Chansons de Béranger publiées en 1847/L’Orphéon

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L’ORPHÉON


LETTRE À B. WILHEM, AUTEUR DE LA NOUVELLE MÉTHODE DE L’ENSEIGNEMENT MUSICAL APRÈS LA DERNIÈRE SÉANCE DE L’ORPHÉON DE 1841


Mon vieil ami, ta gloire est grande
Grâce à tes merveilleux efforts,
Des travailleurs la voix s’amende
Et se plie aux savants accords.
D’une fée as-tu la baguette,
Pour rendre ainsi l’art familier ?
Il purifiera la guinguette ;
Il sanctifiera l’atelier.


Wilhem, toi de qui la jeunesse
Rêva Grétry, Gluck et Mozart,
Courage ! à la foule en détresse
Ouvre tous les trésors de l’art.
Communiquer à des sens vides
Les plus nobles émotions,
C’est faire en des grabats humides
Du soleil entrer les rayons.

La musique, source féconde,
Épandant ses flots jusqu’en bas,
Nous verrons ivres de son onde
Artisans, laboureurs, soldats.
Ce concert, puisses-tu l’étendre
À tout un monde divisé !
Les cœurs sont bien près de s’entendre
Quand les voix ont fraternisé.

Notre littérature est folle :
Fais-la rougir par tes travaux.
De meurtres elle tient école
Et pousse à des Werther nouveaux.
On l’entend, d’excès assouvie,
En vers, en prose, s’essouffler
À décourager de la vie
Ceux qu’elle en devrait consoler.

Des classes qu’à peine on éclaire
Relevant les mœurs et les goûts,
Par toi, devenu populaire,
L’art va leur faire un ciel plus doux.
Les notes, sylphides puissantes,
Rendront moins lourd soc et marteau,
Et feront des mains menaçantes
Tomber l’homicide couteau.

Quand tu pouvais sur notre scène
Tenter un plus brillant laurier,
Tu choisis d’alléger la chaîne
Du pauvre enfant de l’ouvrier.
À tes leçons, large semence,
La foule accourt et tu les vois,
Captivant jusqu’à la démence,[1]
Vers le ciel diriger sa voix.

D’une œuvre et si longue et si rude
Auras-tu le prix mérité ?
Va, ne crains pas l’ingratitude,
Et ris-toi de la pauvreté.
Sur ta tombe, tu peux m’en croire,
Ceux dont tu charmes les douleurs
Offriront un jour à ta gloire
Des chants, des larmes et des fleurs.[2]



  1. Les docteurs Trélat et Leuret ont fait l’emploi le plus heureux, à la Salpêtrière et à Bicêtre, de la méthode Wilhem. Les pauvres aliénés des deux sexes en ont retiré une distraction puissante, et ont pu chanter à l’église des morceaux de musique qui offraient d’assez grandes difficultés d’exécution.
  2. Peu de mois après avoir adressé ces couplets à son vieil ami, l’auteur avait la douleur de voir s’accomplir la prédiction qui les termine. Wilhem mourut à soixante ans, pauvre, à bout de forces, mais rêvant toujours à l’extension de sa méthode, fruit de vingt-deux ans de travaux ; les autorités municipales et départementales, les maîtres qu’il avait formés, et la foule de ses élèves de tout âge, accompagnaient sa dépouille au cimetière, où lui furent rendus les honneurs qu’il avait le plus enviés.



Air noté dans Musique des chansons de Béranger :


L’ORPHÉON.

Air de Laurent de Rillé.
No 318.



\relative c'' {
  \time 4/4
  \key ees \major
  \tempo "Allegro moderato."
  \autoBeamOff
  \set Score.tempoHideNote = ##t
    \tempo 4 = 110
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
\partial 2 r8. bes16 c8. d16 | ees4 ees2 d8. bes16 
c2 bes4 r | bes4^> bes8 bes bes8. bes16 bes8. bes16 
bes2~ bes8 r16 bes c8. d16 | ees2~ ees8. d16 ees8. f16 
g2 g4 g8. f16 | bes,4 ees~ ees8. d16 d8. ees16 
ees2 r4 d8. ees16 | f4. f8 g4 f8. d16 
f8[ (r16 e)] ees8 r r c c d | ees4 g2 f8. c16 
d2 r4 d8. ees16 | f8. d16 f4 (g) f8. d16 
f8.^\> [ (e16)] ees4 r c8^> ees^> | d8.^> f16^> bes,4^> r c8. f,16 | bes4. \bar "||"
}
\addlyrics {
Mon vieil a -- mi, ta gloire est gran -- "de ;"
Grâce à tes mer -- veil -- leux ef -- forts,
Des tra -- vail -- leurs la voix s’a -- men -- de
Et se plie aux sa -- vants ac -- cords.
D’u -- ne fée as- tu la ba -- guet -- te,
Pour rendre ain -- si l’art fa -- mi -- "lier ?"
Il pu -- ri -- fie -- ra la guin -- guet -- te,
Il sanc -- ti -- fie -- ra l’a -- te -- lier.
}

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