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Chansons à dire/Le Bonheur et l’Amour

La bibliothèque libre.
Chansons à direTresse et Stock, éditeurs (p. 248-249).


LE BONHEUR ET L’AMOUR


À la porte de Marguerite,
Un matin, on frappe tout bas :
« Ouvrez bien vite.
— Nommez-vous, ou je n’ouvre pas.

— Qui je suis, belle Marguerite ?
Vous ne comptiez pas sur l’honneur
De ma visite,
Car on me nomme le bonheur.

— Le bonheur ? » dit la jeune fille ;
« Me voici : souffrez seulement
Que je m’habille.
Je suis à vous dans un moment.

— Mon enfant, ouvrez-moi la porte :
La toilette ne sert de rien ;
Et puis, qu’importe ?
Je suis aveugle, on le sait bien.

— C’est vrai, mais ma honte est extrême,
Car, je ne sais par quel souci,
Devant moi-même
Je n’oserais paraître ainsi.


Donnez-moi la moitié d’une heure,
Et je serai prête à mon gré.
— Soit, je demeure, »
Répond l’étranger ; « j’attendrai.

— Vous, attendre ? » dit Marguerite :
« Je voudrais bien vous croire ; mais
C’est chose écrite,
Que le Bonheur n’attend jamais.

Ses discours ne sont pas les vôtres ;
Monseigneur, vous vous trahissez,
Cherchez-en d’autres :
Passez votre chemin, passez.

À ce trait j’ai pu vous connaître,
Et, si je m’en fie à mon cœur,
Vous devez être
L’Amour, et non pas le Bonheur. »