Cartulaire de l'église Notre-Dame de Paris/Stations

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Paris. Notre-Dame (Cathedral)
Cartulaire de l'Eglise de Notre-Dame de Paris. Publié par M Guérard
Paris Impr. de Crapelet (1p. 173-177).

On appelait stations, des repas ou des distributions d’aliments, consistant d’ordinaire en chairs de porc, de bœuf, de mouton, en poules, en pain, en gâteaux et en vin. Elles se faisaient à certaines fêtes ou époques de l’année ; mais, dès le xme siècle, la plupart avaient été converties en argent.

D’après un acte du mois de juin 1230, qui contient un règlement sur cette matière, dix-neuf stations principales étaient instituées dans l’église de Paris. L’évêque en avait six à sa charge, le chapitre cinq, le chancelier une, Saint-Victor une, Saint-Benoît une, l’Hôtel-Dieu une, Saint-Éloi une, Saint-Gervais et Saint-Jean-en-Grève réunis une, Saint-Paul une, Saint-Laurent une. Les six. Stations de l’évêque, dont les quatre premières étaient appelées repas, pastus, et les deux dernières stationes, avaient lieu aux fêtes de Noël, de la Purification, de Pâques, de l’Assomption, de la Pentecôte et de la Nativité de la Vierge ; les cinq du chapitre, aux fêtes de saint Magloire, de la Toussaint, de saint Genou (8 février), de l’Epiphanie, et, la cinquième, d’abord à la Saint-Augustin, puis au dimanche de la Septuagésime (privicarniurn) ; celle du chancelier à la Saint-Merry[1] ; celle de Saint-Victor à la Saint-Denis ; celle de Saint-Benoît à la Saint-Benoît ; celle de l’Hôtel-Dieu à la Saint-Christophe ; celle de Saint-Ëloi à la Saint-Ëloi (Ier décembre) ; celle de Saint-Gervais et de Saint-Jeanen-Grèveà la Saint-Gervais ; celle de Saint-Paul à la commémoration de saint Paul (30 juin) ; celle de Saint-Laurent à la Saint-Laurent.

Le montant des frais de ces dix-neuf stations, évalués en argent, pouvait s’élever, d’après mon calcul, à deux cent quarante livres pari sis environ, dont quarante livres représentaient à peu près le prix du vin ; mais le pain et quelques autres aliments de peu de valeur étaient livrés en nature, et n’entrent pas ici dans l’évaluation des frais.

Les personnes qui participaient aux distributions des stations étaient les cinquante-un membres du chapitre, le vicaire de Saint-Victor, les six vicaires perpétuels, le marguillier laïque, le sénéchal, le panetier, le cellerier, le grènetier, les clercs du chœur, le cuisinier, le boucher, les aides de cuisine et les gardiens. Les chanoines de Saint-Denis-du-Pas, de Saint-Jean-le-Rond, les prêtres de Saint-Christophe et quelques autres étaient admis à plusieurs stations ; celles dont ils étaient exclus portaient le nom de stations simples.

Outre les dix-neuf stations dont nous venons de parler, qui étaient les grandes stations, et qu’on appelait stations de viandes, stationes carnium, même après qu’elles eurent été converties en argent, il y avait encore soixante-huit stations qu’on appelait petites, stationes minores, ou stations de deniers, stationes nummorum, parce que, dès leur origine, elles étaient payées en deniers. Elles étaient toutes de six deniers pour chaque partie prenante, à l’exception de trois, qui valaient sept deniers. Le compte de ces stations était arrêté le jour de Sainte-Aure, c’est-à-dire le 4 octobre.

Les distributions dites antiennes, antiphonœ, sont rapportées dans le Cartulaire, à la suite des stations ; elles avaient lieu deux fois par jour pendant les neuf jours avant Noël, et tiraient leur nom des antiennes appelées O, qui se chantent dans le même temps. Elles étaient au nombre de dix-huit, et faites en argent, avec addition, au moins dans certains cas, de pain et de vin. Deux, savoir la première et la dernière, étaient à la charge de l’évêque, et les seize autres à la charge du doyen du chapitre, de l’Hôtel-Dieu, des douze prévôts et des prébendiers d’Épône et de L’Hay et Chevilly.

