Chansons en sabots/Qué qu’t’as, mon gâs ?
QUÉ QU’ T’AS, MON GÄS ?
— Qué qu’ t’as, mon gâs ? t’as l’air tout chose :
T’es point à flot ?
Toi, qu’as toujours la goule rose,
T’es tout pâlot !
Toi, le plus rude et le plus brave
Des matelots.
Tu pleures la nuit, — c’est donc grave ? —
Dans ton lit clos !
Qué qu’ t’as, mon gâs ?
Dis voir qué qu’ t'as !
Voyons, raconte à ton grand-père :
T’as ben confiance en lui, j’espère !
Quéqu’t'as, mon gâs ?
Dis voir, quéqu’t'as !
Quéqu’t'as, mon gâs ?
— Mon secret, tu veux le connaître :
Espère un brin !
Pour la première fois, peut-être,
J’ons du chagrin !
Tu sais, Jeanne, la fille aînée
Au vieux Robin :
Depuis déjà plus d’une année
Je l’aimions ben !
C’est tout c’que t as ?
T’es amoureux, la belle affaire !
Viens t’en trouver Jeanne et son père !
Et lon lon la !
Tu l’épouseras :
T’es un biau gâs !
— Que nenni ! la chose est point faite :
Ignorez-vous
Que les parents à la Jeannette
Sont des grigous ?
Tandis qu’ils ont chez leur notaire
Des tas d’argent.
Je suis le plus gueux de la terre :
Un vrai Saint-Jean !
T’as tes deux bras ;
T’as cœur vaillant et corps valide ;
T’as, de plus, un batiau solide :
Tu trimeras !
On n’en meurt pas,
Mon pauv’ ’tit gâs !
— Un batiau ? Le Robin s’en fiche :
Pour lui, c’est rien !
Il veut un gendre qui soit riche…
Et soit… terrien ;
Comme il a moulin, champs et ferme,
Bœufs et chevaux.
Lui faut un gendre l’aidant ferme
Dans ses travaux !
Parle plus bas,
Car tu ferais pleurer ton père
S’il t’entendait de sous la terres
Ah ! nom de d’là !
Si tu fais ça…
T’es plus not’ gâs !!!
— Allons, grand-père, sois tranquille,
Va, j’oublierai !
Mon cœur geint d’amour, l’imbécile !
Non de regret…
Mais j’ons encor l’humeur jalouse
Quand j’aperçois
La coiffe à Jeanne auprès la blouse
Du grand François !…
La Mer est là !
Il faut l’aimer… et n’aimer qu’Elle
À ses galants elle est fidèle :
Ell’ t’ consol’ra !
Tiens… tope là :
T’es un vrai gâs !!!