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Caroline et Saint Hilaire, ou Les putains du Palais-Royal/00-4

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APPROBATION.


L’AUTEUR A L’ÉDITEUR.



J’ai lu votre Dédicace et votre avis au peuple fouteur ; je n’ai rien à vous dire sur l’avis ; mais pour répondre à la Dédicace, je vous dirai que votre conscience soit tranquille, ma modestie vous pardonne l’impression, ma bonté oublie le larcin. Et quant à votre colère contre ce prétendu laquais, je vous en punirais, si ce que je vais vous dire ne me vengeait pas assez. Sachez donc que cet amant favorisé, ce prétendu butor que vous ne voyez qu’à travers votre passion ; est le beau St.-Far, et que votre joli jeune homme était son laquais, qui batifolait avec Minette. Pourquoi ce déguisement, direz-vous ? C’est un petit jeu d’amour que je veux bien vous expliquer : mon mari est un imbécile, un homme à préjugés, qui s’est avisé d’être jaloux de St.-Far, et de me le défendre. St.-Far a pris le parti du déguisement, vous voyez que ce n’est point une précaution inutile, puisque cela nous réussit. Si donc vous aviez moins écouté votre mauvaise tête, on se serait expliqué avec vous, on vous eut dit que St.-Far devant partir pour un assez long voyage, avait pénétré chez moi à l’instant où j’allais passer en mon boudoir ; mes liaisons avec Saint-Far, que vous connaissiez, puisque vous avez mon histoire, ne me permettaient pas de le renvoyer. St.-Far est-il un amant qui ne doive pas passer au-dessus des considérations ordinaires ? Mais non, Monsieur est un de ces merveilleux du jour, qui veulent que quand une femme trahit son mari, ce soit exclusivement pour eux. Eh ! quel mérite, jeune présomptueux, aviez-vous encore à mes yeux pour vous sacrifier et mon amant et mon mari ? Est-ce ma faute à moi, si quand une femme veut vous favoriser et vous promet un rendez-vous, vous n’avez pas même le courage de lui faire le sacrifice de votre impatience, ni assez de confiance en son amour pour ne point vouloir pénétrer ses mystères ? Songez de quel plaisir vous vous êtes privé par votre étourderie : St.-Far allait partir, et, pendant deux grands mois, vous eussiez pu remplir la place vide qu’il laissait dans mon cœur. D’après cette aventure, n’oubliez jamais, si vous voulez avoir quelques femmes, que quand même vous la verriez dans les bras d’un autre ; si elle vous le nie, vous devez l’en croire sans réplique, parce que vous devez plutôt croire votre maîtresse que vous-même. Adieu, petit sot ; faites imprimer. Comme mon mari ne lit jamais que le Cours des Changes, cela m’est égal ; au contraire, cela m’amusera beaucoup, parce qu’on se foutera de vous, de ce que vous ne m’avez pas foutu.