Chansons de Béranger publiées en 1847/Les Échos

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LES ÉCHOS



On pèche au ciel, et c’est un fait notoire
Que les échos sont tous des esprits purs,
Pour leurs péchés tombés en purgatoire,
Dans nos vallons, dans nos bois, dans nos murs ;
Tant qu’ici-bas dure leur pénitence,
Tout cri, tout mot, est répété par eux.
C’est leur supplice ; il est cruel en France.
        Les échos sont trop malheureux.

Plusieurs d’entre eux, délivrés de nos fanges,
Pauvres forçats par d’autres remplacés,
Rentrés au ciel, à leurs frères les anges
Parlaient ainsi de leurs tourments passés :
Dans ses salons, ses cafés, ses écoles,
Pour nous Paris est surtout bien affreux :
À tous les vents il y pleut des paroles.
        Les échos sont trop malheureux.

L’un d’eux ajoute : À l’Institut, mes frères,
J’eus pour prison des murs retentissants.
Doctes concours, spectacles littéraires,
M’enflaient sans fin de mots vides de sens.
Réglant science, art, vers, morale, histoire,
Là, que de nains, au cerveau plat et creux,
Prenaient ma voix pour trompette de gloire !
        Les échos sont trop malheureux.

Moi, dit l’écho du Palais de justice,
J’eus part forcée à d’absurdes arrêts.
Des becs retors et martyr et complice,
Que de clients j’ai ruinés en frais !
Des gens du roi j’allongeais l’éloquence.
Plus d’un haut rang ils étaient désireux,
Plus leur faconde effrayait l’innocence.
        Les échos sont trop malheureux.

Un autre dit : Dans une basilique,
Près de la chaire, hélas ! je fus logé.
Des sermonneurs ferai-je la critique
Et de la foi de messieurs du clergé ?
Tous en bâillant de Dieu chantaient la gloire,
Tous sur l’enfer brodaient pour les peureux ;
Et l’orgue seul au Très-Haut semblait croire.
        Les échos sont trop malheureux.

Palais Bourbon, j’ai subi tes séances !
S’écrie enfin de tous le plus puni :
De la tribune, écueil des consciences,
Un Manuel serait encor banni.
Paix ! disait-on, quand venait me surprendre
Dans cent discours quelque mot généreux ;
Écho, paix donc ! les rois vont nous entendre.
        Les échos sont trop malheureux.

À bas la loi qui de nous, pauvres anges,
Fait les échos d’un peuple de bavards !
Clament en chœur les célestes phalanges :
L’art de parler est le plus sot des arts.
Nos remplaçants, déjà las du martyre,
Se croient en butte aux esprits ténébreux :
Tous ont crié : De l’enfer Dieu nous tire !
        Les échos sont trop malheureux.



Air noté dans Musique des chansons de Béranger :


LES ÉCHOS.

Air du vaudeville de la Servante justifiée (d’A. Piccini).
No 317.



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\addlyrics {
On pèche au ciel, et c’est un fait no -- toi -- re
Que les é -- chos sont tous des es -- prits purs,
Pour leurs pé -- chés tom -- bés en pur -- ga -- toi -- re,
Dans nos val -- lons, dans nos bois, dans nos murs.
Tant qu’i -- ci- bas du -- re leur pé -- ni -- ten -- ce,
Tout cri, tout mot, est par eux ré -- pé -- "té ;"
C’est leur sup -- plice, il est cru -- el en Fran -- "ce ;"
Les é -- chos sont trop mal -- heu -- "reux"
Les é -- chos, les é -- chos sont trop mal -- heu -- reux.
}

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