Cham - Albums du Charivari/Les Collégiens en vacances
prendra plus pour des officiers !
DISCOURS DES PRIX.
— Chers élèves… (Bas.) Voulez-vous ne pas causer, méchant polisson !… (Haut.) Chers élèves… |
Le discours latin se combinant cette année avec trente-cinq degrés de chaleur, plusieurs cas d’hydrophobie se déclarent dans la salle de la Sorbonne.
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— C’est ton professeur ? Je vais lui demander s’il est content de toi. — Non. papa, n’y va pas. Vois-tu, c’est que… il ne parle que latin, il ne te comprendrait pas. |
— Tenez, madame Pipelet, voilà mon fils qui a remporté tous les prix dans les lettres. — Ah ! il s’y connaît donc… Faut voir que j’lui en fasse voir une que le facteur m’a fait payer six sous, que je n’y comprends rien ! |
— Monsieur, voici mon fils que je voudrais placer dans votre pension. — Quel jour, madame ? — Le jour de la distribution des prix, afin qu’il en ait un : cela flatte toujours l’amour-propre d’une mère. |
— Premier prix de mémoire, l’élève Rabutot. — Oh ! monsieur, je le reconnais, c’est le livre que vous m’avez confisqué le mois dernier. — Taisez-vous ! retournez à votre place. Vous l’avez reconnu, aussi c’est le prix de mémoire. |
— Mon fils a chaque année le prix de mémoire, qu’en pensez-vous ? — Mais je pense qu’il faut en faire un apothicaire, alors ! |
— Mon fils était le mieux mis de votre pension, le mieux frisé ; il est inconcevable que vous ne lui ayez pas donné un seul prix. On ne le voyait donc pas d’où vous étiez ? |
— Professeur, il est essentiel que le petit Bonichon ait un prix, sans quoi ses parents le retirent de ma pension. — Mais il ne travaille jamais ! — Eh bien, puisqu’il continue à ne rien faire, donnons-lui le prix de persévérance. |
— Voyez, monsieur : le livre que vous m’avez donné comme prix, il est tellement vieux, que les feuilles s’en vont… — Mon ami, le livre doit être en rapport avec le prix : vous avez le prix vétéran. |
— Allons, qu’est-ce que tu veux encore ? — J’ voudrais boire dans un verre plus grand que ça ! |
— Oh ! grand-papa, que tu as une belle montre ! c’est-il au mât de Cocagne que tu l’as gagnée, dis ? J’ai vu hier à la fête qu’on en gagnait comme ça aux Champs-Élysées ! |
— Je suis bien heureuse : les professeurs de mon fils sont très-contents de lui, il entrera en cinquième l’an prochain. — Le ferez-vous bifurquer ? — (Avec effroi.) Moi, faire bifurquer mon fils… jamais ! |
— Vous m’excuserez si je vous reçois au milieu de ce désordre… mais j’ai mes garçons qui sont revenus du collège et qui sont ici pour six semaines. |
— Dis donc, c’est étonnant, je ne peux pas prendre un seul poisson ! — Ça ne m’étonne pas, il a tellement plu cette année : ils sont probablement tous noyés ! |
— Mon enfant, ne tirez pas la queue de ce pauvre chien : vous lui faites mal ! — Je ne croyais pas que ce fût à lui… je pensais qu’il portait peut-être une fausse natte comme maman ! |
LE MOIS LE PLUS LONG DE L’ANNÉE.
— Tout le mois de septembre comme cela ! Que vais-je devenir, grand Dieu ! que vais-je devenir ? Ah ! les brigands de collégiens ! les brigands ! |
LA LEÇON PENDANT LES VACANCES.
