et que je t’exprime. Oh ! oui, n’est-ce pas, tu vas aimer ta Caroline ? elle jure de t’adorer toujours ; mais, c’est assez pour cette nuit ; viens te reposer sur mon cœur, que Morphée nous environne de ses songes agréables, et que l’amour, en nous réveillant, nous trouve disposés à de nouveaux et d’éternels plaisirs. — Que tu me rends heureux, ma chère Caroline, de quels délices tu m’as enivré ! J’en jure par l’amour, nous vivrons pour le bonheur.

(Ici le style de Caroline change : au lieu de continuer son récit en action, elle prend le ton du simple narrateur).

Depuis dix-huit jours, je goûtais avec Saint-Far des plaisirs sans cesse renaissans. Cet amant généreux et délicat m’avait placée dans un charmant appartement, qu’il avait orné de meubles très-galans, dont il m’avait donné la propriété. Tous les jours c’était nouveaux plaisirs, nouveaux amusemens. Heureux de le voir sans cesse, je ne songeais nullement à user du droit de mes charmes pour faire des conquêtes, l’amour l’emportait sur la coquetterie, si naturelle à mon sexe. Aussi n’avais-je pas eu d’aventures lorsqu’un événement imprévu vint me jeter dans une inquiétude qui paraît décider du sort de ma vie. Nous nous rendions à Bagatelle, Saint-Far et moi, dans un rapide carrik, lorsqu’un homme, monté sur un charmant cheval, qu’il pressait fortement, jeta un regard sur moi, et s’écrie en passant : Grand dieu ! c’est elle ! comme elle est ravissante ! Il continue rapidement son chemin et disparaît. Nous arrivons à Bagatelle, nous y jouissons des charmes de ce délicieux endroit. Dans un moment où Saint-Far s’était éloigné de moi, un inconnu passe avec vitesse près de moi, me saisit lestement la main, dans laquelle il glisse un billet et disparaît. Il fit ce mouvement avec tant de rapidité, que je n’eus pas le temps seulement de songer à l’empêcher. Je tenais le billet, il fallait bien le lire ; il contenait les lignes suivantes, écrites au crayon :

« Adorable Caroline, j’ai eu le malheur de vous insulter, parce que je ne vous connaissais pas. Je brûle de réparer ma faute ; et si ma main et ma fortune peuvent y concourir, dites un mot, je suis à vos pieds. Si toutefois le malheur ne me poursuit pas assez pour que votre cœur et votre main ne soient plus libres encore, je vais paraître à vos yeux. »

Je lus et relus ce billet ; mille sentimens divers s’emparaient de mon cœur. Mais quel était cet inconnu ? quelle était cette insulte dont il me parlait. Je repassais dans ma mémoire toute mon histoire, et m’épuisais en conjectures, lorsque je vis Saint-Far arriver près de moi avec un homme que je ne connaissais pas, et qui, à ma vue parut timide et embarrassé. Il se remit cependant ; il s’extasia beaucoup sur mes charmes, me loua assez franchement, et continuant sa conversation avec Saint-Far, Monsieur, dit-il, demain votre argent sera prêt, si vous me permettez de vous le faire porter et de déjeûner avec cette charmante personne, qui sans doute est votre épouse. Non, Monsieur, reprit Saint-Far, mademoiselle est ma cousine. Que dites-vous ? Grand dieu ! serai-je assez heureux ! Je ne puis résister au feu qui me tourmente. Ecoutez, Monsieur ; j’ai des excuses à faire à mademoiselle ; mais avant d’aller lui avouer ma faute, apprenez d’abord qu’elle est la réparation que je voulais en faire. Vous venez de recevoir un billet, mademoiselle, montrez-le à Monsieur votre cousin. Ne sachant que penser de tout ceci, je remis machinalement le billet à Saint-Far, ne sachant trop comment il prendrait cette aventure. Il le lut, me le remit, et dit à cet amant, comme tombé des nues : ma cousine est maîtresse de son sort ; elle réfléchira sur votre réparation, quand elle saura la faute qu’elle a à vous pardonner. Demain, venez la lui apprendre. En disant ces mots, nous remontâmes en carrik et nous disparûmes.

