Chansons choisies de Désaugiers/Ma philosophie

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MA PHILOSOPHIE

CHANSON MORALE.


Voir autre air, avec accompagnement au piano, de « Ma philosophie » dans Échos de France, tome III.


Pour jamais l’an vient de s’écouler,
    Amis, c’est un mal sans remède,
Et bien loin de nous en désoler,
    Ne songeons qu’à l’an qui succède ;

    Oui, livrons-nous, pour rajeunir,
    Aux transports d’une gaîté folle ;
Et ne pouvant fixer le temps qui vole,
    Tâchons de fixer le plaisir.

Si l’objet dont nous sommes épris
    Devait toujours rester le même,
À nos yeux il perdrait de son prix.
    Tout vieillit, c’est la loi suprême :
    Et lorsque l’an, vers son déclin,
    Loin de moi fuit à tire-d’aile,
Je vois bien moins ce qu’il ôte à ma belle
    Que ce qu’il ajoute à mon vin.

Moquons-nous de la fuite du temps,
    Et n’en regrettons que la perte ;
Que toujours de vingt mets différents
    Notre table reste couverte…
    Et chantons à tous nos repas :
    « L’appétit naît de la folie ;
Or, les seuls jours perdus dans cette vie
    Sont les jours où l’on ne rit pas. »

Aimons bien, buvons bien, mangeons bien,
    Jusqu’à la fin de notre route ;
Et surtout, amis, ne gardons rien
    Pour un lendemain dont on doute.
    Alors l’avare nautonier,
    Aux enfers prêt à nous descendre,
Prévoyant bien qu’il n’aurait rien à prendre,
    Finira par nous oublier.


Cette chanson parut en 1807.