LE MAÎTRE, lisant. — L’attitude du Péloponèse dans cette guerre… (Haut.) Mon ami, veuillez me prêter quelque attention ! — Allez toujours, monsieur, je vous écoute ; allez toujours ! |
— Hi ! hi ! maman, laisse-moi mettre mes effets ! — Du tout, mon enfant, il faut profiter des vacances pour ménager la tunique, afin que je ne sois pas obligée de t’en acheter une neuve peur la rentrée. |
— Polisson ? tu me demandes de l’argent pour le bain, et tu le dépenses au café ! — Je l’assure que je ne t’ai pas trompée ! je me suis fait servir le bain de pied par le garçon ; vois plutôt ! |
— Comment ! vous ne voulez pas travailler, petit cancre ! vous voulez donc rester une bête toute votre vie ? — Oui, quand je serai bête, on me mettra au jardin d’acclimatation : c’est une position, ça, et j’adore le bois de Boulogne. |
— Père Mathurin, voici mon fils qui a obtenu un prix… — Tiens ! faut que je lui fasse faire connaissance avec mon porc, qui en a eu un aussi, ça fait qu’ils sont camarades ensemble. |
— Georges, veux-tu bien te soutenir ! Je vous demande un peu ce que cela peut lui faire à cet imbécile, que Mlle Estelle se soit mariée pendant son absence ?… |
— Mais c’est une horreur !… je te demande ce que tu as appris à ton collège, et tu me sautes sur les épaules ! — Maman, la gymnastique fait aujourd’hui partie de l’éducation que l’on reçoit dans les lycées. |
— Maman, je m’ennuie ! tu serais bien aimable de me donner une feuille de papier blanc. — Pour te faire un chapeau ? — Non. pour me faire des cigarettes ! |
LE PÈRE, terrifié. — Eh bien, non, tu n’auras pas de répétiteur pour te faire travailler pendant les vacances… eh bien, non… eh bien non ! |
— Mon ami, pourquoi tourmenter la sœur ? — Ça me soulage… je n’ai plus mon pion sous la main ! |
— Voyons, mon ami, avant de vous interroger… qu’avez-vous vu principalement dans votre année scolaire ? — Principalement ?… mais des haricots, j’en ai vu tous les jours. |
— Je vais te donner un professeur qui te donnera quelques leçons pendant le mois le septembre. L’ÉLÈVE, à part. — C’est bien dur, quand on n’a rien fait pendant toute l’année, d’être obligé de travailler encore pendant les vacances ! |
— Vilain paresseux ! tu t’estimes heureux de n’avoir pas eu de prix ? — Ma foi, oui : j’aurais peut-être été tenté de les lire ! |
— Hi ! hi ! hi ! je ne peux pas jouir de mes vacances ! Hi ! hi ! hi ! il ne fait que pleuvoir ! — Imbécile ! ne pleure donc pas alors… tu vois qu’il y a assez d’eau sans que tu t’en mêles ! |
— Dis donc, je suis joliment content. J’ai entendu dire que papa joue à la Bourse et qu’il y perd tout son argent : peut-être que l’année prochaine il n’aura plus le moyen de me laisser au collège ; quelle chance ! |
— Brigand d’enfant ! mon journal que je n’ai pas encore lu et que je cherche partout ! |
— Vos parents désirent que je vous fasse un peu travailler pendant les vacances ; il faut que je sache d’abord ce que vous avez étudié pendant le cours de l’année. — Monsieur, j’ai étudié la question romaine. |
1er COLLÉGIEN. — Dis donc, si nous entrions là dedans pour gagner de l’argent ?… Combien que t’as dans la poche ? 2e COLLÉGIEN. — J’ai vingt-trois sous. 1er COLLÉGIEN. — Et moi deux francs, c’est pas assez. 2e COLLÉGIEN. — Si, que t’es bête ! j’ai entendu dire à papa qu’il y avait des gens qui avaient fait fortune là dedans avec rien du tout. |
— Mais qu’est-ce que tu lis si attentivement dans le journal ? — Papa, je cherche dans les décès pour voir si je ne trouverais pas celui de mon maître de pension. |
AU RESTAURANT.
