Ces Dames de Lesbos/1

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LESBOS
Lesbos, terre des nuits chaudes et langoureuses,
Qui font qu’à leur miroir, stérile volupté,
Les femmes aux yeux creux, de leur corps amoureuses,
Caressent les fruits mûrs de leur nubilité…

Ainsi s’exprimait, parlant de l’île illustre où florissait jadis l’amour féminin, le poète Charles Baudelaire, dans ses Fleurs du Mal.

Lesbos ! À ce nom s’élèvent et tournoient dans l’air les blanches colombes d’Aphrodite. Les jeunes filles sentent un frisson courir sur leurs membres, et les historiens vieillis dans les souvenirs d’un passé lointain et bien aboli croient voir reparaître, suivant le cortège des vierges sacrées, l’image de Psappha, l’admirable poétesse aimée des adolescentes.
Dans les sentes de l’île fameuse, peuplée de beaux arbres, de demeures agrestes et de pâturages harmonieux, voilà encore que se devinent les belles filles rêveuses, deux à deux enlacées, car la tradition et le souvenir toujours vivants des humains attribuent à Lesbos comme une parure et une gloire cette passion étrange des femmes entre elles.

Mais avant la poétesse qui devait pousser immortellement le cri de l’amour stérile et interdit – celle qu’on apprit à nommer Sapho – les habitantes de Lesbos avaient déjà le goût des caresses féminines, et, sans chasser les mâles, les tenaient hors de leurs amours.

Aussi les Grecs nommaient-ils l’amour sans hommes d’un nom qui le situe dans l’espace. Ils disaient Lesbiadzein. Plus tard, on a semblablement dit l’amour saphique. Pourtant, ne faut-il point croire que les demoiselles et dames dites de Lesbos aient exclusivement vécu autour de Mithylène, les villes de l’île Lesbienne, sise près de la côte asiatique, à deux pas de l’entrée des Dardanelles ?
L’amour unisexuel fut de tous temps et son attente accompagnait déjà le premier frisson humain de volupté. Nous allons donc tenter de donner idée des formes curieuses prises par lui à travers le temps.