Lorsque le champagne
Fait en s’échappant
Pan, pan,
Ce doux bruit me gagne
L’âme et le tympan.
Le mâcon m’invite,
Le beaune m’agite,
Le bordeaux m’excite,
Le pomard me séduit ;
J’aime le tonnerre,
J’aime le madère ;
Mais par caractère,
Moi qui suis pour le bruit…
Lorsque le champagne, etc.
Quand, aidé du pouce,
Le liège que pousse
L’écumante mousse,
Saute et chasse l’ennui,
Vite je présente
Ma coupe brûlante,
Et gaîment je chante
En sautant avec lui :
Lorsque le champagne, etc
Qu’Horace en goguette,
Courant la guinguette,
Verse à sa grisette
Le falerne si doux ;
S’il eût, le cher homme,
Connu Paris comme
Il connaissait Rome,
Il eût dit avec nous :
Lorsque le champagne, etc
Maîtresse jolie
Perd de sa folie,
Se fane et s’oublie,
Victime des hivers.
Mais ma Champenoise,
Grise comme ardoise,
En est plus grivoise,
Et me dicte ces vers :
Lorsque le champagne, etc
De ce véhicule
Où roule et circule
Maint et maint globule,
Si le feu me séduit,
C’est que de ma tête,
Qu’aucun frein n’arrête,
L’image parfaite
Toujours s’y reproduit.
Lorsque le champagne, etc
Quand de la folie
La vive saillie
S’arrête affaiblie,
Vers la fin du banquet,
Qui vient du délire
Remonter la lyre ?
Du jus qui m’inspire
C’est le divin bouquet.
Lorsque le champagne, etc
Pour calmer la peine,
Adoucir la gêne,
Éteindre la haine
Et dissiper l’effroi.
Que faut-il donc faire ?
Sabler à plein verre
Ce jus tutélaire,
Et chanter avec moi :
Lorsque le Champagne
Fait en s’échappant
Pan, pan,
Ce doux bruit me gagne
L’âme et le tympan.