LE GARÇON. — Que servirai-je à ces messieurs ? LE COLLÉGIEN. — J’veux d’ tout ! |
— Dis donc, maman ? — Quoi, mon enfant ? — Je suis sûre que tu ne voudras pas… — Parle toujours. — Je voudrais que tu me mettes dans une pension de garçons !… |
Fonctions du maître de latin emmené à la campagne pour faire travailler le fils de la maison pendant les six semaines de vacances.
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— Mon ami, achète-lui un chapeau ou une casquette pour ses vacances. — Allons donc ! sa pension lui a donné une couronne ; je pense que c'est pour qu'il la porte : les empereurs romains ne portaient pas autre chose, et l'histoire cependant ne parle pas de leurs rhumes de cerveau ! |
— Tenez ! voilà mon fils : il n’a pas obtenu un seul prix ! — Oh ! quelle injustice !… on aurait dû lui donner au moins le prix de santé. |
Commençant à s’ennuyer de trop s’amuser. |
— Mon fils ne peut pas apprendre son alphabet, il n’a pas de mémoire ! — Alors faites-en un portier : ils retiennent toutes les lettres. |
— Allons, voyons, vous avez assez mangé comme ça ; vous voulez donc vous donner une indigestion ? — Hi ! hi ! c’est pas que j’ai faim ; mais il y a aujourd’hui fête aux Champs-Élysées, j’veux être bien lourd pour quand je me ferai peser… j’veux faire honneur à papa. |
— Attendez un instant, maman, pour que je puisse essuyer mes mains, qui sont pleines de confitures. |
— Allons, bon ! voilà une nouvelle idée… aller se débarbouiller dans cette cuvette… lui qui, à la maison, ne se lave jamais. |
— Charles, je veux que tu profites des vacances pour apprendre la musique ; quel instrument veux-tu ? le flageolet ? — Oh ! non, pas le flageolet… ça me rappellerait trop les haricots du collège ! |
— Quelle fatalité, d’avoir ce drôle-là en vacances ! il a fait tant de train dans la maison, qu’il a attiré sur moi l’attention du propriétaire, qui avait oublié, jusqu’ici, d’augmenter mon loyer ! |
— Méchant polisson ! veux-tu bien ne pas faire enrager ta petite sœur ! — Maman, laisse-moi, je n’ai plus que jusqu’au premier lundi d’octobre. |
— Tu ne veux pas rentrer en classe ! tu ne veux donc rien savoir ? — Maman, je ne suis pas curieux. |
— Françoise, donne-nous pour dîner de la choucroute et beaucoup de gâteau de plomb, je t’en supplie… — Mais, mon enfant, ça vous fait mal : la dernière fois que vous en avez mangé, vous avez été quinze jours dans votre lit ! — Justement, imagine-toi que c’est lundi la rentrée des classes. |
— Est-il heureux, celui-là… il ne rentre pas au collège, lui !… Papa, j’ten prie, laisse-moi être domestique aussi ! |
Ne voulant pas rentrer en classe et cherchant à se donner une fluxion par un moyen aussi factice qu’ingénieux. | — Oh ! monsieur, je vous en prie, papa et maman veulent me renvoyer demain à ma pension ; je vous en supplie. fourrez-moi en prison. |
— Tu n’as rien à me dire avant de rentrer à ton collège ? — Si fait, papa. Pendant que nous étions à la campagne, j’ai oublié de te faire voir un endroit où il y a beaucoup de lapins ; si tu veux me ramener, je te le ferai voir, toi qui aimes tant la chasse ! |
LA RENTRÉE EN PENSION.
— Papa! papa! je veux retourner à la maison… le petit Chopinel vient de m’assurer que le choléra était dans la pension. |
Le jour fatal ! | Un retardataire. |
L’institution Piédeloup remettant ses élèves au régime des racines grecques et des haricots français. | LE LENDEMAIN DE LA RENTRÉE DES VACANCES.
— Cristi ! comme c’est loin maintenant, les fêtes de Pâques ! |