Cent Proverbes/52

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H. Fournier Éditeur (p. 212).

chef et l’âme, croyez-vous donc qu’on puisse l’omettre ?… Remarquez que le proverbe ne dit pas tirer l’existence par la queue ; tirer l’argent, la destinée, le crédit, la misère par la queue ; il dit le diable… le diable, Monsieur ; entendez-vous ? Comment ce diable ne vous a-t-il pas sauté aux yeux ?

Quoi ! une jeune fille travaille du matin au soir, et est citée comme un ange de résignation et de sagesse ! Il est vrai qu’elle est très-pauvre ; mais qu’importe, puisqu’elle ne doit son existence qu’au travail de ses doigts ; que son économie suffit à tout ?… Et vous osez dire de cette pauvre innocente qu’elle tire le diable par la queue, elle qui n’a même jamais vu ses cornes ?

On ne met généralement pas à la caisse d’épargne quand on tire le diable par la queue.

À plus forte raison n’obtient-on pas le prix Monthyon, attendu que le diable n’a pas reçu jusqu’à ce jour de prix de vertu.

Mais sans vouloir en aucune façon faire ici l’apologie du désordre ni du décousu dans la vie ordinaire, je soutiens que, pour tirer le diable par la queue, il faut ne point avoir les mœurs épicières ; il faut surtout comprendre l’imagination, l’imprévu, la fantaisie ; enfin la vie d’artiste.

Vous ne direz jamais d’un musicien qui a une fois par mois cinquante mille livres de rentes pendant vingt quatre heures, ou de la danseuse qui a un coupé et trois termes en souffrance, qu’ils sont au-dessous de leurs affaires, qu’ils sont sur le point de faire faillite, qu’une liquidation, une assemblée de créanciers, est nécessaire… Fi donc ! Ils tirent le diable par la queue ; c’est bien