Chansons en sabots/Grand’maman Fanchon
GRAND’MAMAN FANCHON
C’est une vaillante Bretonne
De près de soixante et sept ans,
Dont le reverdissant Automne
Nargue les Hivers attristants.
Dans le pays on la vénère ;
Mais, moi, je l’adore avec foi :
Si vous connaissiez ma grand’mère,
Vous l’adoreriez comme moi.
Tout comme moi !
Quand je n’étais qu’un petit être,
Frêle bambin grand comme ça,
Dans mon petit berceau de hêtre
C’est grand’maman qui me berça.
Bien souvent, la soirée entière,
Elle chantait pour m’endonnir :
Ce sont les chansons de grand’mère
Qui chantent dans mon souvenir,
Mon souvenir !
Ses bons yeux, couleur de pervenche,
Ont un clair regard si profond
Que lorsque vers eux l’on se penche
On croit voir son cœur… tout au fond.
Jamais un éclair de colère
N’en troubla la sérénité :
Ce sont les bons yeux de grand’mère
Qui m’ont appris la Charité,
La Charité !
À la grand’messe, le Dimanche,
Oh ! qu’elle était jolie encor
Avec sa grande coiffe blanche,
Son justin noir et sa croix d’or !
Elle aimait dire sa prière
À côté de son petit-fieu :
J’ai tant vu prier ma grand’mère
Que, depuis lors, je crois en Dieu,
Je crois en Dieu !
Mais, l’Heure ingrate étant venue,
Un soir d’Avril, je la quittai ;
Depuis, je ne l’ai pas revue…
Oh ! j’irai la voir… cet Été !
Mais, en entrant dans sa chaumière,
Quels remords pour moi, quels sanglots,
Si je ne trouvais plus grand’mère
M’espérant près de son lit-clos,
Son vieux lit-clos !
Mais, son cœur me restant fidèle
Dans la Mort comme au temps jadis,
Je suis bien certain que, près d’elle,
J’aurai ma place au Paradis
Où, l’Éternité tout entière,
Contre son vieux cœur, dans ses bras,
Ma très sainte et douce grand’mère
Pourra bercer son petit-gâs,
Son petit-gâs !