Nous avons dit que la plupart des stations de viande avaient été converties en argent dès le хше siècle. En effet nous possédons quelques chartes dans lesquelles ces conversions sont rapportées. Ainsi nous lisons, dans une charte de l’an 1229, que l’évêque Guillaume, à la demande des chanoines, qui se plaignaient de l’inégalité des parts faites par les serviteurs du chapitre, convertit en argent les six stations qu’il devait distribuer en viande de porc. Les quatre premières, appelées pastus, et se composant de cent cinquante quartiers de porc, sont converties chacune en une somme de douze livres trois sous six deniers une obole ; la cinquième, consistant en cent trente-sept quartiers et demi de porc, est remplacée par une somme de dix livres quatorze sous sept deniers une obole ; et la sixième, de cent trente-deux quartiers et demi, par la somme de dix livres sept sous trois oboles. Le pain et le vin continuaient d’être fournis en nature ’.

Dans une charte du mois de juillet 1230, l’abbé de SaintVictor, à l’exemple de l’évêque et du chapitre, convertit en douze livres cinq deniers la viande et le vin de la station qu’il devait faire le jour de la Saint-Denis, la distribution en pain étant maintenue2.

Au mois de décembre de la même année, l’abbé de Saint-Maurdes-Fossés et le prieur de Saint-Éloi convertissent en argent les deux stations dont le prieuré de Saint-Éloi était chargé, savoir : l’une, de cent quatre-vingts quartiers de porc, en treize livres dix-huit sous six deniers une obole, et, avec le vin, en seize livres dix sous deux deniers une obole ; l’autre, de huit moutons, en quatre livres quatorze deniers, le vin compris. Le pain continuait d’être donné à part3. Dans un acte de l’an 1107, il est déjà fait mention de ces deux stations, qui sont aussi appelées pastus, dont la première consistait alors en six porcs vivants, deux muids et demi de vin et trois setiers de froment, et la seconde en huit moutons, arietes, deux muids et un demi-setier de vin, deux setiers et demi de froment et six deniers une obole ’.

Lorsque les distributions se faisaient en nature, elles étaient composées de quatre plats, fercula, quelquefois de cinq. Une station de cinq plats fut fondée, en 1108, par Guillaume, archidiacre de Paris, pour le jour de son anniversaire2 ; une autre de quatre plats, évaluée quinze marcs d’argent, le fut la même année par Etienne de Garlande3.

On trouvera dans l’Obituaire de l’église de Paris un grand nombre de fondations pour des stations, dont nous omettrons le détail. Il nous suffira de dire qu’elles sont toutes ou presque toutes de quatre plats, et évaluées, savoir : une à soixante sous ou trois livres ; une à quinze livres de Provins ; huit à vingt livres ; trois à vingt-cinq livres ; trois à trente livres ; deux à trentecinq livres ; une à quarante livres : ces livres paraissent être toutes des livres parisis 4. Des fonds de terre sont quelquefois assignés pour le service des stations. Par exemple, cinquante arpents de vigne sont affectés à la fondation d’une station de quatre plats, à laquelle les chanoines de Saint-Denis-du-Pas sont admis avec les chanoines de Notre-Dame5. Ailleurs, un fonds de six arpents de vigne et une quantité de terres labourables, qui n’est pas désignée, reçoivent la même destination6.

Il est aussi question d’autres stations du même genre que nous n’avons pas relevées. Les époques fixées pour toutes les fondations, qui se rapportent nécessairement aux soixante-huit stations mineures ou de deniers, dont nous avons parlé précédemment, sont les jours mêmes des anniversaires de la mort des fondateurs.

L’administration des fonds généraux de l’église comprenait encore plusieurs services et comptes particuliers, tels que ceux de la chantrerie, de la sous-chantrerie, de la pénitencerie, des chapelles et d’autres, sur lesquels nous avons peu de renseignements et qui ne paraissent pas d’ailleurs offrir beaucoup d’intérêt

  1. Nous attribuons au chancelier la station chapitre la station de la Saint-Merry, parce que c’est la seule qui soit sans attribution, dans la description détaillée des stations que contient le Cartulaire Nous laissons, par conséquent, au chapitre la station de la Toussaint Nous laissons, par conséquent, quoique qu’il soit dit (III, 451) que le chancelier Philippe était dans l’usage de faire cette station