Saint-Far rit beaucoup de cette aventure ; mais enfin, reprenant son sérieux : Ecoute, Caroline, tu ne doute pas de mon amour ; mais je crois que dans cette circonstance je dois le sacrifier à ton bonheur. Et, comme il a fait banqueroute deux fois, au moins, tu sens qu’il est riche. C’est sur lui que j’avais pour cinquante mille francs de traites lorsque ta présence a dissipé mes craintes et rétabli la bonté de mes effets ; mais ce n’est pas de moi ni de mes effets et intérêts que je veux t’entretenir. Tu ne peux pas être toujours avec moi, Caroline ; je ne puis te jurer un amour éternel, et je ne suis pas assez fortuné pour te faire un état bien indépendant. Epouses ce fournisseur, il est riche ; tu placeras tes fonds ; je te donnerai les cinquante mille francs qu’il me doit ; je te ferai avantager de deux cents mille. Et, quoiqu’il arrive, tu seras au-dessus des vicissitudes de la fortune. Voilà pour toi. Mais il est juste que je ne m’oublie pas ; ma qualité de cousin doit me donner une entrée près de ton mari et de toi, et celle d’amant pour entrer dans ton boudoir ; tu m’entends, n’est-ce pas ? Oh divin Saint-Far, m’écriai-je, oui, oui, toujours à toi ; tu es mon dieu, veille sur ma destinée ; je me livre toute entière à mon protecteur et toujours à mon amant. Nous arrangeâmes notre plan. Le lendemain, le fournisseur vint ; sa bonacité, sa bêtise m’amusèrent, mais son coffre-fort me riait beaucoup, il faut l’avouer. Il me déclara son amour, et me dit, que pour réparer la faute dont il s’était rendu coupable, il était prêt d’implorer son pardon à mes pieds, et de me donner telle réparation que je voudrais. Lui ayant demandé ce que c’était que cette faute, que je ne connaissais pas et dont il se prétendait coupable. Il hésita beaucoup, mais enfin il déclara que c’était lui qui avait eu l’impertinence de m’écrire cette lettre dont le port avait coûté à son domestique. Je m’emportai beaucoup à ce récit ; je ne voulais pas le voir ; je voulais qu’il sortit, et j’allais me porter à quelques excès lorsque Saint-Far survint, il réconcilia tout, arrangea tout, et mit sa cousine dans les bras de Monsieur, (je dirai) Mondor ; car, enfin il est inutile de découvrir la face d’un tel mari, qu’au surplus l’on connaît déjà d’après ce que j’ai dit. Me voilà donc madame Mondor, jouissant, heureuse par les richesses de mon mari, heureuse par la tendresse de mon amant. Une petite aventure mit un instant le trouble dans notre ménage. Mon mari surprit un billet de Saint-Far, qui était bien intelligible. Je lui avais donné rendez-vous pour la nuit suivante. Il me répondait que, par la fausse porte dont il avait la clef, il serait vers dix heures de la nuit à mes pieds. Mondor ne fit rien paraître, mais la nuit suivante il reste chez moi jusqu’à dix heures. J’eus beau me plaindre d’une migraine épouvantable, désirer d’être seule, de reposer, l’impitoyable Mondor m’éveillait à sa grosse manière, il ne m’en paraissait que plus détestable. Dix heures sonnent, il me quitte. Enfin, je croyais ma dupe retirée ; j’ouvre à Saint-Far que j’entends monter. A peine est-il déshabillé et prêt à se coucher près de moi, que par la même porte, entre, qui ? mon mari, qui, tenant un pistolet à la main et un flambeau de l’autre, ordonne à Saint-Far de sortir sur-le-champ, et le met en cet état dans la rue. Le bourreau, ensuite, pour comble de cruauté, passe le reste de la nuit avec moi. Depuis ce temps, je ne vois plus mon cher Saint-Far qu’avec beaucoup de précautions. J’avoue que cela m’ennuie quelquefois, et que je désirerais un ami qui pût, sous prétexte d’être celui de Mondor, être véritablement le mien. J’ai cinq ou six adorateurs, qui me pressent beaucoup ; mais mon cœur ne peut se décider encore à faire un choix.

L’éditeur. Voilà où en est l’histoire de la belle Caroline. Il faut espérer qu’elle se décidera dans le choix à prendre les cinq ou six ; elle paraît pouvoir soutenir une pareille entreprise. Pour moi, si j’étais du nombre de ces cinq ou six, j’abandonnerais bien volontiers tout ; je ne veux pas être acteur dans ces scènes de débauches, et je me réserve celui de narrateur pour les événemens de la vie d’une si grande héroïne, que je donnerai au public, s’il agrée cette première partie de sa vie.


HONNI SOIT QUI MAL PENSE.

